DIASPORA

(=dispersion). Nom donné à la population juive en terre païenne.

1.
Avant l'exil. C'est la préhistoire de la Diaspora.
Pour le commerce, des Israélites s'établissent en Syrie, en Egypte,
en Mésopotamie. Ben-Hadad dit à Achab: «...tu établiras pour toi des
rues à Damas, comme mon père en avait établi à Samarie» (1Ro
20:34). En Egypte, ils cherchent la sécurité. Ils sont déjà
nombreux, ont un culte (Esa 19:18-25).

2.
La crise de l'exil,

(a) En Mésopotamie. C'est d'abord la déportation
d'Israël (722); mais les tribus du N., de foi peu exacte, se fondent
dans la population. C'est Juda qui a fait la D. par sa foi solide. En
597 eut lieu une première déportation de 10.000 personnes (2Ro
24:14). Le temple détruit (586), l'élite transportée à
Babylone, 4 600 (Jer 52:28-30), c'est moins une D. qu'un
peuple en exil (Eze 3:4 37:11). Ils se multiplient: pendant des
siècles, la pureté du sang juif est tenue pour aussi certaine dans
tels cantons qu'en Palestine. Le rôle religieux de cette D. est
grand. Ce qui existait du Canon s'y conserve. La littérature de
l'exil s'y ajoute: le 2 e Ésaïe, Ézéchiel. Le travail de la Loi
continue; les Psaumes fleurissent. L'apocalyptique commence, par
l'influence de l'Orient. Le principe du Livre se pose. Une piété
nouvelle se forme, détachée du sol et du Temple, sans sacrifices ni
prêtres. Rien de sacramentel. Le scribe apparaît, qui copie,
explique. On se réunit pour lire, méditer, prier, chanter. La
synagogue, fille de l'exil, donne à la D. son âme fraternelle et
bienfaisante. L'horizon s'élargit. Le sens missionnaire s'éveille: le
«Serviteur» ira vers les peuples (Esa 49:6). L'amour de
Sion (Ps 137) prépare le rétablissement. Cyrus le permet dans le
cadre de l'empire (538). On apprécie les Juifs comme sujets laborieux
et fidèles. Le Temple relevé (Esa 51:6), les docteurs restent en
relations. Les enrichis de Babylone envoient leurs dons. La nécessité
avait éveillé le sens du négoce qui dormait dans la race,

(b) En Egypte, la D. a un caractère moins pur. Les
réfugiés (Delta et haute Egypte) offrent l'encens à la Reine des
Cieux (Jer 44:1). Sous la domination perse, les papyrus
d'Éléphantine (voir Syène) révèlent cette curieuse colonie de Yahou,
soldats juifs qui gardent la frontière S. avec un temple et des
emprunts typiques au paganisme. Sous les Ptolémées, de nombreux
prisonniers augmentent la D. (vers 150 s'élèvera le temple de
Léontopolis qui sera fermé par Vespasien).

3.
Sous Alexandre et ses successeurs: nouveau
développement. La D., jadis regardée comme châtiment (Eze
22:15), est désormais un fait normal. Les peuples sont mis en
mouvement. Alexandrie (voir ce mot) a vite une grosse population
juive. La foi d'Israël entre en contact avec la pensée grecque. La
Bible est traduite: les LXX sont le livre de la D. qui parle le grec.
La pensée se concentre sur l'essentiel religieux: le monothéisme, la
moralité, le Messie, le jugement. L'apologie écarte les pratiques et
présente la foi comme la vraie philosophie. La propagande devient
active. Elle atteint les âmes sérieuses travaillées par le besoin
d'expiation, de pureté et d'espérance, les femmes surtout. Les uns
restent des «craignant Dieu», avec l'essentiel et peu de formes. Une
minorité de «prosélytes» acceptent la circoncision et la loi. Lés
partis de Jérusalem ne peuvent pas exister. Tout est orienté
autrement.

4.
Au temps d'Auguste, dans la paix romaine, la D.,
déjà vaste, s'épanouit. Les barrières nationales sont tombées, les
routes s'ouvrent au commerce. Le Juif les suit: un réseau de
synagogues se tend sur l'empire. Ces groupes ont leur organisation
propre, un peu de vie nationale autour de la synagogue, un conseil,
des chefs, un président, une part de justice civile. Rome fait
respecter leur culte. On les dédaigne, on ne les persécute pas. C'est
une «religion licite». Leur prétention, assez vaine, est de garder
leurs privilèges (quant au service militaire en particulier et au
sabbat) et d'acquérir droit de cité. Ils sont fort nombreux. On les
évalue à 700.000 en Palestine, 1 million en Egypte (dont 200.000 à
Alexandrie), un peu plus de 1 million en Syrie avec Antioche pour
centre. Ailleurs, beaucoup de groupes compacts dans l'Afrique du N.,
l'Espagne, le S. de la Gaule, à Rome (pas plus de 15.000 sur la rive
droite du Tibre), dans les cités de l'Asie Mineure et de la mer
Noire, etc. Un maximum de 4 millions 1 /2. Tout cela est de la plus
grande conséquence pour les premières missions chrétiennes.
L'apologétique et la mission même s'en inspirent. Ces groupes sont le
point de départ et l'obstacle.

5.
Après la ruine de Jérusalem (70) Israël est tout
Diaspora. L'histoire de la D. est l'histoire des Israélites dans le
monde. Ils influencent les peuples, mais leur propagande a cessé. Ils
se concentrent sur eux-mêmes. Le temps du judaïsme fermé, celui du
Talmud commence, ce qui n'empêchera pas, en bien des endroits, des
individus et des groupes de s'annexer à Israël.

6.
La Diaspora chrétienne. Tout de suite on en parle.
C'est un terme ecclésiastique (Jas 1:1,1Pi 1:1), mais la notion
empruntée au judaïsme disparaît vite, absorbée par celle de l'Église
conquérante. La prière d'intercession des Const. apost., VIII, n'y
fait pas d'allusion. La chose redevient une réalité au temps de la
Réforme pour désigner des groupes d'une confession vivant au milieu
d'une autre, par ex. luthériens parmi des réformés. Le mot est repris
par les Moraves pour désigner leurs membres à l'étranger (au XVIII e
siècle); et, depuis la tolérance religieuse, les protestants
désignent volontiers ainsi leurs disséminés. An.