DIACRE

(grec diaconos). Serviteur de l'Église, à côté des anciens, dès
l'origine.

1.

Dans le monde ancien, l'Église trouvait des exemples d'exercice
de la bienfaisance.
A Rome, les grandes distributions faites aux citoyens pauvres;
dans les associations de personnes humbles (collegia tenuiorum),
l'entr'aide; chez les philosophes stoïciens, des principes de
bienfaisance: soin des pauvres, libération des esclaves.
En Israël; l'aumône élevée au rang d'une des grandes formes de la
piété; le principe que le compatriote pauvre doit être secouru par le
riche; l'influence exercée par la législation d'Israël, favorable au
pauvre, dans la Loi. Le Talmud dira: «Qui visite un malade est sauvé
de l'enfer.» Et Tobit montre comment l'aumône rachète de tous les
péchés.

2.

En Jésus, la grande source de la charité a jailli. Il appelle à
lui tous les déshérités. Il fait voir la venue même du Règne de Dieu
dans cette charité active qui cherche ceux qui sont sans secours, et
qui chasse les démons. Il est le serviteur par excellence, et ses
disciples doivent être à son image des serviteurs (Mt 20:28,Jn
13:14 et suivant). On peut dire sans exagération que la figure du
diacre est une de celles qui procèdent le plus sûrement de la pensée
la plus intime du Maître.

3.

Dans la première communauté, le besoin de vivre ensemble et de
s'entr'aider a été tel qu'il y a eu, pendant quelque temps tout au
moins, une mise en commun des ressources (voir Communion, parag. 5).
L'ardeur de la charité, l'attente du retour du Christ ont rendu
possible dans un groupe restreint, non sans exceptions
douloureuses (Ac 5:1-11), cette fraternité sans limites qui
n'était pas une règle et en dehors de laquelle il était normal de
rester (Ac 5:4 12:12). On sait comment, le nombre augmentant,
les veuves d'entre les Juifs hébreux plus considérés parurent
avantagées aux dépens des veuves d'entre les Hellénistes, et comment,
pour faire droit aux plaintes de ces Hellénistes, les sept furent
choisis en vue de l'assistance journalière et de la surveillance des
tables: (Ac 6:1) les Douze convoquent l'assemblée, exposent
le cas, prescrivant de choisir sept hommes. Ils doivent être de bon
renom, pleins d'Esprit et de sagesse. L'assemblée est d'accord,
choisit les sept, les présente aux apôtres, qui prient et leur
imposent les mains, en vue de leur emploi (Ac 6:1,6). Ce récit
ne leur donne pas le nom de diacre, mais ils le sont de tout point,
et la suite du livre confirme et leur titre et leur nombre (Ac
21:8). Les sept, d'après leurs noms, sont tous Hellénistes. Il est
probable qu'avant leur nomination il y avait déjà des chrétiens
d'entre les Hébreux chargés du même ministère. Les «hommes pieux» qui
ensevelissent Etienne (Ac 8:2), les jeunes gens qui rendent
service (Ac 5:6-10) étaient-ils déjà préposés aux mêmes soins
sous le contrôle des Douze? Quoi qu'il en soit, les sept apparaissent
d'emblée comme étant tout autre chose que chargés essentiellement des
soins matériels. Ils forment un groupe actif qui rend témoignage et
évangélise à côté des apôtres. Etienne est une grande figure qui
annonce saint Paul par la largeur de ses idées et la force pénétrante
de sa parole (Ac 6 et Ac 7). Philippe est un inspiré que
Dieu guide et qui a une véritable noblesse d'allures comme
évangéliste (Ac 8:26-40 21:8). Ils sont comme un jeune
christianisme à côté des Douze qui font figure de sénat conservateur.

4.

Chez saint Paul, les diacres apparaissent comme un élément
essentiel parmi les directeurs des Églises. A Philippes, l'Église
chère à l'apôtre, il y a des évêques et des diacres, c'est-à-dire en
somme un corps formé de deux groupes dont l'un, plus âgé, surveille,
préside, l'autre, plus jeune ou plus actif, sert et, agit (Php
1:1). Selon l'apôtre, la fonction répond à un don, à un charisme. Il
y a tout un faisceau de dons qui répondent à la mission du diacre: la
libéralité, la miséricorde (Ro 12:8), qui mènent à subvenir aux
besoins (Ro 12:13), à exercer l'hospitalité (Ro 12:13); le
don de guérir, de secourir (1Co 12:9) et, au sommet, la voie par
excellence, la charité qui est l'âme la plus pure de toute action
chrétienne; les fruits de l'Esprit, entre autres l'amour, la bonté,
la fidélité (Ga 5:22); le don de la grâce de Dieu, accordée par
l'efficacité de sa puissance (Eph 3:7). Épaphrodite (Php
4:18) semble avoir été un de ces évangélistes-diacres, serviteurs
des Églises, porteurs de leurs dons, qui sont «comme un parfum de
bonne odeur, un sacrifice que Dieu accepte et qui lui est
agréable» (Php 4:18). Tel est l'esprit du diacre. Nous voyons
mal chez l'apôtre comment la fonction est délimitée; au fond, elle
l'était peu, tant les termes de diaconoï
et de diaconia ont
une acception large: Paul et Apollos, serviteurs par lesquels les
Corinthiens ont cru (1Co 3:5); l'apostolat, une
diaconie (2Co 6:3); l'apôtre, diacre par don (Eph 3:7 Col
1:23). Mais dans ce milieu et dans cet esprit la fonction se
dessine: «le diacre sert dans le diaconat» (Ro 12:7, trad.
Oltr.).

5.

Autres épîtres. Dans l'épître aux Hébreux (Heb 13
1-3,16), l'esprit du diaconat apparaît comme étant celui de chaque
chrétien. Les anciens de saint Jacques doivent comprendre des
diacres (Jas 5:14), puisqu'il s'agit de malades à visiter. La
1re ép. de saint Pierre met au premier plan les vertus du
service charitable: «être diacre» (diaconeïn) au service les uns
des autres, en vertu du charisme reçu (1Pi 4:7-11). La 1re
ép. de saint Jean met l'accent sur l'amour, le sacrifice, les
dons, la réalité (1Jn 3:14-18). Tout ceci donne l'atmosphère où
fleurit le diaconat.

6.

La 1re ép. à Timothée, qui retrace l'organisation ecclésiastique
à la fin du I er siècle, met les diacres à leur rang, après l'évêque.
Avant de les nommer on les éprouve d'abord, puis, s'il n'y a pas de
plaintes, on les admet, certainement par l'imposition des
mains (Ac 6:6). Les qualités requises sont plutôt négatives:
gravité, droiture, sobriété, désintéressement, fidélité à la
doctrine. Ce sont les conditions nécessaires pour devenir un
personnage ecclésiastique. L'exercice même de la charge est supposé,
non décrit (1Ti 3:8-10,12). Le verset 11 intercale
visiblement, après v. 8 - 10 et avant v. 12-13, d'autres personnes,
les diaconesses (voir ce mot), car quelle apparence y aurait-il qu'on
parlât des femmes des diacres avant de les dire mariés? (1Ti
3:12)

7.

Siècles suivants. Indiquons très brièvement ce que l'institution
est devenue. Au II e siècle, avec le développement de l'épiscopat
monarchique, les diacres, a côté de l'évêque et du collège des
anciens, sont au nombre généralement fixe de sept et servent aux
offices d'administration, de charité, à la liturgie, à la cure
d'âmes, à la prédication. Puis ils deviennent comme la main de
l'évêque, l'aidant pour le culte, portant la communion aux malades,
accueillant les étrangers et les hôtes, veillant à la sépulture des
abandonnés. Leur consécration est décrite dans les Constitutions
apostoliques
(VIII, 16s.), qui sont de la fin du IV e siècle, mais
qui donnent l'état au III e siècle. L'évêque, assisté des prêtres et
des diacres, leur impose les mains et prie. Il les «met à part» pour
leur ministère. C'est l'usage apostolique conservé. Leur caractère
ecclésiastique et leur place dans la hiérarchie se précisent. Ils
sont, après les prêtres, le dernier des ordres majeurs. Au V e
siècle, le ministère de la charité cesse peu à peu de leur être
éminemment confié. Ils sont au Moyen âge un degré dans la hiérarchie,
avec ou sans le nom.

8.

La Réforme, luthérienne et calviniste, a eu ses diacres, laïques
acceptant, à côté de leurs occupations, un ministère de charité
consistant à recueillir et à distribuer des secours, à prendre soin
des pauvres, à visiter les malades. Les Réformés ont mis l'accent sur
le diacre faisant revivre la pensée primitive. Dans l'Église
anglicane, le diacre est un degré dans l'organisation du clergé,
degré où l'on ne reste pas longtemps et qui est, au fond,
l'apprentissage du pastorat. Dans l'Allemagne du XIX e siècle,
Wichern a organisé pour la mission intérieure un corps de diacres, de
frères, entièrement spécialisés et employés aux oeuvres de
relèvement et de charité et à la mission urbaine. On peut penser
qu'une réorganisation des diaconats en vue d'une activité charitable,
sociale, plus variée et plus fervente, est chez nous un devoir de
l'heure actuelle et que, de plus, nos diacres devraient être, comme
ceux de la primitive Église, des témoins vivants de l'Évangile. An.