PHILADELPHIE
Colonie de Pergame, fondée par Attale II Philadelphe (159-138 av.
J.-C), qui l'appela de son surnom comme il avait appelé de son nom
l'autre ville par lui reconstruite: Attalie (voir ce mot). Le grand
plateau d'Asie Mineure s'élève au Sud de l'Hermus, dont l'affluent,
le Gogamus, s'y est creusé une longue vallée; c'est la seule voie
d'accès pratique au plateau, et par elle passaient les routes de
Smyrne, de Lydie et du N.-O, vers l'Est et la Phrygie. Elle devait
fournir plus tard son itinéraire à la poste impériale venant de Rome
par Troas, Pergame et Sardes, puis devenir la plus grande voie
commerciale du Moyen âge, et recevoir enfin, de nos jours, la voie
ferrée de Smyrne vers l'intérieur. C'est dans cette vallée qu'Attale
II fonda Philadelphie pour faire rayonner la civilisation et la
langue grecques dans la région dont elle gardait l'entrée. Elle
réussit dans cette mission: en l'an 19, le lydien n'est plus parlé
dans le pays; même au point de vue religieux, la culture hellénique
domine, comme l'attestent les monnaies aux divinités anthropomorphes.
On trouve toutefois encore le dieu-serpent chevauchant un cheval,
indice de courses célèbres en l'honneur d'Asklépios. C'est que,
malgré les apparences d'hellénisation officielle, surtout en surface,
le vieux paganisme anatolien restait profondément enraciné, et
influent.
En 17, le grand tremblement de terre qui dévaste la Lydie détruit
Philadelphie; comme Sardes, elle a part aux libéralités de Tibère: en
l'honneur de celui-ci, ou de Germanicus qui lui transmet le présent
impérial, elle prend alors le nom de Neokaïsareïa (Nouvelle
Césarée [=ville de César]), puis plus tard, sous Vespasien, celui de
Flavia ; elle est la seule cité du pays à se revêtir ainsi d'un
nom nouveau.
Le tremblement de terre de l'an 17 s'était longtemps prolongé, en
secousses souvent répétées, et la terreur paralysait encore les
Philadelphiens lorsque Strabon visita leur ville en l'an 20. Ils
étaient sortis de la cité pour vivre aux environs dans des huttes, au
milieu de leurs cultures, d'ailleurs fertiles. Aux II e et III°
siècle, Philadelphie retrouva la prospérité et reçut l'honneur d'un
temple provincial.
Élevée sur une petite colline, Philadelphie est devenue au Moyen
âge une forteresse qui soutint contre les Turcs de nombreux sièges et
ne succomba que vers 1380 à une coalition de Turcs et de Byzantins.
Encore aujourd'hui, sous le nom d'Alas-Scheht, c'est un centre
chrétien en pays musulman.
On ne sait comment ni par qui l'Évangile y fut apporté; comme
Église chrétienne, Philadelphie devait être aussi une cité
missionnaire. Elle eut de bonne heure ses martyrs, dont onze en même
temps que Polycarpe de Smyrne. Elle s'illustra par le ministère de la
prophétesse Ammia, reconnue comme vraiment douée de l'esprit
prophétique à la manière d'Agabus et des filles de Philippe (Eusèbe,
H.E., V, 17:2). Elle eut à lutter contre un parti juif, plus
nationaliste que spiritualiste. Lorsque Sardes disparut, l'évêché de
Philadelphie devint le premier de la région.
La lettre à l'Église de Philadelphie (Apo 1:11 3:7-13) se
rapproche de celle à l'Église de Smyrne; ce sont les plus élogieuses
des sept lettres: et il faut noter que ces deux villes sont demeurées
des centres chrétiens en Asie Mineure. Elle promet à l'Église
éprouvée et craintive le secours à l'heure de l'épreuve, et
l'assurance pour les croyants de devenir de fermes colonnes dans le
temple de Dieu d'où ils n'auront plus à sortir (double allusion aux
souvenirs du tremblement de terre). Ils changeront de nom en son
honneur, eux aussi (comme leur ville en l'honneur de l'empereur
bienfaiteur); et cela parce qu'ils ont été fidèles témoins (même mot,
en grec, que martyrs) dans leur tâche missionnaire: c'est la «porte
ouverte» par le Seigneur Lui-même, et que personne (aucune autorité
humaine) ne peut fermer. Sans doute, leur Église est petite et
faible, n'ayant «que peu de force», mais en «tenant ferme» ce peu
qu'elle avait, elle possède déjà la couronne: elle «a gardé la parole
du Seigneur», et lui la «gardera» donc dans l'épreuve.
Il ne faut pas confondre cette Philadelphie (pl. XIII) avec celle
qui, ancienne Rabba des Ammonites (voir Rabba) hellénisée au III°
siècle av. J.-C, reçut son nouveau nom de Ptolémée Philadelphe; à
l'époque de J.-C, c'était une des cités de la Décapole, en Pérée (pl.
VIII), mais elle n'est pas mentionnée dans le N.T.
Comme le surnom de Philadelphe était en grec-une épithète
(Philadelphos =ami du frère), le nom de Philadelphie était un
substantif (Philadelphia =amour fraternel), qui se trouve
plusieurs fois avec ce sens dans le N.T (1Th 4:9,Ro 12:10,
etc.;voir la fin de l'article Amour). D'où le choix de ce nom
symbolique pour la grande ville américaine fondée au XVII e siècle
par le Quaker William Penn: Philadelphie, la cité de l' «amour
fraternel», celle des «Amis». And. R.