SCRIBE

1.

Noms.

Dans le N.T., la désignation courante du Scribe est grammateus,
équivalent grec de l'hébreu sôphér. Primitivement, elle
signifie, d'une manière générale, «secrétaire» (voir ce mot),
ensuite «savant». En outre, nous rencontrons dans le N.T. le terme
plus précis de nomikos-- homme de loi, désignant dans la langue
profane un juriste (Mt 22:35,Lu 7:30 10:25 11:45,52 14:3 et
celui de nomodidaskalos-- docteur de la loi (Lu 5:17,Ac
5:34) qui insiste sur l'enseignement. Chez l'historien Josèphe, les
scribes s'appellent «interprètes des lois des pères» (Ant., XVII,
6:2) ou bien «sophistes» (G.J., I, 33:2 I II, 17:88).

Le titre d'honneur des scribes était celui de «rabbi»
(Mt 23:7 et suivant) ou «rabbo(u)ni» (Mr 10:51 Jean 20:16). Il
signifie «mon maître» et, plus tard, il accompagne le nom de tous les
scribes, sans qu'il soit tenu compte de la signification pronominale
de la terminaison (comme les catholiques emploient aujourd'hui le
titre de Monseigneur). Les auteurs du N.T. le traduisent généralement
par kurié, parfois aussi
par didaskalé, et Luc le rend
par épistata. Le titre de
père (abba, en grec
patèr, Mt
23:9) est plus rare.

2.

Histoire.

La fonction de scribe dut naître au moment où la loi prit une place
prépondérante dans la religion d'Israël, c'est-à-dire pendant la
période postexilique. Avant l'exil, c'était le prêtre qui étudiait la
loi, et il en était ainsi encore du temps d'Esdras. La séparation des
fonctions de scribe et de prêtre ne se fit que peu à peu, et elle fut
achevée seulement lorsqu'à la suite des réactions provoquées par
l'hellénisme (voir Judaïsme, Pharisiens, Sadducéens) les prêtres,
subissant des influences étrangères, abandonnèrent le terrain du
légalisme Dur. C'est ainsi qu'à l'époque de Jésus, les scribes,
docteurs et gardiens de la loi, formaient une classe indépendante:
c'était celle qui avait le plus de crédit auprès du peuple. La
plupart des scribes appartenaient au parti des Pharisiens, dont ils
réalisaient les principes. Pourtant il n'est pas impossible qu'il y
ait eu des scribes aussi parmi les Sadducéens, et l'expression «les
scribes parmi les pharisiens» que nous rencontrons dans le N.T.
(Mr 2:16,Lu 5:30 et Ac 23:9) prouve qu'il ne faut pas
identifier simplement pharisiens et scribes. Ceux-ci représentaient
une classe, ceux-là un parti: les scribes étaient répandus dans toute
la Palestine, jusqu'en 70, avant tout en Judée, mais aussi en
Galilée (Lu 5:17) et dans la Diaspora (voir ce mot). Après la
destruction de l'État juif, les scribes demeurèrent les seuls
représentants officiels de la religion, et leurs centres furent
Jabné, Tibériade et Babylone, où est née l'oeuvre monumentale: le
Talmud.

3.

Les attributions.

La compétence des scribes s'étendait à tout le texte de la loi, qui
contient en même temps les codes de lois proprement dites et
l'histoire des origines du peuple d'Israël. Sous ce rapport, la
haggada, c'est-à-dire le développement narratif des récits
bibliques en vue de leur adaptation aux besoins de l'édification,
ainsi que la halachah, c'est-à-dire le développement casuistique
des lois contenues dans l'Écriture, sont l'oeuvre des scribes. De
même la conservation du texte extérieur de l'A.T., l'élimination des
mots paraissant choquants, la division en versets, et tout ce travail
de critique du texte que l'on désignera plus tard par massora,
travail qui fut surtout l'oeuvre des rabbins postérieurs à l'époque
du N.T., commencèrent sans doute à préoccuper déjà les scribes du
temps de Jésus (voir Texte de l'A.T.).

Mais leurs principales fonctions étaient d'ordre juridique,
et les historiens distinguent avec raison trois côtés différents dans
leur activité de juristes:

(a) Ils avaient à établir la loi au point de vue théorique.
Tous les développements casuistiques des lois de
l'A.T., que les scribes se transmettaient comme «tradition orale»
(voir Pharisiens) et qu'ils enrichissaient sans cesse à la suite de
leurs discussions, la halachah qui aboutira au Talmud, font
partie de ce travail théorique. Grâce à l'autorité dont jouissaient
les scribes, leurs théories reçurent force de loi, et sous ce rapport
les scribes étaient, en fait, des législateurs déjà du temps de
Jésus; après 70, ils le devinrent officiellement.--

(b) Ils avaient à exercer la justice. Il est vrai
qu'avant la catastrophe de 70, ce rôle n'était pas réservé
exclusivement aux scribes et qu'il appartenait plutôt au grand
Sanhédrin (voir Sanhédrin); mais les scribes y jouaient un rôle
important et tout naturellement on commença à les considérer comme
juges, en attendant qu'ils fussent reconnus officiellement comme
tels, après 70.

(c) Ils avaient à enseigner la loi («docteurs de
la loi»). Ils réunissaient autour d'eux des élèves en grand nombre
(Jos., G.J., I, 33:2) dans des bâtiments particuliers, parfois
aussi dans le parvis du temple (Mr 14:49 et parallèle Mt
21:23 et parallèle, Lu 2:46 21:37,Jn 18:20). C'est que
tout Israélite devait connaître la loi. Les élèves s'appelaient
talmidîm ; ils étaient assis par terre «aux pieds» de leur
maître (Ac 22:3) qui, lui, était assis sur un endroit élevé.
L'enseignement consistait, avant tout, en mémorisation; il s'agissait
d'inculquer la loi aux élèves par des questions et des réponses
répétées à l'infini. C'était d'autant plus nécessaire que la loi
était en très grande partie orale. Ainsi «répéter» (schana)
devint synonyme d' «apprendre», et mischna =répétition prit le
sens de «enseignement».

4.

Caractère professionnel.

En principe, la profession de scribe devait être purement
honorifique. Déjà selon Ex 23:8,De 16:19, il était défendu au
juge d'accepter des cadeaux, et la Mischna enseigne que le verdict
d'un juge qui se fait payer n'est pas valable. Voilà pourquoi il
était recommandé aux scribes d'exercer, pour gagner leur vie, encore
un autre métier qui cependant ne devait jamais être considéré comme
plus ou aussi important que l'étude de la loi. Il n'est pas sûr
toutefois que l'interdiction de prendre de l'argent s'étendît aussi à
l'enseignement de la loi: quoi qu'il en soit, la réalité ne paraît
pas avoir correspondu à l'idéal, et c'est ainsi que s'explique la
violente diatribe de Jésus contre l'avarice des scribes et des
pharisiens (Mr 12:40 et parallèle Lu 16:14), qui
«dévoraient les maisons des veuves».. O. C.