SAINT, SAINTETE

Le concept «saint», ou «sacré», a été à l'origine religieux et
cultuel avant de revêtir un sens directement moral. Est «saint» tout
ce qui appartient au domaine de la divinité, et qui est par là même
mis à part, séparé de l'ensemble du monde profane. Les objets sacrés,
les êtres sacrés ont quelque chose d'intangible et de redoutable; qui
désire s'en approcher doit remplir certaines conditions, se soumettre
à certaines démarches de purification.

I Sainteté de Dieu.

1.

La sainteté de Dieu exprime d'abord son caractère étrange,
extraterrestre, effrayant; et le lieu où il apparaît est à la fois le
lieu saint (Moïse) et le lieu redoutable (Jacob à Béthel). La
première réaction de la conscience en face de la sainteté divine est
celle de l'effroi devant une Puissance radicalement distincte de
toute puissance sensible. Il s'agit d'une crainte sacrée, d'un effroi
religieux, qui n'est pas une manifestation, parmi d'autres, du
sentiment de la peur, mais qui est un émoi sui generis,
impliquant de la part de l'homme qui l'éprouve un pressentiment de
l'absolu. C'est ce sentiment caractéristique du sacré que R. Otto
étudie avec pénétration, en définissant son objet le mysterium
tremendum et fascinorum.
C'est devant la sainteté de Dieu que
s'émeut Abraham au cours de sa prière répétée pour Sodome: «Voici,
j'ai osé te parler, moi qui ne suis que poudre et cendre!» (Ge
18:27). C'est elle qui apparaît dans le récit d' Ex 3, où Moïse
est partagé entre l'attrait et la peur...: «Je vais m'approcher pour
voir quelle est cette grande vision...N'approche pas, ôte tes
souliers de tes pieds, car la terre sur laquelle tu te tiens est une
terre sainte...»

En effet, le contact avec le sacré, tout effrayant qu'il soit à
l'origine, est, par ailleurs, l'objet du désir religieux; le sacré
est capable de conférer force et vie.

2.

Tous LIEUX, CHOSES ET ETRES qui seront mis en relation directe avec
Yahvé, avec ses révélations, avec son culte, vont participer de son
caractère saint, comme si la sainteté se communiquait à la manière
d'un fluide mystérieux. Consacrer ou sanctifier un objet, c'est le
destiner à Dieu (Jug 17:3). Les vêtements d'Aaron sont
sacrés (Ex 28:2), comme l'est le tabernacle (Ex 25:8). Le
peuple doit être purifié afin d'être préparé au service de Dieu. Il
se sanctifie en lavant ses vêtements (Ex 19:10); David
s'abstient de rapports sexuels, ce qui lui permet de sanctifier
l'acte profane qu'il commet en prenant pour apaiser sa faim des pains
consacrés (1Sa 21). Les cieux sont saints, comme la demeure même
de Dieu (De 26:15), mais tout lieu de la terre où l'Éternel
s'est manifesté devient sacré (Ex 3:5) et par là même
redoutable: «Que le peuple se garde de monter sur la montagne du
Sinaï ou d'en toucher le bord» (Ex 19:12).

Tout ce qui est sacré est la propriété réservée de Dieu (Le 22:2).
Et il y a un rapport certain entre l'idée du sacré et celle
de l'interdit (voir ce mot) qui en est comme le correspondant
négatif: «Tout ce qui sera dévoué par interdit sera entièrement
consacré à l'Éternel» (Le 27:28). Dès l'époque mosaïque, une
importance particulière est accordée à la personne sacrée, qualifiée
pour offrir le sacrifice, et plus primitivement encore peut-être pour
prononcer les oracles, recevoir les visions révélatrices, répondre au
peuple qui vient consulter Dieu (Ex 18,No 12:5,8).

Mais l'idée mosaïque de la sainteté, voisine à bien des égards de
la notion religieuse bien connue du «tabou», était déjà plus riche de
vérité religieuse, plus ouverte à un enrichissement moral, de par le
caractère volontaire et moral attribué dès Moïse au Dieu de
l'alliance, au Dieu vivant personnel et fidèle.

3.

La moralisation de l'idée de sainteté caractérise la religion des
prophètes. Mais il faut signaler, dès avant l'éveil du prophétisme,
les transformations subies par la religion d'Israël lors de son
INSTALLATION EN CANAAN. Au contact de la religion cananéenne des
Baals, et de par l'influence des conditions nouvelles de la vie
sédentaire, les lieux sacrés se multiplient. Le paganisme local
sanctifiait soit les lieux où se manifestaient avec une force
spéciale les puissances vitales créatrices: la source, l'arbre vert,
soit les lieux où la divinité avait coutume de se révéler: les
hauts-lieux (voir ce mot). Tout en combattant les idoles (dont
certaines étaient apparentées au culte naturiste: 1' «Achéra», pieu
sacré, substitué peut-être à l'arbre saint; la «Matséba», pierre
consacrée;voir Colonne), la religion d'Israël, à une certaine époque,
connaît aussi les hauts-lieux (1Ro 3:4), les sources et les
arbres sacrés (1Ro 1:9,Ge 21:33,Jos 24:26,Jug 6:19).

Israël se crée sa géographie sacrée, établit souvent un rapport
entre le caractère sacré d'une localité et les antiques traditions
patriarcales. C'est sans doute aussi avec l'apprentissage de la vie
sédentaire et agricole que se crée, à côté des traditions sur les
lieux saints, la fixation des temps sacrés: non seulement le
sabbat, qui est plus antique, mais les grandes fêtes (voir ce mot, et
Temps), suivant les saisons et leurs labeurs. Nombre de choses
reçoivent d'un ordre exprès de l'Éternel leur caractère sacré: les
premiers-nés (Ex 13:2), les dîmes (Le 27:30), la récolte
des fruits tous les quatre ans (Le 19:23). Les personnes
sacrées
sont aussi plus soigneusement définies; prêtres (voir ce
mot), lévites, sacrificateurs ont un caractère sacré, attaché à des
conditions de sanctification rituelle, mais aussi à une certaine
disposition du coeur. Car l'élément de l'obéissance dans la fidélité
à la volonté révélée de l'Éternel n'est pas absent d'une piété dès
longtemps dominée par la proclamation: «Soyez saints, car je suis
saint!» (Le 19:2).

Les serviteurs de David n'osent lever les mains pour frapper les
sacrificateurs (1Sa 22:17). Si tout Israël a été consacré à
Dieu (Jer 2:3), il est au sein du peuple des personnes qui
peuvent se consacrer par une sanctification précisée et volontaire:
les nazirs (voir Naziréen), les prophètes.

4.

De plus en plus s'affirmera la conviction que ce qui est
inconciliable avec la consécration à Dieu, ce n'est pas seulement
l'impureté rituelle (voir Pur et impur), le contact interdit (toucher
l'arche), mais bien le péché moral. Ce progrès est accompli par la
prédication des PROPHETES, dont la réforme deutéronomique tentera de
garder le résultat pour la nation. Le prophétisme n'a vaincu que
partiellement; son pur spiritualisme a subi une adaptation, qui l'a
ramené souvent dans les cadres d'un nouveau ritualisme et d'un
légalisme périlleux pour la vraie notion de la sainteté intérieure.
Mais les échos du pur prophétisme se rencontrent pourtant dans la
piété d'Israël. Ainsi la réponse du Ps 15 à la question: «Qui
demeurera sur la montagne sainte? Celui qui marche dans l'intégrité,
qui pratique la justice et qui dit la vérité selon son coeur». (cf.
Ps 24:3) Voir Prophète.

5.

Le grand prophète de la sainteté de Dieu est ÉSAÏE. Le «Saint
d'Israël» devient pour lui un des titres habituels de Yahvé. Certains
auteurs ont dégagé dans le récit de la vocation d'Ésaïe (ch. 6) une
notion esthétique de la sainteté divine en soulignant sa parenté avec
la notion de la gloire de l'Éternel! Mais il serait injuste de
méconnaître, au profit de cet élément esthétique, le caractère moral
de la pensée d'Ésaïe. La gloire est le rayonnement de la sainteté,
comme la beauté est celui de la santé. Mais Ésaïe éprouve le
caractère d'exigence morale du Dieu saint, en face de qui l'homme est
prosterné dans l'humilité, plongé dans la détresse, vaincu par le
sentiment de son indignité: «Malheur à moi!» Le «Dieu saint sera
sanctifié par la justice», dit Ésaïe (Esa 5:16). Si Dieu inspire
la sécurité à ceux qui se confient pleinement en lui, il demeure la
flamme qui consume et dévore (Esa 10:17), l'ennemi impitoyable
du péché! Et il y a péché non seulement là où il y a immoralité et
débauche, mais partout où il y a orgueil, cupidité, confiance dans
les grandeurs humaines (Esa 2:6 4:4). La condamnation du
péché
est le corollaire impérieux de la proclamation du Dieu saint.
Les méchants méprisent le Saint d'Israël (Esa 1:4 5:24), mais le
prophète espère voir renaître après les punitions prochaines un reste
saint, une sainte postérité (Esa 4:3 6:13).

6.

La disposition intime de Dieu, qui le constitue saint, l'invite à ne
rien faire qui soit contraire à sa dignité; il sera fidèle à la
justice révélée par sa loi et ses promesses. Là est la source de la
consolation du croyant, qui salue dans le Saint d'Israël un
DIEU-SAUVEUR (Esa 43:3 57:15). C'est le second Ésaïe qui
s'exprime ainsi et qui voit l'Éternel découvrant le bras de sa
sainteté aux yeux de toutes les nations. La sainteté divine,
moralement saisie à travers ses jugements, demeure une grandeur plus
qu'humaine. «Celui qui habite dans la sainteté veut être avec l'homme
contrit et humilié, et ne veut ni contester à toujours, ni garder une
éternelle colère» (Esa 57:15). «Je n'agirai pas selon mon
ardente colère, je renonce à détruire Éphraïm: car je suis Dieu et
non pas un homme, je suis le Saint au milieu de toi; je n'agirai pas
avec colère» (Os 11:9). Ce passage caractéristique montre que la
sainteté de Dieu, parce qu'élevée au-dessus des normes humaines
courantes de rétribution et de vengeance, peut être une source de
miséricorde et de pardon ; après la terreur primitive devant
le Dieu mystérieux, après la peur du Dieu dont les yeux sont trop
purs pour voir le mal (Hab 1:13), voici le respect devant la
perfection morale d'un vouloir divin qui se situe au delà de toute
justice humaine. La colère divine est un aspect de la réponse du Dieu
saint et vivant à l'infidélité de son peuple (voir Colère), mais elle
n'est pas son dernier mot: ce n'est pas en elle qu'est révélée toute
la sainteté du Dieu d'Israël.

7.

Lorsque Jésus est venu, la notion de la sainteté de Dieu s'était
développée dans le JUDAÏSME en une direction peut-être plus
métaphysique que morale. Certes, il y avait quelque chose de
religieux dans une magnification de Dieu qui soulignait sa sublimité
et qui empêchait les fidèles d'oser même prononcer le tétragramme
sacré (voir Dieu [les noms de], 4). L'inaccessible sublimité de
l'Éternel l'élève au-dessus de tout reproche, sa transcendance
commande l'adoration (Ps qq 5). Mais d'autre part la piété exige la
proximité de l'objet religieux; l'intimité de la relation religieuse
risque d'être compromise par une pensée qui ne grandit Dieu qu'en
l'éloignant; les âmes cherchent alors un substitut à la présence du
Dieu vivant, dans la divinisation des puissances célestes dérivées:
les anges, la Loi, la sagesse (voir ces mots). La crainte
respectueuse d'un Dieu très saint mais très lointain peut exister en
dehors d'un sentiment personnel et intime du péché.

8.

La PREDICATION DE JESUS insiste sur l'amour du Dieu Père, amour
qui domine la justice, mais qui est bien loin de s'opposer en quoi
que ce soit à l'affirmation de la sainteté. N'oublions pas que Jésus
parle à un peuple qui n'a pas besoin qu'on le persuade de la sainteté
de la personne divine. Le Dieu de la bonté demeure dans l'Évangile le
Dieu redoutable, qui peut faire périr l'âme et le corps dans la
géhenne; il demeure surtout le Dieu moralement exigeant, qui appelle
ses enfants à la perfection (Mt 5:48). L'élément du «sacré»
n'est pas absent du N.T.; il apparaît avec toute sa force dans la
doctrine du Saint-Esprit, opposé à l'esprit du monde (1Co
2:12), dans la notion du peuple saint que Dieu veut se
constituer. Les prophètes avaient déjà parlé de l'intention de Dieu
de faire reconnaître sa sainteté et en Israël et dans le
monde (Eze 39:7); Jésus accomplit son oeuvre afin que soit
sanctifié le nom de Dieu et afin que ses disciples soient sanctifiés
(voir Sanctification).

Mais la sainteté divine, désormais saisie sous l'angle purement
spirituel, se manifeste avant tout dans la volonté du Dieu-Sauveur.
Par l'oeuvre salvatrice de Jésus, la volonté divine va introduire
l'homme dans le monde de la vraie sainteté en triomphant de sa
volonté égoïste et pervertie.

9.

Il nous faut bien noter ici que la sainteté de Dieu n'a pas été
simplement prêchée par le Christ: elle a été MANIFESTEE EN CHRIST. En
face de lui s'est affirmé dans les consciences des premiers témoins
le sentiment de la présence du sacré. C'est ce sentiment qui
dicte le cri de Pierre: «Arrière de moi! Car je suis un homme
pécheur!» le trouble du centenier de Capernaüm, les aveux des
démoniaques, la confession de Pierre: «Tu es le Saint de Dieu!»
(Lu 5:8 7:6 et suivant, Mr 1:24 5:7,Jn 6:69). Saisis par le
rayonnement de sa personne, les disciples, et nombre de ceux qui le
rencontrent, le considèrent spontanément comme celui qui appartient
au monde de Dieu, comme le héros sacré. Rayonnement d'une
sainteté qui exprime la perfection d'une conscience pure, sans doute,
mais aussi la sublimité d'une grandeur spirituelle transcendante au
monde quant à sa source et à son origine; une manifestation sans
précédent de la sainteté de Dieu! De là, la possibilité pour Jésus de
participer à la gloire divine, dès sa résurrection, et, d'après saint
Jean, dès sa carrière terrestre (Jn 1:14 2:11).

10.

Nous pouvons retenir QUATRE SIGNIFICATIONS de la sainteté de Dieu,
qui s'appellent et se complètent mutuellement:

Le Dieu saint est le Dieu majesté; le Dieu
insondable, incompréhensible; qui n'est pas inconnaissable pour la
foi, mais qui garde en lui du mystère, de l'ineffable.

Le Dieu saint est le Dieu séparé de tout ce qui
n'est pas lui, le Dieu au-dessus du monde, qui correspond à ce que
les philosophes appellent: l'inconditionné et l'absolu; la
réalité suprêmement existante, en face de laquelle l'homme éprouve
son propre néant.

La sainteté de Dieu désigne encore ce qui est en
Dieu le principe de l'affirmation de soi-même. Séparé du terrestre,
Dieu s'oppose à l'impur et à l'imparfait, comme l'Etre pur et
parfait.
La perfection morale est en Dieu l'aspect à nous
accessible d'une grandeur dont les bornes nous échappent
radicalement. Dieu se veut lui-même en voulant le bien (voir ce mot),
de par une nécessité intime qui est la réalisation de sa liberté
souveraine.

Enfin, la sainteté de Dieu exprime son attitude active
vis-à-vis du péché.
C'est dans la conscience
de notre misère que nous sommes mis en contact avec la sainteté
divine, dont la révélation, en retour, intensifie notre
détresse (Esa 6). La sainteté de Dieu n'est pas un attribut
purement immanent du Très-Haut, auquel cas nous n'en aurions qu'un
vague pressentiment, et non une notion précise. Par sa sainteté, Dieu
exprime à l'extérieur de lui-même la perfection de sa volonté. Et il
le fait en une triple démarche:

(a) Dans la conscience: Dieu est l'auteur éternel
de la loi morale absolue.

(b) Dans l'histoire: Dieu y manifeste sa sainteté
active sous les modes de la justice et de la grâce; il travaille à
l'éducation de ses enfants, appelés à la sainteté. C'est la foi dans
cette sainteté divine active qui est l'appui de la confiance
religieuse et qui nous invite à bénir son saint nom (Ps 103, cf.
Jn 17:11: «Père saint! Garde-les en ton nom!»).

(c) En Jésus-Christ, qui incarne l'amour saint du
Dieu sauveur.

Maintenir la prédication de la sainteté divine, c'est être fidèle
à la Révélation biblique, et c'est en même temps sauvegarder au sein
de notre piété la place nécessaire de l'adoration, de la crainte
respectueuse, de l'humilité véritable. C'est en face de la sainteté
divine que peut se développer le sentiment authentique du péché, qui
implique, à côté de la conscience de la culpabilité, celle d'un
funeste éloignement de Dieu. C'est pouvoir saisir en Jésus ce
qui déborde les cadres des appréciations trop étroitement moralistes
de sa personne, ce qui peut rendre raison de l'attitude des premiers
croyants, vaincus par la certitude d'avoir perçu en lui et par lui
l'appel définitif du Dieu saint. C'est enfin maintenir la prétention
de la foi à transporter l'homme sur un plan de vie vraiment
supérieur: celui où l'Esprit saint agit dans les âmes, y fait
circuler la vie d'En-haut et les ouvre aux perspectives de la gloire
éternelle.

II Sainteté de Jésus.

Les documents évangéliques nous permettent d'insister sur
l'authenticité de la certitude des disciples: JESUS EST SAINT.

Ce jugement est en eux un JUGEMENT RELIGIEUX, fondé sur les
réactions de leur conscience et de leur coeur en face du Christ.

L'ancienne apologétique a cru pouvoir démontrer la sainteté de
Jésus en opposant des textes ou des arguments à ceux qui mettaient en
doute la perfection de Jésus. (Doutes fondés sur les lacunes de sa
biographie, sur ses prétendues manifestations de violence ou de
dureté à l'égard des siens, sur le fait de son baptême, sur la
parole: «Pourquoi m'appelles-tu bon?», etc.) En fait, la sainteté de
Jésus ne se démontre pas. Et si elle pouvait être démontrée, elle ne
serait encore que l'impeccabilité (anamartésie), la sainteté
négative, exempte d'infractions à la loi morale, qui n'est qu'un des
aspects de la sainteté religieuse.

La sainteté de Jésus est son absolue consécration au Père,
grâce à laquelle il peut répondre jusqu'au bout à sa vocation de
Révélateur et de Sauveur. Il convient pourtant de remarquer que la
sainteté de Jésus, qui nous apparaît tout d'abord à travers
l'impression qu'il a faite sur les âmes de ses disciples, nous est
aussi indiquée par l'embarras de ses adversaires, qui cherchent en
vain des armes contre lui, et par l'attitude de souveraine
autorité
que Jésus prend vis-à-vis de ses frères. Au «Qui de vous
me convaincra de péché?» du Christ johannique correspondent les
déclarations inouïes du Christ s'arrogeant le droit de pardonner les
péchés, d'accomplir, en la transformant, la loi de Moïse, d'inaugurer
le Royaume de Dieu et de proclamer la chute de Satan. Il est celui
qui pille la maison de l'homme fort (Satan) parce qu'il l'a tout
d'abord personnellement vaincu et lié (Jn 8:46,Mr 2:5 et
suivants
, Mt 5:7-4 et suivant, Lu 10:9-18 11:21 et suivant,
etc.).

C'est en Jésus que la notion du sacré et celle du bien trouvent
leur synthèse vivante. Il est l'homme saint, par sa consécration
entière, source de son amour et de son sacrifice, aussi bien que de
sa victoire sur l'empire du mal. Il est la manifestation définitive
du Dieu
dont l'amour et la sainteté s'affirment solidairement
jusque dans le drame du Calvaire.
Le chrétien n'est pas autorisé à
séparer la sainteté de l'amour. L'Évangile de la Croix fait également
resplendir ces deux faces du Dieu vivant; il apporte ainsi la réponse
aux premières intuitions de l'humanité religieuse et à ce
pressentiment du sacré, qui sert d'introduction à l'histoire de la
communion de l'homme avec son Dieu.

CONSULTER.--F. Leenhardt, La notion de Sainteté dans l'A.T.,
Paris 1929.--Ad. Lods, Israël, Paris 1930.--R. Otto, Le
Sacré
(traduit de l'allemand), Paris 1929.--Sur la sainteté de Jésus,
entre autres H. Bois, La personne et l'oeuvre de Jésus, Paris, 2
e éd., 1926. A. L.