PALESTINE 4.

IV Géologie de la Palestine.

1.

Pendant la longue durée des temps géologiques qui constituent les
époques primaire et secondaire, la Palestine resta
probablement couverte par les eaux de mers immenses dont les lignes
de rivage sont inconnues. A l'emplacement de la mer Rouge, existait
un continent primaire dont les chaînes granitiques et
porphyriques d'Arabie seraient les derniers vestiges. Il envoyait une
pointe avancée vers la mer Morte. C'est contre ces montagnes, sorte
de massif central «arabo-africain», que les mers secondaires seraient
venues déposer les sédiments calcaires qui forment aujourd'hui la
majeure partie des terrains de la Palestine.

Tout au début du tertiaire, la mer «Eocène» s'étendait sur
une partie du pays. Elle laissa déposer des couches calcaires
criblées de nummulites, protozoaires en forme de menues pièces de
monnaie. On en trouve sur le Carmel, l'Èbal et le Garizim. A la
période «Miocène», la Palestine fut définitivement exondée. Elle
formait alors une haute et large plate-forme massive, très différente
de ce qu'elle est aujourd'hui. Le Jourdain, la mer Morte et la mer
Rouge n'existaient pas encore. La Galilée et la Judée étaient soudées
aux pays de Basan, de Galaad et de Moab. La Palestine, l'Arabie,
l'Abyssinie, une partie du Soudan et la région des grands lacs, unies
ensemble, formaient un continent «syro-arabo-africain», d'un climat
tropical, ayant un riche réseau de cours d'eau, au bord desquels
venaient s'ébattre des troupeaux de pachydermes apparentés aux
hippopotames, des herbivores voisins des antilopes, traqués par des
félins d'espèces diverses. Il y avait de très grands lacs séparés par
de vastes forêts, dont on retrouve encore les débris silicifiés.

Vers la fin du tertiaire (Pliocène), des mouvements du sol d'une
formidable ampleur viennent onduler la surface du plateau palestinien
dans la direction N.-S. Un long pli se forme, amenant des cassures
longitudinales; celles-ci provoquent l'effondrement de la partie
médiane qui produit le grand fossé palestinien. Il est d'abord occupé
par un lac immense, qui s'étendait depuis les marais du lac Houle
jusques et y compris la dépression de l'Araba. Ces eaux recouvraient
donc: les lacs Houle et de Tibériade, la vallée du Jourdain, la mer
Morte, la vallée de l'oued Djeîb, jusqu'aux collines de Saté. Cette
nappe d'eau appelée «bassin ou lac jourdai-nique» dépassait les
limites de la Palestine: elle avait 320 km. de long. C'est vers la
même époque, et sans doute à la suite des mêmes contre-coups, que
s'est formée la grande dislocation qui a ouvert la mer Rouge, longue
et profonde déchirure séparant l'Afrique de l'Asie.

La période quaternaire est caractérisée par des pluies
abondantes et la formation de glaciers sur les chaînes les plus
élevées (Liban, Anti-Liban). Ces glaciers étaient peu étendus, car
ils fondaient vite, en descendant dans les vallées chaudes. Les
pluies étaient au contraire si fréquentes qu'on a pu appeler cette
époque «période pluviale» ou «pluvio-glaciaire». Elles produisaient
de puissants cours d'eau; ceux-ci creusent les vallées,
approfondissent les gorges et entraînent des matériaux de tout ordre
qui se déposent en «terrasses» au bord des rivières ou dans les
grandes dépressions. L'étude de ces dépôts, sur les rives du Jourdain
ou de la mer Morte, permet de distinguer trois phases. Dans la
première, les eaux remplissent l'immense lac jourdainique, à un
niveau très élevé: il a laissé des traces sous forme de «dépôts
rubanés» accrochés aux flancs des hautes falaises (terrasse
supérieure). Dans la deuxième phase, le climat ayant changé, le
niveau du lac jourdainique baisse de plusieurs centaines de mètres
(terrasse moyenne). Enfin, dans la troisième phase, le niveau est
encore plus bas; ses dépôts forment un ressaut visible, peu élevé
au-dessus de la plaine actuelle du Jourdain (terrasse inférieure).
C'est à cette période que des mouvements importants du sol
fragmentent le grand lac en une série de bassins isolés: lac de
Tibériade, vallée du Jourdain, mer Morte, Araba. Des fractures
nouvelles se produisent, qui ouvrent le passage à des éruptions
volcaniques; elles déversent des laves et des basaltes sur le bord
oriental de la mer Morte, du lac de Tibériade, dans le Djôlân et le
Hauran.

Depuis la période historique, l'activité interne s'est atténuée.
Elle ne se traduit plus que par des sources thermales ou salines, des
émissions d'acide carbonique et des tremblements de terre. Ceux-ci
sont encore fréquents, en Palestine, et se propagent suivant deux
directions: l'une verticale, parallèle à la vallée du Jourdain,
l'autre transversale.

2.

Si, au lieu de considérer l'histoire géologique du sol dans le passé,
on examine sa stratigraphie, c'est-à-dire la disposition des couches
qui le composent actuellement, on constate qu'elles forment une série
de bandes longitudinales plus ou moins irrégulières.

Au bord de la Méditerranée existe un long «cordon littoral» de
formation récente. Il est constitué par des graviers, des sables
et des débris coquilliers rejetés par les flots. Sous l'action des
vents, ils donnent naissance à des dunes. Elles sont limitées par une
longue file de terrasses alluviales quaternaires, quelquefois
recouvertes de sable, et d'une grande fertilité. Elles touchent en
quelques points à une série d'îlots de terrain tertiaire
nummulitiques, lambeaux espacés allant du Carmel à Béer-Séba. Ils
reposent sur du terrain secondaire représenté par du crétacé
supérieur,
qui constitue la majeure partie du sol de la Palestine
et l'ossature profonde de ses montagnes. Il comprend trois étages
principaux: le Cénomanien, le Turonien et le Sénonien. Ils renferment
des marnes friables, des calcaires plus ou moins durs pouvant former
d'énormes bancs avec ou sans silex. En Judée, il est difficile de
distinguer ces couches; on appelle leur ensemble: «calcaires de
Jérusalem». La vallée du Jourdain et celle de l'oued Djeîb, qui la
prolonge vers la mer Rouge, sont constituées par des alluvions
récentes et des terrasses anciennes, véritable diluvium fluviatile
quaternaire. Leur limon jaunâtre fait contraste avec les couches
crétacées blanchâtres qui les limitent.

La TransJordanie possède au Sud, et particulièrement sur le bord
oriental de la mer Morte, des formations primaires qui se
rattachent à celles des monts arabiques, porphyriques et gréseux, par
l'intermédiaire des monts de Séir. Ce sont les célèbres grès de
Numidie, de différents âges, mais d'une teinte caractéristique,
allant du jaune fauve au rouge brun. Les ouadi découpent dans leurs
masses des gorges pittoresques. Si on excepte ces grès et quelques
formations basaltiques de la chaîne des Abarim, de la vallée de
l'oued Môdjib et de l'oued Kérac, on peut considérer que l'immense
plateau de la Belkâ, l'ancien pays de Galaad aux steppes étendues,
est tout entier crétacé. A partir de la rive gauche du Yarmouk
jusqu'aux contreforts de l'Hermon, les plateaux du Djôlân et du
Hauran sont formés de terrain volcanique aux énormes coulées. On les
retrouve sous forme de dykes et pitons basaltiques clairsemés sur la
rive droite du Jourdain, près de Safed, ou dans la plaine de Jizréel.