EPHÉSIENS (épître aux)

Voir Colossiens, Introd.: les ép. de la captivité.

I Le contenu.

1.
LE PLAN.

Le plan d' Ephésiens est très lâche, et ne peut être fixé qu'arbitrairement.

On distingue deux parties:

théorique,

pratique.

La première partie se détache mal du préambule, où l'action de
grâces, en deux tronçons, avec arguments et intercession, a des
proportions inusitées.

LE PREAMBULE (Eph 1:1-22).


L'adresse (Eph 1:1-2). La plupart des
manuscrits et toutes les versions portent l'indication: à Éphèse,
mais les deux plus anciens manuscrits (Sinaïticus et Vaticanus) ne
l'ont point. Ce texte plus bref, que suit Origène, est, d'après
Basile le G d, le plus ancien. Marcion, d'après Tertullien qui le
qualifie, mais ironiquement, de «diligentissimus explorator»,
indique: à Laodicée. Harnack l'approuve; mais sa mention. peut être
un complément au texte, bref et primitif, plutôt qu'une
res-tauration. On a tenté, sans grand succès, de trouver un sens
acceptable au texte bref (Origène, Basile; Bengel, Stier; von Soden,
Credner, Dibe-bus). On l'a supposé corrompu, et l'on a proposé des
rétablissements plus ou moins ingénieux, et toujours arbitraires
(Ewald, Zahn, Ladeuze). on a émis l'hypothèse que l'épître étant une
circulaire destinée à être recopiée, le texte primitif laissait un
blanc dans l'adresse (Oltramare, Robinson).


La première partie de l'action de grâces et son argument
(Eph 1:3-14) se déroulent en un style rythmé qui se retrouvera en maints
passages, et jusque dans l'exhortation pratique,


Une reprise de l'action de grâces (Eph 1:15 et suivant),
suivie d'une intercession ,(Eph 1:17-19) où les vertus
intellectuelles sont demandées pour les destinataires, se prolonge et
s'achève assez indistinctement par un argument (Eph 1:19-23)
semblable au précédent.

I PARTIE DIDACTIQUE. (Ch. 2 et 3).


L'esclavage du péché, et le salut de Dieu par Christ
(Eph 2:1,10) sont l'un des aspects de la Rédemption.


La déchéance religieuse des païens et leur réconciliation avec
Dieu, par Christ
(Eph 2:11,22) en sont un autre aspect. Il se
complète par l'union spirituelle de tous les chrétiens, quelle que
soit leur origine, pour faire partie du même temple harmonieux et
saint, qui s'élève à la gloire de Dieu.


L'apostolat de Paul (Eph 3:1,12), pour lequel on le sent
continuellement comme en état de prière et d'action de grâces, est
justement de révéler ce mystère auquel il fut initié directement
par Christ: la vocation des païens, et leur entrée dans l' Église


Un encouragement (Eph 3:13) une intercession (Eph
3:14,19), qui a certaines analogies avec la précédente (Eph
1:17,19), et une doxologie (Eph 3:20 et suivant), achèvent
la partie didactique.

II EXHORTATIONS PRATIQUES (Eph 4:1-6:20).

On distingue, très librement, après une brève introduction (Eph
4:1), trois paragraphes et une conclusion.

L'Église est une en Christ; l'apôtre énumère
les devoirs dont l'accomplissement est nécessaire à la manifestation
de cette unité (Eph 4:2-16).

Le chrétien d'origine païenne doit veiller
particulièrement à pratiquer la pureté, en même temps que les autres
devoirs individuels, qui sont énumérés sans ordre (Eph
4:17-5:20).

La famille a aussi des obligations, indiquées
suivant la même ordonnance que dans Col 3:18-4:1 (Eph 5:21-6
9).

L'apôtre achève cette partie pratique par
l'allégorie de l'armure du chrétien, et par une exhortation à prier
pour lui-même (Eph 6:10-20),

CONCLUSION (Eph 6:21,24). Tychique est mentionné, comme dans
Col., à laquelle le verset 21 fait sans doute allusion. L'épître
s'achève sur une bénédiction.

2. LA LANGUE, LE STYLE ET LES IDÉES.

(a) La langue n'est pas plus différente de celle
d'autres ép. pauliniennes, que celle de Ga ne l'est de celle de Cor.
ou de Romains (Zahn). On a noté 38 «hapax». Le style est lourd et
redondant, surtout dans les passages où abondent les génitifs
explicatifs. La tendance au rythme est encore plus accusée que dans
Col; elle s'accorde avec le ton parénétique et oratoire, avec les
besoins liturgiques, avec les sujets traités et même avec la pensée,
à tel point que l'on a parlé de «rythme logique» (de Zwaan).

(b) L' idée centrale d' Ephésiens est la valeur suprême
de l'Église, tandis que celle de Col était la suprématie du Christ;
de là certaines transpositions des pouvoirs et attributs du Christ à
ceux de l'Église, lorsqu'on passe de l'une à l'autre.

II L'authenticité et l'intégrité.

1. L'AUTHENTICITÉ.

A. Les témoignages des premiers siècles sont particulièrement
nombreux et sûrs. On a signalé des analogies contestables entre Eph
et 1 P., Hébr., Apo Même admises, elles laisseraient ouverte la
question d'antériorité. Les ressemblances entre Ephésiens et les Pères
apostoliques sont moins douteuses. Marcion, vers 140, l'admet dans
son Canon. «Parmi les lettres qui portent le nom de Paul, Ephésiens est
peut-être celle qui a été le plus anciennement citée comme une
composition de l'apôtre des Gentils» (Renan).

B. La thèse de l'inauthenticité a été soutenue par
Schleiermacher. Ce serait une circulaire composée par Tychique. Baur
y voit un écrit gnosticisant de conciliation. Holtzmann la considère
comme l'oeuvre d'un faussaire qui aurait utilisé un fond authentique
de Col., puis remanié ce fond d'après son oeuvre personnelle. De
nombreux auteurs soutiennent, de diverses manières, l'inauthenticité.

C. L'argumentation. Une lettre aussi impersonnelle à une
Église aussi connue qu'Éphèse ne saurait être paulinienne. Mais
l'adresse est incertaine (cf. I, préamb.), et l'hypothèse d'une
lettre circulaire, déjà entrevue par Théodore de Bèze, et formulée
par de nombreux auteurs (Eichhorn, Oltramare, Godet, Zahn, etc.),
fait tomber la plupart des objections. La langue et le style
ont des particularités surprenantes, mais pas autant qu'on l'a
prétendu. Le même rythme verbal et logique se retrouve en d'autres
ép. (de Zwaan). Les idées sont les mêmes que dans Col; celle
d'Église se détache fortement, et s'assimile d'autres notions que
Colossien groupait autour de la notion du Christ; mais Paul a bien pu
opérer cette transposition. Quant à l'idée même, elle n'est pas
nouvelle. (cf. Ga 1:18,1Co 10:32 etc.) Les rapports de style
et de pensées entre Ephésiens et Col.,
pour si étonnants qu'ils soient,
n'obligent à suspecter ni l'une ni l'autre épître. L'identité des
situations et des intentions explique les ressemblances; la
différence des sujets, les divergences. La thèse de l'inauthenticité,
même atténuée, lorsqu'on attribue Ephésiens à Tychique, soulève plus de
problèmes qu'elle n'en résout.

2. L'INTÉGRITÉ a été rarement contestée. Ewald a
cependant supposé qu'Éphésien était une homélie de Tychique, à
laquelle on aurait ajouté quelques morceaux à caractère paulinien.
Mais ces passages supprimés, il reste une lettre plutôt qu'une
homélie, et de telles ressemblances avec Col que toute supposition
est incapable d'en rendre compte en dehors de l'authenticité. Paul
était le seul qualifié pour s'imiter lui-même de la sorte. Le ton de
certains passages, le renforcement des devoirs de subordination
(comp. Eph 5:21 et suivants et Col 3:18 et suivants),
peuvent donner lieu à quelques conjectures sur des interpolations de
détails.

III La composition.

1. LES CIRCONSTANCES, LE LIEU, LE TEMPS (voir
Colossiens, III). Les transpositions d'idées s'étant opérées
manifestement de Col à Éph., et, de plus, cette dernière étant une
circulaire, de caractère assez impersonnel, on peut estimer que les
trois ép. de Césarée ont été composées dans l'ordre suiv.: Col.,
Philém., Éph.

2. LES DESTINATAIRES ET LE BUT.

A. Les destinataires sont des pagano-chrétiens,
(Eph 1:13 2:2,11,22 3:1 4:17-19) ce qui n'exclut pas l'existence de minorités
judéo-chrétiennes (Eph 1:11 2:3). Ces pagano-chrétiens, aux
préoccupations et aux besoins semblables à ceux des Colossiens,
habitent la même région. Partie d'Éphèse, où l'original a peut-être
été conservé, la copie ou l'une des copies de la circulaire a pu
passer par Colosses, en venant de Laodicée (Col 4:15).

B. Le but n'est pas conciliateur au sens où l'entend
l'école de Tubingue, comme s'il y avait des conflits violents à
apaiser; le ton de l'épître est calme et mesuré. Le but n'est pas
exclusivement spéculatif (Sabatier); l'exhortation pratique tient
la plus grande place. Le but n'est pas exclusivement inoral
(Godet); la partie didactique n'est pas sans importance, et a sa
valeur propre. Divers motifs peuvent se rencontrer dans la même
intention générale, que l'on découvre aussi en Col: affermir les
chrétiens d'une région où souffle un vent de syncrétisme débilitant
et dissolvant; à cet effet, leur faire comprendre mieux et mieux
s'assimiler: le sens, les vertus, la valeur de l'Église. H. Cl.