LITURGIE

1.

Termes grecs

Sens des termes: leïtourgeïn, leïtourgia

(a) Antiquité grecque et juive. Pourvoir aux
dépenses municipales (routes, etc., ce sens subsiste dans Ro
13:6 pour la perception des impôts); payer les frais d'une
représentation théâtrale offerte au public. Les Juifs d'Egypte ont
appliqué ce mot au service militaire (Eze 29:18 LXX), puis aux
frais du culte (Ex 28:43,No 3:6 8:22 18:2,De 18:7, LXX) et aux
devoirs respectifs des diverses catégories de prêtres: Lévites
subordonnés à Aaron; Samuel aux ordres d'Héli (1Sa 2:11);
surveillance de l'arche (1Ch 16:4); service du second
Temple (Esd 7:19); adoration des milliers devant le
«Vieillard» (Da 7:10); Zacharie en office (Lu 1:23);
service du Tabernacle.--(Heb 9:21)

(b) Premiers chrétiens. Exercer un ministère
religieux (Ac 13:2); rendre des services matériels aux
Jérusalémites (Ro 15:27); selon Heb 1:7-14, les anges
sont des «esprits liturgiques» =aux ordres de Dieu; Jésus
surtout (Heb 8:6) est «établi» dans un service meilleur que
celui de Moïse; il est lui-même le «liturge des choses saintes» =le
guide qui nous apprend à discerner ce qui est vraiment saint, et qui
le réalise dans le croyant. Paul devient à son tour le guide de la
foi des Philippiens (Php 2:17), dont Épaphrodite, leur
émissaire, est «l'apôtre et liturge des besoins de Paul» (Php
2:25) =celui qui, au péril de sa vie (Php 2:30), lui apporte
leur collecte. Le soin de toute collecte charitable est d'ailleurs
une «liturgie» (2Co 9:12), parole à rappeler dans tous les
cercles missionnaires et aux caissiers de toutes les bonnes oeuvres!

2.

Liturgie

Aujourd'hui, le mot Liturgie a pris un sens étroit, plus pauvre que
l'ancien, et dont il est impossible de se contenter. On ne l'applique
plus guère, en effet, qu'à l'ordre dans le culte public.

(a) Les uns veulent que cet ordre soit rigide ,
applicable à tous les cultes de toutes les paroisses, invariable
dans son plan et ses fragments. Dans ce cas, c'est l'ordre du culte.
Les formulaires sont établis chez les Presbytériens par le Synode;
ailleurs, par le Parlement (Prayer-Book anglican) ou par le Prince
(Fréd.-Guill. de Prusse, 1822). Ce texte a force de loi, jusqu'à une
révision approuvée par les mêmes autorités ecclésiastiques ou
civiles; quelques Eglises demandent aux ministres de prêter serment
de fidélité à la Liturgie.

(b) D'autres, qui n'ont pas de Liturgie obligatoire,
appellent de ce nom l'ordre d'un culte donné, variable pour chaque
culte et chaque type de culte. Les manuels, dans ce cas, ne donnent
plus que des conseils (Églises libres, de tout le
protestantisme). Ce qui, dans tous les cas, est abusif, c'est de
restreindre la portée du mot Liturgie à ce qui précède et suit le
sermon; c'est d'appeler «liturgiques» les seuls offices sans sermon.

En réalité, la Liturgie est le plan complet de tout culte, avec ou
sans sermon. Qu'une prière soit rédigée et permanente, ou improvisée
et variée; que la lecture biblique soit prescrite (péricopes) ou
libre, il y a toujours Liturgie, c'est-à-dire qu'il faut régler la
place, la proportion et la qualité des divers moments du culte. Ce
cadre doit être fait de telle sorte qu'on puisse changer le tableau;
mais l'intérêt du tableau est que le cadre soit intelligible, et
psychologiquement vrai. L'essentiel est de «servir le peuple» au sens
ancien du mot Liturgie.

3.

Comparaison.

Le système rigide a des avantages certains.

Partout où une Liturgie conserve telle page antique et vénérable, ce
système maintient le contact du présent avec le passé de l'Église
chrétienne, et permet le groupement doctrinal de toutes les Eglises
habituées aux vieilles formules; il assure une tenue moyenne et bonne
du culte; il facilite le passage d'une paroisse à l'autre; il supplée
à l'infirmité des officiants qui débutent et des suf-fragants de
passage, autant qu'à la médiocrité de fonctionnaires sans initiative;
il rappelle sans cesse l'existence de sujets essentiels; il grave
dans le coeur des fidèles mainte prière et maint hymne de grande
valeur.

Mais, dans la mesure où il insiste sur le passé, il risque d'oublier
le présent; il prolonge l'existence de problèmes qui ne sont plus
posés par l'expérience vivante; là même où il reste bon et vrai, il
favorise l'usure, ce qui est grave, sans qu'on s'en doute.

Veut-on améliorer la situation? L'appareil de révision est compliqué,
les réformes risquent de ne se faire qu'à l'aide de compromis entre
les partis. La présence de textes tout faits convient aux esprits
superficiels et paresseux, à la routine, au «ton» sacerdotal; une
Liturgie obligatoire peut ne se prêter que fort mai aux nécessités
soudaines et aux questions nouvelles; elle peut causer des tourments
de conscience chez les officiante et faire croire aux gens
irréfléchis que les problèmes sont réglés à jamais, car tous les
fidèles ne savent pas que les «éternités liturgiques» durent au plus
cinquante ans...

Le système libre, d'autre part, a ses défauts: désordre
permanent, irréflexion, caprice des officiants, bouleversement
continu des habitudes du fidèle, oubli du principal au profit de
l'accessoire...

Mais il se prête aux mouvements de l'Esprit, il s'adapte aux
circonstances; il demande une consécration et une ferveur
personnelles toujours renouvelées en Dieu, une vigilance et une
recherche de l' «optimum» qui font trembler salutairement les
officiants vieillis en charge, autant que les débutants. Il a besoin
de la collaboration des fidèles.

Dans l'ensemble du protestantisme contemporain, la Liturgie fait
appel aux «laïcs». En Suisse, la Société «Hymne et Liturgie» a pour
tâche d'exposer au public religieux quels sont les problèmes du
culte, et de fortifier le sentiment du mystère véritable, en le
débarrassant des obstacles du cléricalisme.

Examiner toutes les Liturgies, pour voir si Jésus y est honoré et
suivi (Heb 8:2); laisser tomber ce qui ne procède pas de lui et
n'amène pas à lui; garder tout ce qu'il inspire et ce qui lui gagne
des disciples: voilà ce qui permet de se servir avec fruit d'une
Liturgie rédigée ou de s'en passer, dans la liberté des enfants de
Dieu (2Co 3:17), et pour l'édification de l'Eglise qui est le
Corps du Christ. Voir Culte, Chant, Instruments de musique. L. M.-S.