ASTARTÉ

L'une des divinités les plus fameuses et les plus vénérées de
l'antique Orient sémitique.

1.
Elle fut adorée avec des variantes plus ou moins
sensibles par un grand nombre de peuples: chez les Assyro-Babyloniens Ishtar,
les Syriens Athar, les Phéniciens Astareth ou Ashtart,
les Cananéens, les Abyssins A star, et les Égyptiens
qui, d'après Maspéro, possédaient une version particulière de sa
légende. Certains indices permettent de supposer qu'elle fut
également connue des tribus nomades ou semi-nomades de l'Arabie,
notamment de l'Arabie du N. Les Hébreux, modifiant légèrement son
appellation phénicienne, l'avaient nommée hochet =honte, souvent utilisée par
eux pour qualifier les Baals. L'équivalent grec d'Astoreth était
Astarté, que l'on a conservé en français.

2.
Il a été jusqu'ici impossible de déterminer la
signification du nom d'Astarté, ainsi que le lien qui le pouvait unir
au culte dont elle était l'objet. Ce culte remonte très probablement
aux temps reculés du sémitisme, sans que l'on puisse, toutefois,
préciser l'époque et le lieu exacts de son apparition. Les documents
historiques (littérature, inscr. cunéiformes, etc.) découverts et
consultés par les savants autorisent à fixer en Assyro-Babylonie ses
manifestations les plus anciennement discernables. Il semble qu'en
quelques coins de la Caldée, Ishtar se serait, au moment de la
pénétration des Sémites, progressivement substituée à une divinité
autochtone: Nânâ, pourvue d'attributs identiques aux siens.
Astarté--c'est d'ailleurs le trait le plus général de sa
dévotion--fut primitivement adorée comme déesse de la fertilité du
sol et du mystérieux épanouissement de la vie dans la variété des
formes animales et végétales. Divinité de la terre et de la nature,
dont elle régissait les transformations successives et le rythme
saisonnier, c'est d'elle que dépendaient la croissance des moissons
et leur maturité. Aussi le plus beau mois de. l'été, le sixième de
l'année, Élul, mois des récoltes, lui était-il consacré. Par une
extension très explicable de ses prérogatives, elle ne tarda pas à
présider aux destinées de tous les êtres vivants, à devenir comme la
mère du genre humain (fig. 33), la dispensatrice de l'amour
générateur et à être revêtue d'une quasi toute-puissance créatrice et
conservatrice, d'une véritable autorité suprême que, dans certaines
contrées, elle partagea avec Baal (voir ce mot). Elle eut des
sanctuaires célèbres à Ninive et Arbelles. Sur ces données premières
s'en greffèrent d'autres. L'empire d'Astarté s'étendit à tous les
compartiments de l'existence humaine, de la vie individuelle, sociale
et nationale. Et selon les circonstances, les moments et les lieux,
on lui attribua tantôt une influence bienfaisante et féconde, tantôt
une influence néfaste, destructive, vengeresse et mortelle qui
contrastait avec son caractère originel.

3.
C'est sous une forme déjà vulgarisée qu'à la suite,
pense-t-on, de quelque grande migration, le culte d'Astarté fut
importé parmi les peuples syro-méditerranéens, au contact desquels il
se pervertit et dégénéra. C'est alors surtout qu'on divinisa en elle
les passions sexuelles et la volupté. Les autels et le rituel qui lui
furent dédiés donnèrent naissance à des scènes licencieuses et
sanglantes fort dangereuses pour les moeurs populaires. D'où en
Israël la violente réaction des prophètes, dénonçant son idolâtrie
comme «infâme» et «abominable». Astarté jouit d'un immense crédit
auprès des Phéniciens, spécialement à Sidon, de même qu'auprès des
peuplades cananéennes chez lesquelles, sans doute, elle remplaça peu
à peu la déesse Achéra ou Ashirat, compagne féminine des
Baals, adorée depuis des temps lointains par les Sémites occidentaux
et avec laquelle il faut se garder de la confondre. Elle était très
honorée des Philistins, dont elle protégeait probablement les
entreprises guerrières et qui lui édifièrent à Askalon un temple où
fut suspendue l'armure de Saül (1Sa 31:10). En Israël, Salomon,
subissant la contagion du paganisme phénicien, lui éleva un
sanctuaire (1Ro 11:5-33), plus tard détruit par Josias (2Ro
23:18).

4.
Les progrès de l'astrologie et de la magie en Assyrie
et Babylonie modifièrent de leur côté la nature première du culte
d'Astarté, qui de terrestre devint supraterrestre. L'adoration
d'Astarté s'identifia, sous leur influence, avec celle de la planète
Vénus, guide des armées célestes (étoiles) en qui les Caldéens
belliqueux voyaient la déesse des batailles (fig. 32). Astarté fut
alors pourvue des titres de «reine de victoire», «juge des exploits
de la guerre» et représentée «debout sur un lion ou un taureau,
coiffée de la tiare étoilée, armée de l'arc et du carquois»
(Maspéro). Cet aspect céleste d'Astarté alla s'accentuant. Appelée
par les uns «fille de la lune», par les autres «fille du Seigneur du
ciel» ou «fille du soleil», elle prit une prééminence de plus en plus
marquée et fut finalement révérée comme «reine des cieux». Durant la
période de la ruine de Jérusalem et de l'exil, les Hébreux, en
particulier les femmes, lui vouèrent une dévotion vigoureusement
condamnée par Jérémie (Jer 7:18 44:15-26).

5.
Astaroth : pluriel hébreu d 'Astoreth. C'est un
terme générique utilisé en Canaan pour désigner les déesses (Jug
2:13 10:6,1Sa 7:3,4 12:10). On le retrouve dans le nom de quelques
localités du pays de Basan: Astaroth (voir ce mot) ou Béesthra et
Astaroth-Karnaïm (=Astartés cornues). Jean R.