SOPHONIE

Le neuvième des douze «petits prophètes» dans le recueil de l'A.T.,
et chronologiquement le dernier avant ceux de l'époque persane (Agg.,
Zach., Mal.). Son nom (hébreu Tsephaneyâh) signifie: caché,
protégé par Jéhovah. Il est qualifié, dans le titre, de «fils de
Cusi, fils de Guédalia, fils d'Amaria, fils d'Ézéchias». On ne sait
rien de Cusi, apparemment son père, ni de Guédalia et d'Amaria. Quant
à Ézéchias, si c'est le roi qui règne sur Juda de 727 à 698, notre
prophète, son arrière-petit-fils, aurait donc été de souche royale,
parent de Josias, i
de ses fils et des princes auxquels il ne craint pas d'adresser
des reproches sévères (Sop 1:8).

Epoque.

L'indication de Sop 1:1: «au temps de Josias, fils d'Amon, roi
de Juda», placerait l'activité prophétique de Sophonie entre 639 et
608 et ferait de lui un contemporain de Nahum, d'Habacuc et de
Jérémie (Jer 1:6). Comme il parle du retranchement prochain des
restes de Baal, des adorateurs d'astres (sabéisme, en rapport étroit
avec le baalisme) et de ceux qui jurent par Malcom (=Moloch, idole
des Ammonites, cf. 1Ro 11:5,8), on peut en inférer qu'il
prophétisa un peu avant la réforme de Josias, entre la 12 e (628) et
la 18 e année (622) de ce roi. (cf. 2Ch 34:31) L'allusion à une
invasion peut faire penser au passage des Scythes (voir ce mot),
également visé dans Jer 4:6 6:1,22 et déjà mentionné à propos de
Nahum. Sophonie aurait donc prophétisé à la même époque que ce
dernier, vers 626.

Le livre.

On a dit que le style de Sophonie manquait d'originalité. Cela ne
veut pas dire qu'il manque de vigueur, mais que l'on rencontre chez
lui de nombreuses réminiscences d'autres prophètes: par exemple
Sop 1:12 (hommes figés sur leurs lies, c-à-d, indifférents, cf.
Jer 48:11); le chap. 2 fait penser à Esa 34; l'expression
de Sop 2:15 (siffler en signe de dérision) se retrouve dans
Jer 49:17 et Jer 50:13; le jour de la colère, d'où le moine
Thomas de Celano a pris, vers 1250, l'hymne célèbre du Dies iroe,
est emprunté à Soph 1:15 bien que présenté comme «attesté par David
et la Sibylle», et l'on retrouve les mêmes expressions dans Esa
13:8 et suivant, Joe 2:1; les juges qui sont comme des loups
du soir figurent dans Hab 1:8. Tout cela fait partie du langage
courant des prophètes et, chez Sophonie, les images où ces
expressions sont enchâssées sont bien en place.

On a voulu voir dans le livre plusieurs prophéties distinctes:
les chap. 1 et 2 formeraient la première avec des retouches
(notamment la mention de Moab et d'Ammon, introduite après coup).
Quant au chap. 3, il serait postérieur à l'exil. Ce ne sont là que
des conjectures fondées sur le caractère particulier de la prophétie
de Sophonie, jugée trop différente de celle des contemporains: Nahum
est préoccupé de Ninive; Habacuc, des troubles de Juda. Et l'on
estime que Sophonie, avec surtout sa préoccupation du reste
fidèle (Sop 3:12), dépasse le cadre des faits contemporains.
Mais il faut bien reconnaître que cette idée du reste fidèle n'est
pas nouvelle chez notre prophète. On la trouve dans Esa 1:9 10:21
11:16,Mich 5:7, et aussi dans Jer 23:3 31:7 40:11 -(voir
Restes). Il est bien certain que si Sophonie est l'homme de
l'actualité, comme le dit Reuss, il est aussi l'interprète d'une
pensée éternelle. Appuyé sur les promesses faites à la foi, il peut
bien en apercevoir les conséquences; sinon il n'y aurait plus de
prophétie ni d'inspiration.

En réalité, le livre de Sophonie s'agence de la façon suivante:

Titre (Sop 1:1).

Menaces contre Juda et Jérusalem (Sop 1:2-18).

Menaces contre les ennemis de Juda (Philistins,
Moabites, Ammonites, Assyriens; Sop 2-3:8, cf. Am 1:2).

Puis, brusquement (Sop 3:1-8), Jérusalem est
rejetée et mise au même rang que les villes païennes.

Enfin (Sop 3:9,20) promesse de
rétablissement.

Tout cela forme une suite cohérente; toutefois, pour en bien
juger, il ne faut pas songer à un livre composé à la façon des
nôtres, mais à une suite de discours et de véhéments appels en style
oral. Il s'y trouve, par ailleurs, de curieuses précisions: Sop
1:10, la Porte des Poissons (au Nord de Jérusalem, cf. vol. I,
pl. VII; elle existait déjà, et ce qui en est dit Ne 3:3 12:39
ne vise que sa reconstruction); Sop 1:11, l'apostrophe aux
habitants de Mactéch (litt., du Mortier, un quartier de
Jérusalem dans un creux qui rappelle le mortier où les habitants
seront comme piles). On peut signaler aussi, comme particularités: le
terme de goï ou goïm par lequel Sophonie désigne les nations
(terme de mépris; le terme noble est ara); l'expression îles des
nations
pour désigner les peuples au delà des mers (Sop 2:11,
cf. Ge 10:5); les jeux de mots sur les noms de Gaza, Askalon,
Asdod, Ékron (Sop 2:4) qui disparaissent forcément dans nos
traductions (la Bible Annotée les a relevés); le nom de terre des
Philistins
donné à Canaan (Sop 2:5), nom exact, la Philistie
ayant été primitivement comprise dans le partage de la Terre
promise (Ge 10:19,Jos 13:1-7) et le nom de Palestine (voir ce
mot) n'étant que la transcription romaine de Pelichtim. Les Juifs
marocains, par exemple, sont encore appelés par les Arabes et se
nomment eux-mêmes Pelichtim (Palestiniens). Enfin, on trouve dans
Sop 2:9 l'expression classique: «Je suis vivant, dit
l'Éternel». (cf. No 14:28,Eze 20:31 33:11,Ro 14:11)

Idée fondamentale.

L'idée fondamentale du livre est précisément celle que certains
critiques ont regardée comme une addition postérieure à l'exil: c'est
l'idée du Jour de l'Éternel (voir art.). Elle embrasse en réalité
toute la prophétie de Sophonie, qui peut se répartir en trois
tableaux. I er tableau: châtiment de Juda au moyen des ravages
exercés par les païens; 2 e tableau: jugement des Goïm par Dieu;
3 e tableau: apparition d'un nouveau peuple de Dieu issu du reste
laissé pour semence.

En somme, le livre de Sophonie est comme un résumé de toutes les
prophéties hébraïques. La notion d'un Sauveur n'en est même pas
absente (Sop 3:17), bien qu'enveloppée dans une expression qui
rappelle Esa 35:4.

--Voir Prophète. Ch. S.