CRUCIFIEMENT

Les récits évangéliques au sujet de ce supplice enduré par Jésus sont
en accord avec les renseignements de l'histoire profane relatifs au
crucifiement. Aussitôt après la sentence, le condamné était battu de
verges jusqu'au sang. Pilate fit infliger ce flagellum à Jésus
avant la condamnation (Jn 19:1) pour tenter de donner, par un
compromis, satisfaction à la haine des Juifs (Lu 23:22). Le
supplicié était alors chargé de la poutre transversale (patibulum)
de la croix (voir ce mot) et, sous ce fardeau, il
marchait, encadré de soldats, généralement au nombre de quatre,
jusqu'au lieu du supplice, qui était toujours hors de la
cité (Heb 13:13). Le poids du patibulum n'était excessif que
pour un homme épuisé par le supplice de la flagellation ou d'autres
souffrances; sans doute Jésus était-il trop affaibli, puisque Simon
de Cyrène fut réquisitionné (Mt 27:32,Lu 23:26); toutefois Jean
précise qu'en arrivant au Calvaire c'était Jésus qui portait sa
croix (Jn 19:17).

Sur le lieu d'exécution, le condamné était dépouillé de ses
vêtements, qui devenaient le butin des soldats (Mt 27:3 Jean 19:23
et suivants). Il était alors étendu à terre, sur le dos, les épaules
et les bras allongés sur le patibulum; on lui fixait les mains
sur cette poutre avec des cordes ou plus souvent avec des clous et on
hissait le supplicié au haut du poteau vertical qui restait fiché en
permanence en cet endroit maudit. La partie centrale du patibulum
était engagée dans l'encoche taillée à cet effet au haut de la poutre
verticale. Celle-ci portait à mi-hauteur une cheville de bois (sedile)
qu'on faisait enfourcher au supplicié pour le soutenir
et pour empêcher que le poids du corps lui déchirât les mains et
provoquât sa chute. Les pieds étaient fixés en bas, à une faible
distance du sol, par des cordes ou des clous. Il semble bien que l'on
cloua les pieds comme les mains de Jésus (Lu 24:39); Jean ne
parle que des mains (Jn 20:25-27).

Les tableaux classiques de la crucifixion de Jésus trompent sur
la hauteur de la croix qui, en réalité, n'élevait guère le condamné
que de 50 cm. à peu près au-dessus des spectateurs. On fixait
au-dessus de sa tête l'écriteau où étaient inscrits le nom du
supplicié et le motif de sa condamnation (voir Inscription de la
croix). Le malheureux était ainsi exposé et souvent insulté durant sa
longue agonie qui durait des heures et parfois des jours. On offrait
généralement à celui que torturaient des souffrances intolérables,
lorsqu'il gardait toute sa sensibilité, un breuvage assoupissant ou
enivrant. On sait que Jésus le refusa (Mt 27:34), voulant
affronter la mort en pleine lucidité d'esprit. Sans ce refus nous
n'aurions pas l'héritage sacré de ses paroles sur la croix.

On abrégeait souvent les souffrances du supplicié en lui donnant
le coup de grâce, en l'espèce le crurifragium : on lui brisait les
jambes. Les deux brigands du Calvaire subirent ce traitement, peu
d'heures après leur mise en croix, avant le coucher du soleil; car il
importait pour les Juifs qu'aucun supplice ne fût en cours au moment
où commençait le grand sabbat pascal. On eût aussi brisé les jambes
de Jésus, s'il n'eût été déjà mort. Un soldat--par brutalité ou pour
consommer une mort incertaine--perça le flanc de Jésus (Jn
19:34). De l'eau et du sang sortirent de la blessure; était-ce,
comme on l'a dit, le symptôme d'une rupture de l'aorte?

Entre tous les supplices, celui de la croix était, par
excellence, le supplice infamant: «Maudit celui qui est pendu au
bois», déclarait la Loi juive à propos de la pendaison (De
21:23); à plus forte raison cette malédiction s'appliquait-elle à la
croix: (Ga 3:13)

Christ crucifié était un scandale pour les Juifs (1Co 1:23),
Saul de Tarse l'avait bien éprouvé, et l'on sait quelle importance a
prise cette malédiction du crucifiement dans la pensée de saint Paul
et dans la doctrine chrétienne. Les Grecs légers y voyaient une
folie, ne pouvant prendre au sérieux les derniers des misérables, le
plus souvent esclaves criminels, auxquels Rome réservait ce supplice
barbare. Un citoyen romain n'était jamais condamné au crucifiement,
du moins légalement; une des plus terribles accusations portées par
Cicéron contre Verrès c'est d'avoir, sous sa magistrature, fait
crucifier des citoyens romains: «Enchaîner un citoyen romain est un
forfait; le flageller est un crime; le mettre à mort est presque un
parricide; que dirais-je de la mise en croix? Il est impossible de
désigner par un terme qui en soit digne, une telle abomination.» Voir
Jésus-Christ. H. H.