SILENCE

«Il y a un temps pour se taire et un temps pour parler»;
(Ec 3:7) il y a donc des silences justifiés et des silences
coupables. (cf. Sir 20:5,8)

La Bible nous en montre de fort divers, inspirés par:

le trouble de l'âme (Eze 3:15,Da 10:15,Lu 9:36),
l'irritation contenue (2Ro 18:36,Ps 4:5),
la douleur (Ge 34:5,Le 10:3,Ps 39:3,Am 8:3,Eze 24:17),
le désespoir (Job 13:19),
le tact (Job 13:5,2Ro 2:3,5),
l'attention (Esa 41:1,Ac 21:40),
le respect (Job 29:21, Sir 13:23, 1Co 14:28,30,34,1Ti 2:11),
l'adoration (Hab 2:20,Soph,1:7,Za 2:13),
la foi disciplinée, l'espérance patiente (Ex 14:14,Ps 37:7,La 3:26-28),
l'attente anxieuse (Hab 3:16,Ap 8:1),
la prudence plus ou moins calculée (Pr 11:12, Sir 20:1, Am 5:13);
car il y a aussi le silence:
de la lâcheté (Est 4:14),
de la résistance au repentir (Ps 32:3),
de l'impuissance devant un argument sans réplique (Lu 14:4,Mt 22:34,46,1Pi 2:15),
du pécheur pris en faute (Mt 22:12),
de la honte (Esa 47:5).
Il y a le silence:
de la mort (Ps 94:17 115:17).
de la longanimité divine (Ps 50:21,Esa 42:14,Sop 3:17),
et l'appel éperdu des fidèles à leur Dieu pour qu'il ne se taise point (Ps 109:1).


«La parole est du temps, le silence est de l'éternité. La pensée
ne travaille qu'en silence; la vertu n'agit qu'en secret.» (Carlyle, Sart. Res., 151.)

Et en effet, les silences de Jésus ont joué un grand rôle dans
son oeuvre. Le silence des trente ans de sa préparation, y compris
celui des quarante jours de sa tentation, puis, dans son ministère de
première activité galiléenne, sa recherche de solitude (voir ce mot),
ses sévères consignes de silence sur sa personne, ses miracles et sa
messianité (Mr 1:25,35,44 3:12 5:43 6:46 etc.), évoquent
l'atmosphère spirituelle d'une vocation, d'une sainteté, d'une
communion divine parfaites. (cf. Jn 8:16 16:32)

Malheureusement, lorsque les témoins ne nous ont pas conservé
leurs propres impressions, nous sommes souvent réduits aux
conjectures quant à la signification de scènes où précisément le
Seigneur ne se livrait pas en paroles, mais où son silence
s'éclairait sans doute par son regard, par l'expression de son visage
et de son attitude. Il semble que pour la femme cananéenne (Mt
15:23) son silence ait été celui de la mise à l'épreuve, à moins
que ce ne fût l'hésitation sur l'opportunité de faire alors son
premier miracle au bénéfice de païens.

Devant la femme adultère, sa mystérieuse position courbée, en
écrivant avec le doigt sur la terre (Jn 8:6), est généralement
expliquée par un mouvement délicat de honte pour la pécheresse et
d'indignation pour ses indélicats accusateurs non moins coupables
qu'elle: peut-être cachait-il le rouge qui lui montait au front à
cause d'elle, et à cause d'eux.

Envers ses trois juges, Jésus garde un silence éloquent, provoqué
par la déchéance du grand-prêtre Caïphe, chef suprême de la religion
d'Israël (Mr 14:61,Mt 26:63), par l'indignité d'Hérode
Antipas (Lu 23:9), par le scepticisme de Pilate (Jn 19:9).
Assurément, le Christ a révélé la plus grande partie de son
enseignement par ses paroles; mais sa révélation de lui-même par son
silence pendant sa Passion et le tableau muet de sa mort sur la croix
ont été ses appels suprêmes, pénétrant au plus profond des coeurs et
des esprits. La sensibilité de Pierre les avait ainsi compris (1Pi
2:21,24), l'âme passionnée de Paul les comprendra de même (Ga
3:1,Php 2:8); la foi, l'amour et la piété de tous les âges seront
toujours saisis par la contemplation pure du tragique et céleste
silence de la croix (Jn 3:14-16 12:32). Voir Regard.

Jn L.