PAROUSIE

Terme théologique, dérivant du gr. parousia, et par lequel la
pensée chrétienne désigne le retour du Christ sur cette terre, sa
seconde venue parmi les hommes. Le mot parousia, que nos versions
traduisent ordinairement par avènement, se rencontre à plusieurs
reprises dans le N.T. (Son emploi fréquent dans les papyrus
contemporains du N.T. en fait le mot technique pour désigner une
«visite» de roi ou de grand personnage, à laquelle les sujets se
préparent à l'avance.)

I Etude biblique.

Plusieurs textes se bornent à mentionner simplement ce retour du
Christ (Mt 24:3-27,Jn 14:3,Ac 3:20 et suivant, 1Co 4:5 11:26
16:22,Col 3:4,1Th 1:10 2:19 3:13 5:23, 2Th 1:7 2:8,1Ti
6:14,2Ti 4:8,Tit 2:13,1Pi 1:7,2Pi 1:16,1Jn 2:28,Ap 3:11
22:12,20). D'autres passages sont plus explicites et révèlent,
lorsqu'on les compare entre eux, deux tendances différentes. D'après
certains textes, la parousie est imminente et des signes précurseurs
l'annonceront; selon d'autres, elle ne se produira que dans une
époque lointaine, sans que personne en puisse déterminer le moment.

Examinons ces textes.

1.

LA PAROUSIE EST IMMINENTE.

Dans les évang, synoptiques, certains passages semblent ne
laisser aucun doute à cet égard. «Je vous le dis en vérité, cette
génération ne passera point, que tout cela n'arrive» (Mr 13:30,Mt
24:34,Lu 21:32); «Je vous le dis en vérité, quelques-uns de ceux qui
sont ici ne mourront point, qu'ils n'aient vu le Fils de l'homme
venir dans son règne» (Mt 16:28, cf. Mr 9:1,Lu 9:27). Et
encore: «Vous n'aurez pas achevé de parcourir les villes d'Israël que
le Fils de l'homme sera venu» (Mt 10:23). Le quatrième évangile
donne une note semblable; Jésus promet à ses disciples
qu'il reviendra du ciel pour les prendre à lui (Jn 14:3). L'un
d'eux reçoit l'assurance formelle qu'il demeurera sur terre jusqu'à
cet événement (Jn 21:22 et suivant). La même idée se retrouve
dans 1Jn 2:28. L'apôtre Paul partage cette opinion, et la
présente comme «une parole du Seigneur» (1Th 4:15-17, cf.
1Co 1:7 et suivant). Enfin l'épître de Jacques (Jas 5:7 et
suivant
) recommande la patience en rappelant l'imminence de la
parousie, et la seconde ép. de Pierre laisse entrevoir que ce
retour du Christ peut être hâté par l'attitude des chrétiens (2Pi
3:11 et suivant).

2.

LA PAROUSIE EST LOINTAINE.

D'autres textes, cependant, ne voient pas dans la parousie un
événement imminent. Plusieurs paraboles laissent supposer qu'un
certain temps doit encore s'écouler pendant lequel la vie terrestre
se poursuivra dans les conditions habituelles. Ainsi la parabole du
grain de moutarde (Mr 4:30,32,Mt 13:31,Lu 13:18 et suivant),
celles du levain (Mt 13:33,Lu 13:20), des méchants
vignerons (Mr 12:9,Mt 21:41,43,Lu 20:16). Les malheurs que
subira Jérusalem «jusqu'à ce que les temps des nations soient
accomplis» (Lu 21:24) semblent bien devoir durer plus longtemps
qu'une génération. Lorsque le Christ donne l'ordre à ses disciples de
convertir toutes les nations (Mt 28:19), est-ce en accord avec
une parousie immédiate? Puis, que signifieraient ces appels à la
vigilance, suivis de cette constatation que nous ne savons pas quand
le Seigneur viendra? (Mr 13:35,Mt 24:42,Lu 12:40) D'autre part
le 1er évang, rapporte que «cette bonne nouvelle du royaume sera
prêchée dans le monde entier, pour servir de témoignage à toutes les
nations» (Mt 24:14), et Mr 13:10 relève qu' «il faut
premièrement que la bonne nouvelle soit annoncée à toutes les nations».
Il est certain que de pareilles déclarations ne s'accordent
guère avec la certitude d'un retour très prochain du Seigneur. Dans
les écrits pauliniens, nous faisons la même constatation. Un texte
comme 2Th 2:1 et suivant met en garde contre l'espoir d'une
parousie immédiate. Même prudence encore dans 2Pi 3:8,10.

3.

LES SIGNES PRÉCURSEURS DE LA PAROUSIE.

Les déclarations qui annoncent l'imminence de la parousie en font
connaître également les signes avant-coureurs. Les évangiles syn.
parlent de faux prophètes, de tribulations, de signes dans le ciel,
d'une attaque contre Jérusalem: autant de preuves du prochain retour
du Christ (Mr 13:5,27,Mt 24:5,32,Lu 21:7,28). La venue de faux
prophètes est également prédite, sous le nom d'Antéchrists (voir ce
mot), par 1Jn 2:18,22 4:1-3. De son côté, l'apôtre Paul (2Th
2:2,4,9) décrit l'apparition de (d'homme de péché» (voir art.)
qui doit précéder le retour du Seigneur.

4.

LA PAROUSIE, JOUR DU JUGEMENT. Ce retour du Christ marquera le temps
du jugement (voir Jour de l'Éternel). Les évangiles synoptiques
développent cette conviction (Mr 8:38,Mt 16:27 25:31,Lu 9:26).
Dans les épîtres de saint Paul, la parousie et le jour du jugement
représentent bien souvent une seule et même attente (1Co 1:8 3:13
4:4 5:5,2Co 1:14,Phi 1:6,10 2:16,1Th 5:23,2Th 1:9: et
suivant
); de même dans l' Apo (Ap 20:12). Après ce retour du
Seigneur viendra la fin, soit immédiatement (1Co 1:8 15:24),
soit après une durée de mille ans (Ap 20:1,7;voir Millenium).

II La parousie: origine de cette attente.

L'étude des différents textes bibliques concernant la parousie est
troublante; d'une part, en effet, deux tendances s'y manifestent,
celle qui affirme un retour imminent du Christ, et l'opinion opposée
qui reporte la parousie à des temps éloignés; d'autre part, le fait
incontestable est que la parousie ne s'est pas encore réalisée. Dès
lors, une première question se pose au chrétien: pourquoi le N.T.
professe-t-il des sentiments contradictoires en cette matière? Et
cette question se transforme tout naturellement en celle-ci: quelle
fut la croyance du Christ lui-même? A-t-il annoncé à ses disciples
son retour imminent, ou leur a-t-il parlé d'une parousie à la fin des
temps? Ce qui revient à se demander si Jésus a partagé toutes les
idées eschatologiques des Juifs de son temps (voir Eschatologie).

On a répondu à cette question de trois façons:

Certains ont dit: oui, le Christ a partagé
toutes les idées eschatologiques de son époque, y compris celles qui
concernaient le jugement du monde par le Messie descendant du ciel.
Se considérant comme le Messie annoncé par les prophètes, Jésus s'est
appliqué à lui-même cette intervention messianique et surnaturelle
après sa mort. Or, puisque la parousie ne s'est pas produite, c'est
donc que le Christ s'est trompé.

Selon d'autres, Jésus n'a partagé aucune des
croyances eschatologiques du judaïsme contemporain. Par conséquent,
tout ce que raconte le N.T. au sujet de son retour ici-bas et du
jugement qu'il présidera n'est qu'invention de la part des disciples,
tant des évangélistes que de l'apôtre Paul ou d'autres écrivains du
N.T.

Pour d'autres enfin--et leur opinion nous semble
la plus sage--il faut adopter une solution intermédiaire. D'une
part, il est indéniable que le Christ s'est servi du langage et des
conceptions eschatologiques de son époque; il s'en est servi comme
d'un moyen pour se faire comprendre de ses contemporains, comme d'un
cadre soutenant sa pensée; il y a puisé des images d'une richesse
incomparable et des tableaux qui parlent directement au coeur. Mais
d'autre part, les disciples ont exagéré l'importance des mots
employés; ils y ont vu le fond même de la pensée la plus intime du
Christ, ils en ont voulu faire une partie importante de
l'enseignement du Maître. Prenant ce langage au pied de la lettre,
ils ont voulu y découvrir des prédictions relatives à des événements
locaux et immédiats, au lieu d'en dégager l'enseignement véritable
qui s'appliquait à tous les hommes, en tout pays et à toute époque.

III Identifications diverses de la parousie.

Devant le fait incontestable que jusqu'à présent la parousie ne s'est
pas produite, diverses solutions ont été proposées, qui consistent à
identifier la parousie à quelque événement connu. La parousie, a-t-on
dit, ce fut:

1.
La résurrection du Christ

Semblable idée ne tient pas un grand compte des textes et laisse de
côté bien des éléments importants de cette attente d'une seconde
venue; elle ne fut d'ailleurs jamais acceptée d'une façon générale.

2.
La descente de l'Esprit saint à la Pentecôte

C'est l'opinion souvent soutenue par ceux qui repoussent
l'interprétation littérale des éléments apocalyptiques du N.T., et
qui identifient l'influence du Christ ressuscité avec celle du
Saint-Esprit. Cette explication s'appuie surtout sur Jn 14:3
16:7.

3.
La destruction de Jérusalem

Cette solution s'ajoute à la précédente, et souligne l'importance des
prédictions contenues dans Mr 13 14:61,63.

4.
Les venues successives du Christ, manifestées dans les grandes
crises de l'histoire humaine. Des événements comme la destruction de
Jérusalem ou la chute de l'empire romain, par exemple, seraient dus à
l'action directe du Christ revenu sur terre pour y exercer son
jugement. Les faits saillants de l'histoire, qu'ils soient
d'autrefois ou d'à présent, représentent dès lors des parousies
successives.

5.
La mort du croyant. Cette opinion est exégétiquement insoutenable.

6.
Une survivance de l'eschatologie juive, sans valeur pour le
chrétien actuel. Cette explication, sans dénier une part de vérité à
cette attente d'un retour du Christ, considère cependant que les
premiers chrétiens ont transporté sur la personne de Jésus les rêves
de l'eschatologie juive, dont la réalisation était apparue impossible
(cf. Hén. éthiop. 48).

Conclusion.

L'opinion la plus généralement répandue est faite d'un mélange de ces
différentes théories. Les apôtres et les premiers chrétiens, qui
croyaient à la fin du monde à bref délai, ont vu l'avenir dans une
perspective prophétique plutôt qu'historique. Ils ont interprété
littéralement des paroles dont le sens spirituel seul importait. Pour
nous, cette seconde venue du Christ se place encore dans les
événements à attendre, et rien ne nous permet d'en fixer ni l'époque
ni les circonstances. De siècle en siècle, des chrétiens brûlant du
désir de connaître l'avenir ont essayé de déterminer la date précise
de la parousie en se fondant sur le livre de Daniel ou sur les
prophéties de l'Apocalypse. Or, chaque fois, le cours des événements
a prouvé la fragilité de leurs calculs et l'inutilité de cette vaine
curiosité. Edm. R.