ÉLÉMENTS

Rudiments, principe constitutif d'un objet matériel; en chimie: corps
simple ou composé formant l'une des parties intégrantes d'une
combinaison; au pluriel: principes fondamentaux.

Philosophie et physique.

Les premiers philosophes grecs, cherchant l'élément dernier, le
principe des choses, proposèrent tour à tour l'eau, l'air, le feu et
la terre. Empédocle, renonçant à l'unité, admet que la composition ou
la décomposition de ces quatre éléments suivant la loi de l'amour ou
de la discorde produit l'univers. Platon ramène également toutes
choses à ces quatre éléments qui constituent le fond de toute la
physique antique. Aujourd'hui la chimie, par l'analyse, a conduit à
la notion de corps simples élémentaires dont Moseley, par l'étude des
rayons X qu'ils émettent, a pu fixer le nombre à 92 (dont 90 connus).
La physique, poursuivant cette analyse, s'appuyant alternativement ou
tout à la fois sur les théories énergétique et mécanique, pousse à un
tel point et avec tant de sûreté l'analyse de la matière que certains
pensent déjà que «la nature de la matière n'est plus un problème
métaphysique, mais devient un problème d'ordre expérimental»
(A. Rey, La Philosophie moderne, p. 170, Paris 1927).

Littérature biblique.

Dans le N.T., le mot, employé en différentes acceptions, est toujours
au plur, (ta stoïkhéia, traduit par: éléments, rudiments); Sag et
4Macl'ont également.

1. 4Ma 12:13: «les éléments du corps
humain»; aucune difficulté, il s'agit des organes du corps.

2. Sag 7:17 19:18, et 2Pi 3:10,12 visent les
éléments physiques constituant le monde matériel, que l'angélologie
juive de l'époque tardive, d'accord avec le paganisme gréco-latin,
tendait à placer sous la dépendance d'esprits.

3. Heb 5:12: «les premiers rudiments des oracles
de Dieu», c-à-d, les connaissances élémentaires concernant la
révélation chrétienne, l'ABC du christianisme.

4. L'apôtre Paul emploie quatre fois le mot:
Ga 4:3,9 et Col 2:8,20. Chaque fois il est question des «éléments
du monde», sauf Ga 4:9, mais l'emploi de l'expression au verset
3 ne permet aucun doute sur le sens. Donc les quatre fois il s'agit
des «éléments» ou des «rudiments du monde». Pourtant le sens exact de
l'expression dans ces passages a soulevé de nombreuses discussions
pour ou contre deux interprétations possibles,

(a) Dans Galates, les éléments du monde sont mis en
parallèle avec «ceux qui par nature ne sont pas dieux», et le
contexte fait penser à l'adoration des corps célestes appelés
spécialement stoïkhéia comme éléments de l'univers (Just. Martyr,
Dial., 23; Épiphane, Adv. Hoer., 7), et dont les mouvements
règlent le calendrier. L'adoration des Colossiens pour les anges
trouverait son explication dans le fait que les astres étaient
supposés sous la dépendance directe d'êtres célestes (Job 38:7,
Hén. 41:43, 1Co 15:40,Jas 1:17,Ap 1:20, Clém. d'Alexandrie,
Strom., 6:5). Mais pourquoi se limiter au ciel lorsqu'il s'agit
du «monde»? Toutes choses étaient supposées sous la dépendance
d'esprits (cf. Hén. 82:10 - 14 60:11 et suivant; Oracles Syb. 7:33,
35); Heb 1:7 est en accord sur ce point avec Ps 104:4 Jn
5:4, l'ange de la piscine de Béthesda; Ap 7:1, les quatre
anges des quatre vents; Ap 12:7, chaque Eglise a son ange; Mt
18:10 fait allusion aux anges gardiens de chacun. Les «rudiments du
monde» viseraient donc les êtres spirituels qui, dans la croyance
populaire, et sans doute aussi dans la pensée de l'apôtre,
présidaient aux phénomènes cosmiques. Selon l'apôtre, ces êtres
spirituels, qui par nature ne sont pas dieux, ne doivent être l'objet
d'aucun culte; l'adoration dont ils sont l'objet de la part des
païens constitue une offense envers Dieu et ne peut être que
décevante (voir Ange).

(b) De nombreux commentateurs voient dans ces
«rudiments du monde» les ordonnances du judaïsme qui lient le fidèle,
par le rite, à un sanctuaire terrestre (Heb 9:1), tandis que le
chrétien est affranchi de tout ce qui est matériel et terrestre.
Cette seconde interprétation est sans doute conforme à l'enseignement
de l'apôtre sur l'opposition entre le règne de la loi et celui de la
grâce, mais la précédente est aussi en accord avec ce que nous savons
de l'angélologie paulinienne. Il faudrait mieux connaître les
tendances des Colossiens et des Galates pour en déduire les erreurs
que l'apôtre devait combattre et par là trancher le débat pour chaque
épître. Une autre solution consisterait à voir dans les «rudiments du
monde» l'ensemble des connaissances humaines, forcément
rudimentaires, par opposition avec la Révélation. L. V