PHRYGIE

Vaste région de l'Anatolie occidentale, dont les limites ont beaucoup
varié, à la suite d'invasions et de conquêtes diverses. Son nom est
emprunté à celui d'un peuple, les Bryges, qui, d'après Hérodote
(VII, 73) et d'autres auteurs anciens, auraient primitivement habité
la Macédoine et la Thrace: ils étaient de même race que les Hellènes,
et parlaient une langue parente de la langue grecque. Ces Phrygiens,
nation robuste de pâtres et de guerriers, traversèrent l'Hellespont
environ un millier d'années avant notre ère et se répandirent et se
multiplièrent dans l'Ouest de l'Asie Mineure, allant à l'Est jusqu'au
fleuve Halys et au Sud jusqu'aux monts Taurus. Iconie semble avoir
marqué leur frontière S.-E. Leur frontière occidentale a beaucoup
varié. La Lydie leur appartint longtemps. Les principaux ports de
l'Hellespont et de la mer Egée furent en leur pouvoir pendant un
quart de siècle, aux environs de l'an 900 av. J.-C, et ils devinrent
une puissance navale. Ils furent ensuite refoulés par les Grecs, qui
établirent leurs colonies sur les côtes de l'Anatolie.

L'envahissement de l'Asie Mineure fut imité par d'autres tribus
de même origine, parmi lesquelles on peut citer les Mysoï et les
Bithynoï; dont les noms se retrouvent dans ceux de provinces bien
connues de l'Asie Mineure. Ces nouveaux venus, prenant pied à leur
tour dans la péninsule, coupèrent la Phrygie en deux: on distingua
pendant un certain temps la Phrygie Hellespontine, près des côtes, et
la Grande Phrygie, qui occupait le plateau de l'intérieur et quelques
vallées, comme celles du Méandre supérieur et du Sangarios.

«La Phrygie a toujours été célèbre par la fertilité de ses champs
et la richesse de ses prairies. Ce pays, assez chaud pour se prêter à
la culture de la vigne, assez tempéré pour conserver à ses habitants
leur vigueur native, fut le siège d'un royaume puissant et d'une race
laborieuse» (Maspéro). Il y avait cependant des régions moins
fertiles qui ne convenaient qu'à l'élevage des troupeaux.

«La religion des Phrygiens, dit encore Maspéro, imposait à ses
fidèles un dieu suprême, Bagaïos, que les Grecs confondaient avec
leur Zeus, un dieu Min ou Menés, et une déesse-mère Amma, que l'on
qualifiait Cybèle, Agdistis, Dindyménè, Idasa, selon les montagnes où
ses sanctuaires s'élevaient.» C'est le rythme annuel de la
végétation--vie, mort apparente, résurrection de la plante--qui était
représenté symboliquement par les rites, tantôt sensuels tantôt
sanglants, de ce culte naturiste, culte qui, ayant pénétré dans les
colonies helléniques voisines de la Phrygie, fut transporté dans tout
le monde grec et au delà.

Le tempérament quelque peu exubérant des Phrygiens devait trouver
aussi une expression spéciale dans l'Église chrétienne: le Montanisme
aura ses origines en Phrygie, à la fin du II° siècle.

Les Phrygiens eurent leurs propres rois pendant plusieurs
siècles: leur capitale semble avoir eu le caractère d'une forteresse
presque imprenable, dressée sur un sommet montagneux de 3 km. de
circonférence, bordé par des rocs à pic. C'est là qu'on a trouvé le
monument le plus caractéristique de la Phrygie, la tombe du roi
Midas, taillée avec art par d'habiles sculpteurs sur la face
verticale d'un rocher.

La Phrygie devint tributaire de la Lydie en 585 av. J.-C, mais,
en 546, à la suite de la défaite de Crésus par Cyrus, elle passa à
l'empire perse. Sa condition devint alors très misérable: on y
pratiquait en grand la traite des esclaves, qu'on vendait sur les
marchés des opulentes cités grecques. La bataille d'Issus (333) fit
passer toute l'Asie Mineure sous la domination d'Alexandre. Après sa
mort, la Phrygie appartint aux Séleucides, puis au royaume de
Pergame. Au III° siècle, nouvelle invasion: des Gaulois, plus connus
sous le nom de Galates, s'établirent fortement dans l'Est de la
contrée dont nous parlons; telle est l'origine de la Galatie (voir ce
mot). Quand Rome s'empara de l'Anatolie, la Phrygie fut divisée en
deux: l'Est fut joint à la Galatie (Phrygia Galatica), l'Ouest à
la province d'Asie (Phrygia Asiana) ; la Phrygie galatique comprit
le N. de la Pisidie.

La Phrygie apparaît trois fois dans le N.T. D'après Ac 2:14,
des Juifs phrygiens sont en séjour à Jérusalem pour la Pentecôte; on
peut penser qu'ils appartenaient aux colonies juives florissantes de
la Phrygie galatique. Le mot grec Phrugia se trouve aussi dans
Ac 16:6 18:23: nom ou adjectif, on est en droit d'y voir la
Phrygie galatique; les villes de Phrygie visitées dans ces deux cas
par saint Paul furent probablement Iconie et Antioche de Pisidie, et
sans doute quelques autres que nous ne connaissons pas (voir Paul
[ses voyages], III).

L'apôtre traversa deux fois la Phrygia Asiana, sans pourtant
qu'elle soit nommée: dans son second voyage, quand il ne lui fut pas
permis d'annoncer la parole en Asie (Ac 16:6) et, dans son
troisième voyage (Ac 19:1), quand il descendit à Éphèse des
hautes provinces de l'Asie. Dans les villes de la vallée du Lycus,
Colosses, Laodicée, Hiérapolis, appartenant à la Phrygia Asiana,
d'importantes Églises furent fondées par des compagnons d'oeuvre de
l'apôtre Paul; cette région devint un centre actif de vie chrétienne.

D'après une hypothèse admise par quelques ethnographes, les
Phrygiens auraient été les ancêtres des Arméniens. Ch. B.