ALIMENTATION

La Palestine, pays «ruisselant de lait et de miel» (Ex 3:8,17
33:3,No 13:27 14:7), se prêtait également à la culture, qui
dominait dans le nord, et à l'élevage, qui se pratiquait surtout dans
la région montagneuse du sud (De 8:7-14 11:8-12). Elle offrait
donc à ses habitants des ressources alimentaires abondantes et
variées qui seront successivement passées en revue ici. Pour ce qui
concerne la préparation des aliments et la manière de les servir,voir
Repas.

PRODUITS DU SOL.

Les céréales cultivées chez les Israélites étaient le froment,
l'orge, l'épeautre, ou blé de montagne, et le millet. Un usage
populaire, très ancien et très simple, consistait à griller les épis
sur des plaques ou des pierres chaudes; on obtenait ainsi le qâli,
ou grain rôti, si souvent mentionné dans l'A.T.: de
transport et de conservation faciles, c'était, en particulier, la
nourriture des moissonneurs, des gens en voyage et des
guerriers (Ru 2:14,1Sa 17:17 25:18,2Sa 17:28). Cependant, de
l'orge et du blé on tirait surtout des farines de qualités
différentes, selon que la mouture et le tamisage en étaient plus ou
moins achevés. Le grain, qui avait été détaché de la paille par
battage (Jug 6:11,Ru 2:17) ou par foulage (De 25:4,Os
10:11), était écrasé à l'aide de meules circulaires, l'inférieure
fixe, l'autre mobile et mue par la main, ou broyé et pulvérisé dans
des mortiers (No 11:8,De 24:6,Jug 16:21,Esa 47:2,Jer 25:10). La
farine servait à la fabrication du pain (voir ce mot), de
gâteaux (Ge 18:6,1Ro 19:6), de galettes (Ex 29:2,23,Le
8:26) et d'une bouillie analogue, semble-t-il, à la polenta
romaine, au porridge anglais ou à la gaude franc-comtoise
(arisâh ; dans les traductions françaises, ce mot est
habituellement rendu par l'expression: prémices de la pâte; cf. No
15:20 et suivant, Ne 10:37,Eze 44:30). Le pain d'orge était le
pain des paysans et des petites gens (Jug 7:13,2Ro 4:42,Jn
6:9,13).

La culture maraîchère était aussi pratiquée dans le pays, où l'on
connaissait les jardins potagers (1Ro 21:2). La Bible mentionne
uniquement, il est vrai, les lentilles et les fèves (Ge 25:34,2Sa
17:28,23:11), dont on faisait des potages et des ragoûts (Ge
25:29,34), ou bien que l'on réduisait, au besoin, en farine,
comme succédané pour la fabrication du pain (Eze 4:9).
Toutefois, il y a lieu de penser que les concombres, les melons, le
poireau, l'oignon et l'ail, si appréciés des Israélites pendant le
séjour en Egypte,ont (No 11:6) été cultivés aussi en
Canaan (Esa 1:8). Au reste, le livre I er de la Mischna, qui
traite longuement des choses relatives à l'agriculture, énumère
d'autres légumes connus et cultivés en Palestine et dont quelques-uns
devaient entrer dans la composition du plat d'herbes amères (voir
art.) du repas liturgique de la Pâque: pois chiche, chicorée, laitue,
endive, radis, etc.

Les fruits constituaient une autre ressource importante. Selon la
tradition sacerdotale, les récoltes des arbres fruitiers ne pouvaient
être mises à profit qu'à partir de la cinquième année, sans doute
parce que, les trois premières étant de moindre qualité, on ne
pouvait offrir que la quatrième comme prémices à
l'Éternel (Le 19:23 et suivants).

--Les figues (voir ce mot) étaient tout particulièrement
estimées: (Jug 9:11) on les consommait fraîches (Esa 28:4,Jer
24:2,Os 9:10) ou bien séchées et comprimées, comme c'est encore
aujourd'hui l'usage (1Sa 25:18 30:12,1Ch 12:40,Jug 10:5). Le
fruit du sycomore ou figue-mûre, moins recherché, n'était cependant
pas dédaigné (1Ro 10:27,Ps 78:47,Am 7:14). Il convient
d'indiquer, au passage, que l'on attribuait aux figues une vertu
curative: on les employait, par exemple, en cataplasmes contre les
furoncles et les tumeurs (2Ro 20:7, cf. Esa 38:21).

--Le raisin abondait: (Esa 32:12) l'histoire des espions envoyés
en Canaan donne une idée de la fécondité et de la magnificence du
vignoble palestinien (No 13:20,23,24). L'expression «sang des
raisins» qui se rencontre sous la plume des auteurs sacrés (Ge
49:11,De 32:14, Sir 39:26 50:16) et certaines allusions aux
vendanges (Esa 63:2) semblent indiquer que le raisin rouge était
le plus répandu. On le mangeait frais à l'époque des vendanges, temps
de grandes réjouissances (Jug 9:27,Esa 16:10,Jer 48:33); on le
faisait aussi sécher au soleil, comme la figue (No 6:3) et, sous
cette forme, il constituait une des provisions de bouche du voyageur
et du soldat (1Sa 25:18 30:12,1Ch 12:40), ou bien servait à la
confection de gâteaux (2Sa 6:19,1Ch 16:3,Ca 2:5,Os 3:1). Mais
surtout on en tirait le vin (voir ce mot) que l'on conservait dans
des outres de peau de chèvre Jos 9:4 Job 32:19,Mt 9:17 ou
dans des vases de terre Jer 13:12: les crus les plus recherchés
étaient ceux du Liban (Os 14:7).

--Les olives, que l'on récoltait un peu partout à travers le pays,
servaient principalement à la fabrication de diverses variétés
d'huile: on peut juger de l'importance de la production par les
livraisons que Salomon avait consenties au roi de Tyr en échange de
matériaux et de main-d'oeuvre pour la construction du Temple (1Ro
5:11,2Ch 2:10). Bien qu'on n'en trouve pas une indication formelle
dans la Bible, il est probable que, comme aujourd'hui, on consommait
aussi des olives fraîches ou confites dans une préparation spéciale
(voir Olivier).

--Paraissaient encore sur la table de l'Israélite: dattes, abondantes
autour de Jérico, et qu'on mangeait fraîchement cueillies sur le
palmier, ou bien séchées (De 34:3,Joe 1:12); grenades (No
13:23,De 8:8,Ca 4:13); pistaches (Ge 43:11); amandes (Ec
12:7,Jer 1:11); noix (Ca 6:11); pommes ou coings (Ca 2:5
7:10); oranges et citrons (Pr 25:11: pommes d'or).

Les condiments d'ordre végétal les plus usités étaient le
cumin (Esa 28:25,27), la coriandre (Ex 16:31,No 11:7), la
menthe poivrée et la rue (Lu 11:42), l'anet ou fenouil (Mt
23:23), la moutarde, dont on utilisait non pas la graine, mais la
feuille hachée menu (Mt 13:31 17:20), les câpres (Ec 12:7),
le safran (Ca 4:14), la cannelle (Sir 24:15) et
enfin, à une époque plus récente, le poivre, que l'on trouve nommé
dans la Mischna.

PRODUITS DE L'ETABLE ET DE LA BASSE-COUR.

Si l'Israélite était autorisé à manger de tous les végétaux
comestibles, il n'en était pas ainsi en ce qui concerne les viandes.
Selon la tradition sacerdotale, le régime primitif de l'homme et des
bêtes aurait même été exclusivement végétarien (Ge 1:19 et
suivant
) et l'autorisation de manger la chair des animaux ne serait
intervenue qu'après le déluge (Ge 9:3). En tout cas, aux temps
historiques, l'usage de certaines viandes était proscrit par la
législation mosaïque; le Lévitique et le Deutéronome donnent toutes
les précisions à cet égard: étaient réputés impropres à la
consommation, parce qu'immondes ou impurs, les quadrupèdes qui ne
présentent pas, à la fois, le double caractère d'être des ruminants
et d'avoir la corne du pied fendue (le porc était l'objet d'une
répulsion particulière, sinon dans les textes mosaïques, du moins
dans la tradition: Esa 65:4 66:17,Mt 8:30, 1Ma 1:47), les
animaux aquatiques n'ayant ni nageoires, ni écailles, les oiseaux de
proie, les oiseaux de nuit, quelques autres volatiles nominalement
spécifiés et les reptiles en général (Le 11:2-47 20:25, De
14:3-20; cf. Eze 4:14,Ac 10:11-14).

Même la consommation des viandes d'animaux appelés purs était
soumise à des règles auxquelles on ne pouvait déroger sans contracter
une souillure rituelle grave. La principale concernait la prohibition
du sang, que le code sacerdotal fait remonter à la plus haute
antiquité: (Ge 9:4) défense formelle était faite de manger la
chair d'animaux étouffés ou abattus sans écoulement du sang; la mise
à mort devait se faire par égorgement et la loi justifiait cette
exigence par l'affirmation répétée que dans le sang réside l'âme,
c'est-à-dire le principe de la vie (Le 3:17 7:26 17:10-14,De
12:16,23 15:23, 1Sa 14:32-35, Eze 33:25). Par suite, il
était interdit d'utiliser la viande d'animaux morts naturellement ou
déchirés par des bêtes de proie (Ex 22:31,Le 17:15 22:8,De
14:21,Eze 4:14). La graisse non plus ne pouvait servir à
l'alimentation (Le 3:17), particulièrement celle du boeuf, de
l'agneau et de la chèvre (Le 7:22-25). Le tendon de la hanche
enfin était prohibé: (Ge 32:31 et suivant) l'origine de cet
usage, dont il n'est pas fait mention du reste dans les codes
rituels, était rapportée à l'épisode de la lutte de Jacob avec l'ange.

Pour ne pas enfreindre ces diverses prescriptions et ne pas
s'exposer à «commettre une abomination», l'Israélite fidèle
s'abstenait de toucher à des mets préparés par des mains
païennes (Da 1:8,Os 9:3, 2Ma 5:27 6:7,8,18 7:1,7,8,3Ma
3:4,7,Tob 1:10-11,Jdt 12:2 et suivant). La même préoccupation
explique également certaines règles d'ordre alimentaire que les
judéo-chrétiens réussirent à faire adopter par le concile de
Jérusalem, en l'an 48, à l'égard des païens gagnés à la foi
évangélique (Ac 15:20,29; prohibition du sang et de la
chair d'animaux étouffés) et les discussions qui surgirent dans
l'Église de Corinthe et fournirent à l'apôtre Paul l'occasion de
définir l'attitude chrétienne sur ce point (1Co 8:1-10
10:19,23-33; cf. Ro 14:14-23).

La viande de chèvre, de prix modique, était sans doute
l'aliment du pauvre; celle du chevreau, plus recherchée et que
l'on servait volontiers aux convives inattendus, parce que,
peut-être, de préparation plus rapide (Jug 6:19 13:15,1Sa
16:20), ne devait pas être bouillie dans le lait de la mère (Ex
23:19 34:26,De 14:21; la raison de cette mesure n'est pas indiquée:
il s'agissait ou bien d'interdire un usage païen, ou bien d'empêcher
que la mère fût privée du petit qu'elle allaite encore; cf. Le
22:26-28,De 22:6); on pouvait, au besoin, substituer le chevreau à
l'agneau dans le repas de la Pâque (Ex 12:5). Les riches
troupeaux de moutons qui paissaient à travers le pays (1Sa
25:2,Job 42:12,Ps 65:13 144:13) fournissaient une viande
abondante: le gigot ou l'épaule était le morceau de choix que l'on
offrait à un hôte de distinction (1Sa 9:24; cf. Eze 24:4);
la queue était ordinairement réservée pour les sacrifices d'actions
de grâces (Ex 29:22,Le 3:9); l'agneau rôti constituait le plat
symbolique du souper pascal (Ex 12:3-8 et suivant).

La viande de boeuf était particulièrement appréciée
(Pr 15:17) et celle du veau, plus délicate, l'était davantage
encore: on la servait aux repas de fête (Ge 18:7,Lu 15:23).

Des chèvres, des brebis et des vaches, peut-être aussi des
chamelles, on tirait le lait, qui était la base de l'alimentation
des enfants (Ge 18:8 32:16,De 32:14,Pr 27:27,Esa 7:21 et
suivant
); la crème et le beurre figuraient aussi sur la table
de l'Israélite (2Sa 17:29,Job 29:6,Pr 30:33,Esa 7:15), de même
que le fromage (1Sa 17:18,2Sa 17:29,Job 10:10).

L'élevage très commun des pigeons et des tourterelles
(Esa 60:8) procurait, en abondance, une pièce
de volaille peu coûteuse, souvent utilisée pour la table sans doute,
et dont l'emploi était fréquemment prévu dans le rituel des
sacrifices (Le 1:14 5:7 12:8,Lu 2:24,Mt 21:12). Les volailles
engraissées, dont il est fait mention dans le relevé des victuailles
qui étaient de consommation courante à la cour du roi
Salomon (1Ro 4:22 et suivant), étaient vraisemblablement des
oies. La poule de basse-cour a dû être introduite dans le pays
après le retour de l'exil (Mt 23:37 26:34,Mr 13:35). Voir Coq.

Les oeufs étaient un article d'alimentation courant et
d'emploi commun chez les villageois et les pêcheurs (Job 6:6,Esa
10:14,Lu 11:12).

PRODUITS DE LA CHASSE ET DE LA PECHE.

La chasse (voir ce mot), ressource commune et très en faveur à
l'époque nomade et patriarcale (Ge 10:9 25:27 27:3 et
suivant
), fut sans doute moins pratiquée par la suite, une fois les
douze tribus établies en Canaan; mais elle ne fut pas tout à fait
abandonnée: (Le 17:13) preuve en soient certains exploits
cynégétiques fameux (Jug 14:6,1Sa 17:34-37 2Sa 23:20) et les
images empruntées par les auteurs sacrés à l'art du chasseur (Esa
51:20,Jer 16:16,Eze 19:8,Am 3:5) ou aux moeurs des animaux sauvages
(No 23:22,2Sa 2:18,1Ch 12:8,Ps 42:2,Pr 6:5,Ca 8:14, Esa
35:6). Le gros gibier, dont la consommation était autorisée par la
législation deutéronomique, était le cerf, la gazelle, le daim, le
bouquetin, le chevreuil, la chèvre sauvage et la girafe (De
14:5; cf. 1Ro 4:23). Les oiseaux «purs» ne se trouvent pas
énumérés dans les codes rituels, mais il est fait mention ici et là
dans la Bible, comme d'oiseaux comestibles, de la perdrix (1Sa
26:20,Jer 17:11, Sir 11:30), de la caille (Ex 16:13,Ps
105:40, Sag 16:2 19:12) et des passereaux (Ps 84:4,Mt 10:29;
cf. Ne 5:17 s).

Le poisson constituait un mets fort commun et auquel on
recourait fréquemment (No 11:5). A Jérusalem, près d'une porte à
laquelle il semble avoir donné son nom (2Ch 33:14,Ne 3:3,Sop
1:10), se tenait, en effet, un grand marché de poissons alimenté par
les villes du littoral méditerranéen (Ne 13:16) et certainement
aussi par le lac de Tibériade, les pêcheries de la tribu de Zabulon
étant une source de richesses réputée (De 33:19). Il est
vraisemblable que, à l'époque biblique comme aujourd'hui, on salait
et séchait le poisson, qui s'emportait ainsi facilement en voyage: il
se peut que ce soit avec des poissons séchés que Jésus nourrit la
multitude (Jn 6:9,Mr 6:38 et parallèle).

L'Israélite, pour son alimentation, tirait aussi parti de
certains insectes, en particulier des sauterelles: (Mt 3:4)
on en connaissait plusieurs espèces, dont quatre étaient réputées
«pures» (Le 11:22,Joe 1:4 2:25). On les mangeait sans doute,
comme aujourd'hui, à l'eau et au sel, ou sautées dans l'huile chaude;
ou bien, après en avoir ôté la tête et les pattes, on les faisait
sécher au soleil pour les réduire en poudre dans un mortier: cette
poudre, mêlée à de la farine, servait à confectionner des galettes
d'un goût un peu amer. Des abeilles sauvages on recherchait le
miel. (Jug 14:18,Pr 24:13 25:16,Mr 1:6 Lu 24:42), que l'on
recueillait au creux des arbres ou au flanc des rochers (De
32:13,Ps 81:16); il y en avait, semble-t-il, une telle abondance
qu'on en exportait (Eze 27:17).

BOISSONS.

Le vin (voir ce mot) était boisson courante et produit de
prédilection, dont on disait qu'il réjouit Dieu et les
hommes (Jug 9:13,No 15:7, Sir 31:27); on le buvait doux, au
sortir du pressoir, ou fermenté; parfois, on le coupait
d'eau (Esa 1:22); ou encore on y ajoutait des aromates, poivre,
câpres, cannelle, myrrhe, etc. (Ca 8:2,Ps 75:9,Pr 9:5,Mr 15:23);
comme partout, le vin vieux était plus apprécié que le
nouveau (Esa 25:6,Lu 5:39); les travailleurs des champs, pour se
désaltérer sans s'exposer à l'ivresse, buvaient volontiers du
vinaigre étendu d'eau (Ru 2:14). Outre le vin, on connaissait
encore une autre boisson appelée chécar (=enivrante): ce mot qui
désignait, admet-on généralement, un vin de dattes ou une bière
d'orge ou de millet, est rendu dans les Bibles françaises par l'une
des expressions: boisson enivrante, boisson ou liqueur forte,
cervoise (Le 10:9,No 6:3,1Sa 1:15,Esa 5:11 56:12). Il est
fait également mention, enfin, d'un breuvage obtenu par la
fermentation du jus de grenade, le moût de grenade (Ca
8:2).

--Voir encore Lait, Pain, etc. Consulter Stapfer, Pal., liv. I,
ch. IX; Bertholet, Hist. Civ. Isr., 2 e p., ch. VI Ch. K.