NOUVEAU TESTAMENT (Interprétation du)

ANTIQUITE.

Le gnosticisme (voir ce mot), en cherchant, au moyen de l'allégorie,
à adapter les écrits bibliques à ses doctrines spéculatives, ouvrit
la voie à l'exégèse. L'Église, pour se défendre, dut se placer sur le
même terrain. En Orient, deux écoles opposées prédominent:
l'École d'Alexandrie (Clément, Origène) applique au N.T. la méthode
allégorique; l'École d'Antioche (dans le domaine scientifique
Théodore de Mopsueste, dans le domaine pratique Jean Chrysostome)
préconise la méthode littérale. En Occident, en dehors d'Ambroise
qui penche vers la méthode allégorique et d'Augustin plus dogmaticien
qu'exégète, le plus remarquable critique fut Jérôme dont la science
et les connaissances linguistiques sont considérables.

MOYEN AGE.

L'exégèse subit en Occident l'influence d'Augustin et de Jérôme, mais
elle se contente de passages particuliers qu'elle réunit en «chaînes»
(Bède le Vénérable, Alcuin, Thomas d'Aquin, etc.). Pourtant Abélard
montre une certaine originalité dans son commentaire des Romains. A
cette époque apparaissent aussi les Glossaires (Strabon) et les
Sermonnaires (Nicolas de Lyre).

HUMANISME ET REFORME.

L'humanisme, en aiguisant le sens critique, fait progresser la
science biblique. Érasme accompagne son édition du N.T. grec de
remarques fort judicieuses et émet des doutes au sujet des auteurs de
divers livres: Hébreux, Jacques et Apocalypse. L'exégèse (voir ce
mot) fut en honneur sous la Réforme, et dès l'origine celle-ci v
a puisé sa principale inspiration religieuse. Déjà Lefèvre d'Étaples
par son commentaire des Romains préparait le terrain à la Réforme
française. Luther doit à l'étude de Pau! les points essentiels de sa
doctrine; il émet des critiques à l'égard d'Héb., Jacq., Apoc, et
Jude. Calvin, dans ses commentaires remarquables d'objectivité et de
clarté, fait preuve d'une compréhension profonde pour les idées
religieuses du N.T.; il conteste l'origine apostolique d'Héb., 2 et
3Jean. Théodore de Bèze, le premier critique du texte, publie le
N.T. en utilisant le codex D et des versions arabes et syriaques. Du
côté Catholique, le dominicain Sixte de Sienne (1566) se distingue
par un savoir considérable dans son interprétation de la Bible.

XVII° ET XVIII° SIECLES.

C'est un prêtre oratorien, Richard Simon, qui, dans ses Histoires
critiques du texte (1689), des versions (1690), des principaux
commentateurs du N.T. (1693), reprendra le travail critique amorcé
par les réformateurs. Son oeuvre est continuée par les protestants
Semler et Michaelis. La philologie commence à entrer en ligne de
compte, particulièrement en Hollande et en Angleterre. H. Grotius et
Wetstein surtout, dont l'oeuvre est encore utilisée de nos jours,
établissent des parallèles entre les littératures rabbinique et
classique et la littérature biblique. Le piétiste Bengel, savant
bibliciste, publie son Gnomon (1742), encore consulté à l'heure
actuelle. Sous l'influence du rationalisme français, on commence à
distinguer entre parole de Dieu et texte écrit pour lequel on réclame
le libre examen (Semler). Lessing pose la question de l'origine des
évangiles, Herder insiste sur l'importance de la tradition orale, et
Schleiermacher parle de diégèses et en contestant l'authenticité de
1Ti 1 naugure la critique des épîtres pauliniennes.

XIX° ET XX° SIÈCLES.

Sous l'influence de Schleiermacher, de Wette, Neander, Credner, etc.
ouvrent la voie à la critique moderne. D. Strauss, dans sa Vie de
Jésus
(1835), explique les récits miraculeux des évangiles par le
mythe. La célèbre École de Tubingue (Baur et ses disciples: Zeller,
Hilgenfeld, etc.), suivant les principes de la philosophie de
l'histoire de Hegel, ne reconnaît comme authentiques, parmi les ép.
de Paul, que Romains, 1 et 2Co et Galates. L'École hollandaise
(Loman, van Manen, Pierson) pousse ce radicalisme à son extrême en
rejetant l'authenticité de toutes les épîtres pauliniennes. La thèse
de Baur, qui prend comme critère d'ancienneté pour les écrits du N.T.
le conflit entre Paul et le judéo-christianisme, souleva de vives
répliques: en Allemagne Ritschl, en Suisse F. Godet, en France de
Pressensé, en Angleterre Lightfoot et Westcott la combattent
vivement. Une position intermédiaire et indépendante est marquée par
E. Reuss, auteur d'un commentaire (La Bible) impartial et érudit,
mais dépassé aujourd'hui sur beaucoup de points, et Renan, plus
historien qu'exégète, qui consacre 7 volumes captivants à l'histoire
des origines du christianisme. D'autres historiens, également
indépendants, Weizsäcker, Pfleiderer en Allemagne, Havet, A. et J.
Réville en France, s'occupent des livres du N.T., dans leurs études
sur le christianisme primitif. Parmi les exégètes proprement dits, il
faut mentionner en premier lieu H. Holtzmann, célèbre à juste titre
par sa critique approfondie des sources des évangiles et dont le
commentaire succinct est toujours d'une grande utilité. A la tendance
dite libérale s'est opposé le parti conservateur dont le centre est
en Allemagne l'École d'Erlangen. Th. Zahn, esprit scientifique très
versé dans la connaissance des écrits des Pères, en est le
représentant le plus éminent: il dirige la publication d'un bon
commentaire du N.T.

--Une position moyenne est marquée par la collection fondée par
H. Meyer et continuée par B.. Weiss. Ce commentaire, remarquable de
précision et de profondeur, continue à paraître en nouvelles
éditions.--La critique des sources a été reprise par A. Jülicher et
par Spitta qui se montre souvent indépendant de ses prédécesseurs, et
en France par M. Goguel dont l'lntrod. au N.T., en 6 vol., est un
ouvrage qui fait honneur à la théologie française. Des philologues et
des historiens profanes, A. Puech en France, E. Meyer en Allemagne,
apportent des points de vue nouveaux tout en se fondant sur les
travaux des théologiens. Des savants anglais comme B.W. Bacon,
Streeter, Scott, Taylor poursuivent la critique des sources; K. Lake,
F.C. Burkitt, Rendel Harris continuent en même temps la critique du
texte, où l'esprit anglais excella toujours depuis que les illustres
savants Westcott et Hort, à la suite de Tischendorf et de Tregelles,
avaient publié leurs importants travaux sur les manuscrits du N.T.

Les résultats de toute cette critique permirent d'approfondir
l'étude des idées religieuses du N.T. Cette étude s'imposait
d'autant plus que, dans le domaine de la dogmatique, l'École de
Ritschl insistait sur le caractère historique de la révélation. A cet
égard, on peut mentionner l'excellente Théologie du N.T. de H.
Holtzmann (publiée en 2 e éd. par W. Bauer), celle de Bovon et celles
plus récentes de Weinel et de Feine. Sur des points particuliers, il
faut citer l'ouvrage de Baldensperger sur la conscience messianique
de Jésus, qui a eu des répercussions sur la manière de considérer le
rôle des idées messianiques du judaïsme dans l'enseignement de Jésus.
J. Weiss et A. Schweitzer insistent d'une façon exclusive sur
l'eschatologie; R. Bultmann, dans son étude sur Jésus, montre que le
point de vue moral et le point de vue eschatologique sont étroitement
liés dans la prédication de Jésus. Sur la question du paulinisme qui,
depuis la Réforme, était au centre de la théologie du N.T., un des
ouvrages les plus importants est dû à A. Sabatier qui trace une
histoire de la pensée paulinienne. L'interprétation que donne du
paulinisme K. Barth s'efforce, au contraire, de dépasser le point de
vue historique et marque un retour aux réformateurs en insistant sur
le contenu doctrinal des épîtres. Elle s'oppose donc aussi à celle de
A. Deissmann qui met l'accent sur la piété de Paul et l'étudié dans
le cadre de la piété hellénistique.

Cette accentuation de l'hellénisme était devenue à la mode depuis
que l' Ecole comparative, encouragée par les résultats de cette
méthode dans l'étude de l'A.T.-, avait mis en lumière les parallèles
entre le christianisme naissant et le syncrétisme d'alors. De
précieux éclaircissements ont été apportés dans ce domaine par des
philologues comme P. Wendland, E. Norden, R. Reitzenstein, et des
théologiens comme Bousset, Deissmann, Lohmeyer, etc. En France, les
commentaires de Loisy replacent également les écrits du N.T. dans le
cadre hellénistique. Mais malgré la sagacité qu'il apporte à ce genre
d'études, Loisy laisse transparaître certains défauts où mène une
exagération de cette méthode. Les critiques finirent par négliger le
caractère intrinsèque des notions et concepts chrétiens; c'est ainsi
que des savants comme Drews et Smith ont pu aller jusqu'à nier
l'historicité de Jésus. En France, Couchoud et Alfaric arrivent
aux mêmes conclusions arbitraires, tout en insistant davantage sur
l'influence de l'A.T, dans la formation du «mythe» de Jésus, tandis
que Kalthoff en Allemagne et Dujardin en France mettent l'accent sur
le côté sociologique de l'origine de ce «mythe». Un point de vue
modéré se montre dans l'excellent commentaire publié par Lietzmann,
recueil de matériaux qui se borne à mentionner les parallèles sans en
tirer des conclusions prématurées. De même Guignebert appartient à
cette tendance modérée, et c'est lui qui, avec Goguel, a relevé en
France l'arbitraire des mythologues.

L'École comparative a eu le mérite d'avoir élargi l'horizon des
études sur le grec du N.T. en poussant à l'étude du grec des
inscriptions et des papyrus, La nécessité d'un pareil travail ressort
des ouvrages de Deissmann. Les résultats sont consignés dans les
dictionnaires de Preuschen-Bauer et de Moulton. En France, Pernot
insiste sur l'importance du grec moderne pour la compréhension du
grec de la koïné

Depuis quelques années, l'intérêt des exégètes du N.T., fixé
longtemps uniquement sur l'hellénisme, s'est porté sur le judaïsme.
Dans son ensemble, ce dernier a été étudié par G. F. Moore et avant
lui par E. Schürer et surtout par W. Bousset, G. Kittel souligne la
nécessité d'utiliser non seulement les Apocryphes et les
Pseudépigraphes, mais aussi le Talmud et le Midrasch. Déjà P. Fiebig
avait replacé les paraboles de Jésus et des récits évangéliques dans
le monde rabbinique. Mais l'ouvrage capital dans ce domaine est le
grand commentaire de Straek, et Billerbeçk, qui constitue une source
abondante de renseignements sur le rabbinisme en fonction du N.T. Un
côté très important du judaïsme auquel le christianisme me paraît se
rattacher plus étroitement a été rendu accessible par les résultats,
encore contestés il est vrai, des études de Reitzenstein sur l'Iran
et le manichéisme et de Lidzbarski sur le mandéisme.
L'Ecole formative (Formgeschichte), que représentent depuis
quelques années Bertram, Dibelius, Bultmann, etc., assigne un but
nouveau à la critique évangélique en se proposant d'étudier les lois
de la formation de la tradition évangélique et de donner pour ainsi
dire une «paléontologie» des évangiles. Enfin une autre École avec K.
Barth, Bultmann, etc., inaugure une exégèse «théologique» qui veut
transposer dans un langage moderne les idées objectives exprimées
dans les textes, mais n'arrive pas toujours à accorder sa
compréhension théologique avec les résultats de la critique
historique.

Du côté catholique, l'activité critique, qui cherche à
défendre les idées traditionnelles, a été particulièrement intense
pendant les dernières années. Le plus remarquable exégète catholique
de langue française est le P. Lagrange, auteur de commentaires qui se
distinguent par les renseignements archéologiques, mais partent
nécessairement de l'a priori imposé par le dogme catholique.

En marge de tous ces travaux dus à des spécialistes avertis s'est
créée en France toute une critique d'amateurs avec Couchoud,
Stahl, Delafosse, etc. qui, ne tenant pas assez compte des travaux
des spécialistes, arrive à des conclusions très contestables. Cette
vulgarisation un peu tendancieuse trouve un heureux contrepoids dans
la Bible du Centenaire (N.T.), publiée sous la direction de-M.
Goguel et H. Monnier en collaboration avec d'autres savants éminents
dont les introductions et les notes tiennent compte dès derniers
résultats de la critique. O. C.

Voir Bible (commentaires sur la), Critique, Texte du N.T-, Canon
du N.T.