SOULIER

Les chaussures (hébreu naal) des Hébreux étaient généralement les
sandales, simples semelles de cuir, maintenues par de fines courroies
(fig. 236). D'où l'usage d'offrir aux voyageurs qui recevaient
l'hospitalité, le nécessaire pour se laver les pieds, souillés par la
poussière ou par la boue du chemin (Ge 18:4 19:2 24:32 43:24,Ex
30:19,Jug 19:21,1Sa 25:41,2Sa 11:8, cf. Lu 7:44,Jn 13:5,10,1Ti
5:10).

Mais il est certain, d'autre part, que bien des textes nous
montrent les Israélites usant de souliers, c'est-à-dire de chaussures
qui, recouvrant entièrement les pieds, les conservaient purs des
souillures extérieures (Ex 3:5,Jos 5:15,Esa 20:2, cf. Ac
7:33,Jos 9:5,Am 2:6 8:6,Esa 11:15,Eze 16:10,Mt 3:11 =Jn 1:27,Lu
3:16,Ac 13:25,Lu 22:35). Ailleurs, comme dans Esa 5:27 ou
Lu 15:22, le cas est impossible à déterminer. L'obélisque de
Nimroûd, qui représente des Israélites apportant à Salmanasar III le
tribut du roi Jéhu, nous montre la forme des souliers que portaient
les Hébreux (fig. 28): sorte de babouches de cuir assez hautes,
épousant la forme du pied (telles qu'on les voit sur la frise
sumérienne du temple d'Al-Ubaïd), sauf à l'extrémité, qui est relevée
et pointue, à la façon des chaussures hittites. On les retrouve
aujourd'hui chez les Turcs (voir aussi un prisonnier du bas-relief de
la ville Astartu, du temps de Tiglath-Piléser III [745-727]).

La chaussure jouait un rôle dans les moeurs d'Israël, notamment
dans la loi du lévirat (De 25:9), et lorsqu'il s'agissait du
droit de rachat ou de la ratification d'un contrat (Ru 4:7).
Retirer sa chaussure était, dans les cérémonies religieuses, une
marque de respect (Ex 3:5,2Sa 15:30). Les prêtres exerçaient
pieds nus leur sacerdoce dans le sanctuaire (Théodoret, Comment.
Ex:,
7); aucun Israélite ne devait entrer chaussé dans le
Temple (Mischna, Berakoth, 9:5). E. Robinson raconte que les
Samaritains montaient pieds nus sur la montagne sainte du Garizim.
L'usage de se déchausser avant d'entrer dans la maison de Dieu s'est
conservé chez les musulmans. Aussi bien avons-nous affaire ici à un
usage assez répandu dans l'antiquité, chez les prêtres d'Isis ou de
Cybèle. Tertullien rapporte dans son Apologie que les Romains
avaient nommé certaines fêtes religieuses les nudipedalia

--On peut se demander, devant des épisodes comme Lu 7:38 et
Jn 12:3, s'il n'était pas usuel chez les Juifs, comme chez
d'autres peuples de l'antiquité orientale, de ne pas garder ses
chaussures à l'intérieur des habitations.

Au soulier se rapporte un texte de l'A.T, assez difficile à
comprendre. On le traduit généralement: «Je jette mon soulier sur
Édom» (Ps 60:10, cf. Ps 108:10). Cette façon de se démunir
de sa chaussure pour manifester contre un ennemi ne peut guère
trouver d'explication satisfaisante; les LXX et Vulg, l'ont bien
senti, aussi rendent-ils le terme hébreu châlâk, qui signifie
généralement jeter, projeter (voir pourtant Jer 36:30), par
tendre, étendre (LXX: ekténô épi =je tendrai vers; Vulgate:
extendam in, même sens). Lorsqu'en 1913, nous rendant de
Palestine à Damas, nous avions traversé le Djebel Druze alors en
effervescence, les populations hostiles échelonnées le long du train
marquaient leur mécontentement par des signes non équivoques. Le
geste le plus fréquemment répété consistait à lever la jambe en
cadence, dans notre direction, de façon à tendre vers nous la semelle
de la chaussure. En voyant ce manège qu'accompagnaient toutes sortes
de marques de malédiction, je me souvins tout à coup du Ps 60
avec son imprécation contre Édom, et la conviction s'empara de moi
que l'image évoquée par le psalmiste était celle de gens étendant la
jambe dans la direction de l'ennemi, en lui montrant la semelle de
leur soulier, en signe de mépris et de malédiction, «Vers Édom, je
tendrai mon soulier...»

--Voir Pied; Vêtement, IV

Alex. W.