FRUIT

Dans la plupart des passages, fort nombreux, où ce mot est employé,
il est la traduction de l'hébreu péri ou du grec karpos ; dans
les autres, il s'agit de quelques termes d'importance secondaire,
qu'il est inutile d'énumérer ici, et qu'on trouvera dans le texte
original de Job 31:39,Esa 27:6,Hab 3:17,Jer 11:19,Ne 9:2,Da
4:12,Mr 14:25,Ap 18:14, etc.

I Sens littéral.

1.
Règne végétal

La Bible parle quelques fois, d'une façon générale, des
fruits (Eze 25:4,2Ti 2:6 etc.), ou des fruits de la terre
(De 7:13, Sag 16:26, Mr 4:29, Jas 5:18); il s'agit de la
production soit des céréales (Mt 13:26,Lu 8:8), soit des arbres
(Eze 36:30, 1Ma 10:30 14:8,Sir 27:6, Sag 10:7, Mt 12:33),
qui sont parfois appelés arbres fruitiers (Ge 1:11,Ps 148:9,Eze
47:12,Ec 2:5), soit en particulier du fruit de l'olivier (Jer
11:16), du figuier (Lu 13:9), le plus souvent de la
vigne (Os 10:1 Esa 37:30,1Co 9:7 etc.), enfin des fruits des
jardins (Am 9:14,Jer 29:5,28,Ca 4:16). Tous ces produits de la
culture faisaient la richesse du pays; leur abondance marquait sa
fertilité, et par là sa prospérité (Esa 37:30 65:21 et suivant,
etc.). La législation humanitaire du Deutéronome interdit l'abattage
des arbres fruitiers pendant les guerres de siège (De 20:19). La
loi lévitique prescrit pour Dieu la dîme des fruits comme de toutes
les productions du sol (Le 27:30,Ne 10:37); elle déclare
incirconcis, c-à-d, impurs, les fruits des trois premières années
(c'était aussi un «tabou» chez bien des peuples primitifs), ceux de
la quatrième étant destinés à Dieu et les récoltes suivantes à
l'usage des particuliers (Le 19:23-25). Voir Alimentation.

2.
Règne animal

On trouve, beaucoup plus rarement, les expressions: fruit du
bétail (De 28:4,11,51 30:9), une fois fruit du serpent (Esa
14:29), et, pour désigner la descendance humaine, fruit des
entrailles (De 7:13,La 2:20,Lu 1:42), des reins (trad. litt,
dans Ac 2:30), fruit de la femme, etc. (Sir 23:25,
Sag 3:13,15 4:5).

II Sens figuré.

1.
Applications morales

L'image des fruits représente fréquemment les
effets ou les résultats de l'activité: une fois, le fruit des oeuvres
de Dieu (Ps 104:13); partout ailleurs, le fruit des oeuvres ou
des actions humaines (Esa 3:10,Mic 7:13,Jer 17:10 32:19 etc.),
de leurs lèvres (Pr 12:14 13:2 18:20 et suivant), de leur
conduite (Jer 6:19, litt.: pensées; Pr 1:31, litt.: voies),
etc. Comme l'arbre, bon ou mauvais, est reconnu à son fruit, ainsi en
est-il de l'homme (Mt 7:16-20). Par cette image, la notion
primitive de rétribution divine, imposée par un pouvoir extérieur
d'une manière absolument indépendante des actes, s'achemine vers la
conception éthique qui voit dans les récompenses et les châtiments
les résultats nécessaires et inévitables de ces actes, inhérents à
eux, issus d'eux en vertu d'un développement naturel, donc en effet
leurs propres fruits: le fruit du mensonge (Os 10:13), le fruit
du travail (Pr 31:16,31), de la sagesse (Pr 8:19, Sir
1:20 24:17,19 37:22 s Jas 3:17, etc.), de la justice et de la
paix (Pr 11:30,Phi 1:11,Heb 12:11,Jas 3:18), de la
libéralité (Ro 15:28), de la lumière (Eph 5:9), du pardon
des péchés (Esa 27:9), par où nous sommes introduits sur le
terrain spécifiquement religieux (ci-dessous, 2).

Un sens voisin est celui d'avantage ou de profit:
dans Php 1:22, «quel est le fruit de l'oeuvre» signifie «s'il
vaut la peine»; dans Php 4:17, le «fruit abondant» représente le
bénéfice spirituel que les Philippiens doivent retirer de leur
bienfaisance (voir verset 10); dans Ro 1:13, saint Paul parle de
sa récolte spirituelle, produit de ses semailles en divers pays.

Dans Heb 13:15, «le fruit de lèvres qui
confessent son nom» (Sg.; Vers. Syn.: l'hommage) est une tournure
hébraïque, les louanges étant présentées à Dieu comme un sacrifice
d'actions de grâces. (cf. Os 14:2,Pr 12:14)

2.
Leçons spirituelles

Après les prophètes, l'Évangile insiste sur le devoir pour
l'homme de produire des fruits pour Dieu, c-à-d, de le servir non par
de simples prétentions de paroles (comparées aux feuilles), mais par
des actes; cette leçon ressort de plusieurs paraboles, dont les
cadres ne sont pas toujours très cohérents entre eux, mais
représentent chacun un aspect particulier de cet appel à une vie
spirituelle productive. Jean-Baptiste demande «des fruits dignes
d'une vraie repentance» et emprunte ses comparaisons à l'arbre, puis
au froment (Mt 3:8,12). Dans la parabole du semeur, Jésus montre
l'image du coeur humain dans le sol plus ou moins préparé à recevoir
la Parole pour produire du fruit (Mr 4:8-20 et parallèle); dans
celle du figuier stérile, il souligne la patience de Dieu à attendre
les fruits normaux qu'Israël aurait dû porter (Lu 13:6-9), et
c'est la fin de cette patience divine qu'annonce au contraire, dans
une parabole en action, sa malédiction du figuier stérile (Mr
11:12 et suivants), ou plus exactement du figuier aux fausses
promesses (voir Figue). En cette dernière occasion, la faim du
Seigneur qui le porte vers l'arbre luxuriant symbolise bien
l'attitude de Dieu lui-même, attendant et cherchant les fruits de
l'humanité. C'est surtout la parabole des vignerons qui met en
évidence cette attente et cette recherche de Dieu, qui sont en même
temps l'attente et la recherche du Fils unique et bien-aimé: Ésaïe
avait déjà mis en scène la déception de Dieu sur la vigne aux fruits
sauvages (Esa 5:1 et suivants), c-à-d, sur le peuple d'Israël;
Jésus met en scène la persévérance de Dieu dans les appels aux
vignerons (c-à-d, aux chefs d'Israël), et l'obstination de ceux-ci
dans la résistance, jusqu'au meurtre du Fils de Dieu (Mt 21:33
et suivants); il conclut qu'il sera donné désormais à une autre nation
qu'Israël de «produire les fruits du royaume de Dieu» (verset 43). A
ses apôtres, il avait un jour décrit la joie du moissonneur qui
«amasse du fruit pour la vie éternelle»: (Jn 4:36) c'était à
propos de la femme samaritaine, exemple typique des fruits que son
ministère terrestre avait déjà produits chez les humbles.

Lorsqu'aux derniers jours le Seigneur voit encore
venir à lui des étrangers: des chercheurs païens (Jn 12:20 et
suivants
), tandis que les chefs complotent sa mort, le contraste fait
jaillir de son âme troublée (verset 27) l'affirmation de la loi du
sacrifice: «pour porter beaucoup de fruit, le grain doit mourir!»
(verset 24). Loi qui sans doute va s'appliquer au Sauveur, mais qui
s'étendra ensuite à tous ses serviteurs (verset 2).

Avec le 4 e évangile, nous faisons un pas de plus:
non seulement le Christ, comme Dieu, attend les fruits, non seulement
il s'est sacrifié à la volonté de Dieu pour porter du fruit, mais
encore c'est Dieu qui est, en Christ, le Créateur des fruits. Tel est
l'enseignement de l'allégorie du vrai cep, dont le point de vue est
tout intérieur: ici, le vigneron, c'est son Père; le cep, c'est le
Christ lui-même; les sarments, ce sont ses fidèles disciples. C'est
donc eux, non le Christ, qui vont porter les fruits...à la double
condition d'être unis au Christ et d'être purifiés par le
Père (Jn 15:1 et suivants). St Paul, qui a connu la vie sans
fruits des esclaves du péché (Ro 6:21), décrira pratiquement en
quoi consistent les nouveaux fruits: «le fruit de l'Esprit» (le
singulier marquant l'unité d'inspiration): «amour, joie, paix,
patience, etc.» (Ga 5:22).

Fruits du péché de l'homme, fruits du sacrifice du
Christ, fruits de sa communion: c'est en raccourci l'histoire de la
Rédemption. A sa lumière, combien apparaissent grandioses les deux
tableaux bibliques entre lesquels elle se trouve encadrée: à
l'origine des âges, l'arbre de la vie, et l'arbre au fruit défendu,
celui de la connaissance du bien et du mal (Ge 2:9,16 et
suivant
;voir Chute); dans l'éternité, l'arbre de la vie, aux fruits
permanents, destiné à la guérison des nations! (Ap 22:2)

Jn L.