JOUR DE L'ÉTERNEL

C'est le jour où Dieu interviendra dans l'histoire humaine pour
manifester son pouvoir et le but qu'il poursuit. Ce jour fut pour les
Juifs une espérance nationale, non individuelle. On se le
représentait comme un jour de combat; rappelons-nous, en effet, que
pour les Hébreux comme pour les Arabes, «le jour» signifie souvent
«jour de bataille». (cf. Esa 9:3) Cette conception, très
ancienne chez les Hébreux, s'est maintenue vivante à travers toute
l'histoire d'Israël, mais en se modifiant avec le temps. Voici les
principales étapes de ces transformations.

1.

Le Jour de l'Éternel exprime d'abord l'exaltation du sentiment
national, sans qu'on s'embarrasse de questions morales: le Dieu
d'Israël soutient son peuple et lui réserve un jour d'éclatante
vengeance.

2.

Dès le VIII e siècle av. J.-C, Amos se refuse à admettre une idée
semblable: «Malheur, s'écrie-t-il, à ceux qui désirent le Jour de
l'Éternel!» (Am 5:18). Car les péchés d'Israël sont
innombrables, ils ont enflammé la colère de l'Éternel, et le
châtiment sera terrible, pour Israël comme pour les autres peuples,
s'il n'y a pas un changement des coeurs (Am 2:6-8 3:9-15 4:4
5:5-15,21-24 6:4-8). chez Amos et Osée (Os 13:12-16), le
jugement est dirigé contre Israël. Dans Ésaïe (Esa 2:6-21 8:1-4
9:7-13 17:6-11 28:1-4) et Michée (Mic 3:12), c'est Juda qui
doit être puni; ce châtiment, définitif aux yeux de Michée, laisse
subsister un espoir dans les prophéties d'Ésaïe qui entrevoient un
rétablissement d'Israël (Esa 1:24-26). Pour Sophonie, qui parle
aussi de ce rétablissement (Sop 3:9,20), le Jour de l'Éternel
verra comparaître le monde entier; toutes les nations seront
rassemblées devant Dieu (Sop 1:2-18 2:4-15) et subiront leur
châtiment. Mais le tableau manque de précision, car il y est question
des instruments de la justice divine, des «conviés de
l'Éternel» (Sop 1:7), et ceux-ci ne tombent pas sous le coup de
la vengeance. Chez Nahum, la colère de Dieu se tourne contre Ninive.

3.

L'exil modifie profondément la pensée juive. Sans doute l'ancienne
conception reste vivace chez Habacuc, ce prophète plein d'amertume
parce qu'il songe aux souffrances de son peuple; à ses yeux, seul
Israël est sans faute (Hab 1:2-4,13 etc.), et les oppresseurs
sont tous pécheurs; aussi Dieu les exterminera-t-il sans
pitié (Hab 3:3,15). Mais les grands prophètes ont des vues plus
profondes; pour eux, c'est chaque individu qui devra rendre compte de
sa vie, non les peuples pris dans leur ensemble. Ézéchiel insiste sur
ce jugement individuel (Eze 11:17,21 36:25-32 24:12-16); s'il
proclame l'anéantissement des païens (=Gog) quand luira le Jour de
l'Éternel (Eze 30:2-4 38:1-39:24), Jérémie, par contre, croit
à la patience de Dieu, même à l'égard des Gentils (Jer 16:19
12:15,17); lui aussi prévoit une restauration future (Jer
3:14-23 23:6,8 31:33). Le second Ésaïe reprend la pensée de Jérémie
et montre la miséricorde de l'Éternel plus grande que son courroux,
s'étendant à tous les hommes (Esa 40-50).

4.

Après l'exil, le Jour de l'Éternel est annoncé comme un jour de
colère contre les méchants. Malachie prophétise le retour d'Élie qui
renouvellera son oeuvre et préparera ainsi la venue du Jour de
l'Éternel «grand et redoutable» (Mal 4:5 3:1,3). Puis le
nationalisme s'exalte de nouveau. Le Jour de l'Éternel n'a plus pour
but d'opérer un triage moral dans le peuple de Dieu, il sert à
glorifier Israël à la face du monde; les descriptions se font
apocalyptiques. Joël est typique à cet égard (Joe 2:18-27 3:16
s). Une autre vision montre les nations groupées à l'attaque de
Jérusalem, et Dieu qui délivre son peuple en lui frayant un passage
au travers du mont des Oliviers coupé par le milieu, tandis qu'une
plaie s'abat sur les assiégeants; Jérusalem devient alors le centre
religieux du monde (Za 14).

5.

Ce caractère apocalyptique du Jour de l'Éternel s'accentue de plus en
plus; bientôt cette conception est à la base de l'attente messianique
dans la littérature apocalyptique. Le Jour de l'Éternel devient le
Jour du Jugement qui doit ouvrir l'ère messianique et marquer le
début de l'établissement du Royaume de Dieu sur la terre.

En conclusion, on peut affirmer que l'eschatologie du judaïsme est
en grande partie un développement de ce qu'impliquait déjà, dans
l'enseignement prophétique, l'attente du Jour de l'Éternel. Voir
début de l'art, suivant. Edm. R.