POÉSIE HÉBRAÏQUE

La poésie est fille de l'émotion. Sur les ailes de l'imagination,
elle se laisse emporter dans les régions de l'idéal. Sans émotion,
sans imagination, pas de vraie poésie. Pas de poésie non plus sans
une forme spéciale d'expression. Ce que le poète a éprouvé, il sent
le besoin de le faire entendre dans une langue qui n'est pas celle de
tous les jours, dans une langue abondant en images pittoresques, en
hyperboles hardies, en mots bien frappés.

Poésie est un terme qui nous vient du grec et qui signifie
création. En l'appelant de ce nom, les Grecs voulaient dire que
le poète transporte ses auditeurs, ou ses lecteurs, dans un monde qui
échappe aux conditions ordinaires de la réalité. C'est un fait dont
on doit se souvenir quand on interprète la poésie: les canons de la
science ne lui sont pas toujours applicables, et trop d'analyse en
anéantit la vie. Il ne faut donc pas nécessairement prendre à la
lettre un texte poétique, et on ne doit pas lui reprocher certaines
invraisemblances (voir par ex. Jos 10:12,14).

Certains individus ont l'âme poétique et d'autres ne sont à leur
aise que dans la prose. Et il en est des peuples comme des individus:
tels d'entre eux sont plus particulièrement aptes à la création
poétique. Les Sémites, et parmi eux les Hébreux, étaient
admirablement doués pour la poésie.

Notons tout d'abord qu'ils avaient l'âme passionnée; c'est
intensément qu'ils aimaient, et ils ne se cachaient pas de haïr
intensément. L'Hébreu avait pour son foyer, pour sa patrie, pour son
peuple, un amour ardent: «Jérusalem, si je t'oublie, que ma droite
s'oublie elle-même!» (Ps 137:5). Il saluait d'une joie sauvage
la ruine des oppresseurs de sa nation; et celui qui écrasait sur le
roc leurs petits enfants, il n'hésitait pas à l'appeler bienheureux!
Il savourait avec délices les joies de l'affection conjugale. Un ami
lui était aussi cher qu'un frère. Et ces sentiments si vifs, inspirés
par la famille et l'amitié, il les éprouvait au plus haut degré dans
le domaine religieux. C'est alors qu'il touchait au sublime.

Remarquons ensuite qu'il avait l'imagination toujours en éveil:
la métaphore lui était plus familière que le raisonnement logique. Il
avait des choses une vision colorée.

Enfin, constatons que son instinct littéraire était secondé par
une langue merveilleusement faite pour l'expression poétique. Le
verbe hébreu est loin d'avoir la rigidité à laquelle nous tenons dans
nos langues modernes, surtout en français. Il est imprécis, fluide,
et opère par suggestion, laissant ainsi le champ libre à
l'imagination. La langue hébraïque abhorre ce qui est abstrait. C'est
en termes concrets qu'elle s'exprime. La philosophie de l'école eût
été mal servie par elle, mais la poésie la trouva à sa mesure. Elle
est riche en synonymes permettant de noter les nuances délicates du
sentiment et les aspects les plus variés de la nature. Les sons mêmes
de cette langue devaient lui assurer une carrière poétique.
L'harmonie imitative lui est familière et il semble que la voix peint
à l'oreille les scènes qu'elle décrit. Les sifflantes abondent: elles
retentissent, aiguës, dans les accents du triomphe ou du chagrin. Les
gutturales, profondes, sonores, correspondent à ce qu'il y a de plus
intime dans l'âme. Et la gamme des sons de voyelles est sans lacune.

Aussi le lecteur du texte hébraïque ne devra pas se contenter de
découvrir seulement le sens des mots qu'il rencontre. Il fera
attention à leur forme, à leur son. Il constatera que le poète
hébreu, parmi plusieurs synonymes à sa disposition, a su choisir ceux
qui lui permettaient de faire entendre ce qu'il avait à dire,
qu'il s'agisse, comme dans le cantique de Débora (Jug 5), du
galop furieux des rois près des eaux de Méguiddo ou du coup qui
fendit la tête de Sisera. Le poète israélite dispose donc d'une
langue musicale et il en tire des effets inattendus.

1.

Le rythme de la poésie hébraïque.

Le rythme de la poésie hébraïque se distingue par deux caractères
principaux: le parallélisme et les syllabes accentuées.

1° PARALLELISME.

Les formes poétiques varient infiniment d'un peuple et d'un pays à
l'autre. Dans notre langue, ce qui différencie la poésie de la prose
au point de vue formel, c'est la rime, et trop facilement on
pense qu'un morceau littéraire dépourvu de rimes ne peut appartenir à
la poésie. C'est une erreur. Les Japonais, par exemple, ont un art
poétique entièrement différent du nôtre: un hokku est un petit
poème qui contient 17 syllabes, ni plus, ni moins. Que réussit-on à
exprimer en 17 syllabes? Le poète ne peut faire beaucoup plus que
suggérer une scène, une pensée. C'est à l'auditeur à compléter l'idée
suggérée: ainsi le veut l'art délicat du Japon.

Dans la poésie hébraïque également, la rime ne joue aucun rôle,
aucun rôle essentiel tout au moins. On ne peut pas dire qu'elle soit
totalement absente. Ainsi, dans le chant de Lémec (Ge 4:23), le
poète se plaît à faire entendre plusieurs fois les sons i et im,
et cette répétition constitue une espèce de rime; mais il ne
s'agit que d'un phénomène accidentel. Cependant, si la rime est
absente, si l'oreille n'est pas agréablement flattée, à la fin des
vers, par une série de sons redoublés, l'hébreu a recours à un autre
redoublement, non du son toutefois, mais de l'idée. Tous ceux qui ont
lu, même dans une traduction, les Psaumes ou le poème de Job, ont été
frappés de ce constant balancement de la pensée: aussitôt qu'elle
s'est exprimée une première fois, elle se complète ou se corrige par
une seconde ligne, soeur de la première. C'est comme un perpétuel
duo: une voix retentit; à peine s'est-elle tue qu'une autre reprend
le même thème sous une autre forme, procédant par adjonction, ou par
contraste, ou par gradation.

Herder, le génial auteur allemand du XVIII° saint, qui avait si
bien retrouvé l'âme de la poésie des Hébreux (Geist der hébreu
Poésie),
a montré que ce parallélisme est une conséquence naturelle
de la forme dialoguée du chant populaire. En entendant ces vers qui
se complètent l'un l'autre, ou s'opposent l'un à l'autre, n'a-t-on
pas la vision de deux choeurs qui s'avancent, puis se retirent,
s'entre-répondant à chaque rencontre, ou encore de deux amoureux
échangeant leurs pensées et leurs sentiments, ce qui apparaît
d'ailleurs d'une façon bien caractéristique dans le Cantique des
Cantiques:



Comme un lis au milieu des épines,

Telle est mon amie parmi les jeunes filles;

Comme un pommier au milieu des arbres de la forêt,

Tel est mon bien-aimé parmi les jeunes hommes (Ca 2:2).



Ce caractère de la poésie hébraïque qui, à l'inverse de la rime,
a le grand avantage de subsister à travers les traductions, n'a pu
échapper aux lecteurs attentifs de la Bible, et pourtant on s'abstint
longtemps d'en établir la théorie. Le premier hébraïsant qui en fit
une étude systématique et lui donna un nom, qui a subsisté parce
qu'il était parfaitement adéquat, c'est Robert Lowth qui, en 1753,
publia un ouvrage intitulé De Sacra Poesi Hebrceorum. Il appelait
Parallelismus membrorum cette succession de lignes ou vers se
complétant l'un l'autre. Le procédé reconnu par Lowth n'a rien de
monotone ni de stéréotypé. On trouve une certaine variété de formes.
Lowth distingue:

(a) Parallélisme synonyme: le plus simple et le
plus fréquent. La pensée originale est répétée en termes différents,
mais équivalents. L'un des plus anciens poèmes hébreux, le chant de
guerre de Débora, déjà mentionné, en donne à son début un bon exemple:



Rois, écoutez,

Princes, prêtez l'oreille:

Je chanterai, oui, je chanterai à l'Éternel,

Je psalmodierai à l'Eternel, au Dieu d'Israël (Jug 5:3).



Quelquefois le parallélisme est plus étendu. Voir le début du
Ps 1:

Heureux l'homme qui ne marche pas selon le conseil des méchants,
Qui ne s'arrête pas dans la voie des pécheurs, Qui ne s'assied pas en
compagnie des moqueurs.

(b) Parallélisme antithétique: le poète fait
éclater un contraste entre deux états d'âme, entre deux situations:

Car l'Éternel connaît la voie des justes, Mais la voie des
méchants périra (Ps 1:6).

Ces antithèses sont plus que fréquentes dans les Proverbes, qui
revêtent tous une forme poétique sans être de la poésie proprement
dite:

La malédiction de l'Éternel est dans la maison du méchant, Mais
il bénit la demeure des justes (Pr 3:33).

(c) Dans le troisième cas, c'est à peine si l'on peut
conserver le terme général de parallélisme. Lowth parlait pourtant de
parallélisme synthétique ou constructif ; ici l'idée est
amplifiée par le vers qui suit:



C'est moi qui ai oint mon Roi,

En Sion, ma montagne sainte (Ps 2:6).



Souvent la construction se prolonge, et c'est tout un tableau qui
se dessine. Voir Ps 1:3:



Il (le juste) est comme un arbre

Planté près des ruisseaux d'eau,

Qui donne son fruit en sa saison,

Et dont le feuillage ne se flétrit point:

Tout ce qu'il fait lui réussit.



On pourrait énumérer encore d'autres formes de parallélisme;
mais, en réalité, elles ne sont que des variantes de la forme
synthétique. Parfois un mot est répété dans deux ou trois lignes
successives, quelque chose de nouveau venant s'ajouter chaque fois au
thème primitif. Ainsi Ps 29:1 et suivant:

Rendez à l'Éternel, fils du Tout-Puissant, Rendez à l'Eternel
gloire et honneur, Rendez à l'Éternel gloire pour son nom.

Cette redondance poétique est frappante dans les cantiques de
Mahaloth ou des Pèlerinages (Ps 120 à Ps134).

Voir, par exemple, au Ps 121:



Vers les collines je lève les yeux:

D'où me viendra le secours?

Le secours me vient de l'Éternel,

Qui a fait les cieux et!a terre.

Il ne permettra point que ton pied chancelle;

Celui qui te garde ne sommeillera point.

Non, il ne sommeille ni ne dort,

Celui qui garde Israël.

L'Éternel te gardera de tout mal,

Il gardera ton âme;

L'Éternel gardera ton départ et ton arrivée,

Dès maintenant et à jamais.



2° SYLLABES ACCENTUEES.

Ce parallélisme, qui est un caractère si frappant, si constant, de la
poésie hébraïque, constitue-t-il à lui seul la forme poétique de
cette littérature? C'est ce que nous avons maintenant à examiner.
L'éducation classique des philologues européens les poussa longtemps
à chercher dans les stiches ou lignes hébraïques l'équivalent, ou à
peu près, du vers grec ou latin. Ils essayaient de trouver des
«pieds», composés de syllabes longues et brèves régulièrement
disposées.

Il faut le reconnaître, toute tentative dans cette direction a
été un insuccès: il y a bien en hébreu des syllabes longues et
brèves, mais on n'arrive pas à établir que leur quantité ait
jamais joué un rôle essentiel dans la poésie. L'échec des recherches
faites sur la base de la prosodie classique a été si complet que le
grand hébraïsant hollandais Kuenen (Historisch-Critisch
Onderzoek,
III, 14) crut pouvoir clore le débat par cette
déclaration catégorique: «La poésie d'Israël n'est pas métrique.»
Selon lui, il n'y avait rien à trouver en dehors du parallélisme.
Cependant, toute poésie populaire primitive étant destinée à être
chantée, il est impossible d'être satisfait de ce verdict. Le
vers hébreu ne pouvait être construit sans avoir en vue les exigences
du chant, et par conséquent sans qu'il y eût dans chaque ligne des
temps faibles et des temps forts. La voix a besoin de points
d'appui régulièrement espacés. Et si l'on se rend compte que ces
hymnes des vieux Hébreux étaient accompagnés d'instruments faisant
plus de bruit qu'ils ne donnaient de son: tambourins, cymbales,
castagnettes, instruments qui marquaient nettement la mesure et
sollicitaient le pied à la danse, on se dit que le verset sémite
devait faire apparaître ces nervures de la phrase musicale.

En 1813, J.J. Bellermann, publiant à Berlin un Essai sur le mètre
hébraïque,
émettait plusieurs principes qui,
après lui, ont été vérifiés et développés par d'autres chercheurs,
comme Ernest Meier de Tubingue (Die Form der hébreu Poésie) et
plus récemment Julius Ley (Grundziige des Rythmus). L'un des
derniers livres sur ce sujet (The Poets of the O.T.), écrit par
A.R. Gordon, professeur à St-Andrews (Ecosse), présente la question
d'une façon particulièrement claire.

Des travaux de ces hébraïsants il résulte que le mètre de la
poésie d'Israël est constitué par un certain nombre d 'accents,
nous voulons dire par ce mot de syllabes fortement marquées dans
chaque vers, les intervalles entre ces syllabes accentuées étant
remplis par des syllabes atones, dont le nombre peut varier d'un vers
à l'autre sans faire tort au mètre. Ces syllabes atones étaient
prononcées très rapidement. Généralement deux syllabes atones
sont suivies d'une syllabe accentuée, ce qui donne un pied qui
n'est pas sans analogie avec l'anapeste de la métrique classique,
mais parfois il y a une seule syllabe atone précédant l'accent, ou
bien, au contraire, il y en a trois. Quant au nombre de syllabes
accentuées dans un vers, il n'y a pas de règle uniforme.

Dans les Psaumes, le Cantique des Cantiques et Job, on trouve
généralement trois accents par vers. Nous pouvons nous faire une idée
assez exacte de ce rythme, même en français, par le début des Ps
127 Ps 121:

Si l'Eternel ne bâtit la maison,

Ceux qui la bâtissent travaillent en vain..

Je lève mes yeux vers les montagnes: D'où me viendra le
secours? Le secours me vient de l'Éternel, Qui a fait les cieux et la terre

Dans les chants de guerre et dans certains psaumes
particulièrement majestueux, le 46 e et le 68 e par exemple, nous
trouvons une ligne plus longue et quatre accents au lieu de trois. En
français, Ps 46:2 fait assez bien apparaître ce rythme:
Dieu est pour nous un refuge et un appui.

Un secours qui ne manque jamais dans la détresse.

Remarquons qu'à bien examiner notre hexamètre classique français,
nous y trouvons toujours quatre accents. On s'en convaincra en
ouvrant l'Art poétique de Boileau. Ce régulateur de la prosodie
française eût peut-être éprouvé quelque surprise si on lui eût parlé
de ces quatre accents; mais ils y sont néanmoins, et il a observé
cette règle sans la connaître.

Ailleurs, en hébreu, la ligne est au contraire raccourcie, le
rythme est plus rapide, ce qui est un signe d'émotion, et surtout de
gaieté.

Par ex., Ca 2:8 et suivants:



C'est la voix de mon bien-aimé

Le voici, il vient, Sautant sur les montagnes,

Bondissant sur les collines.



Le mètre le plus remarquable est le mètre élégiaque, ou pentamètre
élégiaque,
composé d'un vers à trois accents, suivi
d'un vers à deux. On peut aussi le considérer comme un vers de cinq
temps dont le premier hémistiche a trois accents et le second
seulement deux. Le livre des Lamentations est composé de vers ainsi
construits. La 3:28 nous en donne l'idée en français:



L'Éternel a de la bonté pour qui espère en lui

Pour l' âme qui le cherche;

Il est bon d'attendre en silence

Le secours de l'Eternel. Il est bon pour l'homme de porter

Le joug dans sa jeunesse.



Du reste, ce n'est pas seulement dans le second livre attribué à
Jérémie qu'on trouve ce rythme poétique. Il est fréquent dans le
second Ésaïe, dans les psaumes des pèlerinages, et même dans certains
psaumes exprimant la joie: l'émotion joyeuse, comme l'émotion
douloureuse, ne vient-elle pas nous serrer la gorge et couper nos
paroles? Le Ps 23, le plus connu de tout le psautier, a ce
rythme, et quelques versets de la traduction française le laissent
transparaître; ainsi Ps 23:5:



Tu dresses devant moi une fable

En face de mes adversaires.

Tu oins d'huile ma tête,

Et ma coupe déborde.



Le verset, dans les livres poétiques, est généralement
composé de deux lignes, plus rarement de trois (Ps 4:2) ou même
de quatre (Ps 1:3). Il contient les divers membres d'un
parallélisme. Plusieurs versets réunis peuvent former une
strophe, laquelle souvent est terminée par un refrain. Voir
par exemple, aux Ps 42 Ps 43 --qui à l'origine n'en formaient
qu'un--la répétition de l'exhortation que le psalmiste adresse à son
âme (42:6,12 43:5). Remarquer aussi le beau refrain, modifié d'une
strophe à l'autre, de Ps 107:8,15,21,31.

Pour le sens de l'expression sélah, qui marque certaines fins
de strophes, voir Sélah. Pour les poèmes dits alphabétiques, voir ce
dernier mot.

2.

L'inspiration de la poésie hébraïque.

L'A.T, est un livre religieux, le trésor des expériences intimes des
hommes de Dieu de l'ancienne alliance. Mais la religion ne fait pas
la guerre aux diverses manifestations de la vie. «Rien de ce qui est
humain ne lui est étranger.» On ne peut donc s'étonner de rencontrer
dans l'Écriture sainte des fragments de poésie populaire, parfois
sans caractère spécifiquement religieux.

A propos du creusement d'un puits au désert, nous trouvons un
petit chant, tel qu'on en a fréquemment composé en pareille
occasion (No 21:17 et suivant). Dans Esa 5, nous avons un
chant de vendangeurs, comme ceux dont la cadence accompagnait, pleine
d'allégresse, le piétinement des grappes dans la cuve. (cf. Jer
48:33) Un tout petit fragment d'un chant analogue apparaît Esa
65:8:

Ne détruis pas (cette grappe), Car elle renferme une bénédiction.

Il est intéressant de noter que l'air des Ps 57, Ps 58, Ps 59, Ps 75
est justement nommé «Ne détruis pas!», preuve que les auteurs de
chants religieux empruntaient leurs mélodies aux chansons populaires,
comme on le faisait au XVI e siècle, comme on le fait encore
aujourd'hui. Les suscriptions de plusieurs psaumes ont conservé les
titres, tout au moins, de poèmes lyriques hébreux: «Biche de
l'aurore» (Ps 22:1); «Les lis» (Ps 45:1,60:1); «Colombe des
térébinthes lointains» (Ps 56:1). Ps 126:6 et Esa 9:3
renferment des allusions aux chants des moissonneurs, et Jug
5:11,16 à ceux des bergers, jouant de la flûte en rassemblant leurs
troupeaux.

Israël était un peuple guerrier. Qu'on ne s'étonne donc pas de
trouver en abondance dans la Bible des chants de combat, des hymnes
de victoire, rudes, sanguinaires parfois. (cf. Ge 4:23 et
suivant
) L'un des plus anciens est celui de Marie, soeur de Moïse,
après la sortie d'Egypte:

Chantez à l'Eternel, car il a fait éclater sa gloire.

Le cheval et son cavalier, il les a précipités dans la
mer (Ex 15:21).

Jug 11:34 parle de la fille de Jephté sortant avec ses
compagnes pour chanter la victoire de son père, et 1Sa 18:7 nous
a conservé le refrain populaire gui saluait les exploits de David, à
l'indignation de Saül. Un petit chant révolutionnaire est consigné
dans 1Ro 12:16:

Point de part pour nous avec David, Point d'héritage avec le fils
d'Isaï! Chacun à sa tente, hommes d'Israël!

Le plus dramatique des chants de guerre d'Israël est, sans
conteste, le cantique de Débora (Jug 5), qui donne une si
vivante image de ce qui se passait à l'époque des Juges.

On trouve dans l'A.T, quelques exemples de satire
No 21:27 et suivants se moque de Moab vaincu. Dans Jug 15:16,
Samson se glorifie des exploits remportés avec sa mâchoire d'âne.

Nous trouvons l' histoire de la race exprimée dans de petits
poèmes, qui sont donnés comme des présages d'un avenir heureux ou
malheureux. Voir Ge 9:23-27 25:23, et surtout No 23 et
No 24 où Balaam décrit le sort de la nation que Balak aurait
voulu faire maudire, ou encore Ge 49 qui, sous le nom de
«Bénédiction de Jacob», décrit le caractère des diverses tribus de la
façon la plus pittoresque et la plus exacte. Un autre exemple est
fourni par la «Bénédiction de Moïse» (De 33), qui reflète les
circonstances de l'époque postérieure au schisme.

Dans la Bible nous ne trouvons guère de traces de rondes
d'enfants (voir cependant Mt 11:16 et suivant). On trouve des
épithalames dans le Cantique. Selon l'explication la plus
généralement admise aujourd'hui, il renferme une collection de chants
de mariage, que l'on entonnait successivement pendant les sept
journées de la période des noces (voir Cantique des cantiques). La
mort d'un bien-aimé faisait aussi retentir la lyre du poète. David
composa deux chants funèbres, l'un qui exprime sa désolation lors
de la mort de Jonathan et du père de celui-ci, Saül (2Sa 1:19
et suivants), l'autre en l'honneur d'Abner (2Sa 3:33 et suivant).
La nature, ou sévère, ou riante, et toujours fidèlement observée,
a été chantée d'une façon fraîche et pittoresque par les poètes de
l'A.T, (voir entre autres Job 36:22-37:13 40:10-41:25,Ps 104,Ca
2:10,13).

Mais la poésie hébraïque est avant tout religieuse. Ce
caractère n'est pas absent de plusieurs des hymnes que nous avons
cités: le cantique de Débora est un hymne à l'Éternel, le Dieu des
combats. Il se trouve aussi dans certaines salutations
poétiques (Ru 2:4,Ps 129:8). C'est avec les psaumes qu'il
apparaît dans toute sa netteté, et si riche est le trésor contenu
dans cette collection des cantiques d'Israël, qu'il a édifié l'Église
primitive aussi bien que les Israélites pieux, plus tard les Églises
de la Réforme, et qu'aujourd'hui encore nos âmes y trouvent joie et
réconfort (voir Psaumes).

Une bonne partie de la poésie hébraïque est contenue dans les
livres des prophètes (voir ce mot). Soumis aux règles du rythme,
leurs oracles pouvaient être chantés. Du reste nous trouvons, ici et
là, des cantiques proprement dits: Esa 12, Esa 26.

On peut dire que le domaine de la poésie hébraïque s'étend
jusqu'au N.T. L'évangile de Luc (voir art.) renferme quelques
cantiques des premiers jours de la nouvelle alliance. Ils
n'inaugurent aucune forme inusitée, et leur original araméen suivait
sans doute les règles de la poésie hébraïque énoncées plus
haut (Lu 1:16-55,68-79) Nôtre Seigneur a dû souvent donner une
forme poétique rythmée à ses discours, comme le faisaient les
prophètes. (cf. Mt 11:28,30) Dans les épîtres également, et dans
l'Apocalypse, se trouvent des cantiques chrétiens, qui continuaient
la grande tradition hébraïque (Ro 8:31,39,1Ti 3:16,Ap 4:11 5:9
et suivant) et qui l'amenèrent à son couronnement. Voir Chant. Ch. B.