SCANDALE

1.

Le grec classique possède le terme, dont l'usage est très rare, de
skandalèthron (Aristophane,
Acharn., 687): «tige servant de
détente à un piège» (Bailly); l'idée étymologique de la racine (cf.
le sanscr. skand =ressaut) est celle du déclic aux funestes
effets. Le substantif skandalon
et le verbe skandalizeïn
comportent la même signification, presque toujours au figuré; ils ne
se trouvent que dans la Bible et les écrits ecclésiastiques: le
premier se compte environ 20 fois dans l'A.T, des LXX et 15 fois dans
le N.T. (y compris les citations de l'A.T.); le second est employé 25
fois environ dans le N.T., jamais dans l'A.T., mais 5 ou 6 fois dans
les fragments qu'en donne la Version d'Aquila. Ils correspondent aux
noms hébreux des pièges (môqéch, mikchôl) ; les seuls passages où il
faut y voir le sens propre sont Jug 5:1, où il s'agit de
chausse-trapes en temps de guerre, et Le 19:14, où il s'agit
d'un obstacle mis sur le chemin d'un aveugle et risquant de le faire
tomber.

2.

D'où l'image de la «pierre d'achoppement», du «rocher de scandale»
(Vers. Syn.: qui fait tomber) empruntée par les apôtres à Esa
8:14 et appliquée par eux à Jésus-Christ, dont l'oeuvre contredit
l'attente messianique des Juifs et leur fut prétexte à le rejeter et
à s'exclure du salut (Ro 9:33,1Pi 2:7); de même sa croix est un
scandale pour les Juifs (1Co 1:23,Ga 5:11), qui y voyaient une
abominable malédiction inacceptable pour leur Messie; de même, en
diverses circonstances où l'attitude du Seigneur heurte les disciples
ou la foule, il leur est «une occasion de chute», litt.: ils sont
scandalisés à son sujet (Mr 6:3,Mt 11:6 26:31,17:27,Jn 6:61).
Dans ces cas, le scandale n'est pas imputable au Christ, mais aux
partis pris de ceux qui veulent un Christ ne les choquant, en rien,
absolument conforme à leurs idées arrêtées. C'est ainsi que
l'affliction peut être aussi «une occasion de chute» pour les
chrétiens mal enracinés (Mr 4:17); et Jésus prévient ses
disciples la veille de sa mort pour leur épargner ce danger (Mr
14:27,Jn 16:1).

3.

Par ailleurs, le fait de scandaliser est le plus souvent une faute,
et des plus graves, consistant à «faire tomber» quelqu'un, à
l'entraîner au mal par tentation, exemple ou piège. Pierre, en
protestant contre l'annonce que Jésus fait de sa Passion, «est en
scandale» à son Maître, qu'il tente comme s'il était Satan en
personne (Mt 16:23). Jésus réserve une de ses plus sévères
condamnations à ceux qui «font tomber dans le péché l'un de ces
petits qui croient en lui» (Mr 9:42,Mt 18:6), à ceux qui, par
là, leur «sont en scandale» (Lu 17:2); il reconnaît que dans un
monde pécheur les «scandales» sont inévitables (plutôt que
«nécessaires», traduction contestable de Mt 18:7; comp. Lu
17:1), mais il voit les pécheurs scandaleux voués au malheur,
condamnés à être exclus du Royaume (Mt 13:41), et il ordonne en
termes imagés volontairement excessifs la suppression des membres
porteurs des tentations qui «scandalisent», c'est-à-dire qui font
broncher ou tomber dans le péché et conduisent à la perdition (Mr
9:43,47 parallèle Mt 5:29 et suivant). L'apôtre Paul, à son
tour, met les chrétiens en garde contre les séducteurs fauteurs de
divisions et de scandales (Ro 16:17). L'Apocalypse dénonce les
docteurs qui mettent devant les croyants une pierre d'achoppement par
les viandes sacrifiées aux idoles et les tentations d'immoralité
(Ap 2:14; pour le scandale et le piège de l'idolâtrie, cf. Sag
14:11). Le problème des viandes fut un des plus difficiles que saint
Paul ait eu à résoudre: entre la thèse pagano-chrétienne de la
liberté totale du chrétien dans les questions d'aliments et la thèse
judéo-chrétienne de l'abstention, il est surtout préoccupé par le
souci de charité, celui de «ne pas être en scandale» à des frères,
sans doute «faibles en la foi» (ce qui ne veut point dire: à la foi
faible, mais: croyants ultra-scrupuleux sur ces minuties), qui n'en
sont pas moins des frères, et «pour lesquels Christ est mort!»
(1Co 8:9-13 10:32,Ro 14:13,15,21. Pour l'apôtre Paul, du reste,
c'est la règle du serviteur de Dieu de ne donner de scandale en
rien (2Co 6:3); et pour l'apôtre Jean, le secret de n'avoir en
soi aucun «scandale» (Vers. Syn.: rien qui fasse broncher), c'est de
demeurer dans la lumière en aimant ses frères (1Jn 2:10).

Jn L.