EGYPTE (4)

Art.

L'originalité de l'Egypte est particulièrement frappante dans les
manifestations de l'art, où elle se révèle indépendante de toute
influence étrangère. Dès ses débuts, le peuple de la vallée du Nil
montre une tendance à donner aux moindres objets de belles lignes,
des formes pures et, dès qu'il est en possession de matières de
choix, il fait preuve d'aptitudes particulières à y adapter les
techniques voulues. L'art paraît une qualité innée de la race
égyptienne et non le privilège de quelques-uns: un goût très sûr,
très viril se manifeste aussi bien dans les grands monuments que dans
les objets les plus humbles, ne sacrifie jamais la beauté de
l'ensemble à l'exagération du décor, mais ne sort pas des cadres
stéréotypés. Chaque artisan a en lui l'étoffe d'un artiste, mais
aucun n'a le génie nécessaire pour trouver une formule nouvelle; il y
a eu parmi eux des ouvriers incomparables qui ont laissé des
chefs-d'oeuvre de noblesse, de puissance et de sentiment aussi bien
que de technique, dignes d'occuper une des premières places parmi les
produits de l'art de l'humanité, mais qui restent toujours dans
l'esprit de la tradition. Les véritables créateurs de l'art égyptien
sont perdus dans la nuit des temps; ils ont créé sans subir aucune
influence étrangère et leurs successeurs se sont toujours gardés de
faire le moindre emprunt aux arts des peuples voisins.

Les idées religieuses et les croyances funéraires ont activé le
prodigieux développement de la sculpture et de la peinture, dont le
but principal était la reproduction de la figure humaine dans son
essence plutôt que dans ses infinies variations. Le choix de quelques
attitudes simples donnant l'impression du calme et de la sérénité, la
recherche de la pureté des lignes, la stylisation harmonieuse des
formes sont les caractéristiques de la statuaire qui, en plus de
cela, cherche à marquer la personnalité du sujet par un travail très
poussé de la tête: nulle part ailleurs on ne retrouve une impression
aussi parfaite et aussi intense de la vie que sur certaines figures
égyptiennes. Les reliefs et les peintures, destinés à couvrir de
grandes surfaces, obéissent aux mêmes lois, et en plus à celle de
l'équilibre des masses, qui donne à ces tableaux une allure si
décorative et si familière, malgré certaines conventions du dessin,
contraires au sentiment classique de la perspective, conventions qui
n'ont pas varié pendant toute la durée de l'empire pharaonique.

L'architecture est plus dépendante que la peinture et la
sculpture de l'évolution industrielle et des circonstances politiques
et sociales; elle subit au cours des siècles une série de
transformations suivant les besoins et les possibilités, mais ces
variations successives se produisent dans la même ligne directrice et
sans aucun emprunt étranger. Nous suivons l'enchaînement des grandes
phases de cet art, l'apparition soudaine d'une architecture de pierre
parfaite en sa technique et en ses formes, pour remplacer
l'architecture en briques crues, puis ses fluctuations, l'adoption
des mégalithes, le retour à des matériaux plus maniables, le
développement toujours croissant du décor mural. Techniquement, aussi
bien que dans la disposition intérieure et extérieure des édifices,
tout est original dans l'architecture égyptienne, dont la création la
plus intéressante est celle des supports, des colonnes florales
surtout, qui donnent aux monuments antiques de la vallée du Nil leur
aspect si caractéristique.

Les arts mineurs vont de pair avec leurs aînés, dont ils suivent
les traditions de sobriété, d'élégance et de belle tenue.