RÉSURRECTION

I Résurrection et immortalité.

Avant d'aborder l'étude biblique de la résurrection, il est
nécessaire de distinguer la résurrection de l'immortalité;
ces deux conceptions, qui l'une et l'autre expriment la même
conviction d'une survivance après la mort, sont souvent confondues.
Il s'agit là cependant de deux courants de pensée très différents; la
notion de l'immortalité est un produit de l'esprit grec, tandis que
l'espérance d'une résurrection appartient à la pensée juive. Il faut
considérer ce que représentent ces deux conceptions et comment par la
suite elles se sont pénétrées l'une l'autre.

1.

LA RESURRECTION.

Idée juive, qui dérive de la conception juive de la
personnalité humaine, dont le point de départ est l'affirmation de
l'unité de cette personnalité. Pour l'Hébreu, le principe personnel
de l'homme, son moi, ne réside pas dans l'esprit seul, mais dans
le corps animé par le souffle de l'Éternel et devenant ainsi une âme
vivante; (cf. Ge 2:7) cette âme est inséparable du corps, ce qui
explique que l'A.T, désigne l'homme tantôt par le mot âme (Ps
16:10 35:3 49:16), tantôt par celui de chair (Esa 40:6,
Vers. Syn., mortels; Jer 45:5, cf. Mt 16:17), sans que
l'idée soit essentiellement différente.

Quand donc l'Israélite affirme la survivance, il ne peut la
comprendre que sous la forme d'une survivance de l'homme, corps et
âme. Mais la corruption détruit le corps après la mort; l'Hébreu
affirmera donc l'existence d'un nouveau corps venant prendre la place
de ce corps détruit et dans lequel l'âme trouvera son appui
nécessaire. Le corps ressuscité est conçu tantôt comme exactement
pareil à celui que le mort a quitté, tantôt comme différent, comme un
corps glorieux, spirituel. La résurrection marque ainsi la permanence
de la personnalité tout entière, corps et âme. Elle représente la
complète victoire sur le sépulcre (1Co 15:54 et suivant).

Cette conception juive d'une destruction du corps suivie d'une
résurrection de ce corps soulève diverses questions. Quand aura lieu
la résurrection? Est-ce à l'instant de la mort, est-ce au moment du
jugement dernier, est-ce plus tard encore, à la consommation des
âges? Et d'ici là, que devient l'âme, si la résurrection n'est pas
immédiate? Est-elle plongée dans une inconscience semblable au
sommeil, ou bien subit-elle déjà le sort que lui réserve le jugement
final? Peut-elle encore se perfectionner?

2.

L'IMMORTALITE.

Idée grecque qui dérive de la conception grecque de la personnalité.
Pour les Grecs, la personnalité humaine est également composée de
deux parties, le corps et l'âme; mais ces deux éléments, loin de
former un tout harmonieux, s'opposent l'un à l'autre. Le corps n'est
due matière et constitue une entrave dans la vie de l'âme, car
celle-ci est pur esprit; or l'esprit, qui vit éternellement, se passe
fort bien de l'aide du corps. L'âme, créée avant le corps, subsiste
lorsque celui-ci est détruit, continuant à vivre de sa vie propre;
car l'âme est immortelle et la mort du corps représente dans son
existence une véritable délivrance qui la libère. Puisque l'âme est
capable de vivre par elle-même, sans être obligée de s'appuyer sur
aucun corps matériel, on ne s'étonnera pas de ce que la notion d'une
résurrection des corps n'ait eu aucune place dans la pensée grecque.

3.

INFLUENCE GRECQUE SUR LA PENSEE JUIVE ET CHRETIENNE.

A partir des conquêtes d'Alexandre, le judaïsme se pénétra lentement
d'influences helléniques, principalement en Egypte, parmi les Juifs
d'Alexandrie, dont la langue habituelle était le grec. D'autre part,
comme l'affirmation d'une résurrection des corps et la croyance à
l'immortalité de l'âme, bien qu'étant des conceptions différentes,
n'en restent pas moins deux façons d'exprimer la même conviction
d'une survivance après la mort, il n'est pas surprenant que ces idées
se soient combinées au sein même du judaïsme. L'historien juif
Josèphe assure même que l'idée d'une transmigration des âmes aurait
été professée jusque dans les écoles des pharisiens. Quoi qu'il en
soit de ce renseignement, la Sapience ou Sagesse de Salomon parle
d'une préexistence de l'âme (Sag 8:20); Philon développe des théories
très semblables, et la théologie du Talmud enseigne à son tour que
les âmes, venues d'auprès de Dieu, sont en quelque sorte prêtées aux
hommes, en qui elles habitent et dont elles se séparent après la mort.

C'est surtout lorsque le christianisme se fut détaché du
judaïsme, qu'on en vint à mêler étroitement les notions de
résurrection et d'immortalité; à la mort, affirma-t-on, le corps se
décompose, ne ressuscitant que plus tard, et l'âme, détachée du corps
et immortelle de nature, vit seule jusqu'au jour de la résurrection.

4.

LA PENSEE CHRETIENNE ACTUELLE.

La pensée chrétienne contemporaine subit encore les effets de cette
confusion. Héritiers spirituels à la fois des Grecs et des Juifs,
nous continuons à expliquer la survivance tantôt par l'idée juive
d'une résurrection, tantôt par la conception grecque de
l'immortalité, sans même nous apercevoir des contradictions internes
de notre pensée. Cette confusion est d'autant plus compréhensible que
les textes bibliques ne présentent pas toujours la clarté que nous
aimerions y trouver. Il convient donc d'interroger les saintes
Écritures soigneusement et sans en déformer le sens.

II Etude des textes bibliques.

Ire SECTION: LE JUDAÏSME .

Quelques notions générales doivent être rappelées, qui feront mieux
comprendre la conception juive de la résurrection. L'âme, que
l'Hébreu ne conçoit pas sans un corps pour la soutenir, est le centre
de la personnalité; elle a son siège dans le sang (Ge 9:4 et
suivant
, Le 17:11,De 12:23), se liant ainsi au corps qu'elle
anime. L'homme est donc un tout inséparable: sans le corps l'âme
reste inconcevable, et sans âme le corps n'est qu'une masse inerte.

Bien que le Cheol (voir ce mot) soit le lieu des morts, non des
vivants, des textes très anciens prouvent que les Hébreux ont
toujours cru à une certaine survivance de la personnalité, vaguement
entrevue (Ge 37:35,Ps 16:10,2Sa 12:23). Ils ont d'ailleurs
pratiqué la nécromancie (1Sa 28,Le 19:31 20:6,2Ro 21:6); or, des
gens qui croiraient à l'entière destruction des morts ne
chercheraient pas à les évoquer. Parfois le cadavre est considéré
comme accessible à la douleur ou à la honte, conservant par
conséquent une certaine sensibilité (Esa 66:24 14:11-14).

Les malheurs du peuple d'Israël et leur répercussion dans la vie
des individus firent réfléchir les âmes pieuses; jusque-là, les
Israélites avaient puisé une consolation dans l'idée que les fils
prolongeaient en quelque sorte la vie des pères, que chacun par
conséquent revivait en ses enfants; cette conception ne fut plus une
consolation suffisante; ceux qui voyaient périr leurs enfants
criaient à Dieu, demandant son secours. Dans les coeurs déchirés par
l'épreuve, la piété s'approfondit davantage et trouva, dans la
révélation d'une vie future, des raisons d'espérer.

1.

LES PRECURSEURS.

Certains textes, sans contenir une véritable affirmation de la
résurrection individuelle, l'annoncent cependant. Ainsi le Ps
73, ou encore Os 6:2 13:14,Job 14:14 19:25-27,Ps 71:20.

2.

LA CROYANCE A LA RESURRECTION DANS LES ECRITS CANONIQUES.

Seuls deux passages de l'A.T, affirment nettement la résurrection.

Dans le livre d'Ésaïe, un texte datant
approximativement de l'an 334 av. J.-C, et qui célèbre la
résurrection des justes d'Israël: «Que tes morts revivent! Que mes
cadavres se relèvent! Réveillez-vous et tressaillez de joie,
habitants de la poussière! Car ta rosée est une rosée vivifiante, et
la terre redonnera le jour aux ombres» (Esa 26:19).

Ensuite un texte de Daniel (datant
vraisemblablement de l'an 168 av. J.-C.) annonçant pour le début de
l'ère messianique la résurrection des justes puis des impies:
«Plusieurs de ceux qui dorment dans la poussière de la terre se
réveilleront, les uns pour la vie éternelle, et les autres pour
l'opprobre, pour la honte éternelle».--Deux (Da 12:2)
autres passages parfois cités comme enseignant la résurrection n'ont
cependant pas cette valeur. Le premier, la vision d'Ézéchiel (ch.
37), est plus une image décrivant la restauration du peuple juif
qu'une promesse de résurrection individuelle. Quant au second, Ps
16:10, bien que l'Église chrétienne l'ait considéré comme une
promesse de résurrection et l'ait appliqué au Christ, (cf. Ac
2:27,31 13:35,37) il semble pourtant que dans l'esprit du psalmiste
il n'était ici question que d'une prolongation de la vie
terrestre.--Enfin la Bible contient aussi des passages tels que Ec
3:19-22 ou Ec 9:3,6, dans lesquels nous découvrons avec
étonnement un complet scepticisme.

3.

LA CROYANCE A LA RESURRECTION DANS LES APOCRYPHES DE L'A.T.

C'est surtout dans les Apocryphes et les
Pseudépigraphes qu'est affirmée la résurrection. Ces écrits sont le
reflet exact des besoins profonds de l'âme juive en un temps de
persécution où l'injustice triomphait. Les morts ressusciteront!
C'est la certitude victorieuse à laquelle s'attachent la piété des
opprimés et l'enthousiasme des martyrs. Mais cette doctrine, sortie
des milieux populaires, ne s'était pas propagée sans rencontrer
l'opposition des conservateurs et des sceptiques. Le Siracide (ou
Ecclésiastique), premier en date des Apocryphes (II e siècle av.
J.-C), ignore la croyance à la résurrection (cf. 17:30) et l'auteur
de 1 Macchabées n'y fait aucune allusion.

Il faut attendre le I er siècle avant l'ère chrétienne pour
trouver cette croyance nettement affirmée. Le 2e livre des
Macchabées montre les martyrs soutenus dans leurs supplices par la
certitude d'une survie: «Arrivé à son dernier souffle, il dit:
Scélérat, tu nous ôtes la vie présente, mais le roi du monde, quand
nous serons morts pour ses lois, nous ressuscitera pour la vie
éternelle» (2Ma 7:9) «Tout près de mourir, il
parla ainsi: Heureux ceux qui meurent de la main des hommes et qui
tiennent de Dieu l'espérance d'être ressuscités par lui» (
2Ma 7:14). L'Apoc, des dix semaines d'Hénoch (Hén. 91-93) et les
Psaumes de Salomon annoncent également la résurrection des justes et
l'anéantissement des impies: «Le juste se réveillera de son sommeil;
il se lèvera et il avancera dans les voies de la justice. Le Grand et
le Saint sera propice au juste et lui donnera la puissance; et le
juste sera dans la vertu et dans la puissance, il marchera dans la
lumière éternelle. Mais le pécheur sera perdu dans les ténèbres pour
toujours» (Hén. 92:3, 5). «La perdition du pécheur est éternelle. Et
on ne pensera pas à lui quand on recherchera les justes. Tel est le
lot des pécheurs pour l'éternité. Mais ceux qui craignent le Seigneur
ressusciteront pour la vie éternelle. Et leur vie dans la lumière du
Seigneur ne cessera plus». (PsSal 3:13,16)

Telle est la forme habituelle sous laquelle se présente l'idée de
résurrection dans la pensée juive; le fidèle attend sa récompense «à
la résurrection des justes» (Hén. 61:5; Testaments des XII
Patriarches: Test. Levi 18, Test. Juda 25).

Pourtant la croyance en une résurrection générale pour le
jugement des bons et des méchants demeurait dans la logique du
système, si l'on peut dire. Le livre d'Hénoch (22:10 et suivants)
fournit la première déclaration de ce genre: certains méchants, ceux
qui n'ont pas subi durant leur vie terrestre le juste châtiment de
leurs péchés, ceux-là ressusciteront à la suite des justes afin
d'être punis. D'autres passages du même livre, les Paraboles,
décrivent la résurrection générale, en ces termes: «En ces jours la
terre rendra son dépôt et le Cheol rendra ce qu'il a reçu, et les
enfers rendront ce qu'ils doivent, et l'Élu choisira parmi eux les
justes et les saints, car il est proche le jour où ils seront sauvés»
(Hén. 51:1, 3). Pseud. Esdras attend aussi ce jour où tous revivront:
«La terre rendra ceux qui dorment dans son sein, et la poussière ceux
qui y reposent en silence, et les réservoirs (des âmes) rendront les
âmes qui leur ont été confiées. Et le Très-Haut paraîtra sur son
siège de juge» (PseudoEsdras 7:32 et suivant, 14:35 et
suivant
). Enfin l'Apocalypse de Baruch annonce une résurrection
générale en même temps qu'universelle: «Le Tout-Puissant me répondit:
Écoute cette parole. Car certainement la terre rendra les morts
qu'elle a reçus pour les conserver, sans rien changer à leur aspect.
Comme elle les a reçus elle les rendra, comme je les lui ai confiés
elle les fera ressusciter» (ApoBar 50:1 et suivant).
Certains passages du livre d'Hénoch ajoutent encore à l'attente d'une
résurrection et d'un jugement l'idée complémentaire d'une survie des
âmes dans l'au-delà et d'un jugement qui suit immédiatement la mort.
Ainsi: «Mais maintenant je vous jure à vous justes, par la gloire du
Tout-Puissant et du Glorieux et par sa grandeur, je vous jure à vous:
Moi je connais le mystère, je l'ai lu sur les tablettes du ciel, j'ai
vu le livre des saints, et voici ce que j'y ai trouvé écrit et gravé
au sujet des justes: Que tout bien et joie et bonheur a été préparé
et écrit pour les âmes de ceux qui sont morts dans la justice, et que
de nombreux biens vous seront donnés en récompense de vos travaux...»
(Hén. 103:1-3). «Je vous le jure,...vos noms sont écrits en présence
de la gloire du Grand. Espérez donc, car d'abord vous avez été
affligés dans le malheur et dans la souffrance, mais maintenant vous
brillerez comme des luminaires dans le ciel...De votre cri, criez
justice. Espérez, et ne renoncez pas à votre espoir, car vous jouirez
d'une grande joie comme les anges des cieux» (Hén. 104:1, 3). Les
justes sont destinés à devenir enfants de lumière, esprits de
lumière: «Vous brillerez comme des luminaires dans le ciel, vous
brillerez, vous apparaîtrez, et la porte du ciel s'ouvrira devant
vous» (Hén. 104:2, cf. Da 12:3). Leur vie sera éternelle:
«Heureux êtes-vous, justes et élus, car votre part sera glorieuse.
Les justes seront dans la lumière du soleil, et les élus dans la
lumière d'une vie éternelle, et les jours de leur vie seront sans
fin, les jours des saints seront sans nombre» (Hén. 58).

On le voit, les Apocryphes et les Pseudépigraphes
sont remplis de la croyance à la résurrection, sans qu'il y ait là
cependant une doctrine bien définie. Si l'on cherche à systématiser
la pensée eschatologique de ces écrits, oh découvre maintes
contradictions qu'il n'est pas inutile de relever.

(a) Ceux qui ressuscitent. Ce sont:

(1) Seuls les justes d'Israël: Hén. 58:3 90:33 91:10 92:3, Pseudo-Esdras
4:35 7:28, 2Ma 7:4 12:43 Ps 16:6-10.

(2) Les justes et certains méchants, ceux qui n'ont pas subi leur
châtiment ici-bas: Hén. 22:10.

(3) Tous les hommes, justes et méchants: Hén. 51:1, ApoBar 50, Pseud-Esd 32-37.

(4) Personne ne ressuscite: Sir 17:30.

(b) Le moment de la résurrection. La résurrection
se produira:

(1) Après le jugement, et pour recevoir en partage la gloire du
royaume messianique: Hén. 90:29, 33 108.

(2) Immédiatement après l'ère messianique: Hén. 91:10 92:3, Apo
Bar 40-42, PseudEsd 7:29-32. Ps 31:6.

(3) immédiatement avant l'ère messianique: Hén. 51:1.

(4) Lors du royaume messianique: Pseud. Esd 7:28.

(5) Après la mort terrestre: PseudEsd 4:, Sag 3:19, Ps 14:6 16:2.

(c) Nature du corps ressuscité,
(1) Il sera semblable au corps terrestre, sensible aux mêmes
impressions: Hén. 1-36 51:4 104:4, 6, ApoBar 49:2 50:2, 2Ma
7:9,11,14,22,29 12:43 14:46. Ailleurs il était conçu un peu
autrement: Hén. 39:5 62:15 70:1 90:30 - 33. Dans les milieux
rabbiniques on attachait parfois une importance extrême aux habits
dont le mort était couvert.

(2) Le corps ressuscité est un corps spirituel: Hén. 108, Hén.
slav. 22:8 (livre des Secrets d'Hén.).

(3) Il n'y aura pas de corps ressuscité; l'Esprit seul vivra
éternellement: Hén. 103:3, Ps Sal. 3 16 4:6 13:9 14:6 15:15, Sag 2:23
3:1 9:15, Livre des Jub. 23:3, Assompt. de Moïse 10:9, Hén. slav.
23:5.

Conclusion à l'étude des Apocryphes. Notre
conclusion sera double. En premier lieu, il faut insister sur la
valeur documentaire des Apocryphes et des Pseudépigraphes; ces écrits
forment en quelque sorte le pont entre les livres canoniques de
l'A.T, et ceux du N.T.; ils sont indispensables si l'on ne veut pas
s'exposer à mal comprendre l'enseignement chrétien sur la vie à
venir. En second lieu, il faut se rappeler que la piété juive, bien
qu'abondante en images apocalyptiques et eschatologiques, ne
possédait pas, à l'époque du Christ, une doctrine précise de la
résurrection.

II e SECTION: LE CHRISTIANISME .

Les conceptions du N.T. relatives à la résurrection se sont
développées dans un double courant de pensée, dont le principal fut
la foi de l'Église au Christ ressuscité et le fait même de cette
résurrection; d'autre part, il ne faut jamais oublier que les
premiers chrétiens avaient été élevés dans ce judaïsme dont les
Apocr, et les Pseud, de l'A.T, reflètent les idées. Pour exprimer
leur certitude de la résurrection, ils ont emprunté à cette piété
juive, qui avait été la leur avant leur conversion, les images et les
notions dont ils avaient besoin pour penser leur foi. Rien d'étonnant
dès lors à ce que le N.T. présente sur la résurrection des
conceptions qui rappelleront souvent celles de ces livres non
canoniques.

1.

L'ENSEIGNEMENT DE JESUS D'APRES LES EVANGILES, LES ACTES ET LES
ECRITS NON PAULINIENS.


Les évangiles, tant les synoptiques (et les Actes) que l'évangile
johannique, affirment la vie à venir, mais ne formulent pas une
doctrine complète de la résurrection. Pour plus de clarté, et bien
que semblable division soit tout artificielle, nous chercherons à
dégager successivement dans l'enseignement évangélique les points
suivants:

la résurrection; ceux qui ressuscitent;

le sort des méchants;

la nature des corps ressuscités;

le moment de la résurrection.


1° La résurrection; ceux qui ressuscitent.
(a) Dans les évangiles synoptiques, le récit de
l'entretien de Jésus avec les envoyés des sadducéens (d'après Luc)
note qu'une partie des humains seulement ressuscitera, «ceux qui
seront trouvés dignes d'avoir part au siècle à venir et à la
résurrection des morts» (Lu 20:35). Il ne s'agit donc pas de
tous les morts, mais des seuls justes (Lu 14:14); ceux-ci
sont à la fois fils de la Résurrection et fils de
Dieu
(Lu 20:36), car la résurrection a sa source dans la vie
en Dieu qui seule mène à la perfection à laquelle l'homme est
destiné. Ces fils de la Résurrection sont aussi les élus de Dieu
(Mr 13:27 parallèle Mt 24:31) que le Fils de l'homme
rassemblera. Si tous les hommes ne participent pas à la résurrection,
tous y sont cependant appelés par Dieu (Lu 20:38,Ac 17:28 26:8).

(b) Le 4e évangile descend plus profondément
dans les réalités spirituelles. La résurrection, c'est la vie
véritable, et cette vie commence dès ici-bas, dans la mesure où l'âme
s'unit au Christ (Jn 5:24 et suivant), mais pour n'atteindre son
plein épanouissement qu'après la mort (Jn 11:25 et suivant).
Celui qui connaît Dieu possède la vie éternelle (Jn 17:3) qui
vient de Dieu, bien que nous la recevions du Christ (Jn 5:21
6:40,44-54 17:2). Le Christ n'est-il d'ailleurs pas la résurrection
et la vie? (Jn 11:25 3:36) Il connaît les siens (Jn 6:39);
ce qui n'empêche pas que le sort de chacun dépende à la fois de son
attitude actuelle en face du Christ (Jn 3:18 9:39, cf. 1Jn
2:17) et de sa conduite dans la vie (Jn 5:29). Mais les justes
ne seront pas seuls à reprendre vie, car «ceux qui auront fait le mal
ressusciteront pour le jugement» (Jn 5:29, cf. Ac 24:15),
vu que: «celui qui me rejette et qui ne reçoit pas mes paroles a son
juge; la parole que j'ai annoncée, c'est elle qui le jugera au
dernier jour» (Jn 12:48). L'évangéliste montre d'ailleurs Jésus
affirmant, sans préciser s'il s'agit des bons ou des mauvais, la
toute-puissance de Dieu qui ressuscite les morts (Jn 5:21, cf.
Ro 4:17,2Co 1:9).

(c) L'épître aux Hébreux contient un enseignement
identique, proclamant l'espérance de la résurrection (Heb 6:2
11:19). C'est par Christ que les hommes l'obtiennent (Heb 2:10
9:15), et seuls les croyants en sont assurés (Heb 10:39).

2° Le sort des méchants.
L'enseignement de Jésus emprunte des images aux croyances juives de
l'époque. Les Synoptiques nous ont conservé un certain nombre de
récits qui traitent du sort futur des méchants. Corps et âme, ils
seront jetés dans la géhenne (Mt 5:29 10:28,Mr 9:43 45 47). dont
le feu est le symbole de la colère de Dieu (Mt 5:22 18:9 25:41,Heb
10:27 12:29) et les ténèbres du dehors une image de la
perdition (Mt 8:12 22:13 25:30). Seul le péché contre l'Esprit
attire le châtiment de l'Éternel, sans possibilité de pardon (Mt
12:32). Quant aux autres péchés, la peine sera en proportion de la
gravité de la faute («battu d'un grand nombre de coups,...battu de
peu de coups», Lu 12:47 et suivant). L'un des récits laisse
même entrevoir la possibilité d'un certain progrès moral après la
mort (Lu 16:27,31). Le 4e évang, ne décrit pas le sort du
méchant.

3° Le corps ressuscité.
(a) Le corps du Christ. La narration évangélique
montre le Christ ressuscité attentif à prouver à ses disciples que
son corps glorieux conserve une certaine ressemblance avec son corps
de chair (Lu 24:39 et suivant, Jn 20:20-27,Ac 10:41). Mais
les conditions en sont changées, et dépassent l'expérience ordinaire;
ce corps n'est limité ni par le temps ni par l'espace (Mt 28:7,9
et suivant, Mr 16:6,7,12,14,19 Lu 24:15,31-51,Jn 20:19-26).
Souvent le Christ ressuscité reste méconnaissable pour ceux qui le
connaissent le mieux, jusqu'au moment où un geste, une parole, leur
révèle la personnalité de leur Maître (Mt 28:17,Lu 24:18,31,Jn
20:14,16 21:4).

(b) Le corps des croyants. Ce corps vivra dans des
conditions entièrement différentes de celles auxquelles nous sommes
accoutumés (Mr 12:25,Mt 22:30,Lu 20:35 et suivant). Les
ressuscités «seront semblables aux anges» (Lu 20:36),
affirmation qui est en plein accord avec l'enseignement des
pharisiens et des scribes (Lu 20:39). Les écrits johanniques
font preuve d'une sobriété toute pareille, et ne donnent guère de
description: «Bien-aimés, nous sommes enfants de Dieu, et ce que nous
serons n'a pas encore été manifesté; mais nous savons que, lorsque
cela sera manifesté, nous serons semblables à lui, parce que nous le
verrons tel qu'il est» (1Jn 3:2, cf. Jn 12:26 14:2 17:24).
«Voir le Seigneur», telle est aussi l'expression employée par l'épître
aux Hébreux (Heb 12:14).

4° Le moment de la résurrection.
Les évangiles ne fournissent que peu d'indications à ce sujet, et qui
ne s'accordent guère entre elles. Dans la parabole de Lazare et du
mauvais riche, le Christ met en oeuvre les descriptions pittoresques
de la tradition populaire juive, dont les images ne doivent pas être
prises à la lettre; notons toutefois que le sort de Lazare, comme
celui du mauvais riche, est décidé sitôt après leur mort (Lu
16:19-31). L'entretien de Jésus avec les envoyés des
Sadducéens (Mr 12:18-27,Mt 22:23,33,Lu 20:27,40) ne donne aucun
renseignement sur l'époque de la résurrection. L'une des paroles de
la croix: «Aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis» (Lu
23:43), indique qu'une vie spirituelle nouvelle succédera
rapidement à notre vie terrestre; il n'est pas question pourtant d'un
séjour préliminaire dans le Cheol, ni d'un long sommeil, ni d'un
jugement solennel. Par contre, le 4 e évang, développe une pensée
différente qui laisse supposer qu'un certain temps s'écoulera entre
la mort terrestre et la résurrection (Jn 5:28). Quant aux récits
des résurrections opérées par le Christ pendant son ministère (fils
de la veuve de Naïn, Lu 7:11-17; fille de Jaïrus, Mr
5:22,43,Mt 9:18,26,Lu 8:40-56; Lazare, Jn 11), ils n'apportent
pas d'indications sur le moment de la résurrection; tous ces
ressuscités, après avoir recouvré une vie terrestre et corporelle,
sont morts d'une mort pareille à celle des autres humains. Remarquons
d'ailleurs que ces résurrections, dans les récits évangéliques, ne
sont pas mises en rapport avec la vie éternelle (sauf dans le récit
de Jn 11), et ne sont citées par les évangélistes qu'à titre de
miracles opérés par le Seigneur (voir également Mt 27:52 et
suivant
). L'Apocalypse de Jean parle de deux résurrections. Une
première est celle des martyrs; elle a lieu pendant les mille ans
durant lesquels Satan est lié (Ap 20:1-5); ces ressuscités
deviennent prêtres de Dieu et de Christ (Ap 20:4-6, cf. Esa
61:1) et régnent avec lui pendant ces mille ans. Les autres hommes
ne reviennent à la vie que plus tard, après la défaite définitive de
Satan; c'est alors que se produit la seconde résurrection (Ap
20:12,15). Les méchants, d'autre part, souffriront une seconde
mort, la destruction totale dans l'étang de feu (Ap 20:12,15
21:8, cf. Mt 10:28). Mais ceux qui auront eu part à la
première résurrection (Ap 20:6), ceux qui auront vaincu (Ap
2:11), ceux-là échapperont à la seconde mort; ils régneront avec
Dieu aux siècles des siècles (Ap 22:3-5).

5° Conclusion.
Nous pouvons donc affirmer que les écrits du N.T., si l'on met à part
les épîtres de l'apôtre Paul, sont extrêmement sobres dans leur
description de la résurrection et des corps ressuscités. Il s'agit
là, on s'en rend compte, de mystères qui nous dépassent infiniment,
que le coeur comprend, mais que l'intelligence n'explique
qu'imparfaitement. Pour faire partager à ses auditeurs son absolue
certitude d'une vie future, le Christ s'est servi d'images et de
comparaisons qui leur étaient familières. Qu'importe si des esprits
attachés uniquement à la lettre de ces récits y découvrent des
contradictions, des invraisemblances! L'enseignement du Christ parle
au coeur avant tout; nous le sentons bien en lisant les évangiles.
Or, sur cette question de la résurrection, la réponse qui nous est
donnée est suffisamment précise, elle satisfait entièrement aux
besoins de notre vie religieuse: il y aura, déclare le Seigneur, une
vie après la mort, l'homme ressuscitera, la personnalité humaine ne
disparaîtra pas avec la vie du corps, elle conservera ses
caractéristiques et restera reconnaissable, distincte des autres
individualités; un nouveau corps lui sera donné, différent des corps
actuels. D'autre part, nos actions présentes, comme la pureté et la
sincérité de notre foi, ne sont jamais indifférentes; il y aura un
jugement, mais un jugement par un Dieu qui est un Père aimant ses
enfants, qui veut la conversion du pécheur, et dont la bonté est
infiniment supérieure à la nôtre.

2.

L'ENSEIGNEMENT DE SAINT PAUL.

1° Introduction.
C'est dans les épîtres de saint Paul qu'est développée la théorie la
plus complète de la résurrection. Mais cet enseignement paulinien est
tout occasionnel: l'apôtre répond aux questions qui préoccupent ses
correspondants et n'a pas eu l'intention de rédiger une étude
complète sur ce sujet; de sorte que certains problèmes qui nous
intéressent ne sont pas même abordés dans ses épîtres. Enfin,
souvenons-nous que la pensée de l'apôtre s'est constamment enrichie,
approfondie, et par conséquent modifiée.

2° Le corps ressuscité.
Le point de départ est la conception pharisaïque selon laquelle notre
corps actuel sera remplacé par un corps semblable, mais
parfait (1Co 15,1Th 5:23). Ailleurs, saint Paul, sans doute
influencé par l'hellénisme, accentue la différence entre la chair et
l'esprit, les opposant l'un à l'autre (Ga 3:3 5:16 et
suivant
6:8); le corps charnel périt (1Co 15,Ro 7:24, Ga
6:8), remplacé par un corps spirituel dont le principe vital est
l'Esprit; ces deux corps sont dans la relation de la semence à la
plante (1Co 15:37 et suivant).

3° Ceux qui ressuscitent.
Pas d'universalisme: seuls les chrétiens revivront; pour les
incroyants, la mort physique sera définitive (Ro 2:12 5:20 6:20-23
8:1-13 2Co 4:3 Ga 6:8 Eph 2:1,5,Php 3:18,Col 2:13, cf. Ro
9:22). Dans 1Co 15:22-28, ceux dont il s'agit («tous revivront
en Christ») sont les croyants, non les hommes qui n'ont jamais
entendu parler du Christ, et auxquels l'apôtre semble n'avoir même
pas songé dans ce passage. De même, dans la déclaration de Ro
11:32 («Dieu a renfermé tous les hommes dans la désobéissance pour
faire miséricorde à tous»), le contexte (Ro 11:19,32) s'oppose à
une interprétation universaliste, puisque saint Paul met ses lecteurs
en garde contre une conduite qui les exclurait du salut. (Voir
également 2Co 5:19 et suivant, Eph 1:9 et suivant,
Col 1:19,23).

4° Le moment de la résurrection.
C'est à l'avènement du Christ que les «morts en Christ»
ressusciteront (1Th 3:13 4:14,16,2Th 2:1). Bien qu'il s'agisse
pour ces chrétiens d'une mort et d'une résurrection véritables,
comportant un corps nouveau (1Co 15:21,42,Php 3:10,11,20 Eph 4:30
Ro 8:11), l'apôtre, persuadé de l'imminence du retour du Christ,
décrit leur mort comme un sommeil (1Th 4:13).

5° Le lieu de la résurrection.
St Paul n'évoque pas une terre transformée devenue le séjour des
bienheureux, mais se contente de l'image familière du ciel (2Co
5:1 et suivant, Eph 2:6,1Th 2:12 4:17). Les croyants,
possesseurs d'un corps spirituel incorruptible (1Co 15) et de la
gloire du Christ (2Th 2:14), jouiront de la vie éternelle, vie
parfaite à tous égards (1Co 13:8-12).

6° «Morts en Christ».

St Paul proclame sa conviction que la mort n'a pas le pouvoir de
mettre fin à la communion du croyant avec le Christ glorifié (2Co
5:1,8,Eph 2:6,Phi 1:21,23,Col 1:5); au contraire, le chrétien
s'unit au Christ par la mort (Ro 8:38 et suivant).
Toutefois, la mort et la résurrection sont envisagées par l'apôtre à
deux points de vue totalement différents:

(a) il y a d'abord un sens imagé: le croyant meurt au
péché et renaît spirituellement, devenant une nouvelle créature;

(b) puis un sens concret, celui qui nous intéresse
ici: la mort physique suivie de la résurrection, dont Dieu seul est
l'auteur, bien que le croyant y parvienne en Christ (Ro 5:21 6:23
8:2,10 et suivant, 1Co 15:22,Php 3:20 et suivant, Ga
6:8,Col 1:27 3:4,2Co 1:9 4:14,Eph 2:6).

7° Conclusion.
St Paul s'est efforcé d'exprimer ses convictions sur la résurrection
en un langage précis et compréhensible à ses lecteurs. Aucune de ses
épîtres, toutefois, n'est consacrée à l'exposé complet et
systématique de ces problèmes. Quand l'apôtre parle de la
résurrection et de la nature des corps ressuscités, c'est en réponse
à des demandes d'explication qui lui ont été faites, ou pour consoler
et calmer des inquiétudes. Faut-il s'étonner dès lors si ses écrits
ne fournissent pas toujours toutes les précisions que notre curiosité
désirerait? D'autre part, certaines expressions employées par saint
Paul, et qui éveillaient dans l'esprit de ses contemporains des
images évocatrices, constituant par conséquent d'excellentes
explications, ne correspondent plus à nos habitudes de pensée et
perdent, de ce fait, une partie de leur valeur explicative.

CONCLUSION GENERALE A L'ETUDE BIBLIQUE.

L'étude des textes relatifs à la résurrection nous aura montré
comment il se fait que les théologiens chrétiens, qui tous s'appuient
sur la Bible, ont pu cependant professer des opinions très diverses
sur cette question. Les Saintes Écritures, A.T. et N.T., tout en
écartant certaines théories sur l'au-delà qui détruisent la foi, et
en affirmant certaines vérités sur la vie à venir, n'entrent pas dans
des détails précis et ne développent pas une doctrine de la
résurrection. Ce souci de posséder un système cohérent qui
expliquerait ce que sera la vie éternelle ne fut d'ailleurs pas une
préoccupation des premiers chrétiens. Les inscriptions des catacombes
romaines (II e et III e siècle) sont instructives à cet égard: Jonas
rejeté par le poisson y figure la résurrection, tandis que le berger
séparant les brebis de son troupeau symbolise le jugement dernier;
ces images, d'autres encore, sont des preuves indiscutables de la
croyance à la résurrection, mais elles ne constituent pas une
doctrine de la vie future. Ce n'est que plus tard que le besoin s'est
fait sentir chez les chrétiens de penser leur foi d'une manière
systématique.

III Les doctrines de la résurrection dans la pensée protestante.

Il nous reste à voir maintenant quelles sont les principales
doctrines chrétiennes qui, partant de la Bible, ont pour but de faire
comprendre ce que le N.T. entend par résurrection et vie éternelle.

1.

CARACTERISTIQUES GENERALES.

La pensée protestante, qui ne reconnaît d'autre autorité que celle
des Saintes Écritures (voir Inspiration, 2 e part.), se refuse aux
précisions sur la vie de l'au-delà telles qu'en donne le
catholicisme; elle ne se complaît ni dans les descriptions de l'Enfer
et de ses tourments ni dans l'évocation des délices du Paradis, sauf
à titre de fantaisie poétique. Pour la même raison de fidélité à la
Bible, le protestantisme repousse la croyance au Purgatoire (voir
Eschatologie, III, 1).

D'autre part, les penseurs protestants mettent en garde contre
les théories panthéistes qui parlent de la mort comme d'un retour de
l'âme dans le grand Tout, à la façon d'une goutte d'eau qui retourne
à l'océan d'où elle est venue. Ces explications à tendances mystiques
ou théosophiques sont une déviation de la foi chrétienne, car elles
nient la survivance de la personnalité. Or, notre personnalité n'est
pas quelque chose de tout fait, que nous recevons en naissant; elle
est une conquête que Dieu nous impose; chacun doit travailler à
posséder ici-bas une personnalité telle que Dieu la veut; et c'est
cette personnalité qui survit, restant distincte des autres
personnalités et conservant ses caractéristiques particulières. C'est
pourquoi, d'ailleurs, la foi chrétienne n'a jamais admis et ne peut
pas admettre la croyance à la transmigration des âmes, selon laquelle
l'âme entrerait, après la mort, dans un autre corps, corps d'homme ou
d'animal, afin d'y recommencer une existence terrestre.

Enfin, on peut affirmer que, d'une manière générale, les mots
résurrection et vie éternelle sont à peu près synonymes,
malgré les importantes nuances qui séparent le sens de ces termes.

2.

LES REFORMATEURS.

Ceux-ci ont peu traité la question de la résurrection, sauf pour
lutter contre la doctrine du Purgatoire. Leurs écrits ne renferment
que quelques indications concernant la survivance. Calvin repousse
l'idée que l'âme des morts, en attendant le moment de la
résurrection, serait plongée dans une sorte de sommeil. Même attitude
dans la théologie luthérienne. Ailleurs Calvin combat la croyance de
ceux qui prétendent que l'âme meurt avec le corps pour renaître avec
lui à la consommation du monde. Mais en dehors de ces points, somme
toute secondaires, les réformateurs sont d'une sobriété que nous ne
pouvons qu'admirer. D'après Calvin, nous ressusciterons «en la même
chair que nous portons aujourd'hui quant à la substance, mais
différente quant à la qualité» (Inst. Chr., III, 25:8), ce qui
signifie, d'après les développements qu'il ajoute, que l'organisme
humain, tout en restant identique, sera transformé, glorifié.--Les
symboles ecclésiastiques de l'époque se contentent d'affirmer la
résurrection sans aborder les difficultés de la question.

3.

LE SOMMEIL OU INCONSCIENCE DES MORTS.

L'hypothèse d'une inconscience des morts jusqu'à la résurrection
finale a été soutenue par quelques théologiens (cette doctrine, nous
l'avons dit, a été violemment combattue par Calvin). Ils s'appuient
sur un certain nombre de textes bibliques qui n'ont d'ailleurs pas
tous la même valeur probante (Ge 47:30,De 31:16,Job 7:21 14:12,Esa
26:19 14:9 57:2,Da 12:2,12,Jer 51:39-57 Jean 11:11-14 Ap 14:13, Lu
8:52,Mt 25:5 27:52,Ac 7:60 13:36,1Co 15:6,18,20,51 1Th 4:13-15
5:10, etc.). D'autres textes, cependant, ne cadrent pas avec la
conception d'un sommeil des défunts; ainsi 1Sa 28,Lu 9:28,36
23:43,Heb 12:1-23,Ap 6:9,11 14:13. Nous ne pouvons entrer ici dans
la discussion d'une question aussi complexe et délicate. Le tort de
ceux qui soutiennent cette doctrine nous semble être de la vouloir
présenter comme la seule authentiquement biblique et d'affirmer que
toute autre conception est contraire à l'enseignement des Saintes
Ecritures. Tout en reconnaissant la réelle valeur philosophique de
cette hypothèse, nous sommes bien obligés de constater qu'elle ne
s'impose pas à l'esprit du lecteur attentif de la Bible.

4.

LE MOMENT DE LA RESURRECTION.

La résurrection se produira-t-elle immédiatement après la mort ou
seulement lors de l'avènement du Christ, à la parousie? De nouveau
les textes bibliques, par leur imprécision et leurs divergences, nous
prouvent que le Christ n'a pas laissé à ses disciples un enseignement
circonstancié sur ces questions, qui relèvent plus de la curiosité de
l'esprit que de la foi profonde.

La résurrection au jugement dernier, à la parousie ne cadre pas
seulement avec la doctrine du sommeil des morts, elle s'harmonise
aussi avec de nombreuses déclarations des évangiles et des épîtres;
toutefois il est difficile de la concilier avec l'enseignement du 4 e
évang, sur la vie éternelle, ou encore avec la promesse de Jésus au
brigand sur la croix (Lu 23:43), ou d'autres passages tels que
Lu 20:38,Phi 1:23,2Co 5:8. Par ailleurs, l'idée d'une
résurrection immédiatement après la mort, bien qu'appuyée sur
plusieurs textes du N.T., soulève des questions insolubles (sur la
nature du corps ressuscité, par ex.) et ne s'accorde guère avec les
versets qui décrivent la résurrection au jugement dernier.

5.

CEUX QUI RESSUSCITENT.

Cette question, nous l'avons vu, comporte plusieurs réponses, toutes
fondées sur des textes bibliques. Suivant les époques et les auteurs,
la pensée chrétienne a abouti aux conclusions suivantes:

1° Destruction des méchants: seuls les justes
ressusciteront; les méchants seront détruits et anéantis. (cf. Ap
20:12-15)

2° Peines éternelles: tous ressusciteront,
justes et méchants, mais ces derniers souffriront des peines
éternelles. (cf. Mt 25:41)

3° Rétablissement final: tous ressusciteront;
les méchants, après avoir subi la juste punition de leurs péchés,
seront délivrés de leur châtiment et participeront à la vie
éternelle; c'est la doctrine du rétablissement final et universel.

4° Immortalité conditionnelle: la critique de
ces trois premières doctrines en a fait surgir une quatrième, qui
s'est développée surtout au cours du XIX e siècle, sous le nom de
conditionnalisme ou immortalité conditionnelle. Plusieurs textes,
a-t-on fait remarquer, affirment, non pas un châtiment effrayant dans
l'au-delà, mais une destruction de l'âme mauvaise dès cette vie.
L'homme ne survivra qu'à la condition de n'avoir pas détruit en lui
ce germe de vie éternelle qui s'acquiert par la foi (Jn 5:24 et
suivant
); la vie éternelle, c'est de connaître Dieu (Jn 17:3) et
d'être dans sa communion; ceux qui s'y refusent s'excluent eux-mêmes,
dès maintenant, des conditions de l'immortalité (Jn 12:48). Voir
Eschatologie.

6.

CONCLUSION.

La seule attitude vraiment respectueuse de l'enseignement biblique
est celle qui reconnaît une divergence de vues dans les Saintes
Ecritures, sans chercher à harmoniser à tout prix ce qui est
différent. Le Christ n'a pas jugé bon de nous laisser un enseignement
précis sur le moment de la résurrection et sur la façon dont elle se
produirait; il lui a suffi d'affirmer la résurrection des morts, et,
pour se faire comprendre de ses auditeurs, d'avoir recours à des
paraboles et à des images en se servant du langage de son époque,
images et langage que nous retrouvons dans les Apocryphes et
Pseudépigraphes. Ces expressions employées par Jésus et les écrivains
du N.T. sont comme tant d'images de notre langue courante: elles ne
doivent pas être prises à la lettre. De sorte que les divergences des
théologiens et des philosophes qui, s'efforçant de préciser ce que la
Bible n'a pas précisé, aboutissent parfois à des conclusions
opposées, ne doivent pas troubler notre foi; ces divergences sont
inévitables; il s'agit là d'explications données par l'intelligence
sur des problèmes qui la dépassent et devant lesquels la raison
humaine ne peut que balbutier,» car nous ne connaissons
qu'imparfaitement», comme le remarquait l'apôtre; et ce n'est que
lorsque sera venue la perfection que disparaîtra cette connaissance
imparfaite (1Co 13:9 et suivant).

D'ailleurs la Bible, spécialement le N.T., ne nous donne-t-elle
pas, sur ces problèmes troublants de la vie après la mort, tout ce
dont notre foi a besoin? L'enseignement du Christ contient des
déclarations qu'il nous faut garder précieusement, et qu'on peut
résumer en ces trois points:

L'âme humaine, c'est-à-dire la personnalité,
survivra.

Cette âme conservera des caractéristiques; toutes
les âmes ne seront pas confondues les unes avec les autres, mais des
«corps ressuscités» les différencieront.

Nos actions et nos pensées ne sont pas
indifférentes devant Dieu, mais entraînent des sanctions: le mal sera
puni et le bien aura sa récompense. Mais le Dieu qui nous jugera,
c'est le Dieu que le Christ nous a révélé, le Père qui ne veut pas la
mort du coupable, mais sa conversion.

Comme le dit saint Paul, «notre Sauveur Jésus-Christ a détruit la
mort et mis en évidence la vie et l'immortalité par
l'Évangile» (2Ti 1:10); l'apôtre dit vrai, mais,
ajouterons-nous, le Sauveur n'a pas jugé utile de nous informer de
tous les détails de cette grande espérance. Edm. R.

Résurrection et histoire.

Toute la doctrine de la vie à venir est suspendue à la résurrection
de Jésus-Christ le matin de Pâques. La critique moderne reconnaît
volontiers que l'Église chrétienne est issue de la foi en la
résurrection de Jésus, mais elle pense échapper au miracle en donnant
à cette résurrection un sens purement spirituel. Comment l'idée d'une
résurrection spirituelle--idée contradictoire aux conceptions
courantes de l'époque (cf. Mr 9:43 et suivants, Jn
11:24)--serait-elle venue à la pensée de ces frustes Galiléens,
étrangers par leur race et par leur manque total de culture à toutes
les spéculations de la philosophie? Ces gens simples avaient vu
mourir leur Maître d'une mort cruelle et ignominieuse. Ils le
tenaient pour mort et bien mort; mortes étaient aussi les espérances
messianiques qu'ils avaient rattachées à sa personne. Et l'on
voudrait que l'idée d'une résurrection spirituelle se fût soudain
emparée d'eux, les eût bouleversés et transformés au point de les
élever tout à coup bien plus haut qu'ils n'avaient jamais été du
vivant de leur Maître? Voilà un miracle psychologique d'autant plus
invraisemblable parmi les Galiléens ignorants disciples de Jésus, que
nous ne voyons rien d'analogue se produire dans les milieux évolués
de l'Église contemporaine. Là, à part des exceptions que l'on
pourrait toujours citer mais qui confirment la règle, on peut
constater que la doctrine d'une résurrection du Christ purement
spirituelle est sans action, sans rayonnement; qu'elle se traduit,
chez les chrétiens qui la professent, par une sorte de philosophie où
la puissance régénératrice de l'Évangile s'en va s'affaiblissant
jusqu'à disparaître. Les Églises qui vivent en dehors de la foi à la
résurrection historique de Jésus, en réalité ne vivent pas la vie
spirituelle à laquelle elles prétendent se tenir, et n'en portent pas
les fruits. C'est un fait d'histoire. Il ne faut pas s'en étonner.
Car l'homme est chair et esprit. Pour que les réalités spirituelles
lui soient assimilables, il faut d'abord qu'elles soient sensibles,
que tout son être soit saisi et conquis. La conviction qui allume le
témoignage doit avoir pour point de départ une rencontre. La foi doit
être amorcée par la vue. Pour que Dieu s'impose à l'homme, il faut
qu'il se pose d'abord devant lui. Cela est si vrai que la Bible qui
nous commande de marcher par la foi nous montre partout, à l'origine
de cette marche, une prise de contact directe de celui qui veut qu'on
croie en lui avec les hommes dont la mission sera de transmettre la
foi aux siècles qu'elle doit féconder. Au premier homme, au père des
croyants, au législateur d'Israël, aux prophètes, Dieu s'est fait
connaître directement et ils en rendent témoignage. Quand il s'est
agi de fonder le nouvel Israël, Dieu est revenu dans la personne du
Christ. Pour inaugurer la révélation, il fallait les miracles. Pour
allumer dans les coeurs la foi en l'amour du Père, il fallait la
présence du Fils: Jésus vivant, agissant, souffrant, mourant. Pour
convaincre ses disciples de sa résurrection, il fallait qu'il se
montrât vraiment ressuscité à leurs yeux. Dira-t-on que les disciples
ont cru le voir et qu'ils se sont fait illusion? L'illusion n'est pas
génératrice de réalités fécondes. Or, l'Église née de la foi en la
résurrection de Jésus est une réalité dont la vertu vivifiante est
indiscutable.

On objecte alors que cette résurrection, ainsi envisagée,
n'appartient pas à l'histoire; qu'elle est en dehors du champ de la
science historique. C'est vrai, et c'est faux. C'est vrai, en ce sens
que la résurrection du Christ n'a rien à voir avec le déterminisme
historique si cher à tant de nos contemporains, et que les facteurs
de l'histoire qui servent de fondement à la critique pure sont
totalement impuissants à rendre compte de la résurrection. C'est
faux, parce que la résurrection de Jésus s'est intégrée dans
l'histoire avec une force telle qu'elle a jusqu'à un certain point
changé l'orientation de l'histoire, en sorte qu'on ne saurait
expliquer cette orientation nouvelle, qui est un fait, sans tenir la
résurrection de Jésus pour un fait historique. On dit que la
prédication de la croix suffit pour expliquer le renouveau moral et
spirituel qui a produit le christianisme et inauguré une nouvelle
humanité. Il y aurait lieu, alors, de rechercher quel est le rôle que
joue la croix dans les milieux chrétiens qui ont abandonné la foi en
la résurrection historique du Christ; de s'informer si dans ces
milieux-là elle occupe le centre de la prédication, si elle produit
des conversions, des régénérations, des oeuvres conquérantes.
L'expérience nous paraît prouver que là où la résurrection a été
abandonnée, la prédication de la croix s'est peu à peu muée en
prédication de morale, et que la préoccupation du Royaume de Christ a
cédé la place au programme social. La vérité, la voici: c'est la
croix qui sauve le pécheur, mais c'est la résurrection qui accrédite
la croix. La croix par elle-même n'est qu'un supplice, un
effondrement, une mort. Ce qui fait d'elle non une fin mais un
commencement, c'est la nature du crucifié. D'où viennent à cette
croix ses vertus rédemptrices? Du fait que le Fils de Dieu lui-même a
passé trois heures cloué sur le Calvaire. Et d'où vient aux disciples
exténués par ce découragement cette foi soudaine que leur Maître
crucifié au Calvaire était le Fils de Dieu? Du fait que le matin de
Pâques, contre toute attente et toute vraisemblance, ils ont vu Jésus
lui-même libéré du tombeau demeuré vide; qu'ils ont vu de leurs yeux,
entendu de leurs oreilles, touché de leurs mains le Christ
ressuscité; et que pendant quarante jours le Fils de Dieu s'est
appliqué à graver dans leurs âmes la certitude du triomphe de vie et
de la victoire de l'Évangile du pardon, sanctionné à jamais par sa
résurrection d'entre les morts. Pendant ces quarante jours, préparant
ses disciples à son absence matérielle et les introduisant dans sa
communion spirituelle, Jésus, après avoir repris vie, a redonné la
vie à la foi des apôtres, foi que la Pentecôte devait consacrer et
qui devait faire d'eux les conquérants du monde. Qu'on relise les
premiers discours qui, d'après le livre des Actes, sont à l'origine
de l'Église: Pierre n'y prêche pas la croix et la mort rédemptrice de
Jésus, il prêche la résurrection de Jésus, par quoi la démonstration
est donnée que son Maître crucifié par les Juifs était vraiment le
Messie qui devait venir...et qui reviendra. Plus tard, principalement
par la mission de l'apôtre des Gentils, la croix s'avérera le fait
central de l'Évangile, mais cette croix devra sa valeur à la
résurrection: ce sera la croix du Fils unique «donné au
monde» (Jn 3:16), «mort pour nos fautes et ressuscité pour notre
justification» (Ro 4:25). Supprimez la résurrection corporelle
de Jésus, et tout s'écroule. «Votre foi est vaine» (1Co 15:14).
Tant il est vrai que cette résurrection, fondement premier de la
prédication évangélique et seule garantie de toute croyance à la
résurrection, est parmi les faits historiques celui que ses
conséquences dans l'histoire ont le plus péremptoirement
attesté.--Voir Jésus-Christ. Alex. W.