LA BIBLE TRADUITE SUR LA VULGATE

PAR LE MAISTRE DE SACI (1759)

Numérisation Yves PETRAKIAN Octobre 2008 - France

 


 

JUGES

 

ARGUMENT. - Les Hébreux appellent ce livre Sophétim, c'est-à-dire des Juges, parce que ceux qui furent chargés de la conduite des Israélites avant l'établissement de leurs rois s'appeloient ainsi, et que ce livre décrit leur histoire depuis la mort de Josué jusqu'à celle de Samson. On ne sait pas avec certitude quel est l'auteur de ce livre. Les uns l'attribuent aux juges mêmes, qu'on prétend avoir écrit chacun l'histoire de ce qui est arrivé sous son gouvernement ; d'autres en font auteur Phinéès, ou Samuel, ou Ézéchias, ou Esdras ; mais généralement en croit que c'est l'ouvrage d'un seul auteur qui vivoit après le temps des juges. L'auteur de ce livre s'est attaché à représenter sur la fin combien, pendant ce temps, les moeurs des Israélites étoient corrompues, et combien ils étoient portés à l'idolâtrie, et comment les diverses servitudes auxquelles ils furent soumis furent le juste châtiment de leurs péchés et de leurs déréglements. C'est pour cette raison qu'il faut placer les histoires de Michas, de la tribu de Dan, et des Benjamites avant la première servitude.

 

CHAPITRE I

 

La tribu de Juda est nommée pour marcher à la tête des autres tribus. Défaite d'Adonibézec. Prise de Jérusalem. Plusieurs tribus épargnent les Chananéens.

 

1. Après la mort de Josué, les enfants d'Israël consultèrent le Seigneur, et lui dirent : Qui marchera à notre tête pour combattre les Chananéens, et qui sera notre chef pour continuer la guerre ?

2. Le Seigneur répondit : Ce sera Juda qui marchera devant vous; je lui ai livré le pays ennemi.

3. Alors Juda dit à Siméon son frère : Venez m'aider à me rendre maître de la part qui m'est échue par le sort, et à combattre les Chananéens, afin que j'aille moi-même vous aider à conquérir ce qui vous est échu. Siméon alla donc avec Juda.

4. Et Juda ayant marché contre les ennemis, le Seigneur livra entre les mains des Hébreux les Chananéens, et les Phérézéens ; et ils en taillèrent en pièces dix mille à Bézec.

5. Ils trouvèrent ensuite à Bézec Adonibézec, qui étoit un des plus puissants rois du pays; ils le combattirent, et défirent les Chananéens et les Phérézéens qui composoient son armée.

6. Adonibézec ayant pris la fuite, ils le poursuivirent, le prirent, et lui coupèrent les extrémités des mains et des pieds.

7. Alors Adonibézec dit : J'ai fait couper l'extrémité des mains et des pieds à soixante-dix rois qui mangeoient sous ma table les restes de ce qu'on me servoit; Dieu m'a traité comme j'ai traité les autres. Ensuite ils l'emmenèrent à Jérusalem, où il mourut.

8. Or les enfants de Juda ayant mis le siège devant Jérusalem, la prirent, taillèrent en pièces tout ce qu'ils y trouvèrent, et mirent le feu dans toute la partie de la ville qui leur étoit échue en partage.

9. Ils descendirent ensuite pour combattre les Chananéens qui étoient restés dans le pays des montagnes, vers le midi, et dans la plaine.

10. Et Juda ayant marché contre les Chananéens qui habitoient à Hébron (dont le nom étoit autrefois Cariath-Arbé), défit Sésaï, Ahiman et Tholmaï, qui y commandoient.

11. Étant parti de là, il marcha contre les habitants de Dabir, qui s'appeloit autrefois Cariath-Sépher, c'est-à-dire, la ville des lettres.

12. Alors Caleb dit : Je donnerai ma fille Axa pour femme à celui qui prendra et ruinera Cariath-Sépher.

13. Et Othoniel, fils de Cénez et frère puîné de Caleb, l'ayant prise, il lui donna pour femme sa fille Axa.

14. Et lorsque Axa étoit en chemin avec Othoniel son mari, celui-ci l'avertit de demander un champ à son père. Axa donc étant montée sur un âne, commença de soupirer, et Caleb lui dit : Qu'avez-vous ?

15. Elle lui répondit : Donnez-moi votre bénédiction, et accordez-moi une grâce ; vous m'avez donné une terre sèche, donnez-m'en une aussi où il y ait des eaux en abondance. Caleb lui donna donc une terre dont le haut et le bas étoient arrosés d'eau.

16. Or les enfants de Jéthro, Cinéen, allié de Moïse, montèrent de la ville des Palmes avec les enfants de Juda au désert qui étoit échu en partage à cette tribu, et qui est vers le midi d'Arad, et ils y habitèrent avec eux.

17. Juda s'en étant allé aussi avec son frère Siméon, ils défirent ensemble les Chananéens qui habitoient à Séphaath, et les passèrent au fil de l'épée. Et parce que cette ville avoit été dévouée au Seigneur, elle fut appelée Horma, c'est-à-dire, Anathème.

18. Juda prit aussi Gaza avec ses confins, Ascalon et Accaron avec leurs confins.

19. Car le Seigneur fut avec Juda, et Juda se rendit maître de toutes les côtes des montagnes ; mais il ne put défaire ceux qui habitoient dans la vallée, parce qu'ils avoient une grande quantité de chariots armés de faux, que ceux de Juda n'osèrent attaquer.

20. Et ils donnèrent, selon que Moïse l'avoit ordonné, Hébron à Caleb, qui, aidé de leur secours, en extermina les trois fils d'Énac qui y habitoient.

21. Mais les enfants de Benjamin ne tuèrent point les Jébuséens, qui demeuroient à Jérusalem, et les Jébuséens demeurèrent à Jérusalem avec les enfants de Benjamin, comme ils y sont encore aujourd'hui.

22. La maison de Joseph marcha aussi contre Béthel, et le Seigneur étoit avec eux.

23. Car lorsqu'ils assiégeoient la ville, qui s'appeloit auparavant Luza,

24. Ayant vu un homme qui en sortoit, ils lui dirent : Montrez-nous par où l'on vous peut entrer dans la ville, et nous ferons grâce.

25. Cet homme le leur ayant montré, ils y entrèrent, passèrent au fil de l'épée tout ce qui se trouva dans la ville, et conservèrent cet homme avec toute sa maison.

26. Cet homme étant libre s'en alla au pays d'Hetthim, où il bâtit une ville qu'il appela Luza, nom qu'elle porte encore aujourd'hui.

27. Manassé aussi ne détruisit pas entièrement Bethsan et Thanac avec les villages qui en dépendent, ni les habitants de Dor, de Jéblaam et de Mageddo avec les villages voisins ; et les Chananéens commencèrent à demeurer avec eux.

28. Lorsque Israël fut devenu plus fort, il les rendit tributaires, mais il ne voulut point les exterminer, de peur de perdre le profit qu'il pouvoit en tirer.

29. Éphraïm de même ne détruisit pas les Chananéens qui habitoient à Gazer ; mais il demeura avec eux.

30. Zabulon n'extermina point les habitants de Cétron et de Naalol : mais les Chananéens demeurèrent au milieu d'eux, et devinrent leurs tributaires.

31. Aser n'extermina point non plus les habitants d'Accho, de Sidon, d'Ahalab, d'Achazib, d'Helba, d'Aphec, et de Rohob ;

32. Et ils demeurèrent au milieu des Chananéens qui habitoient dans ce pays-là, et ne les tuèrent point.

33. Nephthali n'extermina point non plus les habitants de Bethsamès et de Bethanath ; mais il demeura au milieu des Chananéens qui habitoient en ce pays-là, et ceux de Bethsamès et de Bethanath lui devinrent tributaires.

34. Les Amorrhéens tinrent les enfants de Dan fort resserrés dans la montagne, sans leur donner lieu de s'étendre en descendant dans la plaine ;

35. Et ils habitèrent sur la montagne d'Harès, c'est-à-dire la montagne de l'Argile, dans Aïalon et dans Saléhim. Mais la maison de Joseph, étant devenue plus puissante, se rendit les Amorrhéens tributaires.

36. Et le pays des Amorrhéens eut pour limites la montée du, Scorpion, Pétra, et les lieux plus élevés.

 

CHAPITRE II

 

Un enyoyé de Dieu reprend les Israélites d'avoir épargné les Chananéens. Infidélité des Israélites depuis la mort de Josué.

 

1. Alors l'ange du Seigneur vint de Galgala au lieu qui fut depuis appelé le lieu des Pleurants ; et parlant en la personne de Dieu même, il dit : Je vous ai tirés de l'Égypte, je vous ai fait entrer dans la terre que j'avois juré de donner à vos pères, et je vous ai promis de garder à jamais l'alliance que j'avois faite avec vous,

2. Mais à condition que vous ne feriez point d'alliance avec les habitants du pays de Chanaan, et que vous renverseriez leurs autels ; et cependant vous n'avez point voulu écouter ma voix. Pourquoi avez-vous agi de la sorte?

3. C'est pour cette raison que je n'ai point voulu exterminer ces peuples devant vous, en sorte que vous les ayez pour ennemis, et que leurs dieux, que vous avez épargnés, vous soient un sujet de ruine en vous portant à les adorer.

4. Lorsque l'ange du Seigneur disoit ces paroles à tous les enfants d'Israël, ils élevèrent la voix, et se mirent à pleurer.

5. C'est pourquoi ce même lieu fut appelé le lieu des Pleurants ou le lieu des Larmes; et ils y immolèrent des hosties au Seigneur.

6. Or voici comment les Israélites tombèrent dans les désordres qui attirèrent sur eux la colère du Seigneur. Josué leur ayant partagé la terre de Chanaan, crut qu'il n'y avoit rien à faire qu'à les envoyer en prendre possession : il renvoya donc le peuple ; et les enfants d'Israël s'en allèrent chacun dans le pays qui leur étoit échu en partage pour s'en rendre maîtres, ce qu'ils firent;

7. Et ils servirent le Seigneur tout le temps de la vie de Josué, et des anciens qui vécurent longtemps après lui, et qui savoient toutes les oeuvres merveilleuses que le Seigneur avoit faites en faveur d'Israël.

8. Cependant Josué, fils de Nun, serviteur du Seigneur, mourut âgé de cent dix ans;

9. Et on l'ensevelit dans l'héritage qui lui étoit échu à Thamnath-Saré, sur la montagne d'Éphraïm, vers le septentrion du mont Gaas.

10. Toute la race de ces premiers hommes ayant donc été réunie à leurs pères, il s'en éleva d'autres à leur place qui ne connoissoient point le Seigneur et les merveilles qu'il avoit faites en faveur d'Israël.

11. Alors les enfants d'Israël firent le mal à la vue du Seigneur, et servirent Baal.

12. Ils abandonnèrent le Seigneur, le Dieu de leurs pères, qui les avoit tirés de l'Égypte, et servirent des dieux étrangers, les dieux des peuples qui demeuroient autour d'eux ; ils les adorèrent, et excitèrent la colère du Seigneur,

13. L'ayant quitté pour servir Baal et Astaroth.

14. Le Seigneur étant donc irrité contre Israël, les livra à la merci de leurs ennemis, qui, les ayant pris, les vendirent aux nations ennemies qui demeuraient autour d'eux ; et ils ne purent résister à ceux qui les attaquoient;

15. Mais de quelque côté qu'ils allassent, la main du Seigneur étoit sur eux, comme le Seigneur le leur avoit dit, même avec serment ; et ils tombèrent dans des misères extrêmes.

16. Dieu leur suscita des juges, pour les délivrer des mains de ceux qui les opprimaient ; mais ils ne voulurent pas seulement les écouter, ou ne les écoutèrent pas longtemps.

17. Car ils se prostituèrent de nouveau aux dieux étranger, en les adorant. Ils abandonnèrent bientôt la voie par laquelle leurs pères avoient marché ; et, ayant entendu de leur bouche les ordonnances du Seigneur, ils firent tout le contraire.

18. Lorsque Dieu leur avoit suscité des juges, qui tâchoient de les ramener au Seigneur, il se laissoit fléchir à sa miséricorde pendant que ces juges vivoient; il écoutait les soupirs des affligés, et les délivrait du pillage et de la mort ;

19. Mais après que le juge était mort, ils retomboient aussitôt dans leurs péchés, et faisoient des actions encore plus criminelles que leurs pères, suivant des dieux étrangers, les servant et les adorant. Ils ne revenaient point des égarements de leurs coeurs, ni de la voie très-dure et très-impie par laquelle ils avoient accoutumé de marcher.

20. La fureur du Seigneur s'alluma donc contre Israël, et il dit : Puisque ce peuple a violé l'alliance que j'avois faite avec ses pères, et qu'il a négligé d'entendre ma voix,

21. Je n'exterminerai point non plus les nations que Josué a laissées lorsqu'il est mort,

22. Afin que j'éprouve par là si les enfants d'Israël gardent ou ne gardent pas la voie du Seigneur, et s'ils y marchent comme leurs pères y ont marché.

23. C'est pour cette raison que le Seigneur laissa subsister toutes ces nations, qu'il ne voulut point les détruire aussitôt, et qu'il ne les livra point entre les mains de Josué.

 

CHAPITRE III

 

Servitude des Israélites sous Chusan ; Othoniel est leur libérateur. Servitude sous Églon; Aod les en délivre. Samgar, troisième juge d'Israël.

 

1. Voici les noms des peuples que le Seigneur laissa vivre pour servir d'exercice et d'instruction aux Israélites, et à tous ceux qui ne connoissoient point comment il falloit se conduire dans les guerres des Chananéens,

2. Afin que leurs enfants apprissent après eux à combattre contre leurs ennemis, et qu'ils s'accoutumassent à ces sortes de combats où l'on obtient la victoire par la protection de Dieu, et non par la valeur ou par la multitude des soldats.

3. Ces peuples furent les cinq princes des Philistins ; car ceux de Gaza, d'Ascalon et d'Accaron, que la tribu de Juda avoit assujettis, secouèrent bientôt le joug qu'on leur avoit imposé, et restèrent dans leur pays, aussi bien que tous les Chananéens, les Sidoniens, et les Hévéens qui habitoient sur le mont Liban, depuis la montagne de Baal-Hermon jusqu'à l'entrée d'Emath.

4. Le Seigneur laissa ces peuples pour éprouver ainsi Israël, et pour voir s'il obéiroit ou s'il n'obéiroit pas aux commandements du Seigneur, qu’il avait donnés à leurs pères par Moïse.

5. Les enfants d'Israël habitèrent donc au milieu des Chananéens, des Héthéens, des Amorrhéens, des Phérézéens, des Hévéens, et des Jébuséens.

6. Ils épousèrent leurs filles, donnèrent les leurs propres en mariage à leurs fils, et adorèrent leurs dieux.

7. Ils firent le mal aux yeux du Seigneur, oublièrent leur Dieu, et servirent Baalim et Astaroth.

8. Le Seigneur étant donc irrité contre les enfants, d'Israël, les livra entre les mains de Chusan-Rasathaïm, roi de Mésopotamie, auquel ils furent assujettis pendant huit ans, durant lesquels ils eurent beaucoup à souffrir,

9. Et ayant crié au Seigneur, il leur suscita un sauveur qui les délivra, savoir, Othoniel, fils de Cénez, frère puîné de Caleb.

10. L'esprit du Seigneur fut en lui, et il jugea Israël et le gouverna sous l'autorité et la conduite de Dieu; et s'étant mis en campagne par son ordre pour combattre Chusan-Rasathaïm, roi de Syrie, le Seigneur livra ce prince entre les mains d'Othoniel, qui le défit.

11. Le pays demeura en paix durant quarante ans ; Othoniel, fils de Cénez, mourut ensuite.

12. Alors les enfants d'Israël recommencèrent de faire le mal aux yeux du Seigneur, qui fortifia contre eux Eglon roi de Moab, parce qu'ils avoient péché devant lui.

13. Il joignit les enfants d'Ammon et d'Amalec à Églon, qui, s'étant avancé avec eux, défit Israël et se rendit maître de la ville des Palmes.

14. Les enfants d'Israël furent assujettis à Églon, roi de Moab, pendant dix-huit ans;

15. Après cela ils crièrent au Seigneur, et il leur suscita un sauveur nommé Aod, fils de Géra, fils de Jémini, qui se servoit de la main gauche comme de la droite, les enfants d'Israël envoyèrent par lui des présents à Églon, roi de Moab, auquel ils étoient obligés de payer tribut.

16. Aod, voulant profiter de cette occasion pour exécuter l'arrêt que Dieu avoit prononcé contre Églon, fit faire une dague à deux tranchants, qui avoit une garde de la longueur de la paume de la main, et il la mit sous sa casaque à son côté droit, pour la tirer de la main gauche lorsqu'on s’en défieroit le moins.

17. Et il offrit ses présents à Églon, roi de Moab. Or Églon étoit extrêmement gros.

18. Et Aod, lui ayant fait ses présents, s'en retourna avec ses compagnons qui étoient venus avec lui.

19. Puis étant retourné de Galgala, où étoient les idoles que les moabites y avoient mises à la place de l'arche du Seigneur, et feignant que ces idoles lui avoient découvert quelque chose pour le roi de Moab, il dit au roi : O roi, j'ai un mot à vous dire en secret. Le roi ayant fait signe qu'on se tût, et tous ceux qui étoient auprès de sa personne étant sortis,

20. Aod s'approcha du roi, qui étoit seul, assis dans sa chambre d'été, et lui dit : J'ai à vous dire une parole de la part de Dieu. Aussitôt le roi se leva de son trône pour l'écouter avec plus d'attention et de respect;

21. Et Aod, ayant porté la main gauche à la dague qu'il avoit à son côté droit, la tira, et la lui enfonça si avant dans le ventre.

22. Que la poignée y entra tout entière avec le fer, et se trouva serrée par la grande quantité de graisse qui se rejoignit par dessus. Aod ne retira donc point sa dague ; mais, après avoir frappé, il la laissa dans le corps, et aussitôt les excréments qui étoient dans le ventre s'écoulèrent par les conduits naturels.

23. Mais Aod, ayant fermé à clef, avec grand soin, les portes de la chambre,

24. Sortit par la porte de derrière. Cependant les serviteurs du roi étant venus trouvèrent la porte fermée, et dirent : C'est peut-être qu'il a quelque besoin dans sa chambre d'été.

25. Et, après avoir longtemps attendu, jusqu'à en devenir tout honteux, voyant que personne n'ouvroit, ils prirent la clef, ouvrirent la chambre, et trouvèrent leur maître étendu mort sur la place.

26. Profitant du trouble où ils étoient, Aod trouva le moyen de se sauver; et, ayant passé le lieu des Idoles, d'où il étoit revenu, il vint à Seirath.

27. Aussitôt il sonna de la trompette sur la montagne d'Éphraïm, et les enfants d'Israël descendirent avec Aod, qui marchoit à leur tête.

28. Aod leur avoit dit : Suivez-moi, car le Seigneur a livré entre nos mains les Moabites nos ennemis. Les Israélites suivirent Aod, s'emparèrent des gués du Jourdain par où l'on passe au pays de Moab, et ne laissèrent passer aucun des Moabites ;

29. Ils en tuèrent environ dix mille, qui étoient tous hommes forts et vaillants. Nul d'entre eux ne put échapper.

30. Moab fut humilié en ce jour-là sous la main d'Israël ; et le pays qui étoit à l'orient du Jourdain demeura en paix pendant quatre-vingts ans.

31. Après Aod, Samgar, fils d'Anath, fut en sa place. Ce fut lui qui tua six cents Philistins avec un soc de charrue ; et il fut aussi le défenseur et le libérateur d'Israël ; mais il ne vécut pas longtemps.

 

CHAPITRE IV

 

Servitude sous Jabin. Debbora et Barac défont Sisara, général des troupes de Jabin.

 

1. Ainsi les enfants d'Israël continuèrent encore à faire le mal aux yeux du Seigneur après la mort d'Aod ;

2. Et le Seigneur les livra entre les mains de Jabin, roi des Chananéens, qui régna dans le pays où étoit auparavant la ville d'Asor, que Josué avoit brûlée. Il avoit un général d'armée nommé Sisara, et demeuroit à Haroseth, appelée la ville des Nations parce qu'elle étoit habitée par différents peuples qui s'y étoient rassemblés.

3. Les enfants d'Israël crièrent donc au Seigneur ; car Jabin, ayant neuf cents chariots armés de faux, les avoit étrangement opprimés pendant vingt ans.

4. Il y avoit en ce temps-là une prophétesse nommée Debbora, femme Lapidoth, laquelle jugeoit le peuple d'Israël.

5. Elle s'asseyoit sous un palmier, qu'on avoit appelé de son nom, entre Rama et Béthel, sur la montagne d'Ephraïm ; et les enfants d'Israël venoient à elle pour faire juger tous leurs différends.

6. Elle envoya donc vers Barac, fils d'Abinoëm, de Cédés de Nephtali ; et l'ayant fait venir, elle lui dit : Le Seigneur le Dieu d'Israël vous donne cet ordre : Allez, et menez l'armée sur la montagne de Thahor ; prenez avec vous dix mille combattants des enfants de Nephtali, et des enfants de Zabulon.

7. Quand vous serez au torrent de Cison, je vous amènerai Sisara, général de l'armée de Jabin, avec tous ses chariots et toutes ses troupes, et je les livrerai entre vos mains.

8. Barac lui répondit : Si vous venez avec moi, j'irai ; si vous ne voulez point venir avec moi, je n'irai point ; car je ne sais point le jour où le Seigneur enverra son ange avec moi.

9. Debbora lui dit : Je veux bien aller avec vous ; mais la victoire pour cette fois ne vous sera point attribuée, parce que Sisara sera livré entre les mains d'une femme. Debbora donc partit aussitôt, et s'en alla à Cédès avec Barac,

10. Qui ayant fait venir ceux de Zabulon et de Nephthali, marcha avec dix mille combattants, étant accompagné de Debbora.

11. Or Haber, Cinéen, s'étoit retiré depuis longtemps de ses autres frères Cinéens, fils de Hobab, allié de Moïse; et au lieu de s'établir au midi de Juda, comme avoient fait ses frères, il avoit dressé ses tentes jusqu'à la vallée appelée Sennim, et il étoit près de Cédès.

12. En même temps Sisara fut averti que Barac, fils d'Abinoëm, s'étoit avancé sur la montagne de Thabor;

13. Et il fit assembler ses neuf cents chariots armés de faux, et marcher toute son armée de Haroseth, pays des Gentils, au torrent de Cison.

14. Alors Debbora dit à Barac : Courage ! car voici le jour où le Seigneur a livré Sisara entre vos mains; voici que le Seigneur lui-même vous conduit. Barac descendit donc de la montagne de Thabor, et dix mille combattants avec lui, pour fondre tous ensemble sur Sisara.

15. En même temps le Seigneur frappa de terreur Sisara, tous ses chariots et toutes ses troupes, et les fit passer au fil de l'épée par les enfants d'Israël, aux yeux de Barac, de sorte que Sisara, sautant de son chariot en bas, s'enfuit à pied.

16. Barac poursuivit les chariots en fuite et toutes les troupes jusqu'à Haroseth des Gentils, et toute cette multitude si nombreuse d'ennemis fut taillée en pièces sans qu'il en restât un seul.

17. Sisara vint en fuyant à la tente de Jahel, femme de Haber, Cinéen ; car il y avoit paix entre Jabin, roi d'Asor, et la maison de Haber, Cinéen.

18. Jahel étant donc sortie au-devant de Sisara, lui dit : Entrez chez moi, mon seigneur; entrez, ne craignez point. Il entra donc dans sa tente, et elle le couvrit d'un manteau.

19. Sisara lui dit : Donnez-moi, je vous prie, un peu d'eau, parce que j'ai une extrême soif. Elle lui apporta un vase plein de lait; et l'ayant découvert, elle lui en donna à boire, et remit le manteau sur lui.

20. Alors Sisara lui dit : Tenez-vous à l'entrée de votre tente, et si quelqu'un vous interroge, et vient vous dire : N'y a-t-il personne ici? vous lui direz : Il n'y a personne.

21. Mais Jahel, femme de Haber, croyant que ce seroit faire une oeuvre agréable au Seigneur que de tuer l'ennemi de son peuple, prit un des grands clous de sa tente avec un marteau, entra doucement sans faire aucun bruit ; et, ayant mis le clou sur la tempe de Sisara, elle le frappa avec son marteau, et lui en transperça le cerveau, l'enfonçant jusque dans la terre ; et Sisara, ayant été tué de cette sorte, passa du sommeil naturel à celui de la mort.

22. En même temps Barac arriva, poursuivant Sisara ; et Jahel, étant sortie au-devant de lui, lui dit: Venez, je vous montrerai l'homme que vous cherchez. Il entra chez elle, et vit Sisara étendu mort, ayant la tempe percée de ce clou.

23. Dieu donc confondit en ce jour-là Jabin, roi de Chanaan, devant les enfants d'Israël,

24. Qui, croissant tous les jours en vigueur, se fortifièrent de plus en plus contre Jabin, roi de Chanaan, et l’acablèrent jusqu'à ce qu’il fût ruiné entièrement.

 

CHAPITRE V

 

Cantique de Debbora.

 

1. En ce jour-là Debbora et Barac, fils d'Abinoëm, chantèrent ce cantique ;

2. Vous qui vous êtes signalés parmi les enfants d'Israël en exposant volontairement votre vie au péril, bénissez le Seigneur.

3. Écoutez, rois; princes, prêtez l'oreille : C'est moi, c'est moi qui chanterai un cantique au Seigneur, qui consacrerai des hymnes au Seigneur, Dieu d'Israël.

4. Seigneur, lorsque vous êtes sorti de Séir, et que vous passiez par le pays d'Édom pour nous donner votre loi, sur le mont Sinaï, la terre a tremblé, les cieux et les nuées se sont fondus en eau.

5. Les montagnes se sont écoulées comme l'eau devant la face du Seigneur ; Sinaï s'est comme fondu devant la face du Seigneur, Dieu d'Israël.

6. Au temps de Samgar, fils d'Anath, au temps de Jahel, les sentiers de Juda étoient déserts et la crainte des Chananéens a fait que ceux qui y devoient marcher ont suivi des routes détournées.

7. On a cessé de voir des vaillants hommes dans Israël ; il ne s'en trouva plus jusqu'à ce que Debbora se soit élevée, jusqu'à ce qu'il se soit élévé une mère dans Israël,

8. Le Seigneur a choisi de nouveaux combats et une nouvelle manière de faite la guerre; car il a fait commander son armée par une femme, et a pris pour soldats des hommes désarmés. Aussi il a lui-même renversé les portes des villes de ses ennemis, et son peuple y a trouvé des armes, au lieu qu'auparavant on ne voyoit ni bouclier ni lance parmi quarante mille soldats d'Israël.

9. Mon coeur aime les princes d'Israël, qui ont combattu si vaillamment avec des forces si inégales. O vous qui vous êtes exposés volontairement au péril, bénissez le Seigneur.

10. Parlez, vous autres, et publiez sa gloire, vous qui montez sur des ânes d'une force et d'une bonté   singulières, vous qui remplissez les sièges de la justice, vous qui êtes sur les chemins, occupés au négoce ou appliqués aux travaux de la campagne.

11. Que là où l'on voit ces débris de chariots renversés, où l'on voit le carnage de l'armée ennemie, que là même on publie la justice du seigneur et sa clémence envers les braves d'Israël, qu'il a remplis de force et de courage pour combattre ses ennemis. Alors le peuple du Seigneur a paru aux portes des villes ennemies, et il s'est acquis la principauté et l'empire sur elles,

12. Courage, courage, Debbora ; levez,vous, levez-vous, et chantez un cantique ou Seigneur ; levez-vous, Barac ! saisissez vos captifs, fils d'Abinoëm.

13. Les restes du peuple de Dieu ont été sauvés par cette victoire que les braves d'Israël viennent de remporter; c'est le Seigneur qui a combattu dans ces vaillants hommes,

14. Il s'est servi autrefois de Josué, de la tribu d'Ephraïm, pour exterminer les Chananéens en la personne des Amalécites, et il s'est servi encore depuis d'Aod, de la tribu de Benjamin, contre tes peuples, ô Amalec! Des princes vaillants sont descendus de Machir et ont conquis le pays de Galaad ; aujourd'hui il est sorti de Zabulon des hommes belliqueux et capables de mener une armée au combat,

15. Les chefs d'Issachar, non moins vaillants que ceux de Zabulon, ont été avec Debbora, et ont suivi les traces de Barac, qui s'est jeté dans le péril comme s'il se fût précipité dans un abîme. Pour Ruben, il étoit alors divisé contre lui-même, ne sachant quel parti il devoit prendre; et les plus vaillants de cette tribu, au lieu de marcher au secours de leurs frères, n'ont fait autre chose que disputer.

16. Pourquoi demeurez-vous ainsi entre deux limites, pour entendre les cris des troupeaux au lieu de marcher contre vos ennemis? car, Ruben étant divisé contre lui-même, les plus vaillants de cette tribu ne se sont occupés qu'à contester,

17. Mais pendant que Manassé habitant de Galaad, étoit en repos au delà du Jourdain et que l'on s'occupoit à équiper ses vaisseaux, qu'Aser demeuroit sur le rivage de la mer et se tenoit dans ses ports,

18. Zabulon et Nephtali se sont exposés à la mort au pays de Méromé, près de Thabor.

19. Les rois ennemis sont venus les attaquer et ont combattu contre eux, les rois de Chanaan ont combattu contre Israël à Thanach, prés les eaux de Mageddo, et ils n'ont pu remporter aucun, butin sur lui.

20. On a combattu contre eux du haut du ciel : les étoiles, demeurant dans leur rang et dans leur cours ordinaire, ont combattu. contre Sisara, et ont lancé contre lui les foudres et les éclairs.

21. Le torrent de Cison a entraîné leurs cadavres ; le torrent de Cadumim, le torrent de Cison. O mon-âme ! foule aux pieds les corps de ces braves !

22. Leurs chevaux se sont rompu la corne du pied dans l'impétuosité de leur course, les plus vaillants des ennemis fuyant à toute bride et se renversant les uns sur les autres.

23. Malheur à la terre de Méroz ! a dit l'ange du Seigneur; malheur à ceux qui l'habitent, parce qu'ils ne sont point venus au secours du peuple du Seigneur, au secours des plus-vaillants de ses guerriers

24. Bénie soit entre les femmes Jahel, femme de Haber, Cinéen, et qu'elle soit bénie dans sa tente.

25. Lorsque Sisara lui a demandé de l'eau, elle lui a donné du lait, elle lui a offert de la crème dans un vase digne d'un prince.

26. Elle a pris le clou de la main gauche, et de la droite le marteau des ouvriers, et, choisissant l'endroit de la tête de Sisara; où elle devoit frapper, elle lui a enfoncé son clou dans la tempe.

27. Il est tombé à ses pieds, a perdu toute sa force ; il est mort après s'être roulé et agité devant elle, et il étoit étendu, mort et faisant pitié.

28. Cependant sa mère regardoit par la fenêtre, et, parlant de sa chambre, elle crioit : Pourquoi son char ne revient-il pas encore ? Pourquoi ses chevaux tardent-ils tant?

29. Et la plus sage d'entre les femmes de Sirra répondit ainsi à sa belle-mère :

30. Peut-être maintenant partage-t-on les dépouilles et choisit-on pour Sisara la plus belle d'entre les captives; des vêtements de diverses couleurs sont donnés à Sisara comme butin, et des ornements variés sont entassés pour lui, afin qu'il les porte à son cou comme le prix de sa valeur et le signe de sa victoire.

31. Qu'ainsi périssent, ô Seigneur! tous vos ennemis; mais que ceux qui vous aiment brillent comme le soleil lorsque ses rayons éclatent au matin.

32. Tout le pays ensuite demeura en paix pendant quarante ans.

 

CHAPITRE VI

 

Servitude des  Israélites sous les Madianites, Gédéon est choisi de Dieu pour les délivrer.

 

1. Barac étant mort, les enfants d'Israël firent encore le mal aux yeux du Seigneur, et il les livra pendant sept ans entre les mains des Madianites, qui sont à l'orient de la mer Morte, et qu'ils avoient autrefois vaincus sous la conduite de Moïse.

2. Ces peuples les tinrent dans une si grande oppression qu'ils fûrent obligés de s'enfuir et de se retirer dans les antres, dans les cavernes des montagnes et dans les lieux les plus forts, pour pouvoir résister aux Madianites.

3. Après que les Israélites avoient semé, les Madianites, les Amalécites, et les autres peuples de l'Orient, venoient sur leurs terres,

4. Y dressoient leurs tentes, ruinoient tous les grains en herbe, depuis le Jourdain jusqu'à l'entrée de Gaza; et de laissoient aux Israélites rien de tout ce qui étoit nécessaire à la vie, ni brebis, ni bœufs; ni ânes.

5. Car ils venoient avec tous leurs troupeaux et avec leurs tentes ; et comme ils étoient une multitude innombrable d'hommes et de chameaux, semblable à un nuage de sauterelles; ils remplissoient tout, et gâtoient tout par où ils passoient.

6. Israël fut donc extrêmement humilié sous la puissance des peuples de Madian.

7. Et ils crièrent vers le Seigneur, lui demandant secours contre les Madianites.

8. Alors le Seigneur leur envoya un prophète, qui leur dit : Voici ce que dit le Seigneur le Dieu d'Israël : Je vous ai fait sortir d’Égypte, et je vous ai tirés d'un séjour de servitude.

9. Je vous ai délivrés de la main des Égyptiens et de tous les ennemis qui vous accabloient ; j'ai chassé les Amorrhéens de cette terre à votre arrivée, je vous ai donné le pays qui étoit à eux,

10. Et je vous ai dit : Je suis le Seigneur votre Dieu ; ne craignez point les dieux des Amorrhéens, dans le pays desquels vous habitez. Et cependant vous n'avez point voulu écouter ma voix.

11. Or, après que Dieu leur eut fait ces reproches par la bouche de son prophète, l'ange du Seigneur vint s'asseoir sous un chêne qui étoit à Ephra, ville de la demi-tribu de Manassé, en deçà du Jourdain, appartenant à Joas, père de famille d'Ezri. Et Gédéon son fils étoit occupé alors à battre le blé dans le pressoir pour fuir ensuite les Madianites.

12. L’ange du Seigneur apparut donc à Gédéon et lui dit : Le Seigneur est avec vous, ô le plus fort d'entre les hommes !

13. Gédéon lui répondit : D'où vient donc, mon Seigneur, je vous prie, que tous ces maux sont tombés sur nous, si le Seigneur est avec nous? Où sont ces merveilles que le Seigneur a faites, que nos pères nous ont rapportées en nous disant : Le Seigneur nous a tirés de l'Egypte ? Et maintenant le Seigneur nous a abandonnés, et nous a livrés entre les mains des Madianites.

14. Alors l'ange qui représentoient le Seigneur, le regardant, lui dit : Allez dans cette force dont vous êtes rempli, et vous délivrerez Israël de la puissance des Madianites ; sachez que c'est moi qui vous ai envoyé.

15. Gédéon lui répondit : Hélas ! mon Seigneur, comment, je vous prie, délivrerai-je Israël? vous savez que ma famille est la dernière de Manassé, et que je suis le dernier dans la maison de mon père.

16. Le Seigneur lui dit : Je serai avec vous, et vous battrez les Madianites comme s'ils n'étoient qu'un seul homme.

17. Sur quoi Gédéon repartit ; Si j’ai trouvé grâce devant vous, faites-moi connoître par un signe que c'est vous qui me parlez par la bouche de celui que je vois;

18. Et ne vous retirez point d'ici jusqu'à ce que je revienne vers vous; et que j'apporte un sacrifice, et que je vous l'offre. L'ange lui répondit : J'attendrai votre retour.

19. Gédéon étant donc entré chez lui, fit cuire un chevreau, et fit d'une mesure de farine des pains sans levain, et, ayant mis la chair dans une corbeille, et le jus de la chair dans un vase, il apporta le tout sous le chêne, et l'offrit à l'ange du Seigneur.

20. L'ange du Seigneur lui dit : Prenez la chair et les pains sans levain, mettez-les sur cette pierre, et versez dessus le jus de la chair. Ce que Gédéon ayant fait,

21. L'ange du Seigneur étendit le bout du bâton qu'il tenoit en sa main, et en toucha la chair et les pains sans levain; et aussitôt il sortit un feu de la pierre qui consuma la chair et les pains sans levain ; et en même temps l'ange du Seigneur disparut de devant ses yeux.

22. Gédéon voyant que c'étoit véritablement l'ange du Seigneur, dit Hélas ! Seigneur mon Dieu, j'ai vu l'ange du Seigneur face à face, et je ne pourrai plus vivre.

23. Le Seigneur lui dit : La paix soit avec vous ; ne craignez point, vous ne mourrez pas.

24. Gédéon éleva donc en ce même lieu un autel au Seigneur et l'appela la paix du Seigneur, nom qu'il garde encore aujourd'hui. Et lorsqu'il étoit encore à Ephra, qui appartient à la famille d'Ezri,

25. Le Seigneur lui dit la nuit suivante : Prenez un taureau de votre père, et un autre taureau de sept ans, et renversez l'autel de Baal qui est à votre père, et coupez par le pied le bois qui est autour de l'autel ;

26. Dressez aussi un autel au Seigneur votre Dieu sur le haut de cette pierre, sur laquelle vous avez offert votre sacrifice ; et, après avoir fait un sacrifice pacifique du premier taureau, prenez le second taureau, que vous offrirez en holocauste sur un bûcher fait de branches d'arbres que vous aurez coupées de ce bois.

27. Gédéon ayant donc pris dix de ses serviteurs, fit ce que le Seigneur lui avoit commandé. Il ne voulut pas néanmoins le faire le jour, parce qu'il craignoit ceux de la maison de son père, et les hommes de cette ville-là, mais il fit tout pendant la nuit.

28. Les habitants de cette ville étant donc venus au matin, virent l'autel de Baal détruit, le bois coupé, et le second taureau placé sur l'autel qui venoit d'être élevé.

29. Alors ils se dirent les uns aux autres : Qui a fait cela? Et cherchant partout qui étoit l'auteur de cette action, on leur dit : C'est Gédéon, fils de Joas, qui a fait toutes ces choses.

30. Ils dirent donc à Joas : Faites venir ici votre fils, afin qu'il meure, parce qu'il a détruit l'autel de Baal, et qu'il en a coupé le bois.

31. Joas leur répondit : Est-ce à vous à prendre la vengeance de Baal et à combattre pour lui ? Que celui qui est son ennemi meure avant que le jour de demain ne soit venu, mais que ce soit Baal qui le fasse mourir; en effet, si Baal est Dieu, qu'il se venge lui- même de celui qui a détruit son autel.

32. Depuis ce jour Gédéon fut appelé Jérobaal, c'est-à-dire Vengeance de Baal, à cause de cette parole que Joas avoit dite : Que Baal se venge de celui qui a renversé son autel.

33. Cependant les Madianites, les Amalécites, et les peuples d'Orient se joignirent ensemble ; et, ayant passé le Jourdain, ils vinrent camper dans la vallée de Jezraël pour piller et ravager le pays.

34. En même temps l'esprit du Seigneur remplit Gédéon, qui, sonnant de la trompette, assembla toute la maison d'Abiézer, qui étoit sa famille, afin qu'elle le suivit.

35. Il envoya aussi des gens dans toute la tribu de Manassé, qui le suivit aussi ; et il en envoya d'autres dans la tribu d'Azer, de Zabulon et de Nephthali, et ceux de ces tribus vinrent au-devant de lui.

36. Alors Gédéon dit à Dieu : Si vous voulez vous servir de ma main pour sauver Israël comme vous me l'avez dit, permettez-moi de vous demander un signe qui en assure mes frères et qui leur donne de la confiance en moi. Voici quel est le signe que je vous demande :

37. Je mettrai dans l'aire cette toison ; et si, toute la terre demeurant sèche, la rosée ne tombe que sur la toison, je reconnoîtrai par là que vous vous servirez de ma main, selon que vous me l'avez promis, pour délivrer Israël.

38. Ce que Gédéon avoit proposé arriva. Car, s'étant levé de grand matin, il pressa la toison, et remplit une tasse de la rosée qui en sortit.

39. Gédéon dit encore à Dieu : Que votre colère ne s'allume pas contre moi si je fais encore une fois une épreuve en demandant un second signe dans la toison. Je vous prie, Seigneur, que toute la terre soit trempée de la rosée, et que la toison seule demeure sèche.

40. Le Seigneur fit cette nuit même ce que Gédéon avoit demandé; la rosée tomba sur toute la terre, et la toison seule demeura sèche.

 

CHAPITRE VII

 

Gédéon avec trois cents hommes défait les Madianites

 

1. Jérobaal, qui s'appelle aussi Gédéon, se leva donc avant le jour, et vint, accompagné de tout le peuple, à la fontaine nommée Harad. Quant aux Madianites, ils étoient campés dans la vallée, vers le côté septentrional d'une colline fort élevée.

2. Alors le Seigneur dit à Gédéon : Vous avez avec vous un grand peuple ; Madian ne sera point livré entre les mains de tant de gens, de peur qu'Israël ne se glorifie contre moi, et ne dise : C'est par mes propres forces que j'ai été délivré.

3. Parlez au peuple, et faites publier ceci devant tous : Que celui qui est timide et qui manque de coeur s'en retourne en sa maison. Et vingt-deux mille hommes du peuple se retirèrent de la montagne de Galaad, et s'en retournèrent, et il n'en demeura que dix mille.

4. Alors le Seigneur dit à Gédéon : Ce peuple est encore en trop grand nombre, menez-les près de l'eau, et là je les éprouverai: celui que je vous indiquerai comme devant marcher avec vous, ira; celui que j'en empêcherai, s'en retournera.

5. Le peuple étant venu dans un lieu où il y avoit de l'eau, le Seigneur dit encore à Gédéon : Mettez d'un côté ceux qui, en passant, auront pris de l'eau dans leur main pour la lécher avec la langue, comme les chiens ont coutume de faire, et mettez de l'autre ceux qui auront mis les genoux en terre pour boire.

6. Il s'en trouva donc trois cents qui, prenant de l'eau avec la main, la portèrent à leur bouche, comme en courant ; mais tout le reste du peuple avoit mis les genoux en terre pour boire.

7. Après quoi le Seigneur dit à Gédéon : C'est par ces trois cents hommes qui ont pris de l'eau dans la main pour la lécher avec la langue, que je vous délivrerai, et que je ferai tomber Madian entre vos mains; faites donc retirer le reste du peuple.

8. Gédéon, leur ayant commandé à tous de se retirer, prit des vivres avec des trompettes pour le nombre de gens qu'il avoit, et marcha avec ces trois cents hommes pour combattre les ennemis. Or le camp de Madian étoit en bas dans la vallée.

9. La nuit suivante le Seigneur dit à Gédéon : Levez-vous, et descendez dans le camp des ennemis, parce que  je veux vous faire connoître que j'ai livré les Madianites entre vos mains.

10. Si vous craignez d'y aller seul, que Phara votre serviteur y aille avec vous.

11. Et lorsque vous aurez entendu ce que les Madianites diront, vous en deviendrez plus fort, et vous descendrez ensuite avec plus d'assurance pour attaquer le camp des ennemis. Gédéon prenant donc avec lui son serviteur Phara, s'en alla à l'endroit du camp où étoient les sentinelles de l'armée.

12. Les Madianites, les Amalécites, et tous les peuples de l'Orient, étoient étendus dans la vallée comme une multitude de sauterelles, avec des chameaux sans nombre, comme le sable, qui est sur le rivage de la mer.

13. Et lorsque Gédéon se fut approché, il entendit un soldat qui racontoit son songe à un autre, et lui rapportoit ainsi ce qu'il avoit vu : J'ai eu un songe disoit–il ; et il me sembloit que je voyois comme un pain d'orge cuit sous la cendre qui rouloit on bas et descendoit dans le camp des Madianites ; et y ayant rencontré une tente, il l'a ébranlée, renversée, et jetée tout à fait par terre.

14. Celui à qui il parloit lui répondit : Tout cela n'est autre chose que l'épée de Gédéon, fils de Joas, lsraélite, parce que le Seigneur lui a livré entre les mains les Madianites avec toute leur armée.

15. Gédéon, ayant entendu ce songe, et l'interprétation qui en avoit été donnée, adora Dieu ; et, étant retourné au camp d'Israël, il dit aux siens : Allons promptement, car le Seigneur a livré entre nos mains le camp de Madian.

16. Et ayant divisé ses trois cents hommes en trois corps, il leur donna des trompettes à la main et des vases de terre vides avec des lampes au milieu des vases ;

17. Et il leur dit : faites ce que vous me verrez faire; j'entrerai, par un endroit du camp, faites tout ce que je ferai.

18. Quand vous me verrez sonner de la trompette que j'ai à la main, sonnez de même de la trompette tout autour du camp, et criez tous ensemble : L'épée du Seigneur et de Gédéon !

19. Gédéon, suivi de ses trois cents hommes, entra donc par un endroit du camp, au commencement de la veille du milieu de la nuit ; les gardes s'étant réveillés, Gédéon et ses gens commencèrent de sonner de la trompette, et de heurter leurs vases de terre l'un contre l'autre.

20. S'étant partagés, et faisant autour du camp, en trois endroits différents, un fort grand bruit, après qu'ils eurent rompu leurs vases de terre, ils tinrent leur lampe de la main gauche, et de la droite les trompettes dont ils sonnoient, et crièrent tous ensemble : L'épée du Seigneur et de Gédéon !

21. Chacun demeura à son poste autour du camp des ennemis sans s'avancer, et  sans leur donner par là lieu de reconnoître leur petit nombre. Aussitôt le camp des Madianites se trouva tout en désordre ; ils jetèrent de grand cris, et s'enfuirent tous.

22. Les trois cents hommes continuèrent de sonner de la trompette, et le Seigneur tourna dans tout le camp les épées les unes contre les autres, et ils se tuoient mutuellement.

23. Et ceux qui échappèrent de ce carnage s'enfuirent jusqu'à Bethsetta et jusqu'au bord d'Abelméhula en Tebbath. Mais les enfants d'Israël des tribus de Nephthali et d'Aser, et tous ceux de la tribu de Manassé qui avoient été renvoyés avant le combat, criant tous ensemble quand ils eurent appris cet heureux succès de Gédéon, poursuivirent les Madianites.

24. Et afin qu'il n'en échappât aucun, Gédéon envoya des gens sur toute la montagne d'Éphraïm pour dire au peuple : Marchez au-devant des Madianites, et occupez les cours d'eau jusqu'à Bethbéra et tous les passages du Jourdain. Tous ceux d'Éphraïm, criant donc aux armes, s'emparèrent des cours d'eau et de tous les passages du Jourdain jusqu'à Bethbéra.

25. Et, ayant pris deux chefs de Madianites, Oreb et Zeb, ils tuèrent Oreb au rocher d'Oreb, et Zeb au pressoir de Zeb ; et ils poursuivirent les Madianites ayant à la main les têtes d'Oreb et de Zeb, qu'ils portèrent à Gédéon au delà du Jourdain, qu'il avoit passé en poursuivant les ennemis.

 

CHAPITRE VIII

 

Gédéon apaise les enfants d'Ephraïm . Il met à Mort Zébée et Salmana. Il fait faire un éphod. Mort de Gédéon.

 

1. Alors les enfants d'Éphraïm lui dirent : Pourquoi nous avez-vous traités de cette sorte, de ne nous avoir pas fait avertir lorsque vous alliez combattre les Madianites? Et ils le querellèrent fort aigrement, jusqu'à en venir presque à la violence.

2. Gédéon, au lieu de repousser avec dureté l'injure que lui faisoient les Éphraïmites, leur répondit avec douceur et humilité : Que pouvois-je faire qui égalât ce que vous avez fait? N'est-il pas vrai qu'une grappe de raisin d'Ephraïm vaut mieux que toutes les vendanges d'Abiézer? Aussi vos exploits l'emportent infiniment sur les miens, puisque vous avez rendu complète la victoire que je n'avois fait que commencer.

3. En effet le Seigneur a livré entre vos mains les princes de Madian, Oreb et Zeb. Qu'ai-je pu faire qui approchât de ce que vous avez fait? Leur ayant parlé de cette sorte, il appaisa leur colère lorsqu'elle étoit près d'éclater contre lui.

4. Pour reprendre ce qui arriva après la déroute des Madianites, Gédéon, en les poursuivant, étant venu sur le bord du Jourdain, le passa avec les trois cents hommes qui le suivoient, lesquels étoient si fatigués qu'ils ne pouvoient plus poursuivre les fuyards.

5. Il dit donc à ceux de Soccoth: Donnez, je vous prie, du pain à ceux qui sont avec moi, parce qu'ils n'en peuvent plus, afin que nous puissions poursuivre les princes des Madianites, Zébée et Salmana.

6. Mais les principaux de Soccoth lui répondirent : C'est peut-être que vous avez déjà Zébée et Salmana en votre pouvoir ! et c'est ce qui vous fait demander ainsi que nous donnions du pain à vos gens, comme si vous étiez victorieux et que nous dussions vous craindre.

7. Gédéon leur répondit : Hé bien, lorsque le Seigneur aura livré entre mes mains Zébée et Salmana, je vous briserai le corps avec les épines et les ronces du désert.

8. Parti de là, il vint à Phanuel, et fit la même demande aux habitants du pays, qui lui firent la même réponse que ceux de Soccoth.

9. Gédéon leur répliqua donc de même : Lorsque je serai revenu en paix et victorieux, j'abatterai cette tour.

10. Or Zébée et Salmana reprenoient haleine avec le reste de l'armée; car il n'étoit demeuré à ce peuple d'Orient que quinze mille hommes de toutes leurs troupes, ayant perdu dans cette défaite cent vingt mille hommes, tous gens de guerre et portant les armes.

11. Gédéon se dirigeant donc vers ceux qui habitoient dans les tentes du côté oriental de Nobé et de Jegbaa, défit l'armée des ennemis, qui se croyoient en sûreté, s'imaginant qu'ils n'avoient plus rien à craindre ayant passé le Jourdain.

12. Zébée et Salmana s'enfuirent aussitôt, toutes leurs troupes étant en désordre ; mais Gédéon les poursuivit et les prit tous deux.

13. Il retourna, avant la fin du jour du combat qu'il avoit commencé avant le lever du soleil,

14. Et, avant pris un serviteur de Soccoth, il demanda les noms des principaux et des anciens de Soccoth, et cet homme lui en marqua soixante-dix-sept.

15. Gédéon étant venu ensuite à Soccoth, dit aux premiers de la ville : Voici Zébée et Salmana, au sujet desquels vous m'avez insulté, en me disant : C'est peut-être que vous avez déjà Zébée et Salmana en votre pouvoir ! et c'est ce qui vous fait demander ainsi que nous donnions du pain à vos gens, qui sont si fatigués qu'ils n'en peuvent plus.

16. Ayant donc pris les anciens de la ville de Soccoth, il leur brisa le corps avec les épines et les ronces du désert.

17. Il abattit aussi la tour de Phanuel, après avoir tué les habitants de la ville.

18. Il dit ensuite à Zébée et à Salmana : Quels étoient ceux que vous avez tués au mont Thabor, où la crainte de vos armes les avoit obligés de se retirer? Ils lui répondirent : Ils étoient comme vous, et l'un d'eux paroissoit un fils de roi.

19. Gédéon ajouta : C'étoient mes frères et les enfants de ma mère. Vive le Seigneur ! si vous leur aviez sauvé la vie, je ne vous tuerois pas maintenant.

20. Il dit ensuite à Jéther, son fils aîné : Allez, tuez-les. Mais Jéther ne tira point son épée parce qu'il craignoit, n'étant encore qu'un enfant.

21. Zébée et Salmana dirent donc à Gédéon : Venez vous-même, et tuez-nous, car c'est l'âge qui rend l'homme fort. Gédéon s'étant avancé, tua Zébée et Salmana ; il prit ensuite tous les ornements et les bossettes qu'on met d'ordinaire au cou des chameaux des rois.

22. Alors tous les enfants d'Israël dirent à Gédéon : Soyez notre prince, et commandez-nous en qualité de roi, nous vous reconnoîtrons pour tel, vous, votre fils et le fils de votre fils, parce que vous nous avez délivrés de la main des Madianites.

23. Gédéon leur répondit : Je ne serai point votre prince, et je ne vous commanderai point, ni moi ni mon fils, en cette qualité, mais ce sera le Seigneur qui sera votre prince et qui vous commandera; et je vous gouvernerai sous son autorité.

24. Et il ajouta : Je ne vous demande qu'une chose : donnez-moi les pendants d'oreilles que vous avez eus de votre butin ; car les Ismaélites qu'ils venoient de vaincre, avoient coutume de porter des pendants d'oreilles d'or.

25. Ils lui répondirent : Nous vous les donnerons de tout notre coeur. Et, étendant un manteau sur la terre, ils jetèrent dessus les pendants d'oreilles qu'ils avoient eus de leur butin ;

26. Ces pendants d'oreilles que Gédéon avoit demandés se trouvèrent peser mille sept cents sicles d'or, sans les ornements, les colliers précieux et les vêtements d'écarlate dont les rois de Madian avoient coutume d'user, et sans les colliers d'or des chameaux.

27. De toutes ces choses précieuses Gédéon fit tous les vases et les ornements nécessaires pour offrir des sacrifices au Seigneur, avec un éphod, qu'il mit dans sa ville d'Ephra. Et cet éphod devint par la suite pour les Israélites une occasion de tomber dans la prostitution de l'idolâtrie, et causa la ruine de Gédéon et de toute sa maison.

28. Les Madianites furent donc humiliés devant les enfants d'Israël, et ils ne purent plus lever la tête ; mais tout le pays demeura en paix pendant les quarante années du gouvernement de Gédéon.

29. Après cela Gédéon, appelé aussi Jérobaal, fils de Joas, étant revenu, demeura dans sa maison ;

30. Et il eut soixante-dix fils, qui étoient tous sortis de lui, parce qu'il avoit plusieurs femmes.

31. Et sa concubine, qu'il avoit à Sichem, eut de lui un fils nommé Abimélech.

32. Gédéon, fils de Joas, mourut enfin dans une heureuse vieillesse, et fut enseveli dans le sépulcre de Joas son père, à Éphra, qui appartenoit à la famille d'Ezri.

33. Après la mort de Gédéon, les enfants d'Israël se détournèrent encore du culte de Dieu, et se prostituèrent de nouveau à l'idolâtrie de Baal. Ils firent alliance avec Baal afin qu'il fût leur dieu,

34. Et ils oublièrent le Seigneur leur Dieu, qui les avoit délivrés des mains de tous leurs ennemis dont ils étoient environnés ;

35. Ils n'usèrent point de miséricorde envers la maison de Gédéon, appelé Jérobaal, comme ils le devoient pour reconnoître le bien qu'il avoit fait à Israël.

 

CHAPITRE IX

 

Abimélech se fait déclarer roi. Les Sichimites lui dressent des embûches. Il prend Sichem. Il est tué au siége de Thèbes.

 

1. Car Abimélech, fils de Jérobaal, désirant se faire roi d'Israël, s'en alla à Sichem trouver les frères de sa mère et tous ceux de la famille du père de sa mère, et leur parla à tous en ces termes :

2. Représentez ceci, leur dit-il, à tous les habitants de Sichem : Lequel est le meilleur pour vous, ou d'être dominés par soixante-dix hommes, tous enfants de Jérobaal, ou de n'avoir qu'un seul homme qui vous commande? et de plus, considérez que je suis votre chair et votre sang.

3. Tous les parents de sa mère ayant donc parlé en cette manière aux habitants de Sichem, gagnèrent leur coeur et leur affection pour Abimélech, en leur disant : C'est notre frère.

4. Et ils lui donnèrent soixante-dix sicles d'argent qu'ils prirent du trésor du temple de Baalbérith. Abimélech avec cet argent leva une troupe de gens misérables et vagabonds qui le suivirent ;

5. Et, étant venu dans la maison de son père à Éphra, il tua sur une même pierre les fils de Jérobaal ses frères, au nombre de soixante-neuf ; en sorte que des soixante-dix enfants de Jérobaal il ne resta que Joatham, le plus jeune de tous, que l'on cacha.

6. Alors tous les habitants de Sichem s'étant assemblés avec toutes les familles de la ville de Mello, allèrent établir roi Abimélech près du chêne qui est à Sichem.

7. Joatham en ayant reçu la nouvelle, s'en alla au haut de la montagne de Garizim, où, se tenant debout, il cria à haute voix et parla de cette sorte: Écoutez -moi habitants de Sichem, comme vous voulez que Dieu vous écoute!

8. Les arbres s'assemblèrent un jour pour se donner un roi, et ils dirent à l'olivier : Régnez sur nous.

9. L'olivier leur répondit : Puis-je abandonner mon suc et mon huile, dont les dieux et les hommes se servent, pour aller m'établir au-dessus des arbres?

10. Les arbres dirent ensuite au figuier : Venez régner sur nous.

11. Le figuier leur répondit : Puis-je abandonner la douceur de mon suc et l'excellence de mes fruits, pour aller m'établir au-dessus des arbres?

12. Les arbres s'adressèrent encore à la vigne, et lui dirent : Venez prendre le commandement sur nous.

13. La vigne leur répondit : Puis-je abandonner mon vin, qui est la joie de Dieu dans les sacrifices et des hommes dans leurs repas, pour aller m'établir au-dessus des arbres?

14. Enfin tous les arbres dirent au buisson : Venez, et vous serez notre roi.

15. Le buisson leur répondit : Si vous m'établissez véritablement pour votre roi, venez vous reposer sous mon ombre; si vous ne le voulez pas, que le feu sorte du buisson, et qu'il dévore les cèdres du Liban.

16. Considérez donc maintenant si vous avez fait une action juste et innocente en établissant ainsi Abimélech pour votre prince; si vous avez bien traité Jérobaal et sa maison ; si vous avez reconnu, comme vous deviez, les grands services, de celui qui a combattu pour vous,

17. Et qui a exposé sa vie à tant de périls pour vous délivrer des mains des Madianites ;

18. Et si vous avez dû vous élever, comme vous l'avez fait, contre la maison de mon père, en tuant sur une même pierre ses soixante-dix fils, et en établissant Abimélech, fils de sa servante, pour prince sur les habitants de Sichem, parce qu'il est votre frère ;

19. Si donc vous avez traité comme vous deviez Jérobaal et sa maison, et que vous ne lui ayez point fait d'injustice, puisse Abimélech être aujourd'hui votre bonheur, et vous, puissiez-vous être aussi celui d'Abimélech !

20. Mais si vous avez agi contre toute justice, que le feu sorte d'Abimélech, qu'il consume les habitants de Sichem et de la ville de Mello; et que le feu sorte des habitants de Sichem et de la ville de Mello, et qu'il dévore Abimélech.

21. Ayant dit ces paroles, il s'enfuit, et s'en alla à Béra, où il demeura parce qu'il craignoit Abimélech son frère.

22. Abimélech fut donc prince d'Israël pendant trois ans.

23. Mais le Seigneur envoya un esprit de haine et d'aversion entre Abimélech et les habitants de Sichem, qui commencèrent à le détester,

24. Et d'imputer à Abimélech leur frère, et aux principaux Sichimites qui l'avoient soutenu, le crime du meurtre des soixante-dix fils de Jérobaal et de la cruelle effusion de leur sang.

25. Ils lui dressèrent donc des embûches au haut des montagnes ; et en attendant qu'il vint, ils s'exerçoient à des brigandages et voloient tous les passants ; et Abimélech en fut  averti.

26. Cependant  Gaal, fils d'Obed, vint avec ses frères, et passa à Sichem. A son arrivée les Sichimites ayant pris une nouvelle confiance,

27. Sortirent en campagne, ravagèrent les vignes d' Abimelech, et des siens, foulèrent aux pieds les raisins ; et, dansant et chantant, ils entrèrent dans le temple de leur dieu, où, parmi les festins et les pots, ils vomissoient des imprécations contre Abimélech,

28. Et Gaal, fils d'Obed, crioit a haute voix : Qui est Abimélech, et quelle est la ville de Sichem, pour être assujettie à Abimélech? N'est-il pas fils de Jérobaal ? et cependant il a établi un Zébul, son serviteur, pour gouverner sous lui ceux de cette ville, dont la plupart étoient de la maison d'Hémor, père de Sichem. Pourquoi donc serions-nous assujettis à Abimélech?

29. Plût à Dieu, ajoutoit Gaal, que quelqu'un me donnât l'autorité sur ce peuple, pour exterminer Abimélech ! Cependant on vint dire à Abimélech : Assemblez une grande armée, et venez.

30. Ce fut Zébul, gouverneur de la ville, qui ayant entendu ces discours de Gaal, fils d'Obed, entra dans une grande colère,

31. Et envoya en secret des courriers à Abimélech pour lui dire : Gaal, fils d'Obed, est venu à Sichem avec ses frères, et presse la ville de se déclarer contre vous.

32. Venez donc de nuit avec les troupes qui sont avec vous, tenez-vous caché dans les champs ;

33. Et au point du jour, lorsque le soleil se lèvera, venez fondre sur la ville ; Gaal sortira contre vous avec ses gens, et vous serez en état de le battre.

34. Abimélech, ayant donc marché de nuit avec toute son armée, dressa des embuscades en quatre endroits près de Sichem.

35. Gaal, fils d'Obed, étant sorti de la ville, se tint à l'entrée de la porte de la ville ; et Abimélech sortit de l'embuscade avec toute son armée.

36. Gaal ayant aperçu les gens d'Abimelech, dit à Zébul : Voilà bien du monde qui descend des montagnes. Zébul lui répondit : Ce sont les ombres des montagnes qui vous paroissent des têtes d'hommes, et c'est là ce qui vous trompe.

37. Gaal lui dit encore : Voilà un grand peuple qui sort du milieu de la terre, et j'en vois venir une grande troupe par le chemin qui regarde le chêne.

38. Zébul lui répondit : Où est maintenant cette audace avec laquelle vous disiez : Qui est Abimélech pour nous tenir assujettis à lui? Ne sont-ce pas là les gens que vous méprisiez? Sortez donc, et combattez contre eux.

39. Gaal sortit ensuite à la vue de tout le peuple de Sichem, et combattit contre Abimélech ;

40. Mais Abimélech le contraignit de fuir, le poursuivit et le chassa jusqu'à la ville ; et plusieurs de ses gens furent tués jusqu'à la porte de Sichem.

41. Abimélech s'arrêta ensuite à Ruma ; et Zébul chassa de la ville Gaal avec ses gens, et ne souffrit plus qu'il y demeurât.

42. Le lendemain le peuple de Sichem se mit en campagne. Abimélech, en ayant reçu la nouvelle,

43. Mena son armée contre les Sichimites, la divisa en trois bandes, et leur dressa des embuscades dans les champs. Lorsqu'il vit que les habitants sortoient de la ville, il se leva de l'embuscade, et les chargea vivement

44. Avec ses troupes, et vint assiéger la ville ; cependant les deux autres corps de son armée poursuivoient les ennemis qui fuyoient çà et là dans la campagne.

45. Abimélech, attaqua la ville pendant tout ce jour ; et l'ayant prise, il en tua tous les habitants, et la détruisit de telle sorte qu'il sema du sel au lieu où elle avoit été.

46. Ceux qui habitoient dans la tour de Sichem ayant appris cela, entrèrent dans le temple de leur dieu Bérith, où ils avoient fait alliance avec lui, ce qui avoit donné à ce lieu, le nom de Bérith, c'est-à-dire, Alliance; et, ce lieu étoit extrêmement fort.

47. Abimélech ayant appris, de son côté que tous ceux de cette tour s'étoient réfugiés et renfermés ensemble en un seul lieu,

48. Monta, sur la montagne de Salmon avec tous ses gens, coupa une branche d'arbre, la mit sur son épaule, et dit à ses compagnons : Faites promptement ce que vous me voyez faire.

49. Ils coupèrent dont tous à l'envi des branches d'arbre, et suivirent leur chef; et environnant cette forteresse ils y mirent le feu, qui y prit d'une telle force que mille personnes, tant hommes que femmes, qui demeuroient dans cette tour de Sichem, y furent tous étouffés par le feu ou par la fumée,

50. Abimélech marcha de là vers la ville de Thèbes; qu'il investit et assiégea avec son armée.

51. Il y avoit au milieu de la ville une haute tour, où tous les principaux de la ville,hommes et femmes, s'étoient réfugiés : il étoient montés sur le haut de la tour pour se défendre par les créneaux.

52. Abimélech étoit au pied de la tour, combattant vaillamment; et s'approchant de la porte, il tâchoit d'y mettre le feu.

53. En même temps une femme, jetant d'en haut un fragment de meule, de moulin, frappa Abimélech à la tête, et lui en fit sortir la cervelle.

54. Aussitôt il appela son écuyer, et lui dit : Tirez votre épée et tuez-moi, de peur qu'on ne dise que j'ai été tué par une femme. L'écuyer, faisant ce qu'il lui avoit commandé, le tua.

55. Abimélech étant mort; tous ceux d'Israël qui étoient avec lui retournèrent dans leurs maisons ;

56. Et Dieu rendit à Abimélech le mal qu’il avoit commis contre son père en tuant ses soixante-dix frères.

57. Les Sichimites aussi reçurent la punition qu'ils méritoient ; et la malédiction que Joatham, fils de Jérobaal, avoit prononcée, tomba sur eux.

 

CHAPITRE X

 

Thola et Jaïr juges d'Israël. Servitude sous les Philistins et sous les Ammonites.

 

1. Après Abimélech, Thola, fils de Phua, frère utérin de Gédéon et oncle paternel d'Abimélech qui étoit de la tribu d'Issachar et qui demeuroit à Samir sur la montagne d'Éphraïm, fut établi chef d'Israël ;

2. Et après avoir jugé Israël pendant vingt-trois ans, il mourut, et fut enseveli dans Samir.

3. Jaïr de Galaad lui succéda, et fut juge dans Israël pendant vingt-deux ans.

4. Il avoit trente fils qui montoient sur trente poulains d'ânesses, et qui étoient chefs de trente villes au pays de Galaad, qui jusqu'aujourd'hui sont nommées de son nom et sont appelées Havoth-Jaïr, c'est-à-dire les villes de Jaïr.

5. Jaïr mourut, et fut enseveli au lieu appelé Camon.

6. Mais les enfants d'Israël, joignant de nouveaux crimes aux anciens, firent le mal devant le Seigneur, et adorèrent les idoles de Baal et d'Astaroth, et les dieux de Syrie et de Sidon, de Moab, des enfants d'Ammon et des Philistins ; ils abandonnèrent le Seigneur, et cessèrent de l'adorer.

7. Le Seigneur étant irrité contre eux, les livra entre les mains des Philistins à l'occident et des enfants d'Ammon à l'orient.

8. Et tous ceux qui habitoient au delà du Jourdain, au pays des Amorrhéens, qui est en Galaad, furent affligés et opprimés cruellement pendant dix-huit ans ;

9. De sorte que les enfants d'Ammon, ayant passé le Jourdain, ravagèrent les tribus de Juda, de Benjamin, et d'Ephraïm, et Israël se trouva dans une extrême affliction,

10. Les Israélites crièrent donc vers le Seigneur, et lui dirent : Nous avons péché, parce que nous avons abandonné le Seigneur notre Dieu, et que nous avons servi Baal.

11. Et le Seigneur leur dit : Les Égyptiens, les Amorrhéens, les enfants d'Ammon, les Philistins,

12. Les Sidoniens, les Amalécites et les Chananéens ne vous ont-ils pas autrefois opprimés ? et n'avez-vous pas crié vers moi, et ne vous ai-je pas délivrés de leurs mains ?

13. Après cela néanmoins vous m'ayez abandonné, et vous avez adoré des dieux étrangers ; aussi je ne penserai plus à l'avenir à vous délivrer.

14. Allez, et invoquez les dieux que vous vous êtes choisis ; et qu'ils vous délivrent eux-mêmes de l'affliction qui vous accable.

15. Les enfants d'Israël répondirent au Seigneur : Nous avons péché ; faites-nous vous-même tout le mal qu'il vous plaira ; mais, au moins pour cette heure, délivrez-nous de ceux qui nous oppriment.

16. Après avoir prié de la sorte, ils jetèrent hors de tout leur pays toutes les idoles des dieux étrangers, et ils adorèrent le Seigneur Dieu, qui se laissa toucher par leur misère.

17. Cependant les enfants d'Ammon s'étant assemblés avec de grands cris, se campèrent dans le pays de Galaad ; et les enfants d'Israël s'étant assemblés de leur côté pour les combattre, campèrent à Maspha.

18. Alors les princes de Galaad se dirent les uns aux autres : Le premier d'entre nous qui commencera de combattre contre les enfants d'Ammon sera le chef du peuple de Galaad. Mais aucun d'eux n'eut le courage de l'entreprendre.

 

CHAPITRE XI

 

Jephté, choisi pour être chef des Israélites, combat les Ammonites et les défait. Son

voeu.

 

1. En ce temps-là il y avoit un homme de Galaad nommé Jephté, homme de guerre et fort vaillant, fils d'une courtisane, et qui eut pour père Galaad.

2. Galaad, son père, avoit sa femme légitime, dont il eut des enfants qui, étant devenus grands, chassèrent Jephté de la maison, en lui disant : Vous ne pouvez pas être héritier en la maison de notre père, parce que vous êtes né d'une autre mère.

3. Jephté les fuyant donc et évitant de les rencontrer, demeura au pays de Tob, au nord de Galaad; et des gens qui n'avoient rien et qui vivoient de brigandages s'assemblèrent auprès de lui, et le suivoient comme leur chef.

4. En ce même temps les enfants d'Ammon combattoient contre Israël.

5. Et comme ils le pressoient vivement, les anciens de Galaad allèrent trouver Jephté au pays de Tob pour le faire venir à leur secours ;

6. Ils lui dirent donc : Venez, et soyez notre prince pour combattre contre les enfants d'Ammon.

7. Jephté leur répondit : N'est-ce pas vous qui me haïssez et qui m'avez chassé de la maison de mon père? et maintenant vous venez à moi parce que la nécessité vous y contraint.

8. Les principaux de Galaad lui dirent: Oui, c'est pour cela méfie, et pour réparer l'injure que nous vous avons faite, que nous venons vous trouver, afin que vous marchiez avec nous, que vous combattiez contre les enfants d'Ammon, et que vous soyez le chef de tous ceux qui habitent dans le pays de Galaad.

9. Jephté leur répondit : Si c'est avec un désir sincère que vous venez m'engager à combattre pour vous contre les enfants d'Ammon, serai-je votre prince en cas que le Seigneur me les livre entre les mains ?

10. Ils lui répondirent : Que le Seigneur qui nous entend soit entre vous et nous, et soit témoin que nous voulons accomplir ce que nous vous promettons.

11. Jephté s'en alla donc avec les principaux de Galaad,et tout le peuple l'élut pour son prince. Jephté ayant fait d'abord devant le Seigneur toutes ses protestations à Maspha, et y ayant déclaré les bonnes intentions avec lesquelles il se chargeoit de la conduite de son peuple, donna ensuite des preuves de sa prudence, de sa modération, et de sa justice ;

12. Car il envoya des ambassadeurs au roi des enfants d'Ammon, pour lui dire de sa part : Qu'y a-t-il de commun entre vous et moi? pourquoi êtes-vous venu m'attaquer et ravager mon pays ?

13. Le roi des Ammonites leur répondit : C'est parce qu'Israël venant d'Egypte m'a pris mon pays, depuis les confins d'Arnon jusqu'à Jaboc et jusqu'au Jourdain ; rendez-le-moi donc maintenant de vous-même, et demeurons en paix.

14. Jephté donna de nouveau ses ordres aux ambassadeurs, et leur commanda de dire au roi des Ammonites :

15. Voici ce que dit Jephté: Les Israélites n'ont pris ni le pays de Moab, ni le pays des enfants d'Ammon ;

16. Mais lorsqu'ils sortirent d'Égypte, ils marchèrent par le désert jusqu'à la mer Rouge, et étant venus à Cadès.

17. Ils envoyèrent des ambassadeurs au roi d'Édom, et lui firent dire : Laissez-nous passer par votre pays; et le roi d'Édom ne voulut point leur accorder ce qu'ils demandoient. Ils envoyèrent aussi des ambassadeurs au roi de Moab, qui les méprisa et ne voulut point leur donner passage. Ils demeurèrent donc à Cadès,

18. Et ayant côtoyé le pays d'Édom et le pays de Moab, ils vinrent par le côté oriental du pays de Moab camper au delà de l'Arnon, sans vouloir entrer dans le pays de Moab ; car l'Arnon est la frontière de la terre de Moab.

19. Les Israélites envoyèrent ensuite des ambassadeurs vers Séhon, roi des Amorrhéens, qui habitoit dans Hésébon, pour lui dire : Laissez-nous passer par vos terres jusqu'au Jourdain.

20. Séhon méprisant, comme les autres, la demande des Israélites, leur refusa le passage par ses terres, et ayant assemblé une armée d'une multitude innombrable, il marcha contre les Israélites à Jasa, et s'opposa à leur passage de toutes ses forces ;

21. Mais le Seigneur le livra entre les mains d'Israël avec toute son armée : et Israël le défit, et se rendit maître de toutes les terres des Amorrhéens qui habitoient en ce pays-là,

22. Et de tout ce qui étoit renfermé dans leurs limites, depuis l'Arnon jusqu'à Jaboc, et depuis le désert jusqu'au Jourdain.

23. Ainsi le Seigneur Dieu d'Israël a ruiné les Amorrhéens lorsque les Israélites, qui étoient son peuple, combattoient contre eux ; et vous qui prétendez maintenant que les terres que possède le peuple de Dieu vous appartienne ?

24. Ne croyez-vous pas avoir droit de posséder ce qui appartient à Chamos votre dieu ? Il est de même bien juste que nous possédions ce que le Seigneur notre Dieu s’est acquis par ses victoires.

25. A moins peut-être que vous ne soyez au-dessus de Balac, fils de Séphor, roi de Moab, et que vous ne puissiez montrer qu’il se soit plaint des Israélites, ou qu’il leur ait pour cela déclaré la guerre,

26. Tant qu'Israël a habité dans Hésébon et dans ses villages, dans Aroër et dans les villages qui en dépendent, ou dans toutes les villes qui sont le long du Jourdain, pendant trois cents ans. D'où vient que pendant tout ce temps-là vous n'avez fait aucune démarche pour rentrer dans ces droits prétendus?

27. Ce n'est donc pas moi qui vous fais injure, mais c'est vous qui avez tort de me déclarer une guerre injuste. Que le Seigneur soit notre arbitre, et décide aujourd'hui ce différend entre Israël et les enfants d'Ammon.

28. Mais le roi des enfants d'Ammon ne voulut point se rendre à ce que Jephté lui avoit dit par ses ambassadeurs.

29. Après cela donc l'esprit du Seigneur saisit Jephté, de sorte qu'allant par le pays de Galaad, par celui de Manassé, et par Maspha de Galaad, il passa jusqu'aux enfants d'Ammon,

30. Et fit ce voeu au Seigneur : Seigneur, si vous livrez entre mes mains les enfants d'Ammon,

31. Le premier qui sortira de ma maison, et qui viendra au-devant de moi lorsque je retournerai victorieux du pays des enfants d'Ammon, je vous l'offrirai en holocauste.

32. Jephté passa ensuite chez les enfants d'Ammon pour les combattre, et le Seigneur les livra entre ses mains.

33. Il prit et ravagea vingt villes, depuis Aroër jusqu’à Mennith et jusqu’à Abel, qui est planté de vignes; défaite sanglante ; et les enfants d'Ammon furent écrasés par les enfants d'Israël.

34. Mais lorsque Jephté revenoit à Maspha dans sa maison, sa fille unique (car il n'avoit point eu d'autres enfants qu'elle) vint au-devant de lui en dansant au son des tambours.

35. Jephté l'ayant vue, déchira ses vêtements, et lui dit : Hélas ! ma fille, vous m'avez trompé, et vous vous êtes trompée vous-même, puisqu'en venant au-devant de moi, pour me témoigner votre joie vous me causez, et à vous aussi la plus horrible tristesse : car j'ai fait voeu au Seigneur de lui offrir ce qui se présenteroit à moi, et je ne puis faire autre chose que ce que j'ai promis.

36. Sa fille lui répondit : Mon père, si vous avez fait voeu au Seigneur, faites de moi tout ce que vous avez promis: après la grâce que vous avez reçue de prendre vengeance de vos ennemis et de remporter sur eux une grande victoire, il est juste de vous acquitter de ce que vous devez à Dieu.

37. Accordez-moi seulement, ajoutat-elle, ce que je vous demande : laissez-moi aller sur les montagnes pendant deux mois, afin que je pleure ma virginité avec mes compagnes.

38. Jephté lui répondit Allez. Et il la laissa libre pendant ces deux mois. Elle alloit donc avec ses compagnes et ses amies, et elle pleuroit sa virginité sur les montagnes.

39. Après les deux mois elle revint trouver son père, et il accomplit ce qu'il avoit voué à l'égard de sa fille, qui en effet ne connut point d'homme, et qui, en s'offrant volontairement à Dieu, et que le voeu indiscret de son père devint un sacrifice agréable au Seigneur. De là vint la coutume, qui s'est toujours observée depuis en Israël.

40. Que toutes les filles d'Israël s'assemblent une fois l'année, pour pleurer la fille de Jephté de Galaad pendant quatre jours.

 

CHAPITRE XII

 

Guerre entre Éphraïm et Galaad. Mort de Jephté. Abésan, Ahialom, Abdon, juge d'Israël.

 

1. Cependant il s'éleva une sédition dans la tribu d'Éphraïm; car ceux de cette tribu passant vers le septentrion, dirent à Jephté : Pourquoi n'avez-vous point voulu nous appeler lorsque vous alliez combattre les enfants d'Ammon, afin que nous y allassions avec vous? Vous nous avez étrangement méprisés dans cette occasion. Nous allons donc mettre le feu à la maison pour nous venger.

2. Jephté leur répondit : Nous avions depuis longtemps une grande guerre, mon peuple et moi, contre les enfants d'Ammon : je vous ai priés dès le commencement de nous donner secours, et vous n'avez pas voulu le faire.

3. Ce qu'ayant vu, j’ai exposé ma vie, j'ai marché avec très peu de monde contre les enfants d'Ammon, qui avoient une armée nombreuse, et le Seigneur me les a livrés entre les mains. Qu'ai-je fait en tout cela qui mérite que vous veniez me faire la guerre?

4. Cette excuse si juste et ni raisonnable ne satisfit point les enfants d'Éphraïm, et Jephté fut obligé de recourir à la force pour repousser leur violence. Ayant donc fait assembler tous ceux de Galaad, il combattit contre Ephraïm, et ceux de Galaad défirent ceux d'Ephraïm, qui disoient, en insultant à Jephté et à son peuple: Galaad est un fugitif d'Ephraïm et qui demeure au milieu d'Ephraïm et de Manassé, séparé de ces deux tribus, qui le regardent avec mépris.

5. Mais ceux de Galaad se vengèrent bien de ces insultes; car ils s'emparèrent des gués du Jourdain par où ceux d'Éphraïm devoient repasser dans leur pays; et lorsque quelqu'un d'Ephraïm, fuyant de la bataille, venait sur le bord de l'eau, et disoit à ceux de Galaad : Je vous prie de me laisser passer, ils lui disoient : N'êtes-vous pas Éphrathéen ? Et lui répondirent que non,

6. Ils lui répliquoient : Dites donc : Scibboleth, qui signifie un épi ; et comme, en prononçant Sibboleth, il ne pouvoit pas bien exprimer la première lettre de ce nom, ils le prenoient aussitôt et le tuoient au passage du Jourdain ; de sorte qu'il y eut quarante-deux mille hommes de la tribu d'Éphraïm qui furent tués ce jour-là.
7. Jephté de Galaad jugea donc le peuple d'Israël pendant six ans; et il mourut ensuite, et fut enseveli dans sa ville de Galaad.

8. Abésan de Bethléhem fut après lui juge d'Israël.

9. Il avoit trente fils et autant de filles ; il fit sortir celles-ci de sa maison en les mariant, et il fit venir autant de filles, qu'il donna pour femmes à ses fils; et après avoir jugé Israël pendant sept ans,

10. Il mourut, et fut enseveli dans Bethléhem.

11. Ahialon de Zabulon lui succéda, et jugea Israël pendant dix ans;

12. Et étant mort, il fut enseveli dans Zabulon.

13. Abdon, fils d'Illel, de Pharathon, fut après lui juge d'Israël.

14. Il eut quarante fils, et de ceux-ci trente petits-fils qui montoient tous sur soixante-dix poulains d'ânesses. Il jugea Israël pendant huit ans;

15. Et étant mort, il fut enseveli à Pharathon, au pays d'Éphraïm, sur la montagne d'Amalec.

 

CHAPITRE XIII

 

Servitude des Israélites sous les Philistins. Naissance de Samson.

 

1. Les enfants d'Israël commirent, le mal sous les yeux du Seigneur, qui les livra entre les mains des Philistins pendant quarante ans, depuis la mort de Jaïr jusqu'à leur entière délivrance par Samuel.

2. Or y avoit un homme de Saraa, de la race de Dan, nommé Manué, dont la femme étoit stérile.

3. Et l'ange du Seigneur apparut à cette femme, et lui dit : Vous êtes stérile et sans enfants : mais vous concevrez par un effet de la puissance de Dieu, et vous enfanterez un fils qui lui sera consacré d'une manière toute particulière.

4. Prenez donc bien garde de ne point boire de vin ou rien de ce qui peut enivrer, et de ne manger rien d'impur et qui soit défendu par la loi,

5. Parce que vous concevrez et vous enfanterez un fils sur la tête duquel le rasoir ne passera point; car il sera nazaréen, consacré à Dieu dès son enfance et dès le ventre de sa mère, et c'est lui qui commencera de délivrer Israël de la main des Philistins.

6. Étant donc venue trouver son mari, elle lui dit : Il est venu à moi un homme de Dieu, qui avoit un visage d'ange, et qui étoit terrible à voir. Je lui ai demandé qui il étoit, d'où il venoit, et comment il s'appeloit, et il n'a pas voulu me le dire;

7. Mais voici ce qu'il m'a dit : Vous concevrez et vous enfanterez un fils: prenez bien garde de ne point boire de vin ni rien de ce qui peut enivrer, et de ne manger rien d'impur ; car l'enfant sera nazaréen, consacré à Dieu dès son enfance et depuis le ventre de sa mère jusqu'au jour de sa mort.

8. Manué pria donc le Seigneur, et lui dit : Seigneur, je vous prie que l’homme de Dieu que vous avez envoyé à ma femme vienne encore, afin qu'il nous apprenne ce que nous devons faire de cet enfant qui doit naître de nous.

9. Le Seigneur exauça la prière de Manué, et l'ange du Seigneur apparut encore à sa femme lorsqu'elle étoit assise dans les champs. Manué son mari n'étoit pas alors avec elle. Ayant donc vu l'ange,

10. Elle courut vite à son mari, et lui dit ; Voilà ce même homme que j'avois vu auparavant, qui m'est encore apparu.

11. Manué se leva aussitôt, et suivit sa femme; et étant venu vers cet homme, il lui dit : Est-ce vous qui avez parlé à cette femme? Il lui répondit: C'est moi.

12. Manué lui dit : Quand ce que vous avez prédit sera accompli, que voulez-vous que fasse l'enfant? et de quoi devra-t-il s'abstenir?

13. L'ange du Seigneur répondit à Manué : Qu'il s'abstienne de tout ce que j'ai marqué à votre femme ;

14. Qu'il ne mange rien de ce qui naît de la vigne, qu'il ne boive ni vin ni rien de ce qui peut enivrer, qu'il ne mange rien d'impur et qu'il accomplisse et garde avec soin ce que j'ai ordonné à son sujet.

15. Manué dit à l’ange du Seigneur: Je vous prie de m'accorder ce que je vous demande, et de permettre que nous vous préparions un chevreau.

16. L’ange lui répondit : Quelque instance que vous me fassiez, je ne mangerai point de votre pain; mais si vous voulez faire un holocauste, offrez-le au Seigneur. Or Manué ne savoit pas que ce fût l'ange du Seigneur.

17. Et il lui dit : Comment vous appelez-vous, afin que nous puissions vous honorer et vous marquer notre reconnoissance si vos paroles s'accomplissent?

18. L'ange lui répondit : Pourquoi demandez-vous à savoir mon nom, qui est admirable?

19. Manué, ayant entendu cette parole ne pensa plus qu'à faire ce que l'ange lui avoit dit. Il prit donc le chevreau avec les libations, les mit sur une pierre, et les offrit au Seigneur, qui est l'auteur des oeuvres miraculeuses; et ils considéroient, lui et sa femme, ce qui en arriveroit.

20. Alors la flamme sortant tout d'un coup de la pierre, qui étoit comme l'autel du sacrifice. et montant vers le ciel, l'ange du Seigneur y monta aussi au milieu des flammes. Ce que Manué et sa femme ayant vu, ils tombèrent le visage contre terre.

21. Et l'ange du Seigneur disparut de devant leurs yeux. Manué reconnut aussitôt que c'étoit l'ange du Seigneur,

22. Et il dit à sa femme : Nous mourrons certainement, car nous avons vu Dieu.

23. Sa femme lui répondit : Si le Seigneur vouloit nous faire mourir, il n'auroit pas reçu de nos mains l'holocauste et les libations que nous lui avons offerts, il ne nous auroit point fait voir toutes ces choses, et il ne nous auroit point prédit ce qui doit nous arriver.

24. La femme de Manué mit donc au monde un fils qu'elle appela Samson, c’est-à-dire Soleil, marquant par là l'éclat qu'il devoit avoir dans Israël, et le bien qu'il devoit lui procurer. L'enfant crût, et le Seigneur le bénit.

25. Et l'esprit du Seigneur commença d'être avec Samson et de faire paroître sa force lorsqu'il étoit dans le lieu appelé le camp de Dan, entre Saraa et Esthaol.

 

CHAPITRE XIV

 

Samson épouse une Philistine. Elle le trahii; il la quitte, et se retire chez son père.

 

1. Alors Samson descendit à Thamnatha, ville de la tribu de Dan ; et y ayant vu une femme entre les filles des Philistins, qui s'étoient rendus maîtres de cette ville,

2. Il revint trouver son père et sa mère, et leur dit : J'ai vu dans Thamnatha une femme d'entre les filles des Philistins ; je vous prie de me la faire donner pour épouse.

3. Son père et sa mère lui dirent : N'y a-t-il point de femme parmi toutes les filles de vos frères, et parmi tout notre peuple, pour vouloir, contre les défenses de la loi, prendre une femme d'entre les Philistins, qui sont incirconcis? Samson dit à son père : Donnez-moi celle-là, parce qu'elle m'a plu quand je l'ai vue.

4. Or son père et sa mère ne savoient pas que ceci se faisoit par l'ordre de Dieu et qu'il cherchoit une occasion pour perdre les Philistins ; car en ce temps-là les Philistins dominoient sur le peuple d'Israël.

5. Samson vint donc avec son père et sa mère à Thamnatha. Et lorsqu'ils furent arrivés aux vignes qui sont près de la ville, il parut tout d'un coup un jeune lion furieux et rugissant, qui vint au-devant de Samson.

6. Mais l'esprit du Seigneur se saisit de Samson, qui déchira le lion comme il auroit déchiré un chevreau, et le mit en pièces sans avoir rien dans la main, et il affecta de n'en rien dire à son père ni à sa mère.

7. Il vint ensuite parler à la femme qui lui avoit plu, et lui fit des propositions de mariage, qu'elle accepta.

8. Et quelques jours après, il revint pour l'épouser ; et, s'étant détourné du chemin pour voir le corps du lion qu'il avoit tué, il trouva un essaim d abeilles dans la gueule du lion, et un rayon de miel qu'elles y avoient fait.

9. Il prit ce rayon de miel entre ses mains, et en mangea en chemin. Lorsqu'il fut arrivé où étoient son père et sa mère, il leur en donna une partie, qu'ils mangèrent; mais il ne voulut pas cependant leur découvrir qu'il avoit pris ce miel dans la gueule du lion mort.

10. Son père vint donc chez cette femme, et fit un festin de sept jours pour son fils Samson, selon la coutume que les jeunes gens avoient alors.

11. Les habitants de cette ville l'ayant vu lui donnèrent, pour l'accompagner pendant la cérémonie de ses noces, trente jeunes hommes

12. Auxquels Samson dit : Je vais vous proposer une énigme ; et si vous pouvez l'expliquer dans les sept jours du festin, je vous donnerai trente robes, et autant de tuniques ;

13. Si vous ne pouvez l'expliquer, vous me donnerez aussi trente robes et trente tuniques. Ils lui répondirent: Proposez votre énigme, afin que nous sachions ce que c'est.

14. Samson leur dit : La nourriture est sortie de celui qui mangeoit, et la douceur est sortie du fort. Ils ne purent pendant trois jours expliquer cette énigme, ce qui les obligea, dès le quatrième, de recourir à la femme de Samson pour en découvrir le sens par son moyen; ils ne purent y réussir pendant plusieurs jours.

15. Enfin, le septième jour s'approchant, ils dirent à la femme de Samson : Gagnez votre mari par vos caresses, et faites qu'il vous découvre ce que son énigme signifie. Si vous ne voulez pas le faire, nous vous brûlerons, vous et toute la maison de votre père ; est-ce que vous nous avez conviés à vos noces pour nous dépouiller?

16. Cette femme pleuroit donc tous les jours auprès de Samson, et se plaignoit de lui en disant : Vous me haïssez et vous ne m'aimez point ; et c'est pour cela que vous ne voulez point m'expliquer l'énigme que vous avez proposée à ceux de mon peuple. Samson lui répondit : Je n'ai point voulu le dire à mon père et à ma mère, comment vous le dirai-je?

17. Elle pleura ainsi auprès de lui pendant les quatre derniers des sept jours de festins ; enfin le septième jour, vaincu par ses importunités, il lui découvrit l'énigme ; et elle alla le redire aussitôt à ceux de sa ville.

18. Ces jeunes gens donc, avant que le soleil fût couché, vinrent dire à Samson : Qu'y a-t-il de plus doux que le miel, et de plus fort que le lion ? Samson leur répondit : Si vous n'eussiez pas labouré avec ma génisse et que vous n'eussiez pas employé ma femme pour découvrir mon secret, vous n'eussiez jamais trouvé ce que mon énigme vouloit dire; cependant je vous donnerai ce que je vous ai promis.

19. En même temps l'esprit du Seigneur saisit Samson; et, étant venu à Ascalon, il tua trente hommes, dont il prit les habits, et les donna à ceux qui avoient expliqué son énigme; et, étant dans une colère étrange contre sa femme, il revint dans la maison de Manué son père.

20. Cependant sa femme, se croyant abandonnée de son mari, épousa un de ces jeunes hommes et de ses amis qui l'avoient accompagné à ses noces.

 

CHAPITRE XV

 

Samson met le feu aux moissons des Philistins. Il tue miile Philistins avec une mâchoire d'âne.

 

1. Peu de temps après, lorsque les jours de la moisson des blés étoient proches, Samson, voulant aller voir sa femme, lui apporta un chevreau. Et lorsqu'il vouloit entrer en sa chambre, selon sa coutume, son beau-père l'en empêcha en disant :

2. J'ai cru que vous aviez de l'aversion pour votre femme, c'est pourquoi je l'ai donnée à un de vos amis; mais elle a une soeur qui est plus jeune et plus belle qu'elle, et je vous la donnerai pour femme au lieu d'elle.

3. Samson lui répondit : Désormais les Philistins n'auront plus sujet de se plaindre de moi si je leur rends le mal qu'ils m'ont fait en m'ôtant ma femme et en la donnant à un autre.

4. Après cela il alla prendre trois cents renards, qui sont très-communs dans la Palestine; il les lia deux à deux, l'un à l'autre par la queue, et y attacha des flambeaux ;

5. Et, les ayant allumés, il chassa les renards afin qu'ils courussent de tous côtés. Les renards aussitôt allèrent courir au travers des blés des Philistins, et, y ayant mis le feu, les blés qui étoient déjà en gerbes et ceux qui étoient encore sur pied furent tous brûlés : et le feu même, se mettant dans les vignes et dans les plants d'oliviers, consuma tout.

6. Alors les Philistins dirent : Qui a fait ce désordre? On leur répondit : C'est Samson, gendre d'un homme de Thamnatha, qui a fait tout ce mal, parce que son beau-père lui a ôté sa femme, et l'a donnée à un autre. Et les Philistins, étant venus chez cet homme, brûlèrent la femme de Samson avec son père.

7. Alors Samson leur dit : Quoique vous ayez fait cela pour me donner satisfaction, je ne laisserai pas néanmoins de me venger encore de vous, et après cela je demeurerai tranquille.

8. Il les battit ensuite, et en fit un si grand carnage que, mettant la jambe sur la cuisse, ils demeuroient tout interdits. Après cela Samson demeura dans la caverne du rocher d'Etam.

9. Cependant les Philistins résolurent de se venger de Samson et d'obliger les Juifs à le leur livrer. Étant donc venu pour cela dans le pays de Juda, ils campèrent au lieu qui depuis fut appelé la Mâchoire, où leur armée fut mise en fuite.

10. Ceux de la tribu de Juda leur dirent : Pourquoi êtes-vous venus contre nous? Les Philistins leur répondirent : Nous sommes venus pour lier Samson, afin de lui rendre le mal qu'il nous a fait.

11. Alors trois mille hommes de la tribu de Juda vinrent à la caverne du rocher d'Étam, et dirent à Samson : Est-ce que vous ne saviez pas que nous sommes assujettis aux Philistins? pourquoi les avez-vous traités de la sorte ? ne voyez-vous pas que cela ne peut servir qu'à rendre notre condition plus dure? Il leur répondit : Je leur ai rendu le mal qu'ils m'ont fait,

12. Mais ce mal que vous leur avez rendu retombe sur nous si nous ne leur en faisons satisfaction. Nous sommes donc venus, lui dirent-ils, pour vous lier et pour vous livrer entre les mains des Philistins, qui exigera cela de nous. Jurez-moi, leur dit Samson, et promettez-moi que vous ne me tuerez point, et je vous permettrai de me lier.

13. Ils lui répondirent : Nous ne vous   tuerons point, mais après vous avoir lié, nous vous livrerons aux Philistins. Ils le lièrent donc de deux grosses cordes neuves, et le tirèrent du rocher d'Étam.

14. Et étant venus au lieu qui fut depuis appelé la Mâchoire, les Philistins vinrent au-devant de lui avec des grands cris ; mais l'esprit du Seigneur ayant saisi Samson, il rompit et mit en pièces les cordes dont il étoit lié, comme le lin se consume lorsqu'il sent le feu,

15. Et, ayant trouvé là une mâchoire d'âne qui était à terre, il la prit, et en tua mille hommes,

16. Et il dit, en relevant cette action par une espèce de cantique : Je les ai défaits avec une mâchoire d'âne, avec la mandibule d'un poulain d'ânesse, et j'ai tué mille hommes !

17. Et après qu'il eut dit ces paroles en chantant, il jeta de sa main la mâchoire, et appela ce lieu-là Ramath-Léchi, c'est-à-dire l'Élévation de la mâchoire.

18. Il fut ensuite pressé d'une grande soif, causée par la fatigue du combat, et criant vers le Seigneur, il dit : C'est vous qui avez sauvé votre serviteur, et qui lui avez donné cette grande victoire ; et maintenant je meurs de soif, et la foiblesse où je me trouve fera que je tomberai entre les mains de ces incirconcis.

19. Le Seigneur ouvrit donc une des grosses dents de cette mâchoire d'âne, et il en sortit de l'eau ; et Samson en ayant bu, revint de sa défaillance et reprit ses forces. C'est pourquoi ce lieu a été appelé jusqu'aujourd'hui d'un nom qui signifie la Fontaine sortie de la mâchoire par l'invocation de Dieu.

20. Alors les Israélites choisirent Samson pour les gouverner, et Samson jugea pendant vingt ans le peuple d'Israël, sans que ce peuple cessât pour cela d'être dominé par les Philistins,

 

CHAPITRE XVI

 

Samson enlève les portes de Gaza. Dalila lui coupe les cheveux. Il renverse sur lui le temple de Dagon.

 

1. Après cela Samson alla à Gaza, ville des Philistins, et y ayant vu une courtisane, il entra chez elle.

2. Les Philistins l'ayant appris, et le bruit s'étant répandu parmi eux que Samson étoit entré dans la ville, ils le firent environner, et mirent des gardes aux portes de la ville, où ils l'attendirent en silence toute la nuit, pour le tuer le matin lorsqu'il sortiroit.

3. Samson dormit jusqu'à minuit ; et s'étant levé alors, il alla prendre les deux portes de la ville, avec leurs poteaux et leurs serrures, les mit sur ses épaules, et les porta sur le haut de la montagne qui regarde Hébron, se moquant ainsi du dessein des Philistins.

4. Après cela il aima une femme qui demeuroit dans la vallée de Sorec, et s'appeloit Dalila.

5. Les princes des Philistins l'ayant su vinrent trouver cette femme, et lui dirent : Trompez Samson, et sachez de lui d'où lui vient une si grande force, et comment nous pourrions le vaincre et le tourmenter après l'avoir lié. Si vous faites cela, nous vous donnerons chacun onze cents pièces d'argent.

6. Dalila dit donc à Samson : Dites-moi, je vous prie, d'où vous vient cette force si grande, et avec quoi il faudroit vous lier pour vous ôter le moyen de vous sauver.

7. Samson lui dit : Si on me lioit avec sept grosses cordes qui ne fussent pas sèches, mais qui eussent encore leur humidité, je deviendrois foible comme les autres hommes.

8. Les princes des Philistins lui apportèrent sept cordes, comme elle avoit dit, dont elle le lia ;

9. Et ayant fait cacher dans sa chambre des hommes qui attendoient l'issue de cette entreprise, elle lui cria : Samson, voici les Philistins qui fondent sur vous ! Et aussitôt il rompit les cordes, comme se rompt un filet d'étoupe lorsqu'il sent le feu; et on ne connut point d'où lui venoit cette grande force.

10. Dalila lui dit : Vous vous êtes joué de moi, et vous ne m'avez point dit la vérité; découvrez-moi donc maintenant au moins avec quoi il faudroit vous lier.

11. Samson lui dit : Si on me lioit avec des cordes toutes neuves, dont on ne se seroit jamais servi, je deviendrois foible et semblable aux autres hommes.

12. Dalila l'en ayant encore lié, après avoir fait cacher des gens dans sa chambre, elle lui cria : Samson, voici les Philistins qui fondent sur vous ! Et aussitôt il rompit ces cordes comme on romproit un filet.

13. Dalila lui dit encore : Jusques à quand me tromperez-vous et me direz-vous des choses fausses ? dites-moi donc avec quoi il faudroit vous lier. Samson lui dit : Si vous faites une tresse de sept cheveux de ma tête avec du fil dont on fait une toile, et que l’ayant attachée à un clou vous enfonciez ce clou dans la terre, je deviendrai foible comme un autre.

14. Ce que Dalila ayant fait, elle lui dit ; Samson, voici les Philistins qui fondent sur vous ? Et, s'éveillant tout d’un coup ; il arracha le clou avec ses cheveux et le fil.

15. Alors Dalila lui dit : Comment dites-vous que vous m’aimez puisque vous ne témoignez que de l'éloignement pour moi? Vous m'avez déjà menti par trois fois, et vous ne m'avez point voulu dire d'où vous vient cette force supérieure.

16. Et comme elle l'importunoit sans cesse, et qu'elle se tint plusieurs jours acharnée après lui sans lui donner aucun temps pour se reposer, enfin la fermeté de son coeur se démentit, et il tomba dans une lassitude mortelle.

17. Alors lui découvrant toute la vérité, il lui dit : Le rasoir n'a jamais passé sur ma tête, parce que je suis nazaréen, :c'est-à-dire consacré à Dieu dès le ventre de ma mère ; si l'on me rase la tête, toute ma force m'abandonnera, et je deviendrai foible comme les autres hommes.

18. Dalila, voyant qu'il lui avoit confessé tout ce qu'il avait dans le cœur, envoya vers les princes des Philistins, et leur fit dire : Venez encore pour cette fois, parce qu'il m'a maintenant ouvert son coeur. Ils vinrent donc chez elle, portant avec eux l'argent qu'ils lui avoient promis.

19. Dalila fit dormir Samson sur ses genoux, et lui fit reposer la tête dans son sein ; et ayant fait venir un barbier, elle lui fit raser les sept touffes de ses cheveux ; après quoi elle commença de le chasser et de le repousser d’auprès d’elle, car sa force l’abandonna au même moment.

20. Et elle lui dit : Samson, voici les Philistins qui viennent fondre sur vous! Samson, s'éveillant, dit en lui-même : J'en sortirai comme j'ai fait auparavant, et je me dégagerai d’eux, car il ne savoit pas que le Seigneur s'était retiré de lui.

21. Les Philistins l'ayant donc pris, lui crevèrent aussitôt les yeux, et, l’ayant mené à Gaza chargé de chaînes, ils l'enfermèrent dans une prison, où ils lui firent tourner la meule d'un moulin.

22. Ses cheveux commençoient déjà à revenir,

23. Lorsque les princes des Philistins firent une grande assemblée pour immoler des hosties solennelles à leur dieu Dagon, et pour faire un festin de réjouissance, en disant : Notre dieu nous a livré entre les mains Samson notre ennemi.

24. Ce que le peuple ayant aussi vu, il publioit les louanges de son dieu en disant comme eux : Notre dieu nous a livré entre nos mains notre ennemi, qui a ruiné notre pays et qui en a tué plusieurs.

25. Ils firent ensuite des festins avec de grandes réjouissances, et après le dîner ils commandèrent que l'on fît venir Samson pour jouer devant eux. Samson ayant été amené de la prison, jouoit devant les Philistins; et ils le firent tenir entre deux colonnes.

26. Alors Samson dit à l'enfant qui le conduisoit : Laissez-moi toucher les colonnes qui soutiennent toute la maison, afin que je m'appuie dessus et que je prenne un peu de repos.

27. Or la maison étoit toute pleine d'hommes et de femmes : tous les princes des Philistins y étoient, et il y avoit bien trois mille personnes de l'un et de l'autre sexe qui, du haut de la maison, regardoient jouer Samson.

28. Celui-ci ayant donc invoqué le Seigneur, lui dit : O Seigneur mon Dieu! souvenez-vous de moi; mon Dieu! rendez-moi maintenant ma première force, afin que je me venge en une seule fois de mes ennemis pour la perte de mes deux yeux et pour l'outrage qu'ils font à votre saint nom.

29. Puis, prenant les deux colonnes sur lesquelles la maison étoit appuyée, tenant l'une de la droite et l'autre de la gauche,

30. Et faisant un sacrifice de sa vie pour la délivrance de son peuple, il dit : Que je meure avec les Philistins! Et ayant fortement ébranlé les colonnes, la maison tomba sur tous les princes et sur tout le reste du peuple qui étoit là; et il en tua beaucoup plus en mourant qu'il n'en avoit tué pendant sa vie.

31. Ses frères et tous ses parents étant venus dans ce lieu, enlevèrent son corps et l'ensevelirent entre Saraa et Esthaol, dans le sépulcre de son père Manué, après avoir été juge d'Israël pendant vingt ans.

 

CHAPITRE XVII


Idole de la maison de Michas.

 

 

1. En ce temps-là il y eut un homme de la montagne d'Ephraïm, nommé Michas,

2. Qui dit à sa mère : Les onze cents pièces d'argent que vous aviez mises à part, et sur le sujet desquelles vous aviez fait devant moi tant d'imprécations afin qu'on vous les rendit, sont entre mes mains, et je les ai présentement. Sa mère lui répondit : Que le Seigneur vous comble, mon fils, de ses bénédictions !

3. Michas rendit donc ces pièces d'argent à sa mère. Et sa mère lui dit : J'ai consacré cet argent au Seigneur, et j'en ai fait vœu, afin que mon fils le reçoive de ma main, et qu'il en fasse faire une image sculptée et une jetée en fonte ; c'est pour cela même que je vous le donne maintenant.

4. Après donc que Michas eut rendu cet argent à sa mère, elle en prit deux cents pièces d'argent, qu'elle donna à un ouvrier pour en faire une image sculptée et une jetée en fonte, qui demeura dans la maison de Michas.

5. Michas fit aussi un petit temple pour le dieu, avec un éphod et des théraphins, c'est-à-dire, le vêtement sacerdotal et les idoles, et il remplit d'offrandes la main d'un de ses fils, comme pour le consacrer, quoiqu'il ne fût point de la race sacerdotale; et il devint ainsi son prêtre.

6. En ce temps-là il n'y avoit point de roi dans Israël, mais chacun faisoit tout ce qui lui sembloit bon.

7. En ce même temps il y eut aussi un autre jeune homme de Bethléhem en Juda, qui étoit lévite, mais de la tribu de Juda par sa mère, et qui demeuroit là.

8. Il étoit sorti de Bethléhem dans le dessein d'aller s'établir ailleurs, partout où il trouveroit son avantage. Et étant venu à la montagne d'Éphraïm lorsqu’il étoit en chemin, il se détourna un peu pour aller à la maison de Michas.

9. Michas lui demanda d'où il venoit. Il lui répondit : Je suis lévite de Bethléem de Juda ; je cherche à m'établir où je verrai qu'il me sera le plus utile.

10. Michas lui dit : Demeurez chez moi, vous me tiendrez lieu de père et de prêtre ; je vous donnerai chaque année dix pièces d'argent, deux habits, et ce qui est nécessaire pour la vie.

11. Le lévite y consentit, et demeura chez lui, où il fut traité comme l'un de ses enfants.

12. Michas lui remplit la main d'offrandes, comme pour le consacrer, et retint ce jeune homme chez lui en qualité de prêtre ;

13. Car maintenant, disoit-il, je sais que Dieu me fera du bien, puisque j'ai chez moi un prêtre de la race de Lévi.

 

CHAPITRE XVIII

 

Six cents hommes de la tribu de Dan vont s'établir à Laïs. Ils enlèvent le prêtre et l'idole de Michas.

 

1. En ce temps-là il n'y avoit point de roi dans Israël, et la tribu de Dan cherchoit des terres pour y habiter ; car jusqu'alors elle n'avoit pu se mettre en possession de tout ce qui lui étoit échu comme aux autres tribus.

2. Les enfants de Dan ayant donc choisi, de Saraa et d'Esthaol, cinq hommes de leur race et de leur famille, qui étoient très-vaillants, les envoyèrent pour reconnoître le pays qui leur étoit échu, et pour y remarquer tout avec grand soin ; et ils leur dirent : Allez et reconnoissez bien le pays. S'étant donc mis en chemin, ils vinrent à la montagne d'Éphraïm, et entrèrent chez Michas, où ils se reposèrent;

3. Ils reconnurent à la parole que le jeune homme lévite n'étoit pas de la tribu d'Ephraïm, et demeurant avec lui, ils lui dirent : Qui vous a amené ici? qu'y faites-vous ? et quel est le motif qui vous a porté à y venir?

4. Il leur répondit : Michas a fait pour moi telle et telle chose, et il m'a donné des gages pour que je lui tienne lieu de prêtre.

5. Ils le prièrent donc de consulter le Seigneur pour savoir si leur voyage seroit heureux et s'ils réussiroient dans leur entreprise.

6. Il leur répondit : Allez en paix; le Seigneur favorise votre voyage.

7. Ces cinq hommes s'en étant donc allés, vinrent à Laïs et trouvèrent le peuple de cette ville, comme ont accoutumé d'être les Sidoniens, sans aucune crainte, en paix et en assurance, n'y ayant personne qui le troublât, extrêmement riche, trop éloigné de Sidon pour en être promptement secouru, et séparé de tous les autres hommes, n'ayant ni alliance ni commerce avec eux, selon la coutume de cette nation.

8. Ils revinrent ensuite trouver leurs frères à Saraa et à Esthaol ; et lorsque ceux-ci leur demandèrent ce qu'ils avoient fait, ils leur répondirent :

9. Marchons vers ces gens-là; le pays que nous avons vu est très-riche et très-fertile ; ne négligez rien, ne perdez point de temps. Allons nous mettre en possession de cette terre; nous le ferons sans peine.

10. Nous trouverons des gens dans une pleine assurance, une contrée fort étendue, et le Seigneur nous donnera ce lieu si fertile, où il ne manque rien de tout ce qui croît sur la terre.

11. Il partit donc alors de la tribu de Dan, c'est-à-dire de Saraa et d'Esthaol, un corps de six cents hommes bien armés,

12. Qui, étant venus à Cariath-Iarim de la tribu de Juda, y campèrent ; et ce lieu, depuis ce temps-là, s'appela le Camp de Dan, qui est derrière Cariath-Iarim.

13. Ils passèrent de là sur la montagne d Ephraïm. Et étant venus dans la maison de Michas,

14. Ces cinq hommes, qui avoient été envoyés auparavant pour reconnoître le pays de Laïs, dirent, à leurs autres frères : Vous savez qu’en cette maison il y a un éphod, des théraphins, une image sculptée et une en fonte; il nous seroit peut-être avantageux de les enlever et de les emporter arec nous; voyez ce qu'il vous plait de faire.

15. S'étant donc un peu détournés, ils entrèrent dans le logis du jeune lévite, qui étoit dans la maison de Michas, et le saluèrent civilement.

16. Cependant les six cents hommes demeurèrent à la porte sous les armes.

17. Et ceux qui étoient entrés où logeoit le jeune homme tâchoient d'emporter l'image sculptée, l'éphod, les théraphins, et l'image jetée en fonte; et le prêtre se tenoit à la porte, où on lui parloit afin qu'il ne vit pas ce qui se passoit dans la maison, pendant que ces six cents hommes fort vaillants attendoient non loin de là les cinq autres.

18. Ceux donc qui étoient entrés emportèrent l'image sculptée, l'éphod, les idoles et l'image jetée en fonte. Le prêtre leur dit : Que faites-vous?

19. Ils lui répondirent : Taisez-vous, n'ouvrez pas seulement la bouche; venez avec nous, afin que vous nous teniez lieu de père et de prêtre. Lequel vous est le plus avantageux d'être prêtre dans la maison d'un particulier, ou de l'être dans une tribu et dans toute une famille d'Israël?

20. Le lévite, les ayant entendus parler ainsi, se rendit à ce qu'ils disoient; et prenant de leurs mains l'éphod, les idoles et l'image sculptée pour les porter lui-même, il s'en alla avec eux.

21. Lorsqu'ils étoient en chemin, ayant fait marcher devant eux les petits enfants, les bestiaux et tout ce qu'ils avoient de plus précieux,

22. Et comme ils étoient déjà loin de la maison de Michas, ceux qui demeuroient chez Michas les suivirent avec grand bruit,

23. Et commencèrent à crier après eux. Ces gens s'étant retournés pour voir ce que c'étoit, dirent à Michas : Que demandez-vous? pourquoi criez-vous de la sorte?

24. Il leur répondit : Vous m'emportez mes dieux que je me suis faits, et vous m’emmenez mon prêtre et tout ce que j'avois, et après cela vous me dites : Qu'avez-vous à crier?

25. Les enfants de Dan lui dirent : Prenez garde de nous parler davantage, de peur qu'il ne vienne des gens qui s'emportent de colère contre vous, et que vous ne périssiez avec toute votre maison.

26. Ils continuèrent ensuite leur chemin. Et Michas, voyant qu'ils étoient plus forts que lui, s'en retourna à sa maison.

27. Cependant les six cents hommes emmenèrent le prêtre avec ce que nous avons dit auparavant, et, étant venus à Laïs, ils trouvèrent un peuple qui se tenoit en repos et en pleine sécurité; ils passèrent au fil de l'épée tout ce qui se trouva dans la ville, ils y mirent le feu et la brûlèrent,

28. Sans qu'il se trouvât personne pour secourir les habitants, parce qu'ils demeuroient loin de Sidon, et qu'ils n'avoient aucune société ni aucun commerce avec qui que ce fût. Or la ville étoit située au pays de Rohob, au pied du mont Liban; et, l'ayant rebâtie, ils y demeurèrent.

29. Ils l'appelèrent Dan, du nom de leur père, qui étoit fils d'Israël, au lieu qu’auparavant elle s'appeloit Laïs.

30. Ils s'approprièrent donc l'image sculptée, et établirent Jonathan, fils de Gersam, qui étoit fils de Moïse, pour servir de prêtre, lui et ses fils, dans la tribu de Dan, jusqu'au jour où ils furent vaincus par les Philistins, que l'arche fut prise et que plusieurs d'entre eux furent emmenés captifs.

31. Et l'idole de Michas demeura parmi eux pendant tout le temps que la maison de Dieu fut à Silo. Il n'y avoit point alors de roi dans Israël qui s'opposât à ses désordres, ni de chef qui pût y remédier.

 

CHAPITRE XIX


Outrage fait à la femme d'un lévite par les habitants de Gabaa.

 

1. Un lévite qui demeuroit du côté de la montagne d'Éphraïm ayant pris une femme de Bethléhem qui est en Juda, et lui ayant donné quelque chagrin,

2. Sa femme le quitta, et étant retournée à Bethléhem, en la maison de son père, elle demeura chez lui pendant quatre mois.

3. Son mari, voulant se réconcilier avec elle, vint la trouver pour lui témoigner de l'amitié et la remmener avec lui, étant suivi d'un serviteur avec deux ânes. Sa femme le reçut bien, et l'introduisit dans la maison de son père. Son beau-père, l'ayant appris et le voyant venir, alla au-devant de lui avec joie,

4. Et l’embrassa. Il demeura dans la maison de son beau-père pendant trois jours, mangeant et buvant avec lui avec beaucoup de familiarité.

5. Le quatrième jour le lévite, se levant avant le jour, voulut s'en aller; mais son beau-père le retint, et lui dit : Mangez d'abord un morceau de pain pour vous fortifier, et après cela vous vous mettrez en chemin.

6. Ils s'assirent donc, et mangèrent et burent ensemble. Le beau-père dit ensuite à son gendre : Je vous prie de demeurer encore ce jour-ci, afin que nous le passions dans la joie.

7. Le lévite, se levant, voulut s'en aller; mais son beau-père le conjura avec tant d'instance, qu'il le retint et le fit demeurer chez lui.

8. Le lendemain matin, le lévite se préparoit à s'en aller ; mais son beau-père lui dit : Je vous prie de prendre un peu de nourriture, afin qu'ayant repris des forces, vous vous en alliez quand le jour sera plus avancé. Ils mangèrent donc ensemble.

9. Et le jeune homme, se levant, vouloit s'en aller avec sa femme et son serviteur ; mais son beau-père lui dit encore : Considérez que le jour est fort avancé, et que le soir approche; demeurez encore chez moi pour aujourd'hui, et réjouissons-nous; vous partirez demain pour retourner en votre maison.

10. Son gendre ne voulut point se rendre à ses prières, mais il partit aussitôt et vint près de Jébus, qui s'appelle autrement Jérusalem, menant avec lui ses deux ânes chargés, et sa femme.

11. Et lorsqu'ils étoient déjà près de Jébus, et que, le jour finissant, la nuit commençoit, le serviteur dit à son maître : Allons, je vous prie, à la ville des Jébuséens, et y demeurons.

12. Son maître lui répondit : Je n'entrerai point dans la ville d'un peuple étranger qui n'est point des enfants d'Israël, mais je passerai jusqu'à Gabaa;

13. Et quand je serai arrivé là, nous y demeurerons, ou au moins dans la ville de Rama.

14. Ils passèrent donc Jébus ; et, continuant  leur chemin, ils se trouvèrent an coucher du soleil près de Gabaa, qui est dans la tribu de Benjamin,

15. Et ils se dirigèrent vers cette ville pour y demeurer; et, y étant entrés, ils s'assirent sur la place de la ville, sans qu'il y eût personne qui voulût leur donner l'hospitalité.

16. Mais vers le soir on vit revenir des champs, après son travail, un vieillard qui étoit aussi de  la montagne d’Ephraïm, et qui demeuroit comme étranger en la ville de Gabaa. Or les hommes de ce       pays étoient des enfants de Jémini, très-injustes et très-méchants.

17. Ce vieillard, levant les yeux, vit le lévite assis sur la place de la ville avec son petit bagage; et il lui dit : D'où venez-vous? et où allez-vous?

18. Le lévite lui répondit : Nous sommes partis de Bethléhem, qui est en Juda, et nous retournons en notre maison, qui est au penchant de la montagne d'Ephraïm, d'où nous étions allés à Bethléhem ; nous allons maintenant à la maison de Dieu, à Silo, et personne ne veut nous recevoir chez soi ;

19. Nous avons cependant de la paille et du foin pour les ânes, avec du pain et du vin pour moi et pour votre servante, et pour le serviteur qui est avec moi ; nous n'avons besoin de rien que d'un logement.

20. Le vieillard lui répondit : La paix soit avec vous, je vous donnerai tout ce qui vous sera nécessaire; je vous prie seulement de ne point demeurer sur cette place.

21. Il les fit donc entrer dans sa maison, il donna à manger aux ânes ; puis, après qu'ils eurent lavé leurs pieds, il les fit mettre à table et leur fit fête.

22. Au milieu du festin, tandis que, fatigués du chemin, ils mangeoient et buvoient pour reprendre leurs forces, il vint des hommes de cette ville, qui étoient des enfants de Bélial (c'est-à-dire sans joug), et, environnant la maison du vieillard, ils commencèrent à frapper à la porte en criant au maître de la maison, et lui disant : Faites sortir cet homme qui est entré chez vous, afin que nous en abusions.

23. Le vieillard sortit dehors pour leur parler, et leur dit : Gardez-vous, mes frères, gardez-vous de faire un si grand mal, car j'ai reçu cet homme comme mon hôte ; cessez de penser à cette folie.

24. Et dans le trouble où l'avoit jeté cette horrible proposition, il ajouta : J'ai une fille vierge, et cet homme a sa concubine; je vous les amènerai, et vous les aurez pour satisfaire votre passion ; je vous prie seulement de ne pas commettre à l'égard d'un homme ce crime détestable contre nature.

25. Mais le lévite, qui n'étoit pas moins troublé, voyant qu'ils ne vouloient point se rendre à ses paroles, leur amena sa femme, et l'abandonna à leurs outrages ; et, après qu'ils eurent abusé d'elle toute la nuit, quand le matin fut venu ils la laissèrent.

26. Lorsque les ténèbres de la nuit se dissipoient, cette femme vint à la porte de la maison où étoit son mari, et y tomba étendue par terre, sans mouvement et sans vie.

27. Le matin son mari s'étant levé ouvrit la porte pour chercher sa femme et continuer son chemin ; et il y trouva sa femme couchée par terre, ayant les mains étendues sur le seuil de la porte.

28. Il crut d'abord qu'elle étoit endormie, et il lui dit : Levez-vous, et allons-nous-en. Mais, elle ne répondant rien, il reconnut qu'elle étoit morte; et l'ayant prise, il la mit sur son âne, et s'en retourna dans sa maison.

29. Étant venu chez lui, il prit un couteau, et divisa le corps de sa femme avec ses os en douze parts, et en envoya une part à chacune des tribus d’Isarël.

30. Ce que les enfants d'Israël ayant vu, ils crièrent tout d'une voix : Jamais rien de tel n'est arrivé dans Israël, depuis le jour où nos pères sortirent d'Égypte, jusqu'aujourd'hui ; prononcez là-dessus, et ordonnez tous ensemble ce qu'il faut faire dans cette circonstance.

 

CHAPITRE XX

 

Les Israélites vengent sur les Benjaminites l'injure faite au lévite.

 

1. Alors tous les enfants d'Israël se mirent en campagne, et se trouvèrent assemblés, comme s'ils n’eussent tous été qu'un seul homme, depuis Dan jusqu'à Bersabée ; ceux de la terre de Galaad au delà du Jourdain se trouvèrent aussi avec eux devant le Seigneur à Maspha.

2. Tous les chefs du peuple et toutes les tribus d'Israël, qui composoient l'assemblée du peuple de Dieu étoient au nombre de quatre cent mille hommes de pied, tous hommes de guerre.

3. Et les enfants de Benjamin surent bientôt que les enfants d'Israël étoient allés tous ensemble à Maspha. Le lévite, mari de la femme qui avoit été tuée, étant interrogé sur la manière dont un si grand crime s'étoit commis,

4. Répondit : Étant allé dans la ville de Gabaa, de la tribu de Benjamin, avec ma femme, pour y passer la nuit,

5. Les hommes de cette ville vinrent tout d'un coup la nuit environner la maison où j'étois, pour me tuer si je ne consentois à ce qu'ils vouloient exiger de moi ; et, à la fin, ils ont outragé ma femme avec une brutalité si furieuse et si incroyable, qu'elle en est morte.

6. Ayant pris ensuite son corps, je l'ai coupé en morceaux, et j'en ai envoyé les parts dans tout le pays que vous possédez, parce qu'il ne s'est jamais commis un si grand crime, ni un excès aussi abominable dans tout Israël.

7. Vous voilà tous, ô enfants d'Israël ; voyez ce que vous avez à faire.

8. Tout le peuple qui étoit là lui répondit tout d'une voix, comme s'ils n'eussent été qu'un seul homme: Nous ne retournerons point à nos tentes, et personne ne retournera dans sa maison,

9. Jusqu'à ce que nous ayons exécuté ceci tous ensemble contre Gabaa.

10. Qu'on choisisse d'entre toutes les tribus d'Israël dix hommes sur cent, cent sur mille, et mille sur dix mille, afin qu'ils portent des vivres à l'armée, et que nous puissions combattre contre Gabaa de Benjamin, et rendre la punition égale au crime qu'elle a commis.

11. Ainsi tout Israël se ligua contre cette ville, comme s'il n'eût été qu'un seul homme, n'ayant  tous qu'un même esprit et une même résolution.

12. Et avant de commencer la guerre ils envoyèrent des ambassadeurs vers toute la tribu de Benjamin, pour lui dire : Pourquoi une action si détestable s'est-elle commise parmi vous sans que vous ayez pensé à la punir ?

13. Donnez-nous les hommes de Gabaa qui sont coupables de ce crime infâme, afin qu'ils meurent, et que le mal soit banni d'Israël. Les Benjaminites ne voulurent point se rendre à cette proposition de leurs frères les enfants d'Israël;

14. Mais étant sortis de toutes les villes de leurs tribus, ils s'assemblèrent à Gabaa, pour secourir ceux de cette ville, et pour combattre contre tout le peuple d'Israël.

15. Il se trouva dans la tribu de Benjamin vingt-cinq milles hommes de guerre, outre les habitants de Gabaa,

16. Qui étoient sept cents hommes très-vaillants, combattant de la main gauche comme de la droite, et qui étoient si adroits à lancer des pierres avec la fronde, qu'ils auroient pu même frapper un cheveu sans que la pierre déviât tant soit peu.

17. Il se trouva aussi parmi les enfants d'Israël, sans compter ceux de Benjamin, quatre cent mille hommes de guerre, et prêts à combattre.

18. S'étant donc mis en campagne ils vinrent à la maison de Dieu, c'est-à-dire à Silo, où ils consultèrent Dieu, et lui dirent : Qui sera le général de notre armée pour combattre les enfants de Benjamin? Le Seigneur leur répondit : Que Juda soit votre général, et qu'il commence le combat.

19. Aussitôt les enfants d'Israël, marchant dès le point du jour, vinrent camper près de Gabaa :

20. Et, s'avançant de là pour combattre les enfants de Benjamin, ils commencèrent d'assiéger la ville.

21. Mais les enfants de Benjamin étant sortis de Gabaa, tuèrent en ce jour vingt-deux mille hommes de l'armée des enfants d'Israël, Dieu le permettant ainsi, non pour favoriser la tribu de Benjamin, mais pour humilier les autres tribus.

22. Cependant les enfants d'Israël, s'appuyant sur leurs forces et sur leur grand nombre, se remirent encore en bataille dans le même lieu où ils avient combattu.

23. Auparavant néanmoins ils allèrent pleurer jusqu'à la nuit devant le Seigneur, et le consultèrent en disant : Devons-nous combattre encore contre nos frères les enfants de Benjamin, ou en demeurer là? Le Seigneur, qu'ils avoient consulté pour savoir s'ils devoient combattre, sans lui demander la force dont ils avaient besoin pour vaincre leur répondit : Marchez contre eux, et livrez-leur bataille.

24. Le lendemain, les enfants d'Israël s'étant présentés encore pour combattre les enfants de Benjamin,

25. Ceux de Benjamin sortirent avec impétuosité des portes de Gabaa, et, les ayant rencontrés, en firent un si grand carnage qu'ils tuèrent dix-huit mille hommes de guerre.

26. Après cela donc tous les enfants d'Israël vinrent en la maison de Dieu; et, étant assis, ils pleuroient devant le Seigneur; ils jeûnèrent ce jour-là jusqu'au soir, et offrirent au Seigneur des holocaustes et des hosties pacifiques,

27. Et le consultèrent touchant l'état où ils se trouvoient. En ce temps-là l'arche de l'alliance du Seigneur étoit en ce lieu,

28. Et Phinéès, fils d'Éléazar fils d'Aaron, tenoit le premier rang dans la maison du Seigneur. Ils consultèrent donc le Seigneur, et lui dirent : Devons-nous encore combattre nos frères les enfants de Benjamin, ou demeurer en paix? Le Seigneur leur dit : Marchez contre eux, car demain je les livrerai entre vos mains.

29. Les enfants d'Israël dressèrent ensuite des embuscades autour de la ville de Gabaa,

30. Et marchèrent en bataille pour la troisième fois, au nombre de dix mille, contre Benjamin, comme ils avoient déjà fait deux fois, ayant ordre de prendre la fuite à l'approche de l'ennemi.

31. Les enfants de Benjamin sortirent aussi de la ville avec une grande audace, et voyant fuir leurs ennemis, ils les poursuivirent bien loin, en blessèrent quelques-uns, comme ils avoient fait le premier et le second jour, et taillèrent en pièces ceux qui fuyoient par deux chemins, dont l'un va à Béthel et l'autre à Gabaa; et ils tuèrent environ trente hommes ;

32. Car ils s'imaginoient qu'ils fuyoient devant eux comme ils avoient fait les deux premières fois. Mais c'étoit un stratagème des enfants d'Israël, qui feignoient de fuir pour les éloigner de la ville et les attirer dans ces chemins dont nous venons de parler et où le gros de leur armée s'étoit caché.

33. Tous les enfants d'Israël, se levant donc du lieu où ils étoient, se mirent en bataille dans le lieu appelé Baal-Thamar. En même temps les gens des embuscades qu'on avoit dressées autour de la ville commencèrent aussi de paroître peu à peu,

34. Et de marcher du côté de la ville qui regarde l'occident. Alors les dix mille hommes de l'armée d'Israël qui avoient paru lâcher pied, tournant face à l’ennemi, s'avancèrent aussi vers les habitants de Gabaa, et les provoquoient au comhat, qu'ils avoient fait semblant de vouloir éviter ; de sorte que les enfants de Benjamin se trouvèrent accablés de gens de guerre, et ne s'aperçurent point qu'une mort présente les environnoit de toutes parts, sinon lorsqu'il leur fut impossible de l'éviter.

35. Ainsi le Seigneur les tailla en pièces aux yeux et par les mains des enfants d'Israël, qui tuèrent ce jour-là vingt-cinq mille cent hommes, tous gens de guerre et de combat.

36. Voici comme la chose se passa. Les enfants de Benjamin qui étoient à l'arrière-garde, se voyant attaqués de toutes parts et reconnoissant qu'ils étoient trop foibles pour résister à tant d'ennemis, commencèrent à fuir vers leur ville, dans l'espérance d’y rentrer; ce que les enfants d'Israël, qui les poursuivoient, ayant aperçu, ils leur firent place, afin que s'enfuyant ils tombassent dans les embuscades qui étoient toutes prêtes et qu'ils leur avoient dressées près de la ville.

37. Ces gens, étant donc sortis tout d'un coup de l'embuscade, taillèrent en pièces les Benjaminites qui fuyoient devant eux, entrèrent ensuite dans la ville, et y passèrent tout au fil de l'épée.

38. Or les enfants d'Israël avoient donné pour signal à ceux qu’ils avoient mis en embuscade, d’allumer un grand feu après avoir pris la ville, afin que la fumée qui s'élèveroit en haut fût la marque de la prise de la ville.

39. C'est en effet de quoi s'aperçurent les Israélites pendant le combat même, et ce qui les empêcha de fuir plus loin; car ceux de Benjamin, s'étant imaginé d'abord que ceux d'Israël fuyoient, les avoient poursuivis vivement, après avoir tué trente hommes de leurs gens;

40. Mais lorsque le feu fut mis à la ville, et qu'on vit comme une colonne de fumée qui s'élevoit au-dessus des maisons, ceux de Benjamin, regardant aussi derrière eux, s'aperçurent que la ville étoit prise et que les flammes s'élevoient en haut ;

41. Et alors les Israélites, qui auparavant faisoient semblant de fuir, reconnoissant que la ville étoit prise, commencèrent à tourner visage contre eux et à les charger vivement ; ce que voyant les enfants de Benjamin qui composoient l'avant-garde, ils prirent la fuite, comme avoient fait ceux de l'arrière-garde,

42. Et voulurent gagner le chemin du désert ; mais leurs ennemis les poursuivirent jusque-là, et ceux qui avoient mis le feu à la ville vinrent à leur rencontre.

43. Ainsi les Benjaminites, ayant leurs ennemis en tête et en queue, furent taillés en pièces sans que rien arrêtât un si grand carnage. Ils tombèrent et couvrirent de leurs cadavres le côté de la ville de Gahaa qui regarde l'orient.

44. Dix-huit mille hommes furent tués en ce même endroit, tous gens de guerre et très-vaillants.

45. Ceux qui étoient restés des Benjaminites, voyant la défaite des leurs, s'enfuirent dans le désert pour gagner le rocher appelé Remmon. Mais comme ils étoient tous dispersés dans cette fuite, l'un d'un côté et l'autre d'un autre, ceux d'Israël en tuèrent cinq mille de plus. Et ayant passé plus loin en les poursuivant, ils en tuèrent encore deux mille.

46. Ainsi vingt-cinq mille hommes de la tribu de Benjamin furent tués en cette journée en divers endroits, tous gens de guerre et très-vaillants.

47. De sorte que de toute cette tribu il ne put se sauver dans le désert que six cents hommes, qui demeurèrent au rocher de Remmon pendant quatre mois.

48. Les enfants d'Israël, de retour du combat, passèrent au fil de l'épée tout ce qui restoit dans la ville, depuis les hommes jusqu'aux animaux ; et toutes les villes et les villages de Benjamin furent consumés par les flammes.

 

CHAPITRE XXI

 

Ruine de Jabès-Galaad. Filles données aux Benjaminites.

 

1. Les enfants d'Israël, étant à Maspha, firent aussi un serment en ces termes : Nul d'entre nous ne donnera sa fille en mariage aux enfants de Benjamin, marquant par là l'horreur qu'ils avoient du crime de ceux de Gabaa.

2. Mais après qu'ils eurent exterminé cette tribu, ils sentirent l'indiscrétion de leur serment, et ils vinrent tous en la maison de Dieu, à Silo ; et, se tenant assis en sa présence jusqu'au soir, ils élevèrent la voix et commencèrent à pleurer en jetant de grands cris, et en disant :

3. Seigneur Dieu d'Israël, pourquoi est-il arrivé un tel malheur à votre peuple, qu'aujourd'hui une des tribus soit retranchée d'entre nous?

4. Le lendemain, s'étant levés au point du jour, ils élevèrent un autel y offrirent des holocaustes et des victimes pacifiques, et dirent :

5. Qui d'entre toutes les tribus d'Israël n'a point marché avec toute l'armée du Seigneur ? Car, étant à Maspha, ils s'étoient aussi engagés par un grand serment à tuer tous ceux qui auroient manqué de s'y trouver.

6. Et les enfants d'Israël, touchés de repentir de ce qui étoit arrivé à leurs frères de Benjamin, commencèrent à dire : Une des tribus a été retranchée d'Israël ;

7. Où prendront-il des femmes? car nous avons juré tous ensemble que nous ne leur donnerions point nos filles.

8. Ils s'entre-dirent donc : Qui sont ceux de toutes les tribus d'Israël qui ne sont point venus devant le Seigneur à Maspha ? Et il se trouva que les habitants de Jabès-Galaad ne s'étoient point trouvé, dans l'armée.

9. En effet, dans le même temps où les enfants d'Israël étoient à Silo, il ne se trouva parmi eux aucun homme de Jabès.

10. Ils envoyèrent donc dix mille hommes très-vaillants, avec cet ordre : Allez, et passez au fil de l'épée tous les habitants de Jabès-Galaad, sans épargner ni les femmes ni les petits enfants.

11. Et vous observerez ceci en même temps : Tuez tous les mâles et toutes les femmes qui ne sont plus au rang des filles, mais réservez les vierges. C'est ce qu'ils firent.

12. Il se trouva dans Jabès-Galaad quatre cents vierges, qui étoient demeurées toujours pures; ils les emmenèrent au camp à Silo, au pays de Chanaan.

13. Ils envoyèrent ensuite des députés aux enfants de Benjamin, qui étoient au rocher de Remmon, avec ordre de leur dire qu'on vouloit vivre en paix avec eux.

14. Alors les enfants de Benjamin revinrent chez eux, et on leur donna pour femmes ces filles de Jabès-Galaad; mais on n'en trouva point d'autres qu'on pût leur donner de la même manière.

15. Tout Israël fut touché alors d'une grande douleur, et eut un extrême regret qu’une des tribus d'Israël eût péri de cette sorte.

16. Et les plus anciens du peuple dirent : Que ferons-nous aux autres à qui on n'a pas donné de femmes? car toutes les femmes de la tribu de Benjamin ont été tuées ;

17. Et il n'y a rien que nous ne devions faire pour empêcher, autant qu'il est en notre pouvoir, qu'une des tribus d'Israël ne périsse.

18. Cependant nous ne pouvons leur donner nos filles, étant liés comme nous sommes par notre serment et par les imprécations que nous avons faites, en disant : Maudit soit celui qui donnera sa fille en mariage aux enfants de Benjamin !

19. Ils prirent donc cette résolution entre eux, et dirent aux enfants de Benjamin : Voici la fête solennelle du Seigneur qui se célèbre tous les ans à Silo, dans une plaine qui est située au septentrion de la ville de Béthel, et à l'orient du chemin qui va de Béthel à Sichem, et au midi de la ville de Lébona;

20. Allez, suivez cet ordre que nous vous donnons : Cachez-vous dans les vignes ;

21. Et lorsque vous verrez les filles de Silo qui viendront, selon la coutume, danser dans cette plaine, sortez tout à coup des vignes, et que chacun de vous en prenne une pour sa femme, et retournez-vous-en au pays de Benjamin.

22. Et lorsque leurs pères et leurs frères viendront se plaindre de vous en vous accusant de cette violence, nous leur dirons : Ayez compassion d'eux ; car ils ne les ont pas prises comme des vainqueurs prennent des captives par le droit de la guerre, mais après qu'ils vous ont suppliés de leur donner vos filles, vous les leur avez refusées: et ainsi, s'ils les ont enlevées de la sorte, la faute est venue de vous.

23. Les enfants de Benjamin firent ce qui leur avoit été commandé ; chacun d'eux enleva une des filles qui dansoient, pour être sa femme ; et, étant retournés chez eux, ils bâtirent des villes et y habitèrent.

24. Les enfants d'Israël retournèrent aussi dans leurs tentes, chacun dans sa tribu et dans sa famille. En ce temps-là il n'y avoit point de roi dans Israël; mais chacun faisoit ce qu'il lui plaisoit.