VIE

I Ancien Testament.

1.

LA VIE.

Elle se manifeste tout d'abord par le mouvement; aussi l'adjectif
«vivant» s'applique-t-il d'abord dans la Bible aux hommes et aux
animaux qui se meuvent volontairement, et même à l'eau (Ge
26:19,Le 14:5 et suivant) ou à l'arbre (Job 14:7,Esa 11:1).
Mais le signe extérieur de la vie animée devient bientôt la
respiration, le «souffle»: (Ge 6:17 7:15,22) perdre le souffle,
c'est mourir (Job 17:1). Ce souffle vient de Dieu (Jer
38:16). Sa vie est la source de toute vie (Ps 36:10). Il
s'appelle le Dieu de la vie, le Vivant (Ps 42:3,Jer 10:10,Jos
3:10). Dans les déclarations solennelles que lui prêtent les auteurs
sacrés, Il jure par sa vie: «Je suis vivant!» (No 14:,28,De
32:10,Jer 46:18); les hommes utilisent la même formule pour leurs
propres serments: «L'Éternel est vivant!» (Ru 3:13,1Sa
14:39-45). Le «souffle» qui est la vie de l'homme est le «souffle de
l'Éternel», le «souffle de sa bouche» (Ge 2:7); tout, dans
l'univers, a été fait par le souffle de l'Éternel (Ps 33:6).
Cette expression désigne ainsi la volonté divine (Ps 33:9) et
même l'esprit divin (Job 32:8).

Pour l'Israélite, le siège de la vie c'est le sang;
(Ge 9:4,Le 17:14,De 12:23) l'âme et la vie s'identifient dans le
sang (voir ce mot). Celui-ci porte en soi quelque chose de divin; il
a un caractère sacré; le manger est une profanation (1Sa 14:33);
la Loi en interdit l'usage (Le 3:17 7:26); le sang appartient à
Dieu: toute immolation devient un sacrifice, même celles que cause la
guerre. Le sang possède un pouvoir purificateur (voir le récit de la
consécration d'Aaron et de ses fils: Le 8:23 et suivant).

Cette vie que Dieu a communiquée par la création à l'homme, aux
animaux, à la nature même, il la conserve et la perpétue. Il veille
sur la vie par sa Providence, il est le soutien de la vie (Ps
36:7,Ps 145). Cette vie doit donc être respectée et
conservée (Ex 20:13,Le 24:21), chez l'Israélite d'abord, chez
l'étranger, et même--cela ne fut compris qu'après une lente
évolution--chez l'ennemi (Jon 4:11).

La vie, don de Dieu, est le seul bien véritable qu'il faut savoir
conserver, l'instinct en révèle la valeur: à la question que pose le
psalmiste dans Ps 34:13 il n'y a pas de réponse, tellement est
inné en l'homme l'amour de la vie. Si certains passages (Job
7:15,Ec 4:2) affirment que la mort est préférable à la vie, il ne
faut voir là qu'une figure de langage, exprimant la détresse morale
de l'homme qui souffre. L'existence est bonne, elle est le souverain
bien, il faut l'aimer et savoir l'employer: la vie est brève, la mort
vient dans laquelle on est séparé de Dieu (Ps 104:29 et
suivant
); mort, l'homme n'est plus rien, il ne peut louer
Dieu (Esa 38:19,Ps 115:17,Ec 9:5). L'existence doit être
consacrée à glorifier Dieu et à le servir: le don qu'il nous a fait
de la vie nous impose des devoirs à son égard; celui qui s'éloigne de
Dieu périt (Ps 73:27); s'approcher de Dieu c'est vivre; Dieu est
le bien suprême (Ps 16:2 73:28). La conception de la valeur
divine de la vie matérielle entraîne ainsi l'idée de la valeur morale
de l'existence; la vie s'identifie avec le bien moral: vivre et bien
vivre deviennent deux expressions synonymes. Le Deutéronome (De
30:15) propose au choix de l'homme la vie et le bien, ou le mal et
la mort; il faut choisir le bien afin de vivre; la pratique du mal
conduit à la mort. Voir Bien.

2.

LA VIE ETERNELLE.

Cette expression, absente de l'A.T., ne se trouve que dans le livre
le plus récent (Da 12:2), qui sert de transition entre l'A.T, et
les Apocryphes. Le «séjour des morts» (voir Cheol) dont parle l'A.T,
est un lieu désolé; on y est loin de Dieu (Esa 38:18,Ps 88:6);
on ne se souvient même plus de Lui (Ps 6:6); on n'y parle ni de
sa bonté, ni de sa fidélité, ni de sa justice (Ps 88:12 et
suivant
); les morts ne savent rien; il n'y a ni oeuvre, ni pensée, ni
science, ni sagesse dans le séjour des morts (Ec 9:5,10). Ce qui
subsiste des disparus, c'est ce qui demeure dans le souvenir de leurs
descendants ou de leurs proches: (Ps 31:13,Job 19:14) ombres
pâles que guette l'oubli; ils n'ont même de place dans le royaume des
ombres que s'ils ont eu une sépulture et que si quelqu'un des vivants
les honore encore (Ec 8:10). Mais les morts ne peuvent espérer une
résurrection (Esa 26:14); ils ne se relèveront plus (Job
14:12).

Cette conception désenchantée est pourtant minée à chaque instant
dans l'A.T, lui-même par l'instinctif besoin que l'homme porte en lui
d'une justice qui répare les injustices de la terre et d'une vie qui
le fasse échapper aux ténèbres du séjour des morts. A chaque page de
l'A.T, on trouve un soupir, une prière par où se manifeste
l'espérance d'une résurrection ou l'attente d'un miracle qui pour
toujours unira les vivants à Dieu (1Sa 2:6,Ps 16:10 30:4 49:16
86:13,Pr 15:11 23:14,Esa 26:19,Os 13:14). Dans ces textes, tantôt
l'homme réclame une longue vie dans laquelle il s'appliquera à
pratiquer la justice (Ps 15:2,Mic 6:8), tantôt il semble
pressentir l'existence d'un «Sentier de la vie» qui mène à
l'immortalité (Ps 16:11).

Il est vrai que plusieurs de ces passages doivent être
interprétés en tenant compte du sentiment très profondément ancré
dans le coeur d'Israël que les promesses de Dieu sont laites à la
race, au peuple élu: périssent les individus pour que le peuple vive!
Si, dans les Psaumes, on trouve sans doute des préoccupations
indvidualistes: «sauve-moi», «aie pitié de moi», il n'en reste pas
moins que la préoccupation dominante est le salut, la gloire du
peuple (Ex 33:13,De 9:29,Ps 28:9 74:2,Esa 40:1 51:16 64:8,Joe
2:17,Os 2:3,Mic 6:3). L'individu n'a droit à la bénédiction de
Dieu que dans la mesure où il représente le peuple élu (Ps
106:4). Si juste que soit cette interprétation de beaucoup des
textes que nous avons cités, il en est un qui y échappe et qui
traduit incontestablement l'aspiration d'Israël à la vie éternelle,
c'est le passage Ps 73:23-28. Peu à peu nous voyons naître en
Israël la conception qu'épanouira le christianisme: Dieu est maître
non seulement de la terre qu'il a créée et du ciel qu'il habite, mais
encore du séjour des morts (Ps 139:8) qu'il destine aux impies
et aux méchants; les justes trouveront en Lui la vie (Ps 73:27
et suivant).

II Les livres apocryphes.

Nous trouvons dans ces livres le développement des idées morales et
religieuses de l'A.T, avec des emprunts à la philosophie grecque.
Dieu est l'auteur de la vie, mais non de la mort (Sag 1:13). Il a
créé l'homme pour l'immortalité. (Sag 2:23, 2Ma 7:9) Les
justes vivent éternellement (Sag 5:15), tandis que les méchants sont
traduits en jugement pour être détruits (Sag 4:19). L'âme a été
prêtée à l'homme et lui sera redemandée (Sag 15:8,16, cf. Lu
12:20). L'espérance de la résurrection apparaît nettement dans
2Ma 7: fidèles à leur foi, les sept frères et leur mère
acceptent le supplice en vue de la résurrection que leur assure
l'obéissance à la Loi divine.

III Nouveau Testament.

Nos traductions rendent par le mot «vie» trois termes de la langue
grecque:

zôé désigne la vie qui est en l'homme,
active, consciente, morale et spirituelle, et s'applique spécialement
à l'idée de vie éternelle;

psukhé a le double sens de vie et
d'âme (Mt 16:25), en sorte que les deux notions se confondent et
se recouvrent comme en certains passages de l'A.T.;

bios, le plus souvent, se traduirait mieux
par «existence», pour désigner la vie terrestre, matérielle, actuelle.

1.

ENSEIGNEMENT DE JESUS.

Au sujet de la valeur de la vie et de son emploi, Jésus développe les
idées de l'A.T. Nulle part il ne gémit sur la brièveté et la vanité
de la vie, aucun écho dans ses paroles des plaintes mélancoliques
d'un Job ou d'un Jérémie. Au contraire, dans toute sa manière d'être,
il affirme que la vie est bonne, il enseigne la joie de vivre, ce
dont ses ennemis lui faisaient même le reproche (Mt 11:19). Il
insiste sur le caractère sacré de la vie et développe dans toutes ses
conséquences le 6 e commandement (Mt 5:21). La valeur de la vie
même dans ses formes les plus humbles: les lis des champs (Mt
6:28), les passereaux (Mt 10:29,Lu 12:6), est, dans son
enseignement, en rapport étroit avec la doctrine de la Providence:
Dieu veille sur la vie qu'il a créée et sa Providence domine les lois
du monde. Si Dieu pourvoit ainsi aux besoins de l'existence, l'homme
ne doit pas s'abandonner aux soucis; Jésus insiste sur le caractère
de simplicité que doit avoir l'existence, il recommande le
détachement à l'égard des biens matériels (Mt 6:9,Lu 12:15); il
prêche le sacrifice, le renoncement: les pauvres sont plus près que
les riches du Royaume des cieux parce que le détachement des biens
matériels est plus facile pour eux. Mais le renoncement aux richesses
n'est rien sans le renoncement à soi-même (Lu 14:26,33); c'est
cette pensée qui inspire la parole profonde et paradoxale par
laquelle Jésus a plus d'une fois résumé son enseignement sur ce
point: «Celui qui voudra sauver sa vie la perdra et celui qui perdra
sa vie à cause de moi la sauvera», parole qui se retrouve non
seulement dans les Synopt (Mr 8:35,Lu 9:24). mais aussi dans
Jean (Jn 12:25). Le renoncement aux biens matériels, la
réalisation de l'idéal de Jésus dans la conduite de la vie, la
simplicité et la pauvreté s'imposent comme une règle aux premiers
chrétiens, qui s'y soumettent d'autant plus facilement que la
perspective de la fin du monde leur rend plus présentes les réalités
du Royaume de Dieu. Pour Jésus comme pour l'A.T., l'occupation
essentielle de l'existence doit être la recherche de ce
Royaume (Mt 6:33) et l'obéissance à Dieu pour la pratique du
bien (Jn 5:29). Dans l'enseignement de Jésus, d'ailleurs,
l'existence terrestre n'est que le prélude de la vie éternelle pour
ceux qui sont à Dieu.

2.

LA VIE ETERNELLE.

Quand Jésus parle d' «hériter» ou d' «avoir» ou de «recevoir» la vie
éternelle, ou d'entrer dans la vie (Mr 10:17 12:18,27), il
reprend des expressions familières aux docteurs juifs, chez qui la
question de la vie éternelle était très discutée (Lu 20:37).
Jésus affirme la vie éternelle par son idée si riche du Royaume de
Dieu (voir art.). Cette dernière expression (sauf un passage dans
Jn 3:3,5) est spéciale aux Synoptiques, de même (sans exception)
que l'expression parallèle dans Matthieu «Royaume des cieux»; mais
l'expression johannique «vie éternelle», ou «vie», répond à la même
idée. Dans ces expressions, la pensée de Jésus vise tout à la fois le
présent et l'avenir; la vie éternelle consiste, sur la terre déjà, à
vivre et à agir en Dieu (Jn 3:21); la définition qu'en donne
Jn 17:3 (et qui correspond à Sag 15:3) montre qu'elle consiste
essentiellement à connaître Dieu: on connaît Dieu en pratiquant sa
loi et en faisant sa volonté, celui qui vit selon Dieu possède dès
cette terre la vie éternelle (Jn 3:36 5:24 6:47) comme une
réalité actuelle. Certains passages des Synopt, cependant (Mr
10:30,Mt 25:46) paraissent établir une séparation entre la vie
présente et la vie à venir, en réalité, dans le premier de ces
passages, Jésus veut affirmer que la bénédiction de Dieu se manifeste
aussi bien par le don de biens matériels que par la promesse de la
vie éternelle; dans le second, il présente la vie éternelle comme la
suite normale de la vie du fidèle, le fruit de son obéissance.

Cette vie éternelle que Dieu veut communiquer aux hommes est en
Jésus-Christ. Dans l'Évangile il apparaît comme la source de la vie
éternelle: «en elle était la vie», dit Jn 14 à propos de la
Parole qui s'incarne en Jésus, et tous les récits des évangiles le
présentent comme celui qui donne la vie. Dans Jn 14:6, il se
présente lui-même comme étant la Vie, et sa résurrection est la
solennelle affirmation que la vie divine triomphe de la mort (Ac
2:24). L'enseignement biblique sur la vie éternelle ne correspond en
rien à la doctrine philosophique de l'immortalité de l'âme.

St Paul, dans ses épîtres, parle de la vie éternelle à peu près
comme le 4 e évangile. Il présente le Christ comme la source de la
vie: c'est par Christ seul qu'elle nous est communiquée (Ro 5:17
6:23). c'est cette communication de sa vie qui établit entre lui et
le fidèle une union indissoluble (Ga 2:20 Phil 1:21,Col 3:3
et suivant). Jésus est même présenté comme l'auteur ou l'introducteur
de la vie en tout être terrestre (Col 1:16 et suivant, cf. Jn
13,Ac 17:28). Comme Jean, Paul emploie le mot «vie» seul, dans le
sens de «vie éternelle» (Ro 5:17,2Co 5:4,Php 2:16). Cette vie
est conférée au chrétien par le Saint-Esprit, qui est en lui une
puissance de développement et d'enrichissement de la vie (Eph
3:17) qui s'épanouit dans l'éternité.

Dans l'Apocalypse, il faut relever certaines images: la couronne
de vie, le livre de vie, la source de vie, l'arbre de la vie, l'eau
de la vie (voir art. à ces divers mots), qui toutes présentent la vie
éternelle comme un don de Dieu. Noter aussi les images par lesquelles
l'auteur de l'Apocalypse s'essaye à décrire l'anéantissement de la
mort qui doit être absorbée par la vie. Une question pourtant reste
en suspens dans ce livre comme dans le reste du N.T.: le sort final
des méchants; faut-il considérer, d'après Ap 20:15, qu'ils sont
condamnés à l'anéantissement, ou au contraire, d'après Mt 25:46
par exemple, qu'il existe des peines éternelles? Voir Eschatologie.
R. R.