FORTIFICATIONS ET GUERRE DE SIÈGE

I Fortifications.

Leur existence en Palestine, liée à l'existence des guerres
elles-mêmes, remonte aux temps les plus reculés: un rempart de terre
de Guézer peut dater de l'an 4000 av. J.-C, et les forteresses
cananéennes de Méguiddo et de Thaanac, d'entre 2500 et 2000. La
défense des villes, assurée déjà par le choix de fortes positions
naturelles (montagnes, éminences ou tells, rochers, bois, cf. 1Sa
23:14,19,Esa 33:16), était complétée par l'érection de murs. Si
bien que, quand les nomades hébreux envahirent Canaan, à côté des
cités ouvertes visées dans De 3:5, un grand nombre de villes
fortifiées leur inspirèrent la crainte (No 13:28,De 1:28).
Devenus les maîtres du pays, ils continuèrent par leurs travaux à
fortifier leurs villes, à assurer la défense des frontières et la
surveillance des points dangereux (oeuvre d'Asa, 2Ch 14:6;
d'Ozias, 2Ch 26:9 et suivant; de Jotham, 2Ch 27:4). Les vicissitudes du
peuple se retrouvent dans celles des murs de Jérusalem. Au temps des
Macchabées et des Romains, de nouvelles forteresses dominèrent le
pays (Bethsoura, Machéronte, Masada). Dans ces diverses
fortifications apparaissent les `éléments suivants:

1.

Remparts et murs.

Innombrables sont dans la Bible les allusions à cet élément essentiel
de toute fortification. Se rappeler Jérico et Aphek, dont les
murailles tombèrent (Jos 6:5-20,1Ro 20:30); Beth-Séan, qui vit
sur son rempart la dépouille de Saül, et la ville moabite où fut
offert un sanglant holocauste (1Sa 31:10,2Ro 3:27); Babylone
et Tyr, aux murailles légendaires (Jer 51:44,Am 1:10); Damas,
dont Paul franchit le mur au péril de sa vie (Ac 9:25); et
surtout Jérusalem (1Ro 9:16), dont la muraille était double en
certains endroits (Esa 22:11,2Ro 25:4); la description la plus
détaillée s'en trouve dans Ne 3 et Ne 12:31-39 (voir les
plans, carte n° VII). Les murs étaient faits de briques (séchées au
soleil ou cuites au four, Ge 11:3,Na 3:14), ou de
pierres (Esa 9:9 22:10); quelquefois de pierres énormes, comme
celles qui dans l'enceinte du Temple pèsent plus de quatre-vingts
tonnes! On renforçait les murs de brique, de fondations ou de
revêtements en pierre. La hauteur des murs était au minimum de 10 m.
et la largeur variait du tiers aux deux tiers de la hauteur: le mur
extérieur de Guézer a près de 5 m. d'épaisseur et l'un des murs de
Méguiddo, sans doute le plus ancien, atteint 9 m. à la base. On
conçoit quelle sensation de sécurité de pareilles masses inspiraient
aux habitants. La muraille était souvent doublée par un mur extérieur
établi un peu en avant, et moins élevé. Son nom hébreu est traduit
ordinairement par «rempart» (Sg., Vers. Syn.). C'est de lui qu'il
s'agit dans 2Sa 20:15 (Abel-Beth-Maaca), 1Ro 21:23
(Jizréel), Ps 48:14,Esa 26:1,Na 3:8,La 2:8 (Sion).

2.

Tours.

Un grand nombre de murs étaient flanqués de tours, en particulier à
tous leurs saillants (Sop 1:16,2Ch 14:6). On était fier, en
parcourant l'enceinte de Sion, de compter ses nombreuses
tours (Ps 48:13,2Ch 26:9). Les noms de certaines d'entre elles
sont donnés dans Ne 3:1,11,25,26,27 Jer 31:38 (tours de Méa,
d'Hananéel, tour des Fours, tour supérieure, etc.), plus tard dans
Lu 13:4 (tour de Siloé). L'avantage de ces tours était que du
sommet, crénelé (Esa 54:12), les assiégés prenaient à revers la
section de murailles où l'on donnait l'assaut: à Guézer, l'intervalle
entre les tours est de 30 m., correspondant à la portée habituelle de
la flèche ou de la fronde. Les tours étaient aussi fréquemment
établies de chaque côté d'une porte, ou au-dessus d'elle (2Ch
26:9). Elles servaient bien entendu de postes d'observation (2Sa
18:24, voir 2Sa 18:33,Hab 2:1); il arrivait qu'on y établît
des dépôts de provisions, surveillés par des inspecteurs (1Ch
27:25,Esa 33:18).

3.

Portes.

Les portes constituaient les points vitaux de l'enceinte: qui tenait
les portes tenait la ville (Ge 22:17). Les petites cités n'en
avaient sans doute qu'une (Ge 19:1 34:20,Ru 4:1,1Ch 11:17),
tandis qu'elles étaient relativement nombreuses à Jérusalem: une
dizaine, semble-t-il, au temps de Jésus. Jérémie mentionne les noms
de quelques-unes (Jer 19:2 26:10 31:38 38:7, cf. 2Ch
25:23). Néhémie, décrivant la nouvelle enceinte, en nomme dix
(Ne 2 et Ne 3). Quand le passage était surmonté d'une tour,
il se formait une sorte de couloir, quelques fois en ligne brisée,
afin qu'on ne pût voir de dehors à l'intérieur de la ville (voy. fig.
127 et 128, la porte actuelle de Damas à Jérusalem); et il y avait
une porte à chaque extrémité: David à Mahanaïm est assis «entre les
deux portes» (2Sa 18:24). Un escalier conduisait à l'étage
supérieur de la tour, où observait la sentinelle (2Ro 9:17). La
porte proprement dite se composait de deux battants de bois (Ne
7:3), qu'on recouvrait souvent d'airain (Ps 107:16,Esa 42:2),
en prévision des assauts et des tentatives d'incendie. Des verrous et
des barres complétaient la fermeture (De 3:5,Jug 16:3,Ne 3:3,Ps
147:13). Les abords de la porte étaient un des endroits les plus
animés de la cité: là s'asseyaient les vieillards (Job 29:7 et
suivant
), là se concluaient certaines affaires (Ru 4:1-12), là se
réglaient les litiges, là s'établissait la bonne ou la mauvaise
réputation (Pr 31:23,31 Ps 69:13 Am 5:10).

4.

Citadelle.

Dans un siège malheureux, le dernier espoir de la cité, l'ultime
refuge de ses habitants, c'était la citadelle, la tour centrale, la
position particulièrement forte qu'on s'était préparée. Gédéon prend
la tour de Pénuel (Jug 8:17). Abimélec incendie la citadelle de
Sichem (Jug 9:46-49), et trouve la mort au pied de la tour de
Thébets (Jug 9:50-53). Zimri se réfugie dans la citadelle de
Thirtsa (1Ro 16:18). David s'empara de l'imprenable forteresse
de Sion, qui, sur sa colline (Ophel), fut sans cesse
renforcée (2Sa 5:7 2Ch 27:3 33:14,Ne 3:27). Les Syriens
d'Antiochus Épiphane dressèrent au même endroit une puissante
citadelle, abhorrée des patriotes juifs dont elle dominait le Temple
(1Ma 1:33-40) Quant à la citadelle mentionnée dans Ne
7:2, c'est elle qui fut remplacée par la forteresse Antonia, où
Paul fut emprisonné pendant quelques jours après son arrestation à
Jérusalem (Ac 21:34,37 22:24 23:10-16).

Voir JÉRUSALEM.

II Guerre de siège.

1.

Chez l'assaillant.

Son premier travail, s'il ne croyait pas pouvoir emporter la ville de
suite, était d'installer son camp, ville de tentes parfois remplies
de butin (1Ro 16:15,2Ro 7:8,Jer 1:15). Puis on établissait des
retranchements (De 20:20,2Ro 19:32 25:1, cf. Lu 19:43,
«tranchées»), ou encore des terrasses, masses de terre qu'on avançait
peu à peu vers la muraille pour être à la hauteur de l'assiégé et
pour le combattre plus à l'abri (2Sa 20:15,Jer 6:6 32:24). On
cherchait à saper la muraille (2Sa 20:15) et on se protégeait
quelques fois, semble-t-il, derrière des machines de guerre, (cf.
Eze 26:9) pour la construction desquelles une loi juive
proscrivait l'emploi des arbres fruitiers (De 20:19 et suivant).
Il arrivait d'ailleurs que grâce à la trahison (Jug 1:24) ou
grâce à la ruse, tactique de l'embuscade, employée par Josué et
Abimélec (Jos 8:10-23,Jug 9:42-45), voire même grâce à
l'incendie de l'enceinte ou des portes (Jug 9:49,52),
l'assaillant s'épargnât les retards d'un long siège. On pouvait au
contraire patienter et prendre la ville par la famine ou la soif:
ainsi tomba Rabba d'Ammon, dès que fut prise sa «ville des
eaux» (2Sa 12:26-29). Mais, quelque tactique qu'on suivît, le
moment décisif de l'assaut arrivait (fig. 93 et 94): avec acharnement
on se battait à l'arc et à la fronde, et (à partir d'une certaine
époque) des béliers, masses de bois abritées sous des tours
roulantes, entraient en action pour ébranler et désagréger les
murs (2Ro 3:25,Eze 4:2 21:27, 2Ma 12:16). On visait ainsi à
l'écroulement de l'enceinte (Esa 30:13-25 25:12) et à
l'ouverture de plusieurs brèches (2Ro 25:4,2Ch 25:23,Pr 25:28),
par lesquelles on «montait» dans la ville (Jos 6:20). Il fallait
quelques fois pour l'escalade avoir recours à des échelles (Joe
2:7) qu'on appliquait contre les murs (1Ma 5:30, cf.
1Ch 11:6). La ville, une fois prise, était souvent
détruite (Lu 19:44). Abimélec rasa Sichem et y sema du
sel (Jug 9:45). La ruine de Sion fut l'opprobre des
Juifs (Ne 2:3,Ps 137:7).

2.

Chez l'assiégé.

A en juger par les mesures que prit Ézéchias à l'approche de l'armée
assyrienne (2Ch 32:1-8), les défenseurs préparaient le siège en
remettant en état murailles et citadelles, en rassemblant les
réserves d'armes, en se donnant un commandement organisé; on bouchait
également aux environs les sources utilisables par l'ennemi, et pour
soi-même on faisait des provisions d'eau (Na 3:14). On
établissait de fortes gardes aux portes, et des sentinelles sur les
murs (2Ro 7:10,Esa 62:6). Pendant le siège proprement dit, il
s'agissait d'entraver par tous les moyens les travaux d'approche et,
à plus forte raison, les assauts de l'ennemi. On projetait sur lui
flèches et traits en grand nombre (2Sa 11:20); on lançait même
des pierres, témoin ce morceau de meule de moulin avec lequel une
femme blessa mortellement Abimélec (Jug 9:53); on cherchait à
détruire les machines et les béliers en y mettant le feu ou en les
entravant par des chaînes. On en vint même à disposer de
machines (2Ch 26:15) qui lançaient du haut des tours des flèches
et des pierres (fig. 95). A l'époque des Macchabées, les deux camps
dans les sièges usaient d'une véritable artillerie: catapultes et
balistes (1Ma 6:51 et suivant 13:43, hélépole, machine
«prend-ville»). Il arrivait que les assiégés, s'enhardissant,
tentassent une sortie, qui parfois dégageait la place (2Sa
11:17,1Ro 20:16).

3.

Récits.

La Bible, qui fait mention d'innombrables sièges, contient des récits
détaillés et très vivants de certains d'entre eux. Si l'on veut avoir
une idée des négociations prudentes et rusées qui précédaient parfois
le siège, paroles des assiégés feignant la soumission, puis
conciliabules inquiets quand sont connues les exigences de l'ennemi,
essais de froide intimidation, tentés par les envoyés des puissants
rois qui «s'enivrent sous les tentes», il faut lire les récits des
sièges de Jérusalem dans 1Ro 20 et 1Ro 22 et 2Ro 18 et
2Ro 19. Si l'on veut des détails sur le terrible état et les
épouvantables extrémités où l'on pouvait être réduit par la famine,
et sur ce régime d'horreur où les hommes devenaient des bêtes, qu'on
lise les menaces de De 28:62-57 ou les récits de 2Ro
6:24-7:20 18:27. Dans Jer 51:30-33 se trouve une description
saisissante des derniers moments de la résistance: guerriers épuisés,
qui «sont comme des femmes», portes brisées, assaillants qui arrivent
de partout, incendie qui gagne, courriers et messagers qui se
croisent pour aller l'annoncer au roi, pauvre cité pour laquelle «le
moment de la moisson est venu». Quant aux destructions et aux
massacres qui s'ensuivaient alors presque inévitablement, le livre de
Josué les présente comme ayant été bien des fois implacables (voir
Interdit); le livre des Lamentations en décrit les effets dans
Jérusalem ruinée; les Macchabées étaient aussi impitoyables dans
leurs conquêtes (1Ma 5:28,35,51).

III Littérature.

Les écrivains bibliques trouvèrent dans les réalités de la guerre de
siège un nombre infini d'images et de comparaisons. Comment les
murailles et les tours ne seraient-elles pas le symbole de tout ce
qui protège? (1Sa 25:16,Ps 61:4) D'autre part, quoi de plus
naturel que la transposition en termes de vie spirituelle de tous les
événements de la vie guerrière? «Celui qui est maître de son coeur
est plus fort que celui qui prend des villes» (Pr 16:32), et
l'homme que Dieu fortifie est une véritable citadelle (Jer
1:18). Le salut est un rempart (Esa 26:1) et quant à l'Éternel
Lui-même, devant lequel un jour toutes les murailles
s'abaisseront (Esa 2:16), Il est une forteresse pour l'âme
croyante, Il est le vrai gardien de la ville assiégée, Il est le
refuge où l'on est en sûreté (Ps 18:3 31:4 91:2, etc., Ps
127:1,Pr 18:10,Na 1:7). «C'est un rempart que notre Dieu», dira le
cantique de Luther. J. Riv.

Voir Armes, Armée, Guerre.