GOUVERNEMENT
Autorité qui régit une société politique, religieuse ou autre. Nous
appuyant sur cette définition, nous l'étudierons dans les périodes
successives de l'histoire d'Israël. Le gouvernement comme tel y est
très confus: il apparaît d'abord comme exercé par un seul homme
(Abraham, Isaac, Jacob), puis par plusieurs à la fois (chefs de
tribus); il se réduit à un roi (David) plus ou moins entouré de
ministres, et quelques fois tributaire des grands empires, Assyrie,
Egypte. Après l'exil, le gouvernement passe aux scribes et aux
prêtres, pour peu de temps, puisque bientôt, conquis par l'un ou
l'autre de ses voisins puissants, Israël, redevenu tributaire, a des
chefs imposés par son suzerain.
1.
Période des patriarches.
Le «peuple d'Israël» ne se compose que d'une ou quelques familles.
Abraham, Isaac ou Jacob en sont les chefs. Celui qui exerce le
gouvernement n'est qu'un seul homme, mais de lui dépendent un clan de
femmes, de servantes, plus tard de serviteurs et de leurs familles;
sa richesse n'est pas en terres mais en troupeaux, surtout en menu
bétail. Ce sont des nomades (voir Vie nomade et pastorale): Abraham
voyage en Caldée, Palestine, Egypte, pour finir par s'établir en
Palestine. Ces chefs de famille ont un gouvernement tout à fait
autoritaire et despotique, leur parole fait loi pour tout le
clan (Ge 12 Ge 13 Ge 14 Ge 22). Ils s'allient à d'autres chefs de clan
avec une pleine indépendance (Ge 31:45-54 33:3-11), explicable
par la nature encore primitive de ces peuplades.
2.
Période des anciens.
Nous voyons ensuite le gouvernement du clan exercé par les anciens,
réellement les plus âgés de chaque tribu (Ex 3:16,18 18:21 et
suivant). Moïse établit cette charge sur le conseil de son beau-père
Jéthro. Le peuple était devenu trop nombreux pour être gouverné par
un seul homme. Ces anciens seront donc des sortes de juges de paix,
l'autorité suprême restant entre les mains d'un seul chef: Moïse,
puis Josué. Le peuple d'Israël est divisé en tribus qui possèdent
tout un collège de dignitaires, depuis le «chef de tribu» jusqu'au
plus petit «chef de famille». Cette division est faite par Moïse:
sous l'inspiration de Dieu, il désigne les anciens, les chefs de
tribus, et même son successeur Josué (De 31:7). Il est aisé de
comprendre comment cette disposition du peuple en tribus aboutit à
l'apparition de juges.
3.
Période des juges.
Le gouvernement étant ainsi--d'après la loi de Moïse--entre les mains
du chef de tribu, on vit occasionnellement des hommes résolus prendre
la direction de tous les habitants d'une région, généralement pour se
défendre contre l'envahisseur. Le juge n'héritait pas cette dignité,
elle ne lui était pas donnée par ordre divin; seule sa valeur morale
(Samuel) ou militaire (Gédéon, Abimélec) la lui faisait obtenir. Ils
sont loin d'être des modèles religieux; tels, comme Abimélec, ne sont
que des chefs de pillards sanguinaires, peut-être nécessaires pour
sauver l'existence du peuple d'Israël menacée. La charge de juge (y.
ce mot), souvent temporaire, ne devient jamais complètement
nationale, même sous Débora, qui ne peut rallier toutes les
tribus (Jug 5:15,17). Des villes importantes dépendent les
villes de leur ressort, litt, leurs «filles» (Jos 17:11); et les
autorités locales sont des anciens ou les principaux
personnages (Jug 8:6,14,16 11:6). Avec les deux derniers juges,
Héli et Samuel, l'autorité s'étend; ils s'établissent en un endroit
fixe du pays, à Silo où se trouve l'arche, unissant leur rôle de
juge à ceux de sacrificateur et de voyant, renforçant
d'autant leur autorité. Pendant ce temps les chefs de tribus
deviennent «anciens de la ville», sans grande importance dans le
gouvernement du pays, ne s'occupant que des affaires locales (Jug
8:14,16 11:5-9 Ru 4:2-11). Lorsque Samuel vieillit, ses fils
incapables étant hors de cause pour lui succéder (1Sa 8:1 et
suivant), la partie du peuple qui reconnaissait son autorité politique
réclame un roi (voir ce mot). Ce régime, pratiqué chez les
peuples voisins, leur semblait devoir assurer aux Israélites la
suprématie militaire, en particulier sur les Philistins qui les
harcelaient.
4.
Période des rois.
Saül et David, quoique portant le titre de rois et ayant été oints,
ne sont en fait que des chefs de bandes, obligés d'imposer leur
autorité par les armes (1Sa 11:12,2Sa 2 2Sa 3 2Sa 5). Le choix
de Samuel sous l'inspiration divine est ratifié par le
peuple (1Sa 11:12,15,2Sa 2:4 5:1,3), mais pendant les dernières
années de Saül, ces deux chefs guerroient l'un contre l'autre. Ce
n'est qu'après sept ans et demi de règne (2Sa 5:5) que David
peut prendre Jérusalem et établir son autorité sur tout le pays. Les
rois n'ont de pouvoir absolu que pour autant qu'ils sont de puissants
chefs d'armée (David, Achab, Jéhu). Au premier signe de faiblesse,
les conspirations et les révoltes éclatent (2Sa 10 2Sa 15 2Sa
18).
Sous le règne de David puis de Salomon, l'autorité royale devient
absolue sur tout le pays, grâce à la forte personnalité de David, à
sa foi inébranlable en Dieu, influence dont bénéficiera son fils
Salomon qui, par sa sagesse et sa richesse, assurera à la royauté
l'apogée de la gloire. Après lui le pays se divise en deux royaumes;
dans l'un, Juda, la royauté est héréditaire, ce qui ne peut
surprendre, puisque le roi, dans un si petit territoire, n'est après
tout qu'un chef de famille; dans l'autre, au contraire, les
manoeuvres de palais, les changements de dynasties sont
fréquents (1Ro 10 15:13 23-25 etc.). L'on peut y voir une lutte
des dix tribus se disputant la suprématie, aucune n'étant assez forte
militairement ni religieusement pour la conserver longtemps. Peu à
peu les cours prirent les moeurs des autres cours orientales, malgré
les réprimandes sévères des prophètes de Jéhovah (Élie, Nathan,
Amos). A côté du luxe, des harems, des officiers du palais (2Sa
8:16,1Ro 4), les prophètes s'élèvent aussi contre la dissolution
des moeurs (Am 4:6), levées d'impôts, monopoles royaux (1Ro
10:15,28-29), travail forcé (1Ro 5:15), «coupes du roi» (Am
7:1), biens confisqués (1Ro 21), même des mainmises sur les
trésors du Temple (2Ro 18:15).
Le roi est chef du pays, mais peut prendre conseil des
ministres (1Ro 12:6); il est chef de l'armée, mais peut prendre
conseil des généraux (2Ro 11:12). S'il n'a plus l'autorité
religieuse, qui est toute aux mains soit des prêtres soit des
prophètes de Jéhovah ou des faux dieux, il est encore juge et ses
sujets peuvent s'adresser directement à lui (2Ro 8:3), qui rend
alors la justice à la manière de saint Louis (2Sa 15:2,2Ro
15:5). Les «anciens de la ville» existent encore, obéissent en
général sans discussion aux ordres royaux (1Ro 20:7,2Ro 10:1,5
23:1). D'après le Deutéronome ils semblent avoir le droit de mettre
à exécution leurs décisions (De 19:1 21:2,19 etc.); l'influence
religieuse se fait nettement sentir dans leur organisation (Esa
28:6,De 31:9); en effet, pour les Israélites, la justice a été de
tout temps une attribution divine.
5.
Période de l'exil.
Les habitants, jugés inoffensifs, que les conquérants laissèrent en
Palestine, subirent une surveillance sévère. Sous la domination des
Perses, qui suivit celle des Babyloniens, le royaume de Juda n'est
plus qu'une partie de la province ouest de l'Euphrate, il a son
gouverneur nommé par le roi (Ne 5:14). Cyrus rendit une certaine
liberté aux Juifs et autorisa leur retour en Palestine, ainsi que la
reconstruction du Temple; nous voyons alors l'autorité exercée de
nouveau par des anciens (Esd 5:9 6:7 10:8,Ne 2:16) et
principalement par le grand-prêtre (Aggée).
6.
Après l'exil.
Après le retour de la captivité, en l'absence d'autorité civile, le
pouvoir du chef religieux, le grand-prêtre, s'accroît
considérablement. Pendant la seconde moitié de la domination persane,
qui dura deux siècles, les Juifs de haute Egypte réclament l'aide du
grand-prêtre de Jérusalem. Sous le règne d'Alexandre le Gd, la
civilisation grecque pénétra en Palestine; on vit alors se former une
sorte de gouvernement autonome, le «Sénat», appelé plus tard
Sanhédrin (voir ce mot), composé des notabilités de la
prêtrise (1Ma 12:6 14:20); le grand-prêtre est alors le
véritable chef de l'Etat. Simon Macchabée est nommé grand-prêtre,
capitaine et gouverneur en 142 (1Ma 14). Aristobule prend
même le titre de roi en 105 av. J.-C, et Alexandre Jannée frappe
monnaie à sa propre effigie (78). Sa veuve abandonna le parti
Sadducéen ou aristocratique et éleva au pouvoir le parti des
Pharisiens, parti populaire. Ses fils, se disputant la couronne et le
titre de grand-prêtre, attirèrent le général romain Pompée, qui grâce
à cette situation instable conquit toute la Palestine.
La domination romaine toléra et même appuya l'autorité très réelle de
la maison royale d'Hérode le Gd. Celui-ci, par d'habiles manoeuvres,
avait profité du passage d'Auguste à la poursuite d'Antoine, pour se
faire nommer roi des Juifs. A sa mort, ses successeurs perdent la
faveur impériale, un procurateur romain gouverne la province S. de
Judée, tandis qu'Hérode Antipas est tétrarque de Galilée et de Pérée.
Le grand-prêtre (nommé par les Romains) et le Sanhédrin reprennent le
pouvoir perdu sous les Hérodes, le gouvernement passe une fois de
plus entre les mains de l'aristocratie (Josèphe, Ant., XX, 10).
Sauf le droit de vie et de mort, le Sanhédrin a tous les pouvoirs
judiciaires, les synagogues remplissant le rôle de juges de paix
locaux (Mt 5:22). Son autorité s'étend même aux Juifs dispersés
qui jouissaient d'une certaine autonomie dans les autres parties de
l'empire romain (Alexandrie, Éléphantine, etc.). L'ambition de la
famille du grand-prêtre Anne (Caïphe, Jonathan) amena le grand
soulèvement de 70, réprimé avec énergie par Vespasien, puis par
Titus. Les grands-prêtres furent massacrés, Jérusalem complètement
détruite et les Juifs dispersés dans le monde. Dès ce moment la
Palestine n'existe plus comme pays, elle n'est qu'une partie
délaissée de la Syrie, province romaine, et plus tard département
abandonné de quelque potentat oriental.
Voir Palestine au siècle de J.-C. Ml M.