ISRAËL (Histoire et Religion 11.)

10.

De la révolte des Macchabées à la domination romaine.

Un vieillard de famille noble, sacerdotale, Mattathias, vivait avec
ses cinq fils à Modein, au Nord-E, de Lydde. Des envoyés du roi y
vinrent et le désignèrent pour présider à l'offrande d'un sacrifice
idolâtre. Au lieu de cela il tua le Juif qui avait offert le
sacrifice et leva l'étendard de la révolte. «Que ceux qui ont du zèle
pour la loi et gardent l'alliance, me suivent!» Il ne vécut pas
longtemps, mais ses valeureux fils étaient capables de continuer son
oeuvre. Ils furent suivis par un grand nombre de membres pieux de la
communauté, les hasidéens, et par d'autres, mécontents du
gouvernement syrien. Le nom de famille de ces chefs était celui
d'Asmonéens et ils reçurent celui de Macchabées (voir
art.),--allusion sans doute au mot «marteau». Tel, dans l'histoire de
France, Charles, surnommé Martel. Judas, grand soldat et grand
patriote, est une des plus nobles figures de l'histoire. Sa petite
armée avait l'avantage de bien connaître le pays et de pouvoir soit
attaquer hardiment, soit faire une guerre de guérillas. Il remporta
de magnifiques victoires et, trois ans, jour pour jour, après la
profanation du temple, tandis que ses soldats tenaient en échec la
garnison syrienne de la citadelle, il purifia les lieux sacrés. Les
Syriens avaient de leur côté des difficultés et trouvèrent avantageux
de conclure la paix. S'ils eussent, ainsi que les Hellénistes,
profité de la leçon et fait preuve de modération, les choses auraient
pu continuer comme par le passé. La partie pieuse de la nation se
contenta de la liberté religieuse et ne désira pas avidement une
indépendance politique, la religion beaucoup plus que la politique
étant son suprême intérêt. Les Macchabées savaient fort bien qu'il
fallait à leur liberté religieuse un fondement plus solide que les
vagues promesses des Syriens et des Hellénistes. Lorsque de cruelles
représailles devinrent à nouveau le mot d'ordre, il fallut livrer
bataille jusqu'à la mort. En mars 161, Judas Macchabée, écrasé par
des forces supérieures, fut vaincu et tué. Ses frères, Jonathan et
Simon, moins nobles que lui de caractère, étaient des guerriers et
des diplomates habiles. La sombre histoire de cette période misérable
d'intrigues et de trahisons s'éclairait parfois d'actes valeureux et
de ferveur patriotique. Un fait demeure lumineux, c'est que tous ces
frères qui périrent de mort violente furent les fondateurs d'une
dynastie et d'un royaume nouveaux. Les divisions intestines de la
Syrie facilitèrent leur entreprise et permirent à Jean Hyrcan I er,
fils de Simon, de poursuivre une politique agressive. Il organisa des
forces militaires considérables et fonda un royaume dont l'importance
n'avait pas été égalée depuis les jours de Salomon. A propos des deux
fils et successeurs de Jean Hyrcan, l'union du pouvoir sacerdotal et
du pouvoir séculier a pu être comparée à la pire période de la
puissance temporelle des papes. Il n'est pas nécessaire de continuer
le récit de cette histoire tourmentée jusqu'au moment (40 av. J.-C.)
où Hérode «le Grand», grâce à l'intrigue et au secours de Rome,
devint gouverneur de la Judée.

La formation du canon de l'A.T, était alors à peu près achevée et
les livres apocryphes (voir ce mot) commençaient à paraître. Les
différentes classes de la nation existaient telles que nous les
révèle le N.T.: les scribes, ordre important, laïques consacrés à
l'étude de la loi; les pharisiens, groupe «séparé», successeurs de la
fraction «pieuse» de la nation, souvent en conflit avec les
politiciens; et les Sadducéens, parti sacerdotal officiel dont la
religion était plus formaliste que spirituelle. En présence de tant
d'éléments opposés, comment espérer l'établissement du «Royaume de
Dieu» dans la stabilité et la paix?

Il faut mentionner brièvement la littérature eschatologique comme
l'un des traits marquants de la période qui suivit l'exil. Traitant
de la vigilance nationale, elle remplaça et, en un sens, continua la
mission orale des anciens prophètes, mais sous une forme moins
spirituelle et moins noble. Elle semble, avec Ézéchiel, s'épanouir
brusquement. En réalité, ses racines plongeaient plus avant dans la
pensée de la prophétie hébraïque. La prédiction d'Ézéchiel, relative
à la reconstruction du temple avec les services qui en dépendaient, a
reçu son plein accomplissement mais sous une forme différente du
tableau qu'il s'en était fait; son livre contient aussi une vision
mythologique des puissantes forces hostiles du monde réunies pour
que, conformément à la volonté de Jéhovah, leur destruction fût le
prélude d'une paix durable. Jérémie et le second Ésaïe croyaient que
le temple serait relevé et qu'un «reste» survivrait, mais ils
n'étaient pas fascinés par la perspective de l'anéantissement des
païens. Aggée et Zacharie semblent avoir subi l'influence d'Ézéchiel;
leurs prophéties simples et brèves annoncent un prochain ébranlement
du monde d'où sortiront pour Israël de plus grandes bénédictions.

Les ch. 24 à 27 d'Ésaïe, écrits à une date incertaine,
probablement sous la domination perse, sont un remarquable morceau
littéraire, ayant sa langue et sa théologie particulières. De
merveilleux poèmes y sont enchâssés (Esa 25:6 26:1 27:2,6,
chant qu'on peut comparer au cantique de la vigne: Esa 5:1-9).
L'Éternel vient pour juger les nations et délivrer son
peuple (Esa 26:20 et suivant); alors, quand sonnera la
trompette, les exilés de l'Assyrie et les proscrits de l'Egypte
viendront adorer Jéhovah sur sa montagne sainte à Jérusalem (Esa
27:13). La même inspiration anime les ch. 9-14 de Zacharie, bien
qu'ils soient postérieurs. L'unité de composition de cette section
est douteuse: Za 9 13 fait peut-être allusion à la période
grecque. Cet ouvrage renferme beaucoup de passages qui ont reçu une
interprétation et une application messianiques, et une prophétie bien
nette de l'affranchissement tant des Judéens que des
Israélites (Za 10:6-12).

Mais c'est le livre de Daniel qui est considéré comme le modèle
achevé d'une apocalypse. Il se compose de récits et de visions écrits
en deux langues différentes, problème qui n'a pas encore été élucidé.
Il place son héros à Babylone et lui fait prédire les malheurs de
l'époque des Macchabées. Probablement écrit vers l'an 168, il
contient aussi des traditions antérieures. On ne sait rien de la
présence d'un Daniel à Babylone ni d'une persécution dans cette
capitale. Le livre de Daniel est bien au courant des affaires
politiques de son temps et, jusqu'à un certain point, des faits
concernant l'Egypte et la Syrie; mais pour les périodes babylonienne
et perse, il semble ne s'appuyer que sur des traditions vagues et
incertaines. Il n'est pas douteux que ceux qui, les premiers, lurent
ce livre ou les portions qui en circulaient, en pénétrèrent aisément
le symbolisme et puisèrent dans ces prédictions consolation et
espérance. La croyance en l'existence des anges et en une
résurrection, tout au moins partielle, indique une époque
postérieure. Le livre de Daniel, si on l'étudié comme un message
adressé aux contemporains et non comme une anticipation littérale du
long processus de l'histoire, reste très vivant.

L'espérance messianique appartient à cette partie du sujet que
nous traitons ici. Beaucoup d'ouvrages savants ont été écrits sur
cette question; l'influence d'une certaine critique tend souvent à en
diminuer l'importance. D'une façon générale, les passages qui parlent
d'un temps de paix et de bénédictions à venir et nous présentent le
tableau idéal d'un roi juste régnant sur un peuple fidèle, ont trait
à cette espérance, ainsi que les textes qui prédisent que Jérusalem
glorieuse et puissante deviendra le centre de la vie religieuse du
monde (Esa 9:1,6 11:1 2:2,4 25:6,8). Revendication de
l'universalité: «tous les peuples», mais aussi limitation: «sur cette
montagne». La note dominante en est l'espérance d'un grand roi,
représentant de Jéhovah et sauveur de son peuple. Parfois c'est
Jéhovah lui-même que l'on se représente comme le véritable roi
exerçant le pouvoir sur son peuple. Enfin, la notion de ce roi fut
personnifiée dans «l'Oint de Dieu» (le Messie) et si les Hébreux
n'allèrent pas jusqu'à déifier leurs rois comme les autres nations
orientales, ils considérèrent leur personne comme sacrée et leur
puissance comme émanant directement du ciel. Le fait que la dynastie
de David se maintint invariablement sur le trône jusqu'à l'exil,
confirma l'espérance qu'elle serait restaurée en la personne d'un de
ses descendants.

C'est dans Esa 53 qu'il nous faut chercher la notion d'un
«Messie souffrant». Il a été très diversement commenté, mais les
savants chrétiens qui l'interprètent dans un sens national, croient
cependant que Jésus-Christ est la suprême réalisation du serviteur de
l'Éternel idéal, annoncé par le prophète. Nous devons admettre que
les auteurs du N.T. ont le droit de donner un sens spirituel à
certains passages s'appliquant à leur Maître; ces passages ne peuvent
être considérés de façon mécanique, dans leurs moindres détails,
comme une prédiction. Mais ce qui reste vrai, c'est que l'esprit de
la prophétie est un témoignage à Jésus-Christ (voir Serviteur de
l'Éternel).