AIGUILLE

Instrument de la plus haute antiquité: l'homme des cavernes et celui
des cités lacustres en avaient en silex; les anciens en fabriquaient
de fer et de bronze (Pompéi, etc.); on en a trouvé à Guézer de
nombreuses variétés en os et en bronze (fig. 6).

L'aiguille n'est citée qu'une fois dans la Bible, dans la fameuse
déclaration de Jésus: «Il est plus facile à un chameau de passer par
le trou d'une aiguille, qu'il ne l'est à un riche d'entrer dans le
royaume de Dieu» (Mr 10:26,Mt 19:24,Lu 18:25).

C'est une hyperbole, ou figure de langage exagérée, destinée à
affirmer vigoureusement une impossibilité. Jésus choisit deux
emblèmes extrêmes: la plus grosse bête de somme du pays et la plus
petite ouverture visible.

C'est ainsi qu'on connaît des proverbes anciens: «resserré comme le
trou d'une aiguille», ou a plus étroit que l'ombre d'une lance et que
le trou d'une aiguille». Le contraste est aussi dans le Coran (7:38),
probablement par imitation de la parole évangélique: «L'impie
n'entrera au ciel que quand un chameau passera par le trou d'une
aiguille.» Dans le Talmud, le chameau est remplacé par l'éléphant,
animal exotique: «Pour vouloir me faire admettre l'incroyable, vous
êtes sans doute de cette académie où l'on peut faire passer un
éléphant par le trou d'une aiguille! Nul n'a jamais vu une palme d'or
ou un éléphant passer par le trou d'une aiguille.»

Faute de comprendre ce style oriental, on a essayé d'affaiblir
l'image paradoxale: quelques manuscrits tardifs ont remplacé
camêlos =chameau, par camilos =câble, mot grec d'ailleurs
rarissime; d'autres ont interprété le «trou d'une aig.» par un tunnel
(Lasserre) et plus encore (Godet, Decoppet, etc.) par la poterne,
étroite et basse, qui flanque souvent les portes des villes d'Orient,
et qu'on appelle quelquefois Trou de l'Aiguille : Vers. Syn. trad.
même ainsi, probablement sous l'influence de cette interprétation,
mais c'est abusivement modifier les textes, qui ont tous: «trou d'une aiguille».
De plus, c'est l'interprétation elle-même qui a
fait donner ce nom, par la suite, aux petites portes de Palestine. Il
est vrai qu'elle permet une intéressante application de la leçon
donnée par Jésus, car un chameau peut à la rigueur passer par la
Porte de l'Aiguille lorsqu'il a été déchargé de son fardeau (cf. la
porte étroite, Mt 7:13). Mais une preuve que ces atténuations
sont inutiles et inexactes, c'est l'autre hyperbole de Jésus: «Vous
avalez le chameau!» (Mt 23:24). Comment pourrait-on adoucir
celle-là? Si donc il faut la prendre telle quelle, il faut les
prendre ainsi l'une et l'autre. Devant la faillite du jeune riche, le
Seigneur a voulu accentuer pour les Douze l'incompatibilité absolue
entre le service de Dieu et celui de Mammon cf. Mt 6:24): tant
qu'un coeur d'homme est inséparable de ses richesses, l'accès du
Royaume lui reste impraticable. Ce qui, impossible aux hommes, est
possible à Dieu (Mr 10:27 et parallèle), c'est de lui rendre cet
accès praticable en débarrassant ce coeur de son esclavage. Jn L.