GAULE

Il se peut que notre ancien pays, la Gaule, soit désigné dans la
Bible.

1.
Dans l'A.T., Élisa, l'un des «fils de Javan» d'après la
Table des Peuples (Ge 10:4, cf. 1Ch 1:7), c-à-d, l'une des
colonies grecques des rivages méditerranéens, pourrait représenter
une peuplade côtière occupant une partie du territoire que les
Romains appelèrent plus tard la Gaule. En effet, ce texte nomme Élisa
avec Tarsis (l'Espagne), puis Kittim (Chypre) avec Rodanim (Rhodes);
les deux dernières contrées étant voisines à l'orient, les deux
premières devaient l'être de même à l'occident. Or, quelques auteurs
anciens (Hérodote, Aviénus, etc.) plaçaient au Sud de la Gaule un
peuple appelé les Hélisykes, nom qui ressemble à Élisa; voisin des
Ibères et des Ligures, il avait Narbonne pour principale capitale, et
divers textes comme divers noms propres permettent d'y voir un
établissement grec, à peu près contemporain de la fondation de
Massilia (=Marseille) par les Phocéens (vers 600), et s'étendant
peut-être depuis le bas Rhône jusqu'à l'océan, le long des Pyrénées
et de la Garonne; il dut disparaître au III e siècle av. J.-C, lors
des invasions germaniques. La renommée des tissus fabriqués en Gaule
justifierait l'allusion d' Eze 27:7 aux étoffes d'Élisa (Ch.
Bruston, les Colonies grecques de l'A.T., 1906). Pour les autres
interprétations proposées de ce mot,voir Élisa.

2.
Dans les apocryphes, les «Galates» vaincus et
assujettis par les Romains, d'après 1Ma 8:2, peuvent être
les Gaulois du N. de l'Italie, qui furent soumis par Rome en 183 av.
J.-C, plutôt que les Galates d'Asie Mineure, dont la soumission à
Rome s'était faite six ans plus tôt, en 189. En effet, Galates et
Galatia étaient tout d'abord, chez les auteurs grecs, les noms
usuels des Gaulois et de la Gaule, tant la cisalpine que la
transalpine. Or, après les exploits des Romains contre ce peuple,
donnés comme preuve de leur grande puissance, est immédiatement citée
leur conquête de l'Espagne (1Ma 8:3 et suivant), les
exemples suivants revenant vers l'orient: Macédoine, Asie, Grèce et
îles. Il paraît donc probable qu'il s'agit des habitants de la Gaule
cisalpine.

3.
Dans le N.T., un problème analogue est posé par la
même équivalence de noms: Galatia =Gallia, qui était une source
de confusions possibles,--si bien qu'on peut voir les Romains appeler
les Galates asiatiques, non sans ironie d'ailleurs, des «Gallo-Grecs»
(Tite-Live). L'apôtre Paul écrit de Rome à Timothée que Crescens est
allé en «Galatie» et Tite en Dalmatie (2Ti 4:10). Timothée étant
alors à Éphèse, donc sur l'une des principales voies de Rome à la
Galatie d'Asie Mineure, il peut sembler étrange que saint Paul
mentionne seulement ce voyage, sans recommandations de rencontre et
sans messages personnels entre Crescens et Timothée; mais cette
brièveté s'explique si la Galatie en question est, comme la Dalmatie,
fort éloignée d'Éphèse. Or, Rome se trouve à moitié chemin entre la
Dalmatie à l'Est et la Gaule à l'Ouest; et l'on ne pourrait s'étonner
que le grand apôtre prisonnier eût envoyé des compagnons comme
missionnaires à ces deux pays voisins de l'Italie. Aussi plusieurs
des plus anciens manuscrits ont-ils ici Gallia au lieu de Galatia.
Si les Constitutions Apostoliques y voient la Galatie,
par contre Eusèbe, Épiphane et d'autres semblent y voir la Gaule.
D'ailleurs, même s'il s'agissait en effet de la Gaule, il ne
s'ensuivrait pas que la visite de Crescens eût été le point de départ
d'une évangélisation de quelque importance. Car la tradition
occidentale qui lui attribue la fondation des Églises de Vienne sur
le Rhône et de Mayence sur le Rhin est beaucoup plus tardive. D'autre
part, la fameuse légende de Marthe, Marie-Madeleine et Lazare
apportant le christianisme à la région du Rhône, d'Aix à Tarascon,
semble avoir pour fond peut-être historique le fait que les premiers
missionnaires de l'Évangile à cette partie de la Gaule venaient
d'Orient et non de Rome (la monstrueuse «tarasque» elle-même passait
pour être arrivée par mer de Galatie). A l'époque de la persécution
des chrétiens de Vienne et de Lyon (177), l'évêque de Lyon, Pothin,
était originaire d'Asie Mineure; de même son successeur, Irénée; et
la lettre d'Eusèbe racontant cette persécution à la fin du II e
siècle est adressée directement «aux frères de l'Asie et de la
Phrygie». Tout cela paraîtrait rattacher le christianisme du S.-E, de
la Gaule à l'Orient plutôt qu'à Rome. Finalement, il ne faut pas
oublier qu' «aucune Église n'a orné ses origines de plus de légendes
que l'Eglise de France», et que «les critiques français ont battu en
brèche l'ancienne opinion sur l'origine apostolique de ses Églises».
(S. Berger, dans Encycl., art. le Christianisme en Gaule, t.
V, p. 420SS.) Jn L.