FOLIE
I Au sens propre.
La Bible renferme fort peu de cas de démence caractérisée. Saül
semble avoir été atteint d'une psychose mélancolique avec crises
homicides (1Sa 16:14 18:10 19:9 20:33 22:17); à
Nébucadnetsar sont attribués les symptômes d'une lycanthropie
momentanée (Da 4:33). Les prédictions de châtiments pour
l'Israélite infidèle le menacent de devenir fou à la vue de tant de
malheurs (De 28:34, cf. Jer 25:16). David, chez les
Philistins, simule la folie (1Sa 21:13-15,Ps 34:1). Rhode la
servante est traitée de folle parce qu'elle annonce le retour de
Pierre qui était en prison (Ac 12:15). Festus prétend que Paul a
perdu le sens (Ac 26:24). L'apôtre avait lui-même prévu que la
surexcitation des chrétiens dans les assemblées (voir Langues, don
des) les ferait passer pour fous aux yeux des étrangers (1Co
14:23).
D'après Mr 3:21, les proches de Jésus craignent pour sa
raison et veulent l'arracher à l'exaltation du début de son
ministère; Marc seul ose conserver ce souvenir, mais les trois
synoptiques reproduisent la réponse du Seigneur, en la même
circonstance, à sa mère et à ses frères (Mr 3:31-35,Mt
12:46-50,Lu 8:19-21). Il est vrai que certains critiques
traduisent Mr 3:21: «Car on disait (et non: ils disaient) qu'il
avait perdu l'esprit.» En ce cas, il s'agirait de l'accusation des
scribes, reproduite au verset 22: «il est possédé de Béelzébul», et
qui reparaîtra dans Jn 10:20: «possédé d'un démon et hors de
sens». La thèse de la «folie de Jésus», soutenue naguère d'une façon
quelque peu sensationnelle, n'a plus aucun crédit aujourd'hui.
(Pour les diverses maladies nerveuses, voir Maladie, Possession
démoniaque.)
II Au sens figuré
1.
Dans l'A.T.
Très nombreuses sont les mentions de la folie ou de l'égarement, en
particulier dans les livres sapientiaux; elles ne se rapportent guère
à des troubles intellectuels d'origine psychique, mais dénoncent le
plus souvent des anomalies ou des désordres du domaine moral et
religieux. C'est le contraire de la sagesse (voir ce mot), laquelle
représente les principes de vie prescrits par les moralistes hébreux,
non d'un point de vue théorique, mais sur le terrain des applications
toutes pratiques: sont sages ceux qui veulent et savent se conformer
aux règles de bonne vie et moeurs, sont fous ceux qui s'en
écartent (Pr 1:7 10:28 13:19, Sir 21:11-26); sages, ceux
qui reconnaissent en Dieu l'auteur de ces lois du bien-vivre; fous,
ceux qui le nient ou le blasphèment (Ps 14:1,Job 2:10, Sir
16:23). Cette antithèse entre sages et fous, ou, ce qui revient à
peu près au même en termes plus religieux, entre justes et pécheurs,
porte sur l'âme profonde ainsi que sur ses multiples manifestations
dans la vie ordinaire; c'est pourquoi il en est si fréquemment
question dans l'Écriture, et c'est aussi pourquoi la langue hébraïque
de l'A.T., si pauvre qu'elle soit de termes abstraits, possède une
dizaine de désignations différentes pour la privation de sens
(racines: èvîl ou iâal =fou, kâsal =stupide, sâkal
=amoral, nâbal =ignoble, hâlal =arrogant, tâphal =
inconvenant, baav-- brute, etc.). Nos versions rendent ces divers
termes et leurs dérivés par: fou (Pr 27:3), folie (Ec
1:17), égarement (Ps 85:9), insensé (Pr 14:8,16), gens
dépourvus de sens (Ps 92:7), sot (Pr 17:7,21), etc., ou
encore, lorsqu'il faut préciser par des traductions plus nuancées les
manifestations de cet état d'esprit: erreurs ou fautes (Job
4:18), orgueil (Ps 5:6 73:3), blasphème (Job 1:22, cf.
2Ma 15:32 et suivant), impiété (Esa 32:5 et suivant),
infamie (Ge 34:7,De 22:21,Jos 7:15,Job 24:12), etc. La folie est
attachée au coeur de l'homme (Eccl,9:3,Pr 22:15), parce qu'elle
représente son péché (2Sa 24:10,Ps 69:6). Les sentences morales
multiplient les descriptions des défauts et des vices des
fous (Pr 7:22 10:18 15:5,20 18:6 20:3,Ec 4:5 etc.); elles
recommandent de les éviter (Pr 13:20 14:7, Sir 22:13) et,
en deux distiques en apparence contradictoires, mais entre lesquels
il faut choisir suivant les circonstances, elles prescrivent, soit de
ne pas répondre à l'insensé dans le même esprit que sa folie, soit de
lui répondre de façon à ce qu'il en ait conscience (Pr 26:4 et
suivant, cf. Pr 29:9); elles annoncent les châtiments réservés
aux insensés (Pr 5:23 10:8,10,21 18:7). Les prophètes raillent
la folie des idolâtres (Jer 10:8,Esa 44:20, cf. Sag 12:23 15:14
et suivant) et blâment la déraison des infidèles (Esa 19:11 et
suivants, Jer 4:22). Pour le délire des prophètes
exaltés (Os 9:7 etc.), voir Dionysos.
2.
Dans le N.T.
Le terme grec qui correspond le mieux à la plupart de ces passages
est aphrôn =privé de sens; on trouve aussi môros (litt.,
stupide) et ses dérivés, et anoètos =inintelligent. Jésus,
parlant de la vengeance (Mt 5:22), condamne l'insulte de colère
méprisante lancée à un frère: fou! (parall. à l'injure en araméen: raca
[v. ce mot]). Mais il ne proscrit pas pour cela le reproche
de folie lorsqu'il est mérité et prononcé avec équité: lui-même a été
l'objet de la folie furieuse des chefs religieux (c'est le sens litt,
du mot fureur dans Lu 6:11), et plus d'une fois dans son
enseignement il apostrophe ou caractérise les insensés.
1° Les esclaves de la vie matérielle et de l'amour du
monde, comme le riche insensé (Lu 12:20).
2° Les formalistes, aveuglés sur les valeurs
spirituelles, comme les pharisiens, hypocrites et méchants (Mt
23:17,Lu 11:40).
3° Les disciples ignorants, manquant de pénétration,
«sans intelligence et d'un coeur lent à croire», comme les disciples
d'Emmaüs (Lu 24:25).
4° Les disciples inconséquents, soit qu'ils écoutent
sans pratiquer, comme le constructeur insensé (Mt 7:26), soit
qu'ils ne se tiennent pas toujours prêts au service du Seigneur,
comme les vierges folles (Mt 25:2,3,8).
5° La source de toutes ces fautes, c'est le coeur
pécheur, d'où provient finalement «le dérèglement de
l'esprit» (Mr 7:22).
Dans les épîtres de saint Paul, insensés ou fous sont aussi les
infidèles (Ro 1:22), les adversaires de Dieu et de ses enfants
(2Ti 3:9, cf. 1Pi 2:15); c'est un caractère de l'homme
naturel avant sa conversion (Tit 3:3), comme aussi des désirs
asservis par l'amour de l'argent (1Ti 6:9). Dans Eph 5:15,
l'apôtre oppose sages à non-sages (grec aso-phoï). Dans 1Co
15:38, il appelle insensé celui qui ne sait pas tirer de
l'observation et de l'expérience un raisonnement par analogie
favorable à la réalité de la résurrection. Dans les ép. aux
Corinthiens (voir art.), il développe deux thèmes particuliers sur la
folie:
1° La 1 re ép., document du premier conflit du
christianisme avec la haute culture païenne, retourne le contraste de
l'A.T, entre les croyants qui étaient les sages et les incrédules qui
étaient les fous; avec l'Évangile d'un Messie crucifié, les croyants
de la nouvelle alliance passent pour fous aux yeux des sages de ce
monde, mais c'est cette «folie de Dieu» qui est la véritable sagesse,
la sagesse raffinée du monde n'étant en réalité que folie (1Co
1:18-29 2:14 3:18 4:10).
2° La 2 e ép. aux Cor., écrite à la suite d'une
crise de confiance entre le missionnaire et l'Église où certains
contestaient son intelligence (2Co 10:12 et suivants), marque
avec ironie la folie que les chrétiens de Corinthe pourraient bien
supporter chez lui (2Co 11 1,18-21 12:6-11).
Les déclarations bibliques sur la folie, morale ou religieuse, se
ramènent, en somme, à la constatation que la résistance de l'homme au
devoir et à Dieu, si rationnelle qu'elle ose se prétendre, est devant
l'appel de la conscience, l'amour du Père et la grâce du Sauveur,
l'attitude illogique par excellence. L'attitude «logique» est au
contraire le don complet de la vie, corps, esprit, âme, décrit dans
Ro 12:1 et suivants. Jn L.