PARFUM

1.

Usages profanes.

La vie de l'Oriental en pays chaud exige de fréquentes ablutions, qui
dans une toilette soignée se complètent d'onctions (voir ce mot),
appliquées parfois au corps tout entier (2Sa 12:20,Eze
16:9;voir Bain); ces onctions parfumées combattent les mauvaises
odeurs, souvent intolérables sous les climats brûlants, parmi des
populations ignorant à peu près tout de l'hygiène.

Les vêtements de gala, portés aux fêtes ou cérémonies, étaient
ordinairement parfumés (Ge 27:15,27,Ps 45:9,Esa 57:9).

De plus, en Palestine comme partout, les parfums accompagnaient la
sensualité (Ca 1:12 4:10-16 Pr 7:17 Est 2:12,Jug 10:3 etc.);
aussi le prophète annonce-t-il aux coquettes de Jérusalem que leurs
boîtes à parfums--sans doute flacons d'essences
recherchées--deviendront pourriture (Esa 3:20,24).

Les onctions odoriférantes étaient aussi un grand honneur à faire aux
bienfaiteurs, aux chefs, en hommage de gratitude et de fidélité
(Mr 14:3 parallèle Mt 26:7 parallèle Jn 12:3,Lu 7:37
et suivant), comme les aromates destinés à embaumer le corps des
défunts (Mr 16:1 parallèle Lu 24:1); on peut rapprocher de
ces derniers textes, et de la remarque de Jésus: «elle a d'avance
embaumé mon corps pour ma sépulture» (Mr 14:8), cette mention
d'un compte écrit sur papyrus au début du I er siècle: «parfum pour
le déplacement de la momie de la fille de Phna, 4 oboles».

Le parfum le plus commun était l'huile (voir ce mot), l'une des
principales productions de la Palestine (voir Olivier), donc
accessible à tous (Ec 10:1 etc.); mais les raffinements des
grands et des élégants mirent en honneur toutes sortes d'onguents
indigènes et exotiques, soit purs soit mélangés en de savantes
mixtures, qu'on faisait bouillir dans des cassolettes (Job
41:22). D'où l'importance de la profession de parfumeur et même,
pour le roi, de la parfumeuse, qui devint un art véritable (1Sa
8:13,Ex 30:25-35 37:29,2Ch 16:14,Ne 3:8 etc.); sous les rois
d'Israël l'Arabie fournissait des parfums exquis (Eze 27:22) et
au temps des apôtres les parfums les plus divers étaient apportés à
Rome par «les marchands de la terre» (Ap 18:13).

On trouvera des précisions sur l'origine des plus connus aux art. les
concernant: Aromates, Casse, Cinnamome, Nard, Baumes (notamment
parag. 5: myrrhe, dont le nom grec a souvent, et dans le N.T. en
particulier, le sens général de parfum), etc.

L'A.T, fait aussi quelques mentions des parfums naturels de
certains végétaux, arbres ou plantes (Ca 2:13 5:13 7:13 Bar
5:8); ils servent de termes de comparaisons pour les vertus qui
rendent les hommes agréables: sagesse, repentir, etc (Os
14:6, Sir 24:15 39:14). D'où l'expression courante en hébr., et
passée dans les langues modernes: être en bonne odeur, ou en mauvaise
odeur, à son prochain; généralement nos versions atténuent ou
suppriment cette image (Ge 34:30,Ex 5:21,2Sa 10:6 etc.). qui
nous amène aux points de vue moral et religieux.

2.

Usages religieux.

De même que la flamme et la fumée des sacrifices se sont de toute
antiquité associées à la prière de l'officiant (voir Feu, I, 4), de
même par un anthropomorphisme bien explicable les hommes primitifs se
sont figuré que les dieux éprouvaient du plaisir à en sentir la bonne
odeur. Dans le récit babylonien du Déluge (voir ce mot), lorsque
Utnapistim, sortant de l'arche, leur offrit un sacrifice d'actions de
grâces, «les dieux sentirent la bonne odeur et s'assemblèrent comme
des mouches au-dessus du sacrifiant». Une trace de la même idée
simpliste se trouve dans le vieux récit jéhoviste du sacrifice de
Noé: «L'Éternel sentit l'agréable odeur, puis l'Éternel
dit...» (Ge 8:21). Par la suite cette conception n'aura plus que
la valeur d'une image, importante dans le rituel israélite, marquée
par la locution liturgique fréquente: «un sacrifice d'agréable odeur
pour l'Éternel» (Ex 29:18,Le 1:9,13,17 26:31,Eze 20:41,Esd
6:10 etc.). C'est qu'en effet pour les Sémites le parfum
symbolisait surtout l'état d'âme de l'adorateur: sa consécration et
sa purification personnelles (W. Rob. Smith, Relig. Sem., qui
cite à ce sujet Hérodote et Pline). Ainsi, tandis que les Cananéens,
et ceux des Hébreux qui les imitent, brûlent des parfums sur les
hauts-lieux (1Ro 12:33,Jer 34:5,Eze 6:13 etc.), le parfum de
l'encens (voir ce mot), employé dans le culte d'Israël (Ex
25:6,1Ch 9:29 23:13,2Ch 2:6, Sir 45:16, etc.), avec la
place centrale donnée dans le Temple de Jérusalem à l'autel des
parfums (Ex 30, etc., Lu 1:10), finit par représenter la
prière qu'il accompagne (voir Autel; Sacrifices, II, 3, B, c).

Sans doute, les prophètes condamnent les encensements qui ne sont que
pur formalisme (Am 5:21 et suivants, Esa 1:13, etc.), alors
que, plusieurs passages des livres apocryphes semblent s'en tenir à
l'idée primitive: (cf. Sir 35:8) les idoles n'ayant pas
d'odorat ne peuvent sentir les sacrifices (Sir 30 19),
l'odeur du sacrifice fait fuir le démon (Tob 8:3); mais la
piété des croyants unit à l'encens la vraie prière (Ps 141:2),
l'Apocalypse chrétienne voit dans la coupe pleine de parfum les
prières des saints, que l'ange présente à Dieu (Ap 5:8 8:3 et
suivant
). La carrière terrestre du Seigneur Jésus s'encadre entre deux
hommages embaumés: la myrrhe des mages (Mt 2:11) et le nard pur
de Marie (Jn 12:3,7), et l'embaumement projeté du corps du
Crucifié n'a pu être fait parce qu'il est le Ressuscité (Mr
16:1 et suivant). L'apôtre Paul applique l'image de l'ancienne
alliance, d'abord à l'immolation du Sauveur: «Christ s'est donné
lui-même à Dieu pour nous, en offrande et en sacrifice, comme un
parfum d'agréable odeur» (Eph 5:2), puis à son triomphe «qui
répand par nous en tous lieux le parfum de sa connaissance», et il
poursuit en comparant la puissance de l'Évangile à celle d'un parfum
salutaire pour les chrétiens et mortel pour les
non-chrétiens (2Co 2:14,16). Il compare la libéralité des frères
de l'Église de Philippes à «un parfum de bonne odeur, un sacrifice
que Dieu accepte et qui lui est agréable» (Php 4:18).

L'Église chrétienne primitive ne brûlait point de parfums:
parfois seulement un peu d'encens dans les Catacombes pour en
purifier l'air (Tertullien); Dieu étant lui-même l'encens le plus
parfait, dit Athénagore, n'a pas besoin qu'on lui en offre. C'étaient
les cultes païens qui pratiquaient cet usage, et le geste d'apostasie
du chrétien consistait à jeter quelques grains d'encens dans le foyer
d'un autel païen. Un des plus anciens témoignages aux encensements
dans le culte chrétien apparaît dans les Constitutions
Apostoliques
(fin du IV e siècle?).

Les auteurs catholiques y voient un symbole:

du parfum de l'Évangile,

des prières des saints,

de la gloire divine cachée par les nuées.

Deux motifs utilitaires sont aussi invoqués dans une Église qui ne
néglige aucune ressource de la nature humaine:

neutraliser les émanations désagréables des
assemblées nombreuses,

>2° associer pour la vie tout entière, grâce à la
ténacité de la mémoire olfactive, les souvenirs de l'instruction
religieuse des enfants à l'atmosphère même qu'ils auront respirée en
recevant cette instruction. Jn L.