INCISIONS
1.
Coutume assez répandue dans l'antiquité païenne, particulièrement
chez les peuples sémites. Elle consistait à se faire à la face, aux
mains (Jer 48:37) ou sur le corps des entailles et des coupures
déterminant une effusion de sang. Cette pratique accompagnait un
décès, un deuil (Jer 16:6 41:5), un malheur public (Jer
47:5). Elle dut être d'un usage assez courant en Israël, car des
prophètes comme Jérémie la mentionnent à plusieurs reprises, sans
d'ailleurs formuler nettement d'exclusive à son égard. Par contre les
codes deutéronomique et sacerdotal la proscrivent catégoriquement,
avec de légères variations dans la forme: «Vous ne vous ferez point
d'incisions...en l'honneur d'un mort» (De 14:1). «Vous ne ferez
pas d'incisions dans votre chair pour un mort» (Le 19:28). Les
prêtres «ne feront pas d'incisions dans leur chair» (Le 21:5).
2.
Les documents bibliques et profanes manquent de précisions sur les
origines et le but de cette pratique. L'étude des religions comparées
donne à penser aujourd'hui qu'elle repose sur un arrière-fond
d'animisme et qu'elle dut être, à l'origine, en relation directe avec
les conceptions relatives aux esprits des morts et à
l'ancestrolâtrie. En se tailladant le visage et les membres, les
vivants auraient cherché par l'effusion de leur sang, soit à entrer
en communion sacrificielle avec les esprits des morts et à renouveler
avec eux un pacte d'entente, soit à les honorer et à se concilier
leurs faveurs, soit (ce qui est moins plausible) à se soustraire à
leur pouvoir maléfique en se défigurant au point de se rendre
méconnaissables.
Au reste, les incisions semblent n'avoir été que l'un des
éléments du rituel funéraire assez complexe qui exigeait en outre
qu'en signe de deuil (voir ce mot) on se rasât tout ou partie de la
tête et de la barbe (Am 8:10,Esa 15:2,Jer 48:37). Aussi, dans
les textes prohibitifs cités plus haut, les incisions et l'usage de
se couper ou de se raser la barbe et les cheveux sont-ils confondus
dans la même interdiction (De 14:1,Le 19:28 21:5). On estime
qu'il y a là une forme dérivée de la coutume très répandue des
offrandes de chevelures, qui procédait elle-même de la notion
animiste d'après laquelle les cheveux (voir Chevelure) sont, comme le
sang, le véhicule et le siège de la force vitale.
3.
Il est probable qu'avec l'évolution des formes religieuses, les rites
animistes tendirent à se transposer à l'usage des divinités qui se
substituèrent aux esprits, et qu'ils furent considérés comme un moyen
de les rendre propices et de les révérer. C'est ainsi que d'après
1Ro 18:28, «les prêtres de Baal se faisaient, selon leur
coutume, des incisions...jusqu'à ce que le sang ruisselât sur eux».
4.
Les Hébreux ne semblent pas avoir envisagé les incisions et les
pratiques connexes autrement que comme des marques de tristesse et de
regret associées à leurs deuils et à leurs épreuves familiales ou
nationales (Jer 47:5 48:37). Quoi qu'il en soit, le
développement même du jéhovisme les obligea à y renoncer. La
souveraineté exclusive et absolue revendiquée par Dieu («Je suis
Jéhovah», «Vous êtes un peuple consacré à Jéhovah votre Dieu»,
conclusion des interdictions énoncées dans De 14:1 et Le
19:28) était incompatible avec des manifestations rituelles de
caractère païen. Il fallait en dégager l'âme israélite: c'est à quoi
s'employèrent les écrivains deutéronomiques et sacerdotaux.
5.
Le texte Le 19:28 édicté, en outre, cette interdiction: «Vous
n'imprimerez point de figures sur vous.» Elle vise la coutume sacrée,
assez répandue dans l'antiquité, du tatouage (voir ce mot).