CHAM ou CAM

Personnage de l'humanité primitive. D'après Ge 5:32 6:10, il fut
le deuxième fils de Noé, le frère de Sem et de Japhet. Il était marié
au moment du déluge et trouva grâce, ainsi que sa femme, devant
Jéhovah, puisqu'il fut admis dans l'arche. Il fut béni avec toute sa
famille et eut part à l'alliance conclue entre Dieu et Noé (Ge
9). Nous avons dans Ge 10 une liste de ses descendants. La
rédaction de ces faits semble devoir être attribuée à P. Dans Ge
9:20-28 se trouve un récit relatif à Cham, de style et de
conception bien plus archaïques que les versets précédents et qui
paraît provenir de J; c'est le passage relatif à l'ivresse de Noé et
au manque de respect dont aurait fait preuve son fils à son égard. Le
lecteur est obligé de relever quelques contradictions ou incohérences
quand il compare ce récit au contexte: alors que, dans Ge 9:18,
Cham est le deuxième fils de Noé, dans le verset 24 il est le plus
jeune des trois; Canaan, fils de Cham, est maudit pour la faute
commise par son père. Nous pouvons en conclure qu'à côté de la
tradition faisant de Cham le deuxième fils de Noé et le frère de Sem
et de Japhet, figure une autre source de récits qui connaissaient
également trois fils au héros du déluge: Sem, Japhet et Canaan. La
faute était commise par Canaan, avant le déluge probablement, car les
fils de Noé sont présentés dans ce passage comme jeunes encore et
habitant chez leur père. On comprend ainsi fort bien la malédiction
de Canaan. Ce vieux récit tendait à expliquer--ou même, dans sa forme
primitive et orale, à prédire--l'asservissement des Cananéens par les
Israélites, descendants de Sem (verset 26); il soulignait
l'immoralité des Cananéens, célèbre en Israël (Le 18:3,24,30).

Pour concilier les deux sources de récits dont il avait
connaissance, un rédacteur de P fit de Canaan le fils de Cham (Ge
10:6) et dut ajouter à Ge 9:18 ces mots qui ont bien l'allure
d'une note rédactionnelle: «Cham était le père de Canaan.» Et c'est
peut-être lui encore qui, pour attribuer la faute a un fils de Noé,
mit comme sujet au verset 22: «Cham le père de [Canaan]» à la place
de «Canaan».

L'interprétation qui fait porter sur les nègres les effets de la
malédiction de Noé est une invention des commentaires rabbiniques,
dont la littérature esclavagiste s'empara au XV e siècle pour les
besoins de sa triste cause (cf. R. Allier, Une énigme troublante,
Paris 1930).

Le tableau général des peuples de la terre, dressé par
Ge 10, nous renseigne sur la descendance de Cham. P en fait l'ancêtre
commun des Cananéens, des Égyptiens (Mitsraïm) et des Éthiopiens
(Cush), révélant ainsi la trace durable laissée dans les souvenirs de
l'ancien Israël par la domination des Pharaons sur la terre de
Canaan. Bien plus, dans plusieurs passages poétiques de l'A.T.,
l'Egypte est désignée par le nom de Cham (Ps 78:5 105:23,27
106:22). Dans la pensée de P, très systématique, Cham est le père
d'une partie de l'humanité: à savoir tous les peuples du S., alors
que Japhet est l'ancêtre des peuples du N. et Sem celui des peuples
résidant au centre du monde connu à cette époque. J de son côté
rattache à Cham, outre l'Egypte, tous les grands peuples sédentaires
comme l'Assyro-Babylonie (Ge 10:8-12). Voir Table des peuples.
A. Ch.