A l'Oeuvre (Moody D.
L.)
A L'OEUVRE !
(Moody)
LES PRÉJUGÉS sur les réveils
L'évangéliste saint Jean
nous raconte que, devant la tombe de Lazare, le Seigneur Jésus dit à ses
disciples : « Enlevez la pierre. » Il voulait leur faire prendre une part
active à la résurrection qu'il allait opérer. Cependant, il n'aurait eu qu'un
mot à dire pour faire disparaître la pierre. S'il lui avait ordonné de
s'écarter, elle aurait obéi à sa voix, comme le fit Lazare quand Jésus le
rappela à la vie. Mais le Seigneur voulait apprendre à ses enfants qu'il leur
revient une part de travail dans la résurrection de ceux qui sont morts
spirituellement. Les disciples n'eurent pas seulement à enlever la pierre; après
que Jésus-Christ eut ressuscité Lazare, ils eurent à le délier afin qu'il pût
marcher.
Dieu pourrait facilement convertir les hommes sans nous ; mais ce n'est pas
ainsi qu'il agit ordinairement, et je doute qu'il y ait sur la terre un seul
homme qui ait été converti sans le concours plus ou moins direct de quelque
instrument humain.
La pierre dont je désire parler aujourd'hui, et qui doit être enlevée avant que
l'oeuvre de Dieu puisse se faire, s'appelle les
préjugés. Beaucoup de personnes ont un grand préjugé contre les réveils
religieux ; le mot seul leur est antipathique. Malheureusement, ce sentiment ne
se rencontre pas seulement chez les gens du monde ; un grand nombre de
chrétiens ont autant de répugnance pour le nom que pour la chose.
Que veut dire ce mot de réveil ? Il veut dire simplement le passage des
ténèbres à la lumière; la découverte, la mise au jour, de quelque trésor caché.
Nous sommes tous d'avis, je crois, que nous vivons dans un temps de grande
disette spirituelle. Je doute fort que parmi les familles représentées
aujourd'hui dans cette salle, il y en ait une seule qui ne compte au moins un
membre qu'elle voudrait voir entrer dans le troupeau de Dieu, et accepter le
salut.
Dans le commerce et l'industrie, on désire un réveil. De tous côtés, en Europe
comme de, l'autre côté de l'Atlantique, j'entends dire qu'il y a un calme plat
dans les affaires. On désire beaucoup qu'il y ait bientôt un réveil. En
politique, aussi, on aime les réveils de l'opinion publique. Dans toutes les
branches de l'activité humaine, partout où les hommes ont des intérêts, on
désire les réveils.
Si ce désir est légitime, - et je ne prétends pas qu'il ne soit parfaitement
légitime à sa place, - pourquoi les enfants de Dieu ne désireraient-ils pas, ne
demanderaient-ils pas à présent un réveil de piété dans le monde? N'avons-nous
pas besoin d'un réveil de droiture, de vérité, de sincérité, de tempérance? N'y
a-t-il pas beaucoup d'hommes qui s'écartent de l'Eglise de Dieu pour fréquenter
le cabaret? Nos fils ne s'éloignent-ils pas par centaines et par milliers, de
telle sorte que souvent, le dimanche, nos églises restent vides tandis que les
cabarets se remplissent.
Je suis sûr que les marchands de vin sont très contents quand il y a un réveil
dans leurs affaires. Ils ne sont pas fâchés de vendre plus de vins et de
liqueurs. Eh bien! Est-ce que tout vrai chrétien ne devrait pas désirer que les
hommes qui sont en danger de périr éternellement fussent sauvés et rachetés ?
Beaucoup de personnes ont l'air de croire que les réveils sont une invention
moderne, - qu'ils ne sont connus que depuis quelques années. C'est une erreur.
Les réveils ne sont pas une nouveauté. S'ils n'ont pas pour eux l'autorité de
l'Écriture Sainte, alors j'avoue que je ne comprends pas ma Bible.
Pendant les premiers deux mille ans de l'histoire du monde, il n'y a pas eu de
réveil, à notre connaissance. S'il y en avait eu, il est probable que le déluge
n'aurait pas été nécessaire. Le premier véritable réveil dont il soit fait
mention dans l'Ancien Testament, eut lieu quand Moïse alla en Egypte pour faire
sortir ses frères de la maison de servitude. Il dut y avoir une grande émotion
dans la terre de Goscen quand Moïse y arriva. On fit
alors beaucoup de choses qu'on n'avait pas l'habitude de faire. Lorsque trois
millions d'Hébreux furent protégés contre l'ange exterminateur par le sang de
l'agneau pascal, qu'était-ce autre chose qu'un réveil de l'oeuvre
de Dieu parmi son peuple ?
Sous Josué, il y eut un grand réveil ; et encore sous les Juges. Dans ces temps
anciens, Dieu réveillait souvent le peuple d'Israël. Samuel convoqua le peuple
à Mizpah et lui ordonna de détruire ses idoles. Alors
les Israélites sortirent et battirent les Philistins qui ne revinrent plus
pendant la vie de Samuel.
Qui sait, dit le Dr Bonar, si David et Jonathan ne
furent pas convertis pendant ce réveil du temps de Samuel ?
N'est-ce pas aussi un
réveil qui signala les jours d'Elie ? Le peuple s'était de nouveau adonné à
l'idolâtrie, et le prophète l'avait convoqué sur le mont Carmel. Pendant que la
multitude était assemblée sur la montagne, Dieu répondit par le feu ; alors le
peuple se prosterna la face contre terre, en s'écriant : « C'est l'Éternel qui
est Dieu ! C'est l'Éternel qui est Dieu! » La nation tout entière retournait à
son Dieu. Il se trouva, probablement, bien des gens pour critiquer cet élan de
repentir et pour dire qu'il n'aurait pas de suites durables. C'est ce qu'on n'a
cessé de répéter depuis 4000 ans, c'est ce qu'on répète encore aujourd'hui. Je
crois entendre quelque témoin de la scène du Carmel dire en hochant la tête,
tout comme les sages d'aujourd'hui: « Cet enthousiasme s'éteindra bientôt. »
Si nous arrivons aux jours du Nouveau Testament, nous trouvons le grand réveil
provoqué par la prédication de Jean-Baptiste. Y a-t-il jamais eu un homme,
excepté le Sauveur lui-même, qui ait accompli tant de choses en si peu de
temps? Cette prédication fut comme un souffle de printemps après un long et
triste hiver. Depuis quatre cents ans, aucun prophète n'avait paru en Israël,
et les ténèbres enveloppaient la nation. La venue de Jean fut comme
l'apparition d'un brillant météore annonçant le lever du jour. Ce n'était ni
dans le temple de Jérusalem, ni dans aucune synagogue, qu'il faisait entendre
ses appels, mais sur les bords du Jourdain. Hommes, femmes, enfants accouraient
en foule pour l'entendre. Il est relativement facile de réunir un auditoire
dans une grande ville, mais ceci se passait dans le désert. Une grande
agitation régnait évidemment dans les esprits. Presque toute la population
sortait des villes et des villages pour entendre la prédication de Jean.
C'est étonnant comme on redoute toute espèce d'agitation religieuse. Il y a
quelques années, on me demanda d'aller prêcher sur le champ de courses de Derby.
J'ai vu là, en un seul jour, plus d'agitation que je n'en avais vu pendant toute ma vie dans toutes les assemblées
religieuses auxquelles j'avais assisté: Et pourtant, personne ne se plaignait
qu'il y eût trop d'agitation.
Voyez ce qui s'est passé à
Je connais beaucoup d'hommes qui font profession d'être chrétiens et qui
passent leur temps à tout critiquer. Ils trouvent à redire au chant, à la
prédication; les prières étaient trop longues ou trop courtes, le chapitre de
- « Que pensez-vous du prédicateur?» demandera l'un.
- « Eh bien! j'avoue que j'ai été désappointé. Je n'aime pas son
genre. Ses gestes manquent d'à propos. »
- Un autre dira. « Son
raisonnement n'était pas assez serré; moi, j'aime la logique. »
- Un troisième: « Je
trouve qu'il n'a pas assez parlé de la repentance. »
Je vous ferai observer
que si un prédicateur ne fait pas dans chacun de ses sermons un exposé complet
de la doctrine chrétienne, il s'élèvera des plaintes contre lui. Les uns
diront: « Il a beaucoup trop insisté sur la repentance; et n'a pas assez parlé
de la grâce ;» tandis que d'autres diront :
« Il n'a parlé que de la grâce, et pas assez de la repentance ; » ou bien
encore : « Il a beaucoup parlé de la justification, mais il n'a rien dit de la
sanctification. » De sorte que si le prédicateur ne traite pas dans le même
sermon toutes les doctrines contenues dans
- « Ce qu'il y a de sûr,
dira l'un de ces auditeurs, c'est qu'il ne m'a pas ému du tout. »
Un autre, au contraire,
dira : « Il ne fait appel qu'à la sensibilité ; j'aime qu'on s'adresse à mon
intelligence. » Ou bien : « Il s'adresse trop à la volonté, et ne donne pas
assez d'importance à la doctrine de l'élection. » Ou bien encore :
- « Il n'y a pas de force
dans son enseignement ; il n'insiste pas assez sur le dogme. » Ou encore « Il
n'est pas éloquent. » Et ainsi de suite.
Vous trouverez des centaines de critiques de ce genre parmi les chrétiens de
profession ; mais toutes ces observations n'amèneront pas une seule âme à
Christ. Je n'ai pas encore prêché un seul sermon que je ne pusse moi-même
critiquer d'un bout à l'autre. Je sens que Jésus-Christ devrait avoir un
représentant bien plus digne de lui; mais j'ai vécu assez longtemps pour savoir
qu'il n'y a rien de parfait en ce monde. Si, pour vous convertir, vous attendez
d'avoir trouvé un prédicateur parfait ou des réunions religieuses idéales, je
crains bien que vous ne soyez obligés d'attendre jusqu'au millénium. Ce qu'il
nous faut, c'est de tenir les yeux fixés sur le Sauveur. Renonçons à notre
esprit de critique. Quand j'entends faire des remarques comme celles que j'ai
citées, je dis à ces critiques : « Venez faire mieux vous-mêmes. Montez dans
cette chaire, et montrez-nous ce que vous savez faire. » Mes amis, il est si
facile de trouver à redire. Il ne faut pour cela ni beaucoup de tête, ni
beaucoup de coeur.
Il y a quelques années, le pasteur d'une petite Eglise dans un village
d'Amérique tomba dans un grand découragement. A force de broyer du noir, il
prit l'habitude de murmurer et de se plaindre de tout. Il se plaignait même de
ses collègues, s'imaginant qu'ils manquaient d'égards pour lui. Un de ses amis
vint passer quelque temps chez lui afin de lui prêter son concours pour des
services spéciaux. Le Dimanche matin, à l'issue du service, les deux pasteurs
se trouvant seuls, celui qui était si malheureux dit à son confrère : « Vous ne
pouvez pas vous figurer tout ce que j'ai à souffrir, surtout de la part de mes
collègues ; ils me traitent vraiment bien mal. » Son ami répondit en lui posant
quelques questions.
- « Vous ont-ils jamais craché au visage?»
- « Non, ils n'en sont
pas encore venus là. »
- « Vous ont-ils jamais
frappé ? »
- «Non. »
- « Vous ont-ils jamais
couronné d'épines? »
A cette dernière
question, il courba la tête en silence. Son ami poursuivit: « Votre Maître et
le mien fut traité ainsi ; tous ses disciples s'enfuirent, et l'abandonnèrent
aux mains des méchants. Pourtant, il n'ouvrit point la bouche. » L'effet de
cette conversation fut remarquable. Les deux ministres s'agenouillèrent, et
implorèrent avec ferveur une nouvelle mesure de l'esprit qui était en
Jésus-Christ. Pendant les réunions qui suivirent, un grand changement se fit
chez le pasteur du village. Il travailla, il pria avec son ami, et beaucoup
d'âmes furent amenées à Christ. Quelques semaines plus tard, un des diacres de
l'Église écrivait au pasteur étranger :
« Votre visite, vos conversations avec notre pasteur, ont exercé une
merveilleuse influence sur lui. Jamais nous ne l'entendons se plaindre, et il travaille
avec zèle et entrain. »
Une autre accusation que j'entends porter contre les réveils, c'est qu'ils
s'écartent de l'ordre régulier des choses. C'est évident, mais cela ne suffit
pas pour prouver qu'ils soient mauvais. Eldad et Médad, quand ils se mirent à prophétiser dans le désert,
s'écartaient aussi de l'ordre habituel. Josué voulait que Moïse les reprit, mais au lieu de les
blâmer, que dit celui-ci? « Plût à Dieu que tout le peuple de l'Éternel fût
prophète ! » Elie et Elisée ne faisaient pas partie de l'école régulière des
prophètes, et pourtant ils exercèrent une puissante influence sur leurs
contemporains. Jean-Baptiste ne reçut pas non plus une éducation régulière. Ce
fut dans le désert et la solitude qu'il apprit la théologie. Et Jésus-Christ
lui-même, ne s'écartait-il pas de l'ordre régulier ? Quand Philippe dit à Nathanaël qu'il avait trouvé le Messie, Nathanaël
répondit : « Peut-il venir quelque chose de bon de Nazareth ? »
Quand nous lisons l'histoire des derniers siècles, nous voyons que Dieu s'est
souvent servi d'hommes qui sortaient de la routine, pour ainsi dire. Martin
Luther eut à faire beaucoup de choses extraordinaires avant de pouvoir
accomplir la grande Réforme du XVIe siècle. - Et aujourd'hui il y a dans le
monde environ soixante millions d'hommes qui adhèrent à la foi évangélique.
Wesley et Whitefield, en Angleterre, se sont aussi
écartés de l'ordre établi, et pourtant ils ont accompli de grandes choses.
Mes amis, toutes les fois que Dieu agit, il faut s'attendre à voir des choses
qui ne s'accordent pas avec les idées reçues. J'avoue que cela me paraît fort
heureux. Il y a un grand nombre d'hommes que l'on ne peut pas atteindre,
semble-t-il, par les moyens ordinaires, et qui viendront à des réunions du
genre de celles-ci. Vous avez des églises et des chapelles, il est vrai, mais
nous voulons faire un effort pour atteindre ces masses nombreuses qui refusent
d'y entrer. Les uns viendront à ces réunions, uniquement parce qu'elles ne
doivent durer que peu de jours. Dans ce cas, on fera bien de se hâter, sinon il
ne sera plus temps. Les autres viennent par pure curiosité, pour savoir comment
les choses se passent ; et souvent, dès la première réunion, ils sont touchés
par quelque parole, quelque chant. Ils entendent, au moins, la bonne nouvelle
du salut, et peut-être deviendront ils de vrais chrétiens, des membres utiles
de la société.
Vous entendrez dire quelquefois : « Nous avons nos églises et nos chapelles ;
si l'on ne veut pas y entrer, nous n'y pouvons rien. » Ce n'est pas là l'Esprit
de notre Maître. Quand la guerre civile éclata en Amérique, les Etats-Unis
n'avaient qu'une très petite armée. Le gouvernement fit appel aux volontaires.
Des centaines de milliers d'hommes répondirent à cet appel, et allèrent grossir
les rangs de l'armée régulière. Il y avait de la besogne pour tout le monde.
Ces volontaires n'étaient pas aussi instruits, pas aussi bien exercés que les
soldats plus anciens, mais on utilisa les troupes irrégulières aussi bien que
les troupes régulières. Ces volontaires devinrent d'excellents soldats, et
rendirent de grands services à leur patrie. Si nous voulons atteindre les
masses, il faut avoir recours aux corps francs, aussi bien qu'aux troupes de
ligne.
Je connais une école du Dimanche, aux Etats-Unis, qui était tombée dans la plus
complète routine. Il arriva que le directeur s'étant retiré, il fut remplacé
par un homme beaucoup plus jeune Celui-ci eut envie de changer les bancs de
place, mais un des plus anciens membres du comité lui dit que les bancs étaient
arrangés de cette façon depuis un grand nombre d'années, et qu'il ne fallait
pas y toucher. Il y a encore beaucoup de cet esprit parmi nous. Il me semble,
pour ma part, que si un système ne réussit pas, il faut y renoncer, et en
essayer un autre. Si les hommes ne veulent pas avoir recours aux moyens de
grâce ordinaires, tâchons de les atteindre autrement, et de les amener à Dieu.
Ne critiquons pas tout ce qui se fait de nouveau par cela seul que cela ne
s'est pas encore fait, ou que nous aimerions mieux que cela se fît autrement.
Je suis las d'entendre les gens se plaindre perpétuellement. Ne les écoutons
pas, et marchons en avant pour accomplir l'oeuvre que
Dieu nous a donnée à faire.
On porte contre les réveils une autre accusation, plus grave encore que
celle-ci. L'oeuvre ne durera pas, dit-on. A cela je
réponds que cette objection a dû être faite dès le jour de
Aux yeux du monde, la mission de Jean-Baptiste dut paraître un échec le jour où
il fut décapité par ordre du roi Hérode. Mais aux yeux de Dieu, sa mission
n'avait pas été inutile. L'Église de nos jours subit encore l'influence du
prophète du désert. En voyant Jésus mourir sur la croix, le monde a pu croire
qu'il avait échoué dans son oeuvre ; mais aux yeux de
Dieu, il n'en était pas ainsi. La colère des hommes fit éclater la gloire et la
bonté de Dieu.
J'éprouve peu de sympathie pour les pasteurs qui, lorsque Dieu ranime les
Eglises, se mettent à prêcher contre les réveils. Il n'existe pourtant pas,
dans toute la chrétienté, une seule Eglise qui ne soit sortie d'un réveil.
L'Église catholique, l'Église épiscopale d'Angleterre se disent, l'une et
l'autre, d'origine apostolique ; dans ce cas, elles sont issues du réveil de
Dans un des endroits que nous avons visités, il y avait une Eglise tout-à-fait
opposée aux réveils. On fit comprendre au pasteur que s'il prenait part au
mouvement, il s'aliénerait une partie de sa congrégation. Il consulta les
archives de l'Église, et vit que les quatre cinquièmes de ses membres avaient
été convertis pendant des réveils, entre autres le directeur de l'École du Dimanche,
tout le conseil de l'Église, et presque tous les membres actifs. Le Dimanche
suivant, le pasteur monta en chaire et prêcha un sermon sur les réveils, en
ayant soin de rappeler ce qui s'était passé autrefois. Il arrive souvent que
des personnes qui s'opposent maintenant aux réveils ont elles-mêmes été
converties dans un temps de réveil.
Il y a quelque temps, un pasteur éminent prêcha un sermon contre ces réveils ;
il n'y croyait pas, disait-il. Quelques-uns des membres de son Eglise
consultèrent les archives pour voir combien de membres avaient été admis dans
l'Église sur la profession de leur foi, pendant les douze dernières années ; il
n'y en avait pas un seul. Et pourtant le pasteur parlait contre les réveils !
Mon expérience m'a appris que les chrétiens qui ont été convertis en un temps
de grande ferveur religieuse sont même plus forts, plus fermes que ceux qui
sont entrés dans l'Église en des temps ordinaires. Les jeunes convertis s'entr'aident mutuellement, et plus ils sont nombreux, plus
leurs débuts dans la vie chrétienne sont sérieux.
On prétend que tous les convertis ne persévèrent pas. Hélas ! tous ceux qui écoutèrent la prédication de Jésus-Christ ne
persévérèrent pas non plus. « Plusieurs de ses disciples se retirèrent et
n'allèrent plus avec lui. »
Saint Paul était dans la douleur de voir que plusieurs de ceux qui avaient fait
profession de croire se conduisaient comme des ennemis de la croix de Christ.
Le Maître nous enseigne dans la parabole du Semeur qu'il y a différentes
espèces d'auditeurs ; il les représente par le bord du chemin, par le terrain
pierreux, par les épines et par la bonne terre. Ces différentes catégories
d'auditeurs se retrouveront jusqu'à la fin des siècles. J'ai dans mon jardin un
pommier qui se couvre de fleurs tous les printemps. Si toutes ces fleurs se
transformaient en fruits, l'arbre se romprait. Les neuf dixièmes des fleurs,
environ, tomberont à terre, et pourtant j'ai une belle récolte de pommes.
De même, beaucoup de ceux qui font profession de croire à l'Évangile retournent
au monde. Ce sont peut-être ceux qui avaient donné les plus belles promesses
qui se lassent le plus vite ; tandis que ceux dont on avait espéré moins,
deviennent les chrétiens les plus sérieux et les plus fermes. Tout ce que nous
avons à faire maintenant, c'est de jeter la semence. C'est à Dieu à préparer le
terrain et à donner l'accroissement. J'ai souvent dit que si j'avais été chargé
de convaincre les hommes de péché, j'aurais renoncé à la tâche depuis
longtemps. C'est là l'oeuvre du Saint-Esprit. Ce que
nous avons à faire, c'est de répandre la bonne semence de
Il est évident que nous ne devons pas compter beaucoup sur le concours de ceux
qui parlent sans cesse contre les réveils. Je crois que beaucoup de nouveaux
convertis sont refroidis par ceux qui condamnent ces efforts spéciaux. Si nous
en voyons quelquefois retourner au monde, ce n'est pas toujours de leur faute.
Dans une ville des États-Unis où je prêchais récemment, un ministre me dit . « J'espère que nous aurons de meilleurs résultats que lors
du mouvement religieux qui s'est fait ici il y a cinq ans. A cette époque-là,
une centaine de nouveaux convertis se sont joints à mon Eglise, et aujourd'hui,
à une ou deux exceptions près, je ne sais ce qu'ils sont
devenus.» C'était fort décourageant. J'en parlai à un autre pasteur de la même
ville, disant que j'aimerais beaucoup mieux renoncer à l'évangélisation et me
remettre aux affaires si les résultats ne devaient pas être plus durables.
Il me répondit : « Moi aussi, j'ai reçu dans mon Eglise une centaine de
nouveaux convertis, mais il en reste encore quatre-vingt-dix-huit. Je les ai
suivis et observés depuis cinq ans, et deux seulement nous ont quittés.» Il me
demanda ensuite si son collègue m'avait raconté ce qui s'était passé dans son
troupeau après la réception de ces nouveaux membres. Quelques-uns d'entre eux
s'étaient figuré qu'il fallait tout réorganiser ; il y eut des
divisions entre eux, et peu à peu, ils quittèrent l'Église où ils venaient
d'entrer. Soyez sûrs que quiconque se mettra de tout coeur
à l'oeuvre ne manquera pas d'encouragement.
Il est très facile de critiquer une oeuvre comme
celle-ci ; mais, généralement, ceux qui critiquent le plus, non seulement ne
font rien du tout eux-mêmes, mais ne savent pas de quoi ils parlent. Il faut
convenir qu'il n'est pas juste de condamner une oeuvre
que nous ne nous sommes pas donné la peine d'examiner et de connaître
personnellement. Si, au lieu de rester tranquillement à leurs places et de
regarder autour d'eux, nos critiques voulaient se donner la peine d'entrer en
rapport avec ceux qui fréquentent nos réunions et leur parler de leurs âmes,
ils sauraient bientôt si l'oeuvre est sérieuse ou
non.
On m'a raconté l'histoire d'un officier qui revenait des Indes. Pendant un
dîner où il se trouvait chez un de ses amis, on lui fit quelques questions sur
les missions, et il répondit qu'il n'avait pas vu un seul indigène converti
pendant tout le temps qu'il avait passé aux Indes. Un missionnaire, qui se
trouvait parmi les convives, ne releva pas directement cette assertion; il se
contenta de demander au sceptique Anglais s'il
avait
jamais vu des tigres dans les Indes. L'officier se frotta les mains comme si
cette question évoquait des souvenirs charmants « Des tigres ! s'écria-t-il. Je
crois bien que j'en ai vu ; j'en ai tué un bon nombre. » - « Eh bien, répondit
le missionnaire, j'ai passé bien des années aux Indes, et je n'ai jamais vu de
tigres. » Pendant que l'un des deux voyageurs avait cherché des tigres, l'autre
avait cherché des convertis, et chacun avait trouvé ce qu'il cherchait.
Si nous nous mettons à la recherche de ceux qui ont réellement accepté
l'Évangile, nous en trouverons ; c'est hors de doute. Mais il est non moins certain
que dans presque tous les cas, ceux qui parlent contre les réveils n'en savent
absolument rien par expérience. Vous imaginez vous que les nouveaux convertis
vont aller frapper à votre porte pour vous annoncer le changement qui s'est
fait dans leur vie ? Si vous voulez savoir la vérité, allez chez eux, et entrez
en conversation avec eux.
J'espère que personne n'aura peur des entretiens particuliers qui suivent ces
réunions. Je connais des gens qui y sont très opposés, mais je maintiens que
c'est une excellente chose, tout-à-fait sensée.
Quand un écolier ne peut pas résoudre un problème d'algèbre, par exemple, il
cherche quelqu'un qui connaisse l'algèbre, et le prie de lui aider. - Or, le
problème qui se pose maintenant devant nous, c'est le problème de la vie
éternelle, et il faut qu'il soit résolu par chacun de nous. Pourquoi ne
demanderions-nous pas à ceux qui ont plus d'expérience que nous de nous aider de leurs conseils ? Si
nous nous trouvons en présence de quelque difficulté qui nous paraisse insurmontable,
il est probable que nous rencontrerons quelque personne vraiment pieuse qui
aura éprouvé la même difficulté il y a vingt ans; elle sera heureuse de nous
aider, et de nous dire comment elle est venue à bout de la vaincre. Ne craignez
donc pas de lui demander conseil.
Parmi toutes les personnes qui composent cette assemblée ou qui assisteront à
nos réunions, il n'y en a pas une seule, j'en suis sûr, qui ne puisse trouver
dans
J'ai revu dernièrement une dame qui avait eu beaucoup d'entretiens
particuliers, il y a neuf ans, avec des personnes qui fréquentaient nos
réunions. Elle m'a dit qu'elle était encore en relation avec toutes ces
personnes, au nombre d'environ trente-cinq, et qu'elle avait tout lieu de
croire qu'elles étaient sincèrement chrétiennes. Elle leur avait écrit des
lettres, elle leur avait envoyé de petits souvenirs à Noël, et autant qu'elle
pouvait en juger, aucune d'elles ne s'était écartée du bon chemin. Elle s'est
mêlée à leur vie, elle a pris part à tout ce qui les touchait, et elle leur a
été en bénédiction.
Si nous avions un millier de collaborateurs de ce genre, nous ne tarderions
pas, avec l'aide de Dieu, à voir des merveilles et des prodiges. Il n'y a pas
de catégorie d'êtres humains, quelque dégradés et quelque coupables
qu'ils soient qu'on ne puisse atteindre, pourvu qu'on veuille s'en donner la
peine. Bien des chrétiens sont assoupis ; il faut les réveiller, afin qu'ils
prennent à coeur les intérêts éternels de ceux qui
vivent dans l'insouciance et le péché. Mettons de côté nos préjugés. Si le
Seigneur est à l'oeuvre, qu'importe si la manière
dont l'oeuvre se fait est en accord ou non avec nos
idées préconçues ou avec les anciens usages.
Qu'un seul cri s'élève de tous nos coeurs pour demander
à Dieu de faire revivre son oeuvre au milieu de nous
! Que cette oeuvre de réveil commence tout d'abord
pour nous, qui nous réclamons du nom de notre Sauveur. Ecartons tous les
obstacles qui pourraient venir de nous-mêmes. Alors, avec le secours de
l'Esprit de Dieu, nous pourrons atteindre ces milliers de gens qui ne mettent
jamais le pied dans aucune église, et des multitudes d'âmes entreront dans le
royaume de Dieu.
A L'OEUVRE !
(Moody)
AIMER POUR SERVIR
Je désire attirer votre
attention sur le treizième chapitre de la première Epitre de saint Paul aux
Corinthiens, en remplaçant le mot de charité par celui d'amour; « Quand même je
parlerais toutes les langues des hommes, et même des anges, si je n'ai point
l'amour, je ne suis que comme l'airain qui résonne, ou comme une cymbale qui
retentit. Et quand même j'aurais le don de prophétie et que je connaîtrais tous
les mystères de la science de toutes choses; et quand même j'aurais toute la
foi, jusqu'à transporter les montagnes, si je n'ai point l'amour; je ne suis
rien. Et quand même je distribuerais tout mon bien pour la nourriture des
pauvres et que même je livrerais mon corps pour être brûlé, si je n'ai point
l'amour, cela ne me sert de rien. »
C'est une grande chose que d'être un prophète comme Daniel, ou Esaïe, ou Elie, ou Elisée mais saint Paul nous apprend ici
que l'esprit d'amour est une chose plus grande encore que l'esprit de
prophétie. Marie de Béthanie, qui savait si bien aimer, était supérieure à ces
grands prophètes.
« L'amour est patient, il est plein de bonté; l'amour n'est point envieux;
l'amour n'est point insolent; il ne s'enfle point d'orgueil ; il n'est point
malhonnête; il ne cherche point son intérêt ; il ne s'aigrit point ; il ne
soupçonne point le mal ; il ne se réjouit point de l'injustice, mais il se
réjouit de la vérité ; il excuse tout, il croit tout, il espère tout, il
supporte tout. L'amour ne périt jamais. Pour ce qui est des prophéties, elles
seront abolies, et le don des langues cessera, et la connaissance sera
anéantie. Maintenant donc, ces trois choses demeurent : la foi, l'espérance et
l'amour ; mais la plus grande, c'est l'amour. »
L'ennemi s'était introduit dans la petite Eglise fondée à Corinthe par l'apôtre
Paul, et il y avait des divisions parmi les disciples. L'un disait: « Pour moi,
je suis d'Apollos ; » - un autre disait: « Pour moi, je suis de Céphas ; » et un troisième : « Pour moi, je suis de Paul. »
- Paul vit tout de suite que ces divisions, que ce manque d'amour des enfants
de Dieu les uns pour les autres auraient des conséquences désastreuses pour l'Église,
et alors il écrivit cette lettre. Je suis convaincu que si tous les vrais
croyants pouvaient se pénétrer de l'esprit de ce chapitre et le mettre en
pratique pendant un an, l'Église de Dieu verrait se doubler le nombre de ses
enfants. L'un des plus grands obstacles au développement de l'oeuvre de Dieu aujourd'hui est bien certainement ce manque
d'amour parmi les disciples de Jésus-Christ.
Quand nous aimons quelqu'un, nous ne cherchons pas sans cesse à attirer
l'attention sur ses défauts. On a dit avec raison : Il ne manque pas de traités
sur l'éloquence ; mais, chose curieuse, il n'en est pas un seul qui indique le
véritable secret de toute vraie éloquence; ce secret, c'est l'amour. Pour
atteindre les hommes, il faut les aimer beaucoup. Quel que soit leur degré de
culpabilité, ou d'indifférence, ou d'ingratitude; quelque bas qu'ils soient
tombés, il faut surtout et avant tout les aimer. L'amour, c'est la sève de
l'Évangile, c'est le secret de toute prédication forte et vivante, c'est
l'inspiration la plus puissante de l'éloquence. Le but de toute prédication est
de ramener à Dieu les coeurs des hommes, et l'amour
seul sait découvrir les sentiers mystérieux qui conduisent au coeur. Si, donc, vous ne possédez pas un fervent amour et une
profonde compassion pour l'humanité, soyez sûr que nous n'avez pas reçu le don de
l'éloquence chrétienne. Vous ne réussirez pas à gagner des âmes, vous
n'acquerrez jamais cette domination, excellente entre toutes,
la domination
qu'on exerce sur le coeur de l'homme. Un proverbe
arabe dit: « L'épée fait courber le cou; mais le coeur
seul fait courber le coeur. » On ne résiste pas à
l'amour.
Ecoutez ces paroles: « L'amour est patient ; il est plein de bonté ; l'amour
n'est point envieux. » Que de fois n'arrive-t-il pas que si l'un de nos frères
nous éclipse, nous éprouvons de l'envie au fond de notre coeur. Il faut beaucoup de grâce divine pour détruire ce
sentiment-là. « L'amour n'est point insolent; il ne s'enfle point d'orgueil. »
Les chrétiens ont peu d'ennemis plus redoutables que cet esprit de rivalité gui
demande sans cesse : « Lequel sera le plus grand? »
Il y a quelques années,
j'ai lu un livre qui m'a fait beaucoup de bien. Il était intitulé « L'éducation
des Douze. » L'auteur disait que Jésus avait passé la plus grande partie de son
temps, pendant les trois ans et demi de son ministère, à former douze hommes.
L'éducation qu'il leur donna était bien différente de celle qu'on donne
aujourd'hui dans nos collèges et dans nos écoles. Tandis que le monde encourage
l'ambition, Jésus enseigne à ses disciples l'humilité. Il les exhorte à se
prévenir les uns les autres par honneur; à n'être point enflés d'orgueil, à
n'être point envieux, mais plutôt, à être doux et humbles de coeur.
Un peintre de l'antiquité, ayant été chargé de faire un portrait très
ressemblant d'Alexandre le Grand, se trouva dans un grave embarras. Pendant une
de ses guerres, Alexandre avait reçu au front un coup d'épée, et en avait
conservé une longue cicatrice. L'artiste se dit: Si je représente la cicatrice,
j'offenserai les admirateurs du monarque ; et si je l'omets, la ressemblance ne
sera pas exacte. Que faut-il faire? Il imagina un heureux expédient , et représenta le grand roi, le front appuyé dans
sa main, cachant ainsi la cicatrice.
Ne pourrions-nous pas nous représenter de même les uns les autres, en posant la
main de la charité sur la cicatrice, au lieu d'en faire ressortir toute la
profondeur ? Les païens mêmes peuvent donner aux chrétiens une leçon de
charité, de bonté et d'amour.
Ce désir d'occuper le premier rang a failli perdre l'Eglise plus d'une fois
pendant le cours de son histoire. Si l'Eglise n'avait pas été d'origine divine,
elle serait tombée en ruines depuis longtemps. De nos jours encore, on pourrait
citer à peine un seul mouvement de réforme qui n'ait couru le danger d'être
entravé ou anéanti par ce misérable esprit d'ambition et de personnalité. Que
Dieu nous aide à détruire cet esprit, à jeter loin de nous notre vanité et
notre orgueil, et à accepter Christ pour notre Maître, afin qu'il nous montre
dans quel esprit il faut travailler pour lui.
Une des choses qui durent le plus attrister la vie de Jésus, ce fut la
manifestation de cet esprit parmi ses disciples, même pendant les dernières
heures de son séjour au milieu d'eux, et jusqu'au moment où il fut emmené pour
être crucifié. Nous lisons dans l'Évangile de saint Luc : « Jésus dit à ses
apôtres: Voici la main de celui qui me trahit est à table avec moi. Pour ce qui
est du Fils de l'homme, il s'en va, selon qu'il a été déterminé; mais malheur à
cet l'homme par qui il est trahi! Alors ils
commencèrent à se demander les uns aux autres qui était
celui d'entre eux qui ferait cela. Il arriva aussi une contestation entre
eux, pour savoir lequel d'entre eux devait être regardé comme le plus grand.
« Mais il leur dit: Les rois des nations les maîtrisent, et ceux qui usent
d'autorité sur elles sont nommés bienfaiteurs. Il n'en doit pas être de même
entre vous; mais que celui qui est le plus grand parmi vous soit comme le
moindre, et celui qui gouverne comme celui qui sert ; car qui est le plus
grand, celui qui est à table, ou celui qui sert? N'est-ce pas celui qui est à
table? Et cependant je suis au milieu de vous comme celui qui sert. »
Même en un moment aussi solennel, pendant cette nuit mémorable où le Seigneur
venait d'instituer
Il existe une charmante tradition sur la fondation du temple de Salomon. Le
terrain sur lequel il fut construit appartenait en commun à deux frères, dont
l'un avait des enfants, et l'autre n'en avait pas. Ils y avaient semé du blé.
Le lendemain de la moisson, deux meules ayant été élevées, l'aîné des deux
frères dit à sa femme : « Mon jeune frère n'a pas la force de supporter la
fatigue et la chaleur du jour, je vais prendre une partie de mes gerbes et les
ajouter à sa meule sans qu'il le sache. » Le frère cadet, animé de sentiments
semblables, se dit en lui-même : « Mon frère a des enfants, et moi je n'en ai
pas. Je vais prendre une partie de mes gerbes et les ajouter à sa meule.
Quel ne fut pas leur étonnement le lendemain, en trouvant leurs meules
respectives aussi grandes que la veille. La même aventure se renouvela
plusieurs nuits de suite. Chacun d'eux résolut enfin de veiller toute la nuit
afin d'éclaircir le mystère. C'est ce qu'ils firent, et la nuit suivante, ils
se rencontrèrent à mi-chemin entre leurs deux meules, les bras chargés de
gerbes. Ce fut sur un terrain sanctifié par un tel souvenir que s'éleva le
magnifique temple de Salomon, la merveille et l'admiration du monde. Hélas ! de nos jours, combien de frères seraient disposés à dérober
toute la meule de leur frère plutôt qu'à y ajouter une seule gerbe !
Si nous voulons apprendre à gagner les âmes, si nous voulons être utiles au
service de notre Maître, il faut nous débarrasser de ce maudit esprit de
rivalité et d'amour-propre. C'est là le fond de la pensée de saint Paul dans ce
passage de son épître aux Corinthiens. Il leur dit qu'on a beau avoir beaucoup
de foi et de zèle, et distribuer beaucoup d'aumônes, si l'on n'a pas d'amour,
on est comme l'airain qui résonne ou une cymbale qui retentit. Si ce n'est pas
l'amour qui inspire et remplit tous nos discours, nous ferions tout autant de
bien aux âmes en sonnant de la trompette du haut de la chaire qu'en prêchant
des sermons. On peut annoncer la vérité ; on peut enseigner la doctrine
évangélique dans toute sa pureté ; si le coeur n'est
pas rempli d'amour pour ceux auxquels on s'adresse, si on prêche par métier,
l'apôtre le déclare, on n'est qu'une cymbale retentissante.
Ce qu'il nous faut, ce n'est pas tant de travailler davantage que de travailler
pour un meilleur motif. Dieu tient compte du mobile qui nous fait agir, bien
plus que de notre activité extérieure. Le seul arbre sur la terre qui puisse
produire des fruits agréables à Dieu c'est l'arbre de l'amour.
En écrivant à son disciple Tite, saint Paul dit : «Enseigne les choses qui
conviennent à la saine doctrine : que les vieillards soient sobres, graves,
prudents, purs dans la foi, dans la charité (ou dans l'amour), dans la
patience.» A quoi servirait-il d'enseigner une saine doctrine, si l'on
négligeait l'amour et la patience ? De quelle valeur nos prières peuvent-elles
être si elles ne sont pas inspirées par l'amour ? On s'étonne parfois de voir
tant de prédications irréprochables rester sans résultats. Ne croyez-vous pas
que cela tienne à ce qu'on prêche si souvent par métier? Les paroles brillent
comme le givre au soleil, mais ne réchauffent pas davantage. Elles n'ont pas
une seule étincelle d'amour. - S'il en est ainsi, vous n'aurez que très peu de
force. Quand même vous multiplieriez vos réunions d'appel, vos réunions de
prières, vos réunions d'actions de grâces, si l'amour ne les inspire pas, vous
parlerez en vain. Dieu lui-même vous dit que vous êtes semblables à l'airain
qui résonne et aux cymbales qui retentissent.
On peut être très bon médecin sans aimer ses malades. On peut être très bon
avocat sans aimer ses clients. Un négociant peut faire d'excellentes affaires
sans se soucier le moins du monde de ses pratiques. Un savant peut nous
expliquer les merveilles de la science ou de la théologie sans éprouver le
moindre amour pour nous; mais sans amour, il est impossible de travailler
sérieusement pour Dieu et de gagner les âmes. On peut passer au
yeux du monde pour être un grand prédicateur, on peut attirer la foule
par de brillants discours ; si un sincère amour pour Dieu et pour les âmes
n'est pas la force motrice de toute cette éloquence, elle s'évanouira comme une
vapeur et comme la rosée du matin.
On raconte que toutes les fois que les Athéniens entendaient Démosthènes, ils étaient émus au point de se sentir prêts à
partir pour combattre Philippe de Macédoine. Ils entendaient aussi avec plaisir
un autre orateur qui les charmait par son éloquence ; mais à peine le discours
était-il fini, que le charme se rompait, les belles paroles avaient été creuses.
Il ne suffit donc pas de prononcer de brillants discours qui peuvent entraîner
la multitude au moment même; s'ils ne reposent pas sur un sentiment profond,
leur influence ne sera pas durable. Ce qui faisait la force de Démosthènes, c'était son amour pour sa patrie, et cet
amour, il le communiquait à tout le peuple.
Lorsque nous aimerons davantage, il nous sera facile de travailler pour le
Seigneur. Rien ne nous paraîtra trop insignifiant. Dieu ne bénit point les
travaux les plus importants si l'amour est étranger ; mais il prend plaisir aux
petites choses faites par amour. Un verre d'eau froide donné à l'un de ses
enfants par amour pour lui, a plus de valeur à ses yeux que la conquête d'un
royaume, inspirée par l'ambition et la vaine gloire.
Je suis fatigué d'entendre toujours répéter le mot de devoir comme si c'était
l'unique mobile du chrétien. De tous côtés, j'entends dire: Je fais ceci, ou
cela, parce que c'est mon devoir. L'expérience m'a prouvé que les chrétiens qui
parlent ainsi sont ceux qui réussissent le moins bien dans leur travail.
N'avons-nous pas un mobile plus puissant que le simple devoir? Ne pouvons-nous
pas nous mettre au service de Christ parce que nous l'aimons ? Quand c'est l'amour
qui nous pousse, le travail nous paraît toujours facile. Une mère n'a pas de
peine à soigner son enfant malade. Elle ne regarde pas cela comme une corvée.
Saint Paul ne nous parle jamais de la peine que le service de son maître lui a
coûtée. Il était pressé de travailler parce qu'il aimait son Sauveur et qu'il
se sentait aimé par lui. Lutter, souffrir même pour son Maître bien-aimé,
c'était une joie pour lui.
Vous me répondez peut-être que j'ai tort de parler contre le devoir; beaucoup
de choses ne se feraient jamais sans le sentiment du devoir. C'est vrai, mais
je voudrais vous faire sentir que ce n'est pas un mobile suffisant, et que vous
pouvez en avoir un autre bien plus puissant.
Je vais bientôt retourner dans ma patrie, de l'autre côté de l'Atlantique. Je
pense en ce moment à une mère aux cheveux blancs qui habite, sur les bords du
Connecticut, la même petite ville depuis quatre-vingts ans. Supposons que je
lui apporte un présent à mon retour, et qu'en le lui donnant, je dise : « Vous
avez été si bonne pour moi autrefois que j'ai cru de mon devoir de vous
apporter un cadeau. » Que penserait-elle de moi si je lui parlais ainsi ? Mais
si au contraire je le lui apporte comme un témoignage de mon grand amour pour
elle, quel prix n'attachera-t-elle pas à mon souvenir ! De même, Dieu désire
que ses enfants ne le servent pas seulement par devoir. Il n'aime pas que ce
soit une chose pénible pour nous de faire sa volonté.
Voyez les soldats. S'ils ne se battent que parce qu'ils y sont forcés, ils ne
remporteront pas beaucoup de victoires. Si, au contraire, ils se battent par
amour pour leur pays et pour leurs chefs, rien ne pourra leur résister. Si ce
n'est pas l'amour qui vous pousse à travailler pour Christ, ne vous attendez
pas à être béni dans votre oeuvre.
Napoléon essaya de fonder un empire par la force des armes. Alexandre le Grand,
César, d'autres conquérants encore, l'avaient essayé avant lui, mais
tous, ils ont échoué. Jésus-Christ a fondé son royaume sur l'amour, et ce
royaume durera éternellement.
Quand nous aurons appris à aimer véritablement, tous les mobiles égoïstes et
bas disparaîtront, et notre ouvrage pourra supporter l'épreuve du feu.
Je voudrais vous rappeler encore une chose. L'amour ne songe jamais à ce qu'il
recevra en retour de ce qu'il donne. Vous avez tous lu dans l'Evangile selon
saint Mathieu la parabole du père de famille qui avait loué des ouvriers pour
travailler dans sa vigne. Après en avoir loué plusieurs dès le matin, il en
trouva d'autres à différentes heures du jour, et les envoya aussi à sa vigne.
Quand le soir fut venu, ceux qui avaient travaillé depuis le matin
s'attendaient à recevoir un salaire plus élevé que les autres; aussi se
mirent-ils à murmurer et à se plaindre lorsqu'ils virent qu'ils recevaient tous
la même chose. Mais quelle fut la réponse du père de famille : « Mon ami, je ne
te fais point de tort ; n'as-tu pas accordé avec moi à un denier par jour?
Prends ce qui est à toi et t'en va. Je veux donner à ce dernier autant qu'à
toi. Ne m'est-il pas permis de faire ce que je veux de ce qui est à moi? Ton oeil est-il mauvais de ce que je suis bon ? Ainsi les
derniers seront les premiers, et les premiers seront les derniers.»
J'ai presque toujours vu que les chrétiens qui se demandent sans cesse quelle
bénédiction le Seigneur leur donnera en récompense de leur travail ne sont
jamais contents. L'amour vrai travaille de tout son coeur
sans poser de conditions. Ne marchandons pas avec le Seigneur, mais soyons
heureux de faire tout ce qu'il nous demande.
Je suis certain que si nous nous mettons à l'oeuvre
avec un coeur plein d'amour pour ceux que nous
désirons atteindre, nous verrons toutes les barrières s'abaisser devant nous . L'amour fait naître l'amour, de même que la haine fait
naître la haine. L'amour est la clef du coeur humain.
Quelqu'un a dit: « La lumière est faite pour l'intelligence, et l'amour est
fait pour le coeur. » Commencez par gagner
l'affection de ceux que vous cherchez à atteindre; il vous sera facile ensuite
de les amener à Christ.
Je vois des enfants parmi ceux qui m'écoutent. Permettez-moi de leur raconter
une histoire. Il y avait une fois un petit garçon qui demeurait sur la lisière
d'un bois. Un jour, se croyant seul, il s'amusait à chanter quand il lui sembla
entendre la voix d'un autre enfant assez près de lui. - « Hé ! là-bas ! » s'écria-t-il. - «Hé ! là-bas ! » répondit la voix. Il ne savait
pas que c'était l'écho de sa voix, et se mit à crier: « Tu es un méchant garçon
! » Naturellement, la voix répondit: « Tu es un méchant garçon. » Après
quelques autres paroles du même genre, il rentra à la maison, et dit à sa mère
qu'il y avait un vilain enfant dans le bois. La mère, qui comprit ce dont il
s'agissait, lui dit: « Oh ! non, il n'est pas méchant.
Parle-lui gentiment, et tu verras s'il ne te répond pas de même.» Le petit
garçon retourna dans le bois et cria: « Hé ! là-bas. » - « Hé ! là-bas. » - Tu es un bon garçon. » - Inutile de dire que la voix
répondit : « Tu es un bon garçon. » - « Je t'aime bien. » Et la voix, toujours
fidèle, répondit : « Je t'aime bien. »
Je vous vois sourire ; et pourtant cette petite histoire vous donne le mot de
l'énigme. plusieurs d'entre vous, peut-être,
sont convaincus qu'ils ont des voisins fort désagréables et qu'il est
impossible d'avoir de bons rapports avec eux ; il est bien possible que les
torts soient tout autant de votre côté que du leur. Si vous aimez ceux qui
vivent près de vous, ils vous aimeront aussi. Comme je le disais tout à l'heure
: l'amour est la clef qui ouvre tous les coeurs. Il
n'y a pas au monde un seul être humain tombé si bas qu'on ne puisse l'atteindre
avec de l'amour, de la douceur et de la bonté. Il faudra peut-être des années
pour en venir à bout, mais la chose est possible. L'amour ne peut pas rester
inactif.
On a dit avec raison : « On peut dissimuler sa fortune, enfouir ses talents ;
il y a une chose qu'on ne peut ni dissimuler ni enfouir, c'est l'amour. » Il ne
se nourrit pas de lui-même, il lui faut un aliment.
Il y a quelques années, la fièvre jaune éclata dans l'une des villes de nos
Etats du Sud. Les décès étaient si nombreux que les autorités de la ville
ordonnèrent qu'on enterrât les morts rapidement, sans prendre le temps de faire
de funérailles. Une charrette allait de maison en maison prendre les morts et
les porter au cimetière. Une famille étrangère était venue depuis peu s'établir
dans cette ville. Le père fut bientôt atteint par l'épidémie, et mourut. Les
voisins avaient peur de la contagion, et personne n'osa aller dans la maison
des pauvres affligés. La mère ne tarda pas à être frappée à son tour. Avant de
mourir, elle appela son petit garçon et lui dit : « Je vais bientôt partir ;
mais quand je serai morte, le Seigneur Jésus viendra prendre soin de toi. »
Elle n'avait personne sur la terre à qui confier son fils. Peu de temps après,
elle mourut, en effet, et son corps fut porté au cimetière. Le petit garçon
suivit la charrette jusqu'au bord de la tombe, et vit la place où l'on déposa
le corps de sa mère, puis il retourna à la maison.
Mais il se sentit bien seul, et quand il commença à faire nuit, il eut peur et
ne voulut plus rester dans la maison. Il alla s'asseoir sur le seuil de la
porte et se mit à pleurer. Enfin il retourna au cimetière, il se coucha sur la
tombe de sa mère et s'endormit en pleurant.
Le lendemain matin, un monsieur qui traversait le cimetière vit l'enfant qui
pleurait. « Que fais-tu là, mon enfant? » lui dit-il. « J'attends le Seigneur
Jésus. » Le monsieur désira savoir ce que l'enfant voulait dire, et se fit
raconter son histoire. Il en fut ému, et dit au petit garçon : « Eh bien, mon
enfant, c'est moi que le Seigneur Jésus a envoyé pour prendre soin de toi. »
L'enfant leva les yeux vers lui, et répondit : «Vous avez été bien longtemps à
venir.»
Qui oserait prétendre que si nous aimions véritablement notre Maître, nous ne
réussirions pas à atteindre les masses, qui semblent maintenant hors de notre
portée ? Il n'y a pas d'ivrogne, il n'y a pas de créature coupable, il n'y a
pas d'athée à qui nous ne puissions faire du bien. Les athées ne peuvent pas
résister à la puissance de l'amour. C'est lui, et non le raisonnement, qui
renversera l'athéisme ainsi que tous les autres faux systèmes. C'est l'amour de
Christ qui brisera le coeur le plus endurci.
Je suis sûr d'une chose : quand ces coeurs endurcis
qui rejettent maintenant le Sauveur seront parfaitement convaincus que notre
amour pour eux est l'unique mobile de nos efforts, leur dureté commencera à
s'adoucir, leur volonté rebelle commencera à céder. Cette clef de l'amour les
ouvrira. Avec l'aide de Dieu, nous pourrons les faire sortir des ténèbres de ce
monde et les amener à la lumière de l'Evangile.
Jésus-Christ a donné à ses disciples un signe de ralliement. Les membres d'une
même association portent, tantôt un ruban bleu, tantôt un ruban rouge pour se
reconnaître les uns les autres; le signe que Jésus-Christ a donné à ses
disciples, c'est l'amour: «C'est à ce signe que tous connaîtront que vous êtes
mes disciples, si vous avez de l'amour les uns pour les autres. » De l'amour,
pas seulement pour les chrétiens, mais pour ceux qui sont tombés. Le bon
Samaritain eut de l'amour pour le pauvre voyageur qui était tombé entre les
mains des voleurs. Si nous savions aimer comme lui, le monde découvrirait bien
vite que nous sommes les disciples du Seigneur Jésus-Christ. Ce genre
d'argument aurait plus de puissance que tout autre pour vaincre l'incrédulité
et la révolte.
Ce que je viens de dire me rappelle ce que j'ai vu cet hiver à Londres dans une
des familles où j'ai reçu l'hospitalité. Une des jeunes filles de cette famille
sentait qu'elle ne travaillait pas pour Christ autant qu'elle l'aurait voulu,
et elle eut l'idée de faire un groupe dans une école du Dimanche. Elle a réuni
maintenant une vingtaine de jeunes garçons de treize à seize ans, l'âge le plus
difficile. Cette jeune fille chrétienne s'est dit qu'elle commencerait par
se faire aimer de tous ces jeunes garçons afin de les amener ensuite au
Sauveur. Il est touchant de voir comme elle a su gagner leurs jeunes coeurs, et je crois qu'elle les amènera tous à une vie pure
et sainte.
Si nous sommes prêts à travailler dans ce même esprit, nous sauverons la
jeunesse de notre pays; au lieu de remplir nos prisons et nos refuges, nos
jeunes gens et nos jeunes filles deviendront des membres utiles de l'Eglise de
Dieu, et seront une bénédiction pour la société.
Un de mes amis en Amérique a fondé une grande école du Dimanche. Il pensait que
les enfants qui reçoivent de mauvais exemples chez eux n'ont pas d'autre chance
de devenir meilleurs que de suivre l'école du Dimanche;
aussi prit-il la résolution de ne jamais renvoyer un élève qu'à la dernière
extrémité.
Parmi les enfants qui suivaient cette école, il se trouva un jeune garçon dont
personne ne pouvait venir à bout. Tous les moniteurs à qui il était confié
venaient l'un après l'autre trouver le directeur et lui dire : « Retirez cet
enfant de mon groupe ; il fait du mal aux autres ; il dit de vilaines choses,
et il détruit tout le bien que je pourrais faire. » Enfin mon ami crut qu'il
serait obligé de prononcer publiquement l'expulsion de cet enfant insubordonné,
et dans la réunion des moniteurs, il annonça son intention. Une jeune fille qui
ne l'avait pas encore eu dans son groupe, demanda alors la permission d'en
faire l'essai : « Je ferai tout ce que je pourrai, dit-elle, pour me faire
aimer de lui. » - Le Directeur était convaincu qu'elle perdrait bientôt
patience; néanmoins il mit l'enfant dans son groupe, selon son désir. Le petit
garçon ne tarda pas à enfreindre les règlements, et la jeune fille fut obligée
de le punir. Il en fut tellement irrité, qu'il se mit en colère, et lui cracha
au visage. Elle prit tranquillement son mouchoir et s'essuya la figure. Après
l'école, elle lui demanda de l'accompagner jusque chez elle.
« Non, répondit-il, je ne veux plus vous parler, et je ne reviendrai plus
jamais dans cette affreuse école. » Elle lui demanda, alors, s'il voulait bien
qu'elle le reconduisit chez lui. Il refusa encore. « Eh bien ! lui dit-elle, je suis très
fâchée que vous partiez, mais si vous voulez passer chez moi mardi matin, vous
trouverez un petit paquet à votre adresse. Je n'y serai pas moi-même,
mais le domestique vous le remettra de ma part. » L'enfant répondit
grossièrement « Je n'ai pas besoin de votre paquet : vous pouvez le garder. » Cependant
la jeune fille était convaincue qu'il viendrait le chercher.
En effet, quand vint le mardi matin, le petit garçon était tout-à-fait remis de
son accès de colère. Il se rendit à la maison de la jeune fille, et dès qu'il
eut sonné, un domestique lui apporta le paquet. Lorsqu'il l'ouvrit, il y trouva
une petite jaquette, une cravate, et ce qui valait encore mieux, une lettre
écrite par sa monitrice. Elle lui disait dans cette lettre, combien elle avait
prié pour lui, soir et matin, depuis qu'il était dans son groupe. Maintenant
qu'il allait la quitter, elle lui demandait de se rappeler que, tant qu'elle
vivrait, elle ne cesserait pas de prier pour lui et qu'elle espérait qu'il
deviendrait un homme de bien.
Le lendemain matin de bonne heure, le petit garçon sonnait de nouveau à la
porte de la jeune fille. On le fit entrer dans le salon, et quand sa monitrice
vint le rejoindre, elle le trouva en sanglots. Elle lui demanda avec bonté la
cause de son chagrin. « Oh ! répondit-il, je n'ai pas été heureux un seul instant
depuis que j'ai reçu votre lettre. Vous avez été si bonne pour moi, et j'ai été
si méchant. Je vous en prie, pardonnez moi. »
En finissant ce récit, mon ami, le directeur de l'école, ajouta: « Il y a
environ dix-huit cents enfants dans l'école, et il n'y a pas de meilleur élève
que ce garçon-là. »
Pourquoi ne suivrions-nous pas l'exemple de cette jeune fille ? Ah ! que chacun de nous se consacre aujourd'hui, tout de nouveau, à
Dieu et à son service.
A L'OEUVRE !
(Moody)
FOI ET COURAGE
Dans tout ce que nous
cherchons à faire pour Dieu, c'est la foi qui doit donner le ton. Je n'ai
encore jamais rencontré une seule personne qui n'eût pas été exaucée dans ses
prières quand elle était pleine de foi, et que cette foi reposait sur des bases
solides. Il va sans dire que notre foi ne peut s'appuyer que sur les promesses
et les déclarations de l'Ecriture Sainte. Aussi
,
quand nous nous réunissons pour appeler la bénédiction de Dieu sur nos amis et
sur cette ville, sommes-nous bien certains d'être exaucés.
Si l'incrédulité est un
obstacle redoutable pour l'homme inconverti, elle ne
l'est pas moins pour le chrétien. Elle le privera de bénédiction, tout autant
qu'aux jours de Jésus-Christ. L'un des évangélistes nous dit que, dans une
certaine ville, le Seigneur ne fit que peu de miracles, à cause de
l'incrédulité de ceux qui l'entouraient. S'il en était ainsi pour Jésus,
comment pouvons-nous nous attendre à accomplir de grandes choses, quand les
enfants de Dieu manquent de foi ? J'affirme que les enfants de Dieu sont seuls
capables d'entraver l'oeuvre de Dieu. Les incrédules,
les athées, les sceptiques ne peuvent y parvenir. Partout où une étroite union,
une forte foi et une ferme espérance se rencontrent chez les chrétiens, il se
fait de grandes choses.
Nous lisons dans l'épître
aux Hébreux « qu'il est impossible d'être agréable à Dieu sans la foi ; car il
faut que celui qui s'approche de Dieu croie que Dieu est, et qu'il est le
rémunérateur de ceux qui le cherchent. » Ces paroles s'adressent à nous autres
chrétiens tout autant qu'à ceux qui cherchent Dieu pour la première fois. Nous
sommes réunis aujourd'hui pour demander à Dieu de bénir ceux que nous aimons,
et de nous donner une vie nouvelle, afin que nous puissions atteindre les
masses qui sont encore en dehors de l'Evangile. Nous venons de l'entendre, Dieu
est le rémunérateur de ceux qui le cherchent. Cherchons-le donc, en cet instant
même. Ayons une grande foi, et que notre espérance soit en Dieu.
Quand j'étais enfant,
lorsque le soleil du printemps avait fait fondre les neiges sur les collines de
Dans le onzième chapitre
de l'épître aux Hébreux, l'auteur cite les uns après les autres tous les héros
fameux de l'histoire d'Israël; tous, ils avaient été des hommes de foi, et
avaient laissé le monde meilleur qu'il
ne l'avaient trouvé. Ecoutez cette description des grandes choses qu'ils
avaient accomplies : « C'est par la foi qu'ils ont conquis des royaumes, ont
exercé la justice, ont obtenu l'effet des promesses, ont fermé la gueule des
lions, ont éteint la force du feu, ont échappé au tranchant des épées, ont été
guéris de leurs maladies, ont été vaillants dans la guerre, ont mis en fuite
les armées des étrangers. Des femmes ont recouvré par la résurrection leurs
enfants morts ; d'autres ont été cruellement tourmentés, refusant d'être
délivrés, afin d'obtenir une meilleure résurrection ; d'autres ont été éprouvés
par les moqueries et les fouets; d'autres par les liens et par la prison; ils
ont été lapidés, ils ont été sciés, ils ont été mis à l'épreuve, ils sont morts
par le tranchant de l'épée, ils ont été errants çà et là, vêtus de peaux de
brebis et de peaux de chèvre, dénués de tout, affligés, maltraités, - eux dont
le monde n'était pas digne, - ils ont erré dans les déserts et dans les
montagnes, dans les cavernes et les antres de la terre. Et tous ceux là, ayant
obtenu un bon témoignage par leur foi, n'ont point reçu ce qui leur avait été
promis; Dieu ayant pourvu quelque chose de meilleur pour nous, afin qu'ils ne
parvinssent pas à la perfection sans nous. »
Aucun enfant de Dieu,
assurément, ne peut lire ces paroles sans émotion. Il est dit que «des femmes
ont recouvré par la résurrection leurs enfants morts. » Parmi ceux qui
m'écoutent il y a beaucoup de mères dont les enfants se sont égarés, et sont
devenus les esclaves du vice et des mauvaises passions. Vous êtes profondément
découragées à leur sujet; mais si vous avez foi en Dieu, ils peuvent vous être
rendus par une espèce de résurrection.. Les enfants prodigues
peuvent rentrer à la maison paternelle; les ivrognes et les femmes de mauvaise
vie peuvent être sauvés. Dans toute cette grande ville, il n'y a pas un seul
être humain, homme ou femme, quelque bas qu'il soit tombé, qu'on ne puisse
atteindre.
De nos jours, nous
devrions avoir beaucoup plus de foi qu'Abel, Enoch ou Abraham. Ils vivaient si
longtemps avant Jésus-Christ. Nous parlons de la foi des patriarches et des
prophètes, mais ils ne voyaient qu'une faible lueur, tandis que nous
contemplons la lumière resplendissante qui rayonne du Calvaire et du tombeau
vide de Jésus-Christ. Quand nous retardons en arrière, et que nous pensons à
tout ce qu'a fait Jésus-Christ; quand nous pensons à son sang répandu pour le
salut du monde, nous devrions nous mettre à l'oeuvre,
forts de sa force, et lui conquérir tous les coeurs.
Notre Dieu peut faire des choses grandes et merveilleuses.
Vous vous rappelez que le
centenier romain fit prier Jésus, de venir guérir son serviteur. Quand le
Seigneur s'approcha, le centenier lui fit dire de ne pas prendre la peine
d'entrer dans sa maison ; tout ce qu'il lui demandait était de dire une parole,
afin que le serviteur fût guéri.
L'évangéliste ajoute que
lorsque Jésus reçut le message du soldat romain, il admira sa foi. Chers amis,
croyons aujourd'hui que Dieu va faire de grandes choses au milieu de nous.
Caleb et Josué étaient
des hommes de foi. Ils furent plus utiles aux enfants d'Israël que le camp tout
entier, composé d'incrédules, et que les dix autres espions. Moïse avait envoyé
douze espions pour reconnaître le pays. Je dirai ici en passant que la foi n'a
jamais besoin d'espions. Vous me répondrez peut-être que c'était Dieu qui avait
commandé à Moïse de les envoyer; mais il nous est dit, dans le premier chapitre
du Deutéronome, que, malgré les promesses formelles de Dieu, les Israélites
eurent peur, et demandèrent à Moïse d'envoyer des espions. S'ils avaient cru en
Dieu, ils seraient entrés en possession de
A leur retour, au bout
d'un mois environ, ils firent un double rapport, - ce que nous pourrions
appeler le rapport de la majorité et celui de la minorité. Tous les douze
s'accordaient à dire que le pays était bon, mais dix d'entre eux ajoutaient : «
Nous ne saurions monter contre ce peuple, car il est plus fort que nous. Nous y
avons vu aussi des géants, des descendants de Hanak»
On croit voir ces dix espions le soir qui suivit leur arrivée : on fait cercle
autour d'eux dans le camp, on écoute leurs récits. Il est probable qu'il y
avait très peu de personnes autour de Caleb et Josué. Il semble vraiment
parfois que les hommes sont plus disposés à croire un mensonge que la vérité.
Voyez ces Israélites incrédules ; ils écoutent avidement ce que raconte un des
dix espions : - « Croiriez-vous, dit celui-ci, que j'étais obligé de lever la
tête pour regarder ces hommes en face ; ils font trembler la terre en marchant.
Auprès de ces géants, nous ne paraissions que comme des sauterelles, les villes
sont fortifiées de murs qui vont jusqu'au ciel. Nous ne saurions prendre ce
pays. »
Mais Caleb et Josué
tenaient un tout autre langage. A leurs yeux, c'étaient les géants qui
n'étaient que comme des sauterelles. Ces hommes de foi se rappelaient comment Dieu
les avait délivrés de la main de Pharaon et leur avait fait traverser la mer
Rouge ; comment il les avait nourris dans le désert avec le pain du ciel, leur
donnant à boire de l'eau du rocher. Pourvu que Dieu marchât avec eux, ils
n'avaient qu'à monter hardiment et à prendre possession de ce pays-là. C'est
pourquoi ils disaient au peuple : « Certainement nous serons les plus forts. »
Que voyons-nous aujourd'hui dans l'Eglise de Dieu ? Dix personnes environ sur
douze, parmi celles qui font profession de croire en Jésus-Christ, s'arrêtent à
considérer les géants, les murs, les difficultés de tout genre qui se trouvent
sur le chemin. « Nous ne saurions accomplir une oeuvre
pareille, disent-elles ; peut-être pourrions-nous en venir à bout s'il n'y
avait pas tant de cabarets, tant d'ivrognerie, tant de matérialisme, tant
d'opposition de toute sorte. »
Ne nous laissons pas
décourager par ces hommes de petite foi. Si nous croyons en Dieu, nous saurons
bien monter hardiment, et prendre possession du pays au nom de Jésus-Christ.
Dieu prend toujours plaisir à honorer la foi de ses enfants.
Cette bénédiction que
nous attendons, nous sera peut-être accordée en réponse aux prières de quelque
malade, de quelque infirme, incapable de jamais assister à l'une de nos
réunions. Au jour où l'oeuvre de chacun sera
manifestée, nous apprendrons peut-être que nous devons nos plus grandes
bénédictions à la foi simple et confiante de quelque chrétien ignoré.
L'histoire de Caleb et de
Josué nous apprend aussi que la foi est toujours accompagnée de courage. A
toutes les époques, ceux qui ont fait de grandes choses pour Dieu, ont été des
hommes de courage. Si nous sommes remplis de foi, il n'y aura plus place dans
notre coeur pour des sentiments de crainte. Les
chrétiens d'aujourd'hui s'attendent si peu à ce que Dieu se serve d'eux, qu'ils
ont peur de tout. Ce qu'il nous faut, c'est le courage qui nous pousse en
avant. Il est vrai que nous attirerons peut-être ainsi sur nous le blâme des
chrétiens tièdes. Il ne manque pas de gens qui semblent n'avoir rien d'autre à
faire qu'à critiquer tout ce que font les autres.- « Vous ne vous y prenez pas
comme il faut, disent-ils. » Dès qu'ils entendent parler d'un nouveau projet,
ils soulèvent des masses d'objections. S'ils voient qu'on veut marcher en
avant, ils s'empressent de jeter un seau d'eau froide sur cet excès de zèle, -
ils ne songent qu'aux difficultés qui peuvent surgir sur la route. Ce qu'il
nous faut, c'est assez de foi, assez de courage pour aller résolument en avant
sans nous laisser attarder par ces timides incrédules.
Quand Asa, roi de Juda,
monta sur le trône, il voulut faire, nous dit le livre des Chroniques, « ce qui
est bon et droit devant l'Eternel, son Dieu ; » mais ce n'était pas facile, et
il lui fallut pour cela un grand courage. Il dut résister à sa mère et lui ôter
la régence parce qu'elle avait encouragé l'idolâtrie. Il mit en pièces l'idole
qu'elle avait faite et la brûla.
Il y a des jours où nous
sommes obligés de résister à ceux qui devraient être nos meilleurs amis.
L'heure n'est-elle pas venue pour nous de nous avancer en pleine eau? Il ne
m'est jamais arrivé de voir quelqu'un s'en aller par les rues et par les
chemins, et le long des haies, afin de presser d'entrer dans la maison du Père
céleste tous ceux qu'il trouverait, sans que le Seigneur ait béni ces efforts.
Si vous avez le courage d'aller droit à votre voisin et de lui parler de son
âme, Dieu bénira vos paroles. Peut-être la personne à qui vous parlerez
commencera-t-elle par se fâcher, mais ce n'est pas toujours un mauvais signe.
Qui sait si dès le lendemain elle ne vous écrira pas pour vous faire ses
excuses. En tout cas, il vaut mieux la réveiller ainsi que de la laisser
sommeiller jusqu'au jour de la mort.
Remarquez la manière dont
Dieu s'y prit quand il voulut délivrer Israël de la main des Madianites par l'entremise de Gédéon. Gédéon avait réuni
autour de lui une armée de trente-deux mille hommes. Il les avait sans doute
comptés, et quand il sut que l'armée des Madianites
était forte de cent trente-cinq mille hommes, il dut se dire : « Mon armée est
trop petite ; j'ai peur de ne pas réussir. » Tout autre fut la pensée du
Seigneur. « Le peuple qui est avec toi, lui dit-il, est en trop grand nombre. »
Puis il lui ordonna de permettre à tous ceux qui étaient timides ou qui avaient
peur, de retourner chez eux auprès de leurs femmes et de leurs mères. Dès que
Gédéon eut fait connaître cet ordre de l'Eternel, vingt-deux mille hommes
quittèrent l'armée. Il est probable qu'à cette vue Gédéon dut se dire que l'Eternel
s'était trompé. Si tout à coup les deux tiers de cette assemblée se levaient
pour sortir, vous seriez portés à croire qu'il ne resterait bientôt plus
personne dans la salle.
Mais que dit l'Eternel à
Gédéon ? - « Il y a encore trop de peuple; fais-les descendre vers l'eau et je
te les choisirai là. Tous ceux qui prendront de l'eau dans leur main pour se
désaltérer resteront avec toi ; ceux au contraire qui se courberont pour boire
l'eau du torrent, s'en iront chez eux. » Cette fois, neuf mille sept cents
hommes retournèrent chez eux, et Gédéon resta seul avec trois cents hommes;
mais cette poignée d'hommes, dont le coeur battait
loyalement pour le Dieu des cieux et qui étaient prêts à marcher en avant en
son nom, valaient plus que tous les autres qui semaient autour d'eux les germes
du mécontentement et prédisaient la défaite. Rien n'est mieux fait pour
décourager une armée, rien n'est mieux fait pour décourager une Eglise que
d'avoir dans son sein des gens qui s'attendent toujours à des désastres et répètent
sans cesse : Vous vous donnez une peine inutile ; nous n'approuvons pas ces
efforts.
Il serait heureux pour
l'Eglise de Dieu si tous les esprits timorés, si tous ceux qui manquent de foi
retournaient chez eux, afin de permettre à ceux qui sont pleins de foi et de
courage de marcher en avant contre l'ennemi. Cette petite troupe de trois cents
hommes qui resta avec Gédéon mit en déroute les Madianites ; mais ce ne fut pas par sa propre force, ce fut
par « l'épée de l'Eternel et de Gédéon. » Si nous marchons en avant, au nom du
Seigneur et nous confiant en sa force, nous réussirons certainement.
Avant de quitter la
terre, Moïse fit tout ce qu'il put pour encourager Josué, pour le fortifier et
pour le réjouir. Il n'y avait pas trace de jalousie dans le coeur
de Moïse quoiqu'il ne lui fût pas permis d'entrer dans
Or, il arriva quelque
temps après que Josué se trouvait près des murs de Jéricho, et il vit un homme
qui se tenait debout devant lui, son épée nue à la main. Josué n'eut pas peur,
mais il alla vers lui et lui dit : « Es-tu des nôtres, ou de nos ennemis ? » Il
fut récompensé de son courage, car l'homme lui répondit : « Je suis le chef de
l'armée de l'Eternel. » Il avait été envoyé à Josué pour l'encourager et le
mener à la victoire.
C'est ainsi qu'on voit,
d'un bout à l'autre des Ecritures, que Dieu aime à se servir des hommes
courageux, et non pas de ceux qui s'attendent à la défaite.
Une autre chose encore :
jamais, à ma connaissance, rien de grand n'a été fait pour le service de Dieu
par un homme découragé. Qu'un pasteur monte en chaire accablé par le découragement,
son état d'esprit se communiquera à son auditoire. De même pour un moniteur de
l'Ecole du Dimanche. Quelle que soit notre sphère d'activité, il nous sera
impossible de réussir si nous nous laissons aller au découragement. Dieu ne se
servira pas de nous.
Un pasteur m'a raconté
qu'il avait prêché pendant bien des années sans obtenir aucun résultat. Chaque
fois qu'il partait pour l'Eglise, il disait à sa femme: « Je suis sûr que
personne ne croira ce que je dis ; » et en effet, sa parole restait stérile.
Enfin il reconnut son erreur; il demanda à Dieu de lui aider, il reprit
courage, et la bénédiction lui fut accordée. « Il vous sera fait selon votre
foi. » Ce pasteur s'était attendu à ne rien recevoir, et il n'avait pas été
trompé dans son attente. Chers amis, attendons-nous à ce que Dieu nous emploie
à son service. Prenons courage et marchons en avant, comptant sur Dieu pour
accomplir de grandes choses.
Elie sur le Mont Carmel
était un homme bien différent de ce qu'il fut au désert quand, en proie au
découragement, il se laissa tomber sous un genêt. Dans le premier cas, c'était
un géant, et rien ne pouvait lui résister. Dans le second, il avait perdu toute
force morale, et tremblait en pensant au message da la reine Jésabel. Il désirait que Dieu reprit
son âme, et il ne pouvait plus rien faire pour Dieu. Il fallut que le Seigneur
eût pitié de lui, et lui parlât : « Que fais-tu ici, Elie? » lui dit-il. Je
voudrais que Dieu parlât ainsi à tant de gens qui ne sont chrétiens que de nom,
qui ne vivent jamais en communion avec lui, et qui ne font
rien pour sa cause.
Pierre aussi, lorsqu'il
renia son maître, était un tout autre homme que le jour de
Mais Pierre fut
réhabilité. Voyez-le le jour de
Dieu se servit
puissamment de Pierre le jour de
Il y a quelques années,
j'ai traversé une période de découragement qui dura plusieurs semaines. Un
certain Dimanche, entre autres, il me sembla, après avoir prêché, que mes
efforts resteraient sans résultat. Le lendemain, j'étais très abattu, et je
passai la matinée dans mon cabinet, plongé dans de tristes réflexions et
méditant sur mon manque de succès. Une visite vint interrompre le cours de mes
pensées. C'était celle d'un jeune homme qui faisait une classe biblique pour
une centaine d'adultes, dans l'école du Dimanche que je dirigeais. Dès qu'il
entra, je vis sur sa physionomie comme un reflet céleste, tandis que moi, je me
traînais dans les bas-fonds de la terre.
- « Eh bien ! me dit-il, avez-vous été
content de votre journée d'hier ? »
- « Pas du tout,
répondis-je ; je sens que je n'ai pas obtenu le moindre résultat,et je
suis tout-à-fait abattu. Et vous, êtes-vous content de votre journée? » - « Je
crois bien ! Je n'ai jamais eu un meilleur Dimanche.» - « Quel sujet aviez-vous
pris? » - « J'avais à étudier la vie et le caractère de Noé. Avez-vous jamais
prêché sur Noé ? Avez vous étudié à fond son histoire
? » - « Mais non ; je ne crois pas en avoir jamais fait une étude particulière.
» Il me semblait que je savais assez bien tout ce qui est dit de lui dans
Quand le jeune homme fut
parti, je pris ma Bible et quelques autres livres, et je me mis à lire tout ce
que je pus trouver sur Noé. Il n'y avait pas longtemps que je lisais quand la
pensée me vint: Voici un homme qui avait travaillé pendant cent vingt ans, sans
obtenir une seule conversion en dehors de sa famille. Et cependant, il ne s'est
pas découragé. Je fermai ma Bible ; le nuage s'était dissipé, et je sortis pour
me rendre à une réunion de prières qui avait lieu à midi. A peine étais-je
entré qu'un pasteur se leva pour nous dire qu'il arrivait d'une petite ville de
l'Illinois, et que la veille il avait admis cent nouveaux membres dans
l'Eglise. En l'écoutant, je me disais : Noé n'a jamais vu de résultats
comparables à ceux-là. Que n'aurait-il pas donné pour entendre une nouvelle
semblable ?
Quelques instants après,
un homme qui était assis immédiatement derrière moi se leva à son tour. Il
s'appuyait sur mon banc et je le sentais trembler. Je devinai son émotion. « Je
voudrais, dit-il, qu'on priât pour moi. Je voudrais devenir chrétien. » Cette
fois encore, je rentrai en moi-même et je me dis : Que n'eût pas donné Noé pour
entendre une parole de repentir comme celle-là ! Jamais il n'entendit un seul
pécheur implorer la miséricorde de Dieu, et pourtant il ne perdit pas courage.
Depuis ce jour, je ne me suis plus laissé aller au découragement. Demandons à
Dieu de dissiper les sombres nuages de l'incrédulité et du doute, et
avançons-nous pleins de courage, au nom de notre Dieu, en comptant sur un
résultat certain.
Admettant même que vous
ne puissiez vous occuper activement d'aucune oeuvre,
vous pouvez du moins vous rendre très utile en encourageant les autres. Il ne
manque pas de gens qui, non contents de ne rien faire eux-mêmes, cherchent à
décourager les autres à chaque pas qu'ils font. Si vous les rencontrez, ils vous glacent de part en
part. Je crois que j'aimerais autant m'exposer au vent glacial du mois de mars
dans les rues d'Édimbourg, que d'entrer en rapport avec ces soi-disant
chrétiens. Ecoutez-les parler de quelque nouvel effort qu'on vient de faire : «
Oui, sans doute, on a dû faire du bien, mais on n'a pas atteint les masses. »
On aurait dû faire telle eu telle chose de telle ou telle manière, et que
sais-je encore? Ces sévères critiques ne veulent voir que le mauvais côté des
choses.
Ne faisons pas attention
à ces sombres pronostics et à ces remarques décourageantes. Au nom de notre
grand Commandant, marchons au combat et à la victoire. Il y a des généraux dont
le nom seul vaut plus qu'une armée de dix mille hommes. Pendant la grande
guerre civile d'Amérique, il y avait des officiers dont la présence, faisait
éclater des hourrahs enthousiastes sur toute la ligne. Les soldats savaient
bien qui allait les conduire, et ils étaient sûrs de la victoire. Ils aimaient
à combattre sous de tels généraux. Fortifions-nous dans le Seigneur,
encourageons-nous les uns les autres, et notre travail sera abondamment béni.
Le livre des Chroniques
nous raconte que Joab, général de l'armée de David, encourageait beaucoup sen
frère qui lui aidait à faire la guerre.
« Sois vaillant, lui
disait-il, et combattons vaillamment pour notre peuple et peur les villes de
notre Dieu; et que l'Éternel fasse ce qu'il lui semblera bon. » Soyons animés
du même esprit, et le Seigneur nous fera triompher de nos ennemis. Si nous ne
pouvons pas être dans la mêlée nous-mêmes, du moins ne décourageons pas les
autres. Un chef écossais du clan Mac Gregor tomba grièvement blessé à la
bataille de Sheriff-Muir. A cette vue, le clan
faiblit, et l'ennemi prit de l'avantage sur lui. Le vieux chef s'en aperçut. Se
soulevant sur son coude, tandis que le sang coulait à flots de ses blessures,
il s'écria: Je ne suis pas encore mort, mes enfants. Je vous regarde faire
votre devoir. Cette parole ranima leur courage, et ils se précipitèrent en
avant avec une énergie presque surhumaine. De même, quand notre foi faiblit et
que notre coeur se sent prêt à défaillir, écoutons la
voix du Capitaine de notre salut: « Voici, je suis tous les jours avec vous
jusqu'à la fin du monde, nous dit-il ; je ne te laisserai point et ne
t'abandonnerai point. Sois fidèle jusqu'à la mort et je te donnerai la couronne
de vie. »
Un de mes amis d'Amérique
m'a raconté dernièrement qu'un évangéliste était venu le trouver pour lui confier
sa peine. Tout allait de travers et il était tout à fait découragé. - « Le
résultat final de toutes choses vous cause-t-il aucun doute? lui demanda mon ami.
Croyez-vous que Jésus-Christ réussisse à fonder son royaume, et à établir sa
puissance d'un bout de la terre à l'autre, ou croyez-vous qu'il échouera dans
cette entreprise ? » L'évangéliste répondit naturellement que le triomphe de
Christ était certain, mais il n'avait jamais envisagé la question sous cet
aspect. Le meilleur remède contre le découragement, c'est de regarder l'avenir
en se rappelant les promesses de Dieu. Mes chers amis, Jésus-Christ régnera
certainement. Hâtons-nous de faire l'oeuvre qu'il
nous a confiée. Si nous sommes enveloppés par les nuages, rappelons-nous que le
soleil brille ailleurs. Si nous ne réussissons pas aussi bien que nous le
voudrions, d'autres, peut-être, sont plus heureux que nous.
Voyez comme notre tâche
est plus facile que celle des premiers chrétiens. Songez à tous les obstacles
qui se dressaient devant eux. Que de fois ils eurent à sceller de leur sang
leur témoignage ! Le jour de
Songez aux épaisses
ténèbres qui entouraient Luther en Allemagne, - aux difficultés qui
assaillaient John Knox en Ecosse. Cependant, ces deux hommes ont
travaillé pour Dieu au milieu de leurs contemporains et ils ont accompli une oeuvre grande et durable ; aujourd'hui encore nous récoltons
les fruits de leur travail fidèle. Songez à l'obscurité qui enveloppait
l'Angleterre au temps de Wesley et de Whitefield, et
voyez comme Dieu a béni leurs efforts. Pourtant ils avaient à lutter contre des
obstacles qui n'existent plus aujourd'hui. Ils ont marché résolument en avant
leur grand coeur plein de courage, et Dieu leur a
donné le succès.
Je crois que si nos
pères, qui vivaient au siècle dernier, pouvaient revenir sur la terre, ils
seraient étonnés de voir toutes les facilités qui nous sont accordées
aujourd'hui. Nous avons beaucoup de privilèges qu'ils ne possédaient pas, et
dont ils n'avaient probablement aucune idée. Nous vivons à une grande et
glorieuse époque. John Wesley mit des mois à traverser l'Atlantique; nous
faisons maintenant cette traversée en quelques jours. Pensez aussi à la
puissance que donne de nos jours l'imprimerie. Nous pouvons imprimer nos écrits
et les répandre jusqu'aux extrémités du monde. Puis nous avons le télégraphe
électrique, et les chemins de fer qui nous transportent rapidement dans les
endroits où nous désirons prêcher l'Évangile. N'ai-je pas raison de dire que
nous vivons à une glorieuse époque? Ne nous décourageons donc pas, mais mettons
à profit tous ces privilèges, et honorons notre Dieu en comptant sur de grands
résultats. Si nous y comptons, nous ne serons pas désappointés. Dieu est tout
prêt, tout disposé à agir en nous et par nous, si de notre côté, nous sommes
disposés à le laisser faire, et à lui servir d'instruments.
Peut-être quelques-uns
d'entre nous sont-ils faibles et âgés, et vous vous dites en m'écoutant: «Comme
je voudrais redevenir jeune ! J'aimerais à me lancer au plus fort de la mêlée.»
Mais il y a des choses que les personnes âgées peuvent faire aussi bien que les
jeunes. Vous pouvez aller de maison en maison afin d'inviter à ces réunions
toutes les personnes que vous rencontrerez. Il y a beaucoup de place dans cette
grande salle. L'Évangile y sera prêché, et bien des hommes, qui ne mettent
jamais les pieds dans un lieu de culte, consentiraient à venir ici.
Et si vous ne pouvez même
pas faire ces invitations, vous pouvez tout au moins encourager par de bonnes
paroles ceux qui travaillent, et demander à Dieu de les bénir. Il m'est arrivé
bien des fois, en descendant de chaire, de voir un vieillard, arrivé aux
confins mêmes de l'éternité, s'approcher de moi, me serrer la main, et me dire
d'une voix émue : « Que le Seigneur vous bénisse! » - Comme ces paroles m'ont
fait du bien et m'ont encouragé. Vous qui êtes trop faibles maintenant pour
travailler vous-mêmes, ne négligez pas d'encourager les jeunes.
Une autre chose que vous
pouvez faire, c'est de demander à Dieu de bénir toutes les paroles qui seront
prononcées, tous les efforts qui seront faits. Il devient facile de prêcher
quand on sent qu'il y a des âmes qui prient pour vous et sympathisent avec vous
au lieu de critiquer et de trouver à redire.
Vous connaissez, je
pense, l'histoire de cet enfant qui fut sauvé d'un incendie. Il était au
quatrième étage d'une maison, les flammes l'enveloppaient et il courut à la
fenêtre en criant au secours. Un pompier s'élança aussitôt sur l'échelle pour
essayer de le sauver. Malheureusement, le vent soufflait et chassait les
flammes de son côté, tellement que la chaleur devint intolérable; il parut
hésiter, et l'on put craindre qu'il revint sans l'enfant. Des
milliers de spectateurs le regardaient, et leur coeur
frémissait à la pensée que l'enfant allait périr dans les flammes si le pompier
n'arrivait pas jusqu'à lui. Tout à coup, quelqu'un dans la foule s'écria «
Encouragez-le ! » Aussitôt un « hourrah » formidable, suivi de plusieurs
autres, s'échappa de toutes les poitrines. « Courage ! En avant ! » Electrisé
par ces cris, le brave pompier reprit courage ; il affronta les flammes et la
fumée, et il revint avec l'enfant dans ses bras.
Si vous ne pouvez pas
aller vous-même à la recherche de ceux qui périssent, priez du moins pour ceux
qui y vont, et encouragez-les. Si vous le faites, le Seigneur vous exaucera et
bénira efforts.
Chacun a aidé à son
prochain, et a dit à son frère : Fortifie-toi. »
A L'OEUVRE !
(Moody)
« Or, un jour que Jésus
enseignait, et que des Pharisiens et des docteurs de la loi, qui étaient venus de
tous les bourgs de
Les trois évangélistes,
Mathieu, Marc et Luc, nous racontent cette histoire. J'ai remarqué que quand le
même miracle est rapporté par deux ou trois des auteurs évangéliques, c'est
toujours pour faire ressortir quelque vérité importante. Il me semble que ce
que le Seigneur veut nous enseigner ici, c'est la manière dont il honore la foi
des quatre hommes qui lui avaient amené ce paralytique pour qu'il le guérit. On ne nous parle pas de
la foi du paralytique lui-même. Ce fut en voyant leur foi que Jésus exerça sa
puissance et guérit le malade. (Plusieurs commentateurs sont d'avis qu'en
parlant de « leur foi, » l'évangéliste n'a pas entendu exclure celle du
paralytique lui-même. Calvin, par exemple s'exprime ainsi « Christ n'a pas
tellement regardé ceux qui portoyent le paralytique
qu'il n'ait aussi eu esgard à la foy
d'iceluy. » Trad.)
Je voudrais dire
maintenant à tous ceux qui travaillent pour Christ que si le Seigneur voit que
nous comptons sur sa bénédiction, il honorera notre foi, et sauvera ceux que
nous lui amènerons. Il n'a encore jamais trompé l'attente de ses enfants. Vous
ne trouverez pas dans
L'Evangile nous raconte
qu'il régnait à ce moment-là une grande agitation dans la ville de Capernaüm. Quelques semaines auparavant, le Sauveur avait
été chassé de la ville de Nazareth, où il avait été élevé. Il était descendu à Capernaüm, et tout le peuple avait été étonné de sa
doctrine. Son étoile se levait à l'Orient, et sa réputation commençait à se
répandre dans tout le pays d'alentour. La belle-mère de Pierre avait été guérie
par une simple parole. Le serviteur d'un officier de l'armée romaine avait été
relevé d'un lit de maladie, et le Sauveur avait accompli plusieurs autres miracles
remarquables. On venait à Capernaüm de toutes les
villes de
La voix de Jean-Baptiste,
proclamant la venue d'un prophète dont il n'était pas digne de délier la
courroie des souliers, avait retenti d'une extrémité à l'autre du pays.
Jean-Baptiste l'annonçait encore, que déjà le prophète lui-même apparaissait
dans le nord de
Les Pharisiens et les
docteurs de la loi étaient venus à Capernaüm pour
examiner de plus près les récits qui circulaient. Ils entouraient le jeune
docteur afin d'entendre ses enseignements, et la foule envahissait la maison où
ils étaient réunis. Il est probable que la plupart de ces sages croyaient à
peine un mot de ce que disait Jésus ; mais il y en avait peut-être aussi
quelques-uns dont le coeur s'ouvrait à sa parole. Qui
sait si Nicodème et Joseph d'Arimathée n'étaient pas
là. En tout cas, ils ne s'étaient pas encore déclarés publiquement disciples de
Jésus.
« La puissance du
Seigneur, nous dit l'évangéliste, agissait pour guérir les malades ; » il
n'ajoute pas, cependant, que tous les malades fussent guéris. Il en est de même
très souvent aujourd'hui.
La puissance du Seigneur
peut agir dans ces assemblées pour guérir ceux qui souffrent ; cependant, bien
des âmes s'en iront, se demandant ce que tout cela veut dire, et sans avoir été
guéris de leurs maladies spirituelles. Ce qu'il nous faut, c'est de sentir la
puissance du Seigneur au milieu de nous.
Il y a quelque temps, un
individu entra dans une de nos réunions à Londres. Il se trouva placé dans une
partie de la salle d'où il ne pouvait rien entendre distinctement. Il
n'entendit même pas le chapitre de
Ces quatre porteurs se
rendirent plus utiles que tous ces Pharisiens et tous ces docteurs de la loi,
qui étaient venus uniquement pour regarder et pour
critiquer. Je ne sais pas qui ils étaient, mais je les ai toujours beaucoup
admirés.
Peut-être l'un d'eux
avait-il été aveugle, et le Seigneur lui avait-il rendu la vue. Peut-être un
autre avait-il été infirme dès sa naissance, et quand Jésus lui eut rendu
l'usage de ses membres, il se sentit pressé de les employer à amener au
Seigneur quelque autre malade pour qu'il le guérit. Le troisième avait
peut-être été lépreux; il connaissait le pauvre paralytique, et voulait qu'il
eût part, lui aussi, aux grâces du Seigneur. Quant au quatrième, il avait
peut-être été sourd-muet, et il voulait maintenant mettre ses nouvelles
facultés au service des autres. Après avoir été ainsi les objets de la
miséricorde du Seigneur, ces quatre hommes s'étaient dit:
« Il faut amener à Jésus notre pauvre voisin paralysé. » Le paralytique leur
avait peut-être répondu qu'il ne croyait pas que Jésus pût le guérir ; mais ces
quatre amis lui avaient raconté comment il les avait délivrés de leurs
infirmités. S'il avait pu les guérir, pourquoi ne guérirait-il pas aussi un
paralytique ?
Il me semble que rien ne
doit être plus propre à réveiller la conscience d'un homme que de voir
plusieurs personnes s'intéresser à lui. Les missionnaires ou les évangélistes
ont souvent peur d'aller sur les brisées les uns des autres. Pour ma part, je
serais très heureux que chaque famille du quartier reçût une quarantaine
d'invitations pour chacune de nos réunions.
On m'a parlé dernièrement
d'un homme qui ne croit ni à Dieu, ni à
La journée n'était pas
achevée qu'un troisième billet lui fut offert. Cette fois, il ne se fâcha pas,
sa conscience commençait à s'éveiller, il se contenta de refuser le billet.
Enfin, il sortit pour faire une emplette. Le marchand glissa un des billets
d'invitation dans le paquet, et quand l'acheteur fut rentré chez lui, quelle ne
fut pas sa surprise en trouvant le malencontreux papier. C'en était trop.
Frappé d'une telle persistance, il alla, non à notre réunion, mais dans une
église voisine, et je crois qu'il est maintenant sur la voie du salut.
Si une première tentative
ne réussit pas auprès de la personne que vous désirez amener au Sauveur,
faites-en une autre, et encore une autre; recommencez, jour après jour. C'est
une grande chose que de sauver un homme, de lui aider à sortir de l'abîme où il
s'enfonce, et à poser ses pieds sur le roc, de lui apprendre à chanter le
cantique de la délivrance. Rien ne contribuera plus à réveiller la conscience
d'un homme que de voir l'intérêt sincère que lui portent ses amis. Si vous n'y
parvenez pas tout seul, faites-vous aider par d'autres.
Ces quatre hommes
rencontrèrent un obstacle sur leur route. L'entrée de la maison était encombrée
par la foule, et il était impossible de pénétrer jusqu'au Maître. Peut-être
demandèrent-ils à quelques personnes de s'écarter ; mais non, personne ne
voulait bouger. On ne se souciait pas de se déranger pour un malade. - Il ne
manque pas de gens qui ne veulent pas entrer eux-mêmes dans le royaume de Dieu,
et qui jettent des obstacles devant ceux qui voudraient y parvenir. Après avoir
fait de vains efforts pour franchir la porte, les quatre porteurs se mirent
sans doute à la recherche d'un autre moyen. Si certains d'entre nous avaient
été à leur place, il est probable que nous aurions été tout-à-fait découragés,
et que nous aurions ramené le paralytique chez lui.
Ces hommes avaient non
seulement une grande foi, mais une grande persévérance. Ils sont résolus à
amener leur ami à Jésus. S'ils ne peuvent pas passer par la porte, eh bien, ils
trouveront moyen de passer par le toit ! « Vous avez du zèle sans connaissance,
» dit-on souvent d'un ton de reproche. J'avoue que j'aime bien mieux cela que
de la connaissance sans zèle. Voyez les efforts de ces quatre porteurs pour
hisser leur fardeau jusque sur le toit. Si vous
avez
jamais essayé de porter un blessé dans un escalier, vous comprendrez que la
besogne n'était pas facile ; mais ces quatre hommes n'étaient pas d'humeur à
reculer ; les voilà enfin sur le toit.
Il s'agit maintenant de
faire descendre le paralytique dans l'intérieur de la maison. Ils commencent à
enlever quelques tuiles. Je crois voir tous ces savants et tous ces docteurs
lever la tête, et se dire les uns aux autres : Quelle étrange manière de faire
! Nous n'avons jamais vu entrer dans une maison par le toit. Ce n'est pas dans
l'ordre. Ces hommes se laissent emporter par le fanatisme. Voyez quel trou ils
ont fait !
Mais la résolution de ces
hommes est bien ferme; rien ne saurait les en détourner. Ils font descendre, au
milieu de la chambre, la couverture sur laquelle était étendu le paralytique,
et déposent leur ami aux pieds de Jésus. Quelle bonne place ils avaient
choisie, n'est-il pas vrai ! Si vous avez un fils incrédule, un mari sceptique,
ou tout autre membre de votre famille, qui se moque de
« Quand Jésus vit leur
foi, » dit le récit de l'Évangile. Je pense que ces hommes se penchaient sur le
bord de l'ouverture du toit pour voir ce qui allait se passer; Jésus-Christ les
regarda, et quand il vit leur foi il dit au paralytique : « Prends courage, mon
fils, tes péchés te sont pardonnés. » C'était plus qu'ils n'avaient demandé ;
ils n'avaient pensé qu'à la guérison de son corps. Amenons aussi nos amis à Jésus,
et nous recevrons plus que nous n'aurons demandé. Le Seigneur a commencé par
accorder au paralytique le don qui lui était le plus nécessaire. Il est très
possible que sa paralysie eût été occasionnée par ses péchés, et que pour ce
motif, le Seigneur ait commencé par lui pardonner ses péchés.
Les Pharisiens se mettent
à raisonner en eux-mêmes. « Qui est celui-ci qui pardonne les péchés ? » Le
Maître pouvait lire leurs pensées aussi facilement que nous pouvons lire un
livre. - « Lequel est le plus aisé, leur répond-il, de dire : Tes péchés te
sont pardonnés ; ou de dire : Lève-toi et marche? Or, afin que vous sachiez que
le Fils de l'homme a sur la terre l'autorité de pardonner les péchés:
Lève-toi, dit-il au paralytique, je te le dis, emporte ton lit et t'en va à ta
maison. » Aussitôt le paralytique s'élança sur ses pieds, tout à fait guéri. Il
roula sa couverture, la jeta par-dessus ses épaules, et s'en alla chez lui.
Soyez sûrs que tous les sages et tous les philosophes qui n'avaient pas voulu
se déranger pour le laisser entrer, se dépêchèrent de lui faire place pour le
laisser sortir. Il n'eut pas besoin de s'en aller par le toit ; il passa par la
porte.
Mes chers amis, ayons
confiance pour ceux que nous amenons à Christ. Croyons pour eux s'ils ne veulent
pas croire pour eux-mêmes. Parmi ceux qui m'écoutent, il y en a peut-être qui
ne croient ni à
S'il se trouve parmi nous
un homme inconverti, Dieu a la puissance de le sauver
de ses péchés aujourd'hui même. Si vous avez le désir d'être converti, venez
droit au Maître, comme le lépreux d'autrefois. « Seigneur, lui dit-il, si tu le
veux, tu peux me nettoyer. » Jésus honora sa foi, et lui dit : « Je le veux, sois
nettoyé. » Remarquez bien, - cet homme avait mis le si où il fallait: « Si tu
le veux. » Il ne doutait pas de la puissance du Fils de Dieu. Le père qui avait
amené son fils à Jésus, avait dit: « Si tu y peux quelque chose, aie compassion
de nous. » Le Seigneur le plaça immédiatement sur le terrain de la vérité, en
lui disant , « Si tu le peux croire,
toutes choses sont possibles à celui qui croit. » Ô mère ! peux-tu croire que Dieu sauvera ton fils ? Si tu le
peux, le Seigneur prononcera la parole de délivrance ; il te sera fait selon ta
foi.
Il nous est bon de nous
placer aux pieds du Maître, et d'y rester. Quand la pauvre femme, chez qui
avait logé le prophète Elisée, vint lui demander de rendre la vie à son fils,
le prophète dit à son serviteur de partir aussitôt et d'aller mettre son bâton
sur le visage de l'enfant. Mais la mère ne voulait pas quitter le prophète; ce
n'était pas assez qu'il envoyât son serviteur ni qu'il fit mettre son bâton sur
le visage de l'enfant; il lui fallait le maître lui-même. Alors Elisée partit
avec elle, et ce fut très heureux, car le serviteur n'avait pas pu ressusciter
l'enfant.
A nous aussi, il faut
plus que le bâton du prophète, plus que le serviteur. Nous avons besoin d'aller
au-delà,jusqu'au coeur
du Maître lui-même. Amenons-lui nos amis paralysés. Il est dit de Jésus que,
dans une certaine ville, il ne put faire que peu de miracles à cause de leur
incrédulité. Demandons-lui de nous délivrer de cette malheureuse incrédulité,
qui empêche la bénédiction de Dieu de descendre sur nous et qui empêche aussi
d'être sauvés ceux qui souffrent de la paralysie du péché.
A L'OEUVRE !
(Moody)
L'ENTHOUSIASME
« Réveille-toi, toi qui
dors, et te relève d'entre les morts, et Christ t'éclairera.» Je désire
appliquer ces paroles aux enfants de Dieu. Le monde se perd, et il ne sera
sauvé par l'Evangile du Fils de Dieu que si les chrétiens se donnent plus de
peine pour le lui porter. Quand, secouant notre torpeur, nous irons travailler
dans la vigne de notre Père céleste, alors ceux qui vivent dans le mal tout
autour de nous, entendront parler du salut, mais pas autrement. C'est très bien
de former des comités et de rechercher le meilleure manière
d'atteindre les masses, mais quand vous aurez fini de discuter, il faudra
recourir de nouveau aux efforts personnels. Quiconque aime le Seigneur
Jésus-Christ doit se rendre compte de ce fait qu'il a une mission à remplir
dans le monde, qu'il a une part dans cette grande oeuvre
du salut.
On peut parler en
dormant, et il me semble que nous en voyons souvent des exemples parmi les
ouvriers du Seigneur. On peut même prêcher en dormant. Un de mes amis a
prononcé une fois tout un sermon pendant son sommeil. Sa femme lui raconta le
lendemain tout ce qu'il avait dit, et le Dimanche suivant, dans son église, il
prêcha le même sermon d'un bout à l'autre. Il l'a fait imprimer, et c'est un
très bon sermon. On peut donc, non seulement parler, mais prêcher, pendant son
sommeil. Il y a bien des prédicateurs aujourd'hui qui sont profondément
endormis.
Mais il est une chose,
cependant, qu'il faut se garder d'oublier : on ne peut pas travailler en
dormant. Il n'y a pas de meilleur moyen de réveiller une Église que de la
mettre à l'oeuvre. En se réveillant soi-même, on
réveille les autres. Il va sans dire que dès que nous déclarerons la guerre au
monde, au péché, au diable, les sages du siècle hocheront la tête, et
s'écrieront: «Votre zèle est sans connaissance.» Depuis que je suis entré dans
la vie chrétienne, je n'ai pas cessé d'entendre cette objection. L'autre jour,
on parlait devant moi d'un nouveau projet d'évangélisation, et quelqu'un
exprima l'espoir que le zèle serait accompagné de modération. Un autre ami
répondit avec beaucoup de sagesse qu'il espérait que la modération serait
accompagnée de zèle. S'il en était ainsi, le christianisme serait comme une
flamme s'étendant sur toute la surface de la terre. Il n'y a pas de puissance
au monde qui puisse résister à la marche en avant des enfants de Dieu quand ils
sont résolus à vaincre.
Dans tous les siècles,
Dieu s'est servi de ceux dont le coeur était tout
entier dans leur oeuvre. Satan appelle toujours à son
service les gens paresseux. Dieu, au contraire, n'accepte que les hommes actifs
et courageux. Quand nous serons bien réveillés et prêts au travail, alors Dieu
se servira de nous. Vous vous rappelez où Elie trouva Elisée : dans un champ
qu'il labourait. Quand Dieu l'appela, Gédéon était occupé à battre son blé.
Moïse gardait les troupeaux dans la montagne d'Horeb. Aucun de ces grands
serviteurs de Dieu n'était paresseux; ce qu'ils faisaient, ils le faisaient de
toute leur force. Nous avons besoin aujourd'hui d'hommes et de femmes de cette
trempe. Si nous ne pouvons pas mettre au service de Dieu autant de talents,
autant de connaissances, que nous le voudrions, apportons-y au moins tout le
zèle qu'il nous a donné.
M. Taylor dit quelque
part: «Voici comment le zèle des apôtres s'est manifesté: ils annonçaient
l'Evangile en public et en particulier ; ils priaient pour tous les hommes ;
ils suppliaient Dieu avec larmes de fondre les coeurs
endurcis des hommes ; ils se faisaient tout à tous afin d'en sauver au moins
quelques-uns ; ils parcouraient les terres et les mers ; ils s'exposaient aux
ardeurs du soleil de Syrie et à la violence du vent Euroclydon
; ils ne craignaient ni les tempêtes, ni la prison, ni la moquerie, ni la
persécution, ni le jeûne, ni la pauvreté, ni les travaux, ni les veilles ; ils
supportaient tout, et ne faisaient de tort à personne. Rien ne leur coûtait, ni
effort à faire, ni souffrance à endurer, s'ils pouvaient espérer de gagner une
âme ; ils persuadaient les hommes avec douceur, ils les pressaient avec
humilité, ils leur déclaraient le conseil de Dieu avec puissance ; ils veillaient
sur leurs âmes, mais ne se mêlaient pas de leurs intérêts. C'est là le zèle
chrétien, le zèle de la douceur, le zèle de l'amour, le zèle de la patience. »
Beaucoup du gens ont peur
du mot ENTHOUSIASME. Savez-vous ce que veut dire ce mot ? Il veut dire : en
Dieu. L'homme qui est «en Dieu » sera certainement rempli d'enthousiasme. Quand
on entreprend une affaire avec ardeur et zèle, on manque rarement de réussir.
Un général d'armée qui est plein d'enthousiasme, enflammera ses hommes et
accomplira de bien plus grandes choses que celui qui n'est pas animé du même
esprit. On nous dit que si nous sommes si enthousiastes nous commettrons
beaucoup d'erreurs. C'est probable. Avez-vous jamais vu un apprenti qui ne
commit pas d'erreurs en apprenant son métier? Si vous ne vous mettez pas à l'oeuvre par crainte de commettre des erreurs, il y a une
grande erreur, au moins, que vous n'éviterez pas, la plus grande erreur de
votre vie, celle de ne rien faire. Si chacun de vous fait ce qu'il peut, soyez
sûrs qu'il y aura de bons résultats.
Que de fois nous voyons
des moniteurs de l'école du Dimanche se mettre à l'oeuvre
sans aucun enthousiasme. J'aimerais tout autant avoir des mannequins dans mon
école que certains moniteurs que j'ai connus. Si j'étais charpentier, je
pourrais en fabriquer autant que je voudrais. Regardez un de ces moniteurs qui
n'ont ni coeur, ni feu, ni enthousiasme. Il arrive à
l'école, plus souvent en retard qu'en avance. Il va se mettre à sa place ;
puis, sans échanger aucune parole avec ses élèves, il commence à faire réciter
la leçon, et tire de sa poche un petit livre avec questions et réponses. Il ne
s'est pas donné la peine d'étudier lui-même la leçon du jour, et il est obligé
d'avoir recours à ce que d'autres ont écrit sur le sujet.
- Un moniteur de ce
genre-là ouvre son questionnaire: - Jean, dis-moi qui fut le premier homme -
jetant un regard sur son livre: Oui, c'est bien la question. Jean répond: Adam.
- Nouveau regard du moniteur sur son livre. - Oui, c'est bien. Puis il passe à
un autre élève, et toujours avec l'aide de son livre : - Charles, qui était
Lot? - C'était le neveu d'Abraham. - Très bien, mon garçon. - Et ainsi de
suite. Vous me direz que j'exagère. C'est évident, et je ne prétends pas que
cette description soit rigoureusement exacte, mais elle n'est pas aussi
fantaisiste que vous pourriez le croire. Vous imaginez-vous que c'est en s'y
prenant de la sorte qu'on pourra faire grand bien à des enfants pleins de vie
et d'ardeur?
J'aime à voir un moniteur
arriver de bonne heure dans son groupe et donner des poignées de main à tous
ses élèves : - Bonjour, Jean ; comment cela va-t-il? - Ah ! te voilà, Charles ! Cela me fait plaisir de te voir. Comment va
le bébé? Et ta mère? J'espère que tout le monde se porte bien chez toi. Voilà
le genre de moniteur que j'aime. Quand il commencera à expliquer la leçon, tous
les élèves écouteront ce qu'il dira. Il saura fixer l'attention du groupe tout
entier, et il pourra diriger leurs coeurs vers le
ciel et vers Dieu. Citez-moi une seule personne qui ait fait de grandes choses
pour Dieu et qui n'ait pas été remplie d'enthousiasme. Si c'est là l'esprit
dans lequel nous travaillons, Dieu nous bénira et nous donnera le succès.
Avant mon départ
d'Amérique, en 1867, un de mes amis vint me dire : « J'espère que vous irez à
Édimbourg et que vous assisterez à l'assemblée générale de l'Eglise d'Ecosse.
J'y étais l'année dernière, et j'y ai reçu une impression qui ne s'effacera
jamais. Le Dr Duff prononça un discours qui nous électrisa tous. Jamais je
n'oublierai l'heure que j'ai passée dans cette assemblée. »
Je suivis le conseil de
mon ami, j'allai passer huit jours à Edimbourg dans l'espoir d'entendre le Dr
Duff. Je me procurai le discours dont on m'avait parlé, et j'en fus
profondément ému. Le Dr Duff avait été missionnaire aux Indes. Au bout de
vingt-cinq années passées à annoncer l'Évangile et à fonder des écoles, il
avait complètement perdu la santé, et était revenu en Ecosse. Il avait demandé
la permission de parler à une des séances de l'assemblée générale, afin
d'adresser un appel en faveur des Missions. - Après avoir parlé pendant un
certain temps, il fut si épuisé qu'il perdit connaissance. On l'emporta de la
salle. Dès qu'il revint à lui, il voulut y retourner : « Je n'ai pas fini mon
discours, dit-il ; je veux le finir. » On lui dit qu'il ne pourrait le faire
qu'au péril de sa vie. « N'importe, répondit-il. Dussé-je en mourir, je finirai
mon discours. » On dut le laisser retourner dans la salle, et mon ami me dit
que ce fut un des spectacles les plus solennels qu'il avait jamais vus.
Quand le vieillard aux
cheveux blancs parut à la porte de la salle, tous les membres de l'Assemblée se
levèrent, et bien des yeux devinrent humides à la vue de cet imposant vétéran.
D'une voix tremblante d'émotion : « Pères et mères de l'Écosse, leur dit-il,
est-il vrai que vous n'ayez plus de fils à envoyer aux Indes au service du
Seigneur Jésus-Christ? La voix de ceux qui demandent du secours s'élève de plus
en plus, mais personne n'y répond. Vous avez dans vos banques les fonds
nécessaires, mais où sont les travailleurs qui iront cultiver la vigne du
Seigneur? Quand la reine Victoria demande des volontaires pour son armée des
Indes, vous donnez vos fils en grand nombre. Vous ne parlez pas alors de la
perte de leur santé ou du climat dangereux. Mais quand le Seigneur Jésus-Christ
demande des travailleurs, l'Écosse lui répond: « Nous n'avons plus de fils à
donner. »
Se tournant alors vers le
président de l'Assemblée : « Monsieur le Président, dit-il, s'il est vrai que l'Ecosse
n'a plus de fils à donner pour le service de Jésus-Christ aux Indes ; si
personne ne veut aller porter à ces païens la bonne nouvelle du salut, bien que
j'aie perdu ma santé dans ce pays, je repartirai demain, et ils sauront qu'il
reste encore sur la terre un vieil Écossais prêt à mourir pour eux. Je
retournerai sur les bords du Gange et j'y sacrifierai ma vie en témoignage pour
le Fils de Dieu. »
Bénissons Dieu de nous
avoir donné un homme comme celui-là ! Il nous faut aujourd'hui des hommes prêts,
s'il le faut, à déposer leur vie pour le Fils de Dieu. Quand nous les aurons,
nous ferons une impression profonde sur le monde. Quand les hommes verront que
nous sommes absolument sincères, leurs coeurs seront
touchés, et nous pourrons les conduire à Jésus-Christ.
Je n'approuvais pas
Garibaldi en toutes choses, mais j'avoue que j'admirais son enthousiasme.
Jamais je ne voyais son nom dans les journaux ou dans un livre sans lire tout
ce que je trouvais sur son compte. Il y avait quelque chose en lui qui m'enthousiasmait
à mon tour. Je me rappelle entre autres une lettre qu'il écrivait,en
1867,à ses compagnons d'armes. Il avait été arrêté pendant sa marche sur Rome.
« Quand même cinquante Garibaldis seraient jetés en
prison, écrivait-il, il faut que Rome soit libre !» - Peu lui importait son
propre bien-être, pourvu que la liberté de l'Italie fût assurée. Si notre amour
pour notre Maître et pour sa cause est assez profond pour nous porter à faire
n'importe quel sacrifice, soyez-en sûrs, le Seigneur se servira de nous pour
établir son royaume.
J'ai lu l'histoire d'un
chef barbare du neuvième siècle qui vint attaquer un roi. Ce roi avait une
armée de trente mille hommes, et quand il apprit que le chef n'avait que cinq
cents hommes avec lui, il lui fit dire que, s'il consentait à se rendre, il le
traiterait avec miséricorde, ainsi que ses soldats.
Dès que le chef barbare
eut entendu cette proposition, il se tourna vers un des hommes de sa suite, et
lui dit: « Prends ce poignard, et enfonce-le toi dans le coeur.
» Le soldat obéit immédiatement et tomba mort aux pieds de son chef. Puis se
tournant vers un autre : « Jette-toi dans ce précipice, » lui dit le barbare.
Sans hésiter, le second soldat s'élança dans le vide, et l'on vit son corps
rebondir et se briser sur les pierres. Le chef barbare s'adressa alors au
messager du roi : « Retourne vers ton maître, et dis-lui que j'ai cinq cents
hommes tels que ceux-ci. Nous pourrons mourir, mais nous ne nous rendrons
jamais. Dis à ton roi que dans quarante-huit heures je le ferai enchaîner à
côté de mes chiens. » Lorsque le roi sut de quelle trempe étaient les hommes
qui marchaient contre lui, il eut peur. Son armée fut tellement démoralisée
qu'elle fut bientôt dispersée comme de la paille devant le vent. Selon la
prédiction du chef, avant que les quarante-huit heures fussent écoulées, le roi
fut fait prisonnier et enchaîné à côté des chiens de son vainqueur.
Quand on verra que nous
n'avons d'autre but au monde que de travailler pour Dieu, on se sentira ému, et
l'on viendra nous demander ce qu'il faut faire pour être sauvé.
La tempête était à son
comble quand un cri retentit: « Un homme à la mer ! » On put voir distinctement
une forme humaine luttant courageusement contre les éléments en furie et se
dirigeant vers le rivage ; mais les vagues l'entraînaient au large, et avant
qu'on eût pu descendre les embarcations, une effroyable distance séparait déjà
le nageur du secours qu'on voulait lui porter. Il poussa un cri qui domina le
bruit de la tempête. Ce fut un moment d'inexprimable angoisse. Tous les regards
étaient tendus vers le malheureux naufragé. Les braves rameurs raidissaient
leurs muscles et se courbaient sur leurs rames avec toute l'énergie dont ils
étaient capables ; mais tous leurs efforts furent inutiles. Encore un cri de
désespoir, et la victime disparut sous les flots. Alors on entendit un
autre cri, non moins perçant : Sauvez-le ! Sauvez-le ! et l'on vit un homme se précipiter sur le bord du navire,
levant les bras au ciel dans sa détresse «J'offre vingt mille francs à celui
qui le sauvera ! » mais son oeil hagard n'eut rien
d'autre à contempler que la place où les vagues s'agitaient sans remords
au-dessus de l'homme qu'elles avaient englouti. Celui dont le cri perçant avait
ému tous les coeurs était le capitaine du navire, et
le noyé était son propre frère. Ce désir passionné de sauver son frère doit se
retrouver chez quiconque s'est enrôlé sous la bannière du grand Capitaine de
notre salut. « Sauvez-le ! c'est mon frère ! »
Le fait est que beaucoup
d'hommes rejettent le christianisme parce qu'ils trouvent que nous ne sommes
pas suffisamment convaincus, que nous ne nous prenons pas nous-mêmes assez au
sérieux. Dans cette même épître aux Ephésiens, où j'ai pris mon texte, l'Apôtre
dit «que nous devons être des épîtres vivantes, lues et connues de tous les
hommes. » Jamais, à ma connaissance, les chrétiens ne se sont mis résolument à
l'oeuvre dans le champ du Seigneur sans que Dieu leur
ait accordé une abondante moisson. Hier soir, je suis venu à la réunion qu'on
avait convoquée dans cette salle pour les hommes qui sont adonnés à la boisson,
et je vous assure que nous avons eu de quoi nous occuper jusqu'à minuit. Il y
avait là des hommes qui avaient été les esclaves de la boisson, et qui étaient
venus dans l'espoir d'obtenir la victoire sur leur terrible penchant. De
quelque côté que vous mettiez la faucille, vous verrez que la moisson est
blanche, toute prête à être moissonnée.
Ce que Dieu demande, ce
sont des hommes et des femmes de bonne volonté. C'est infiniment plus précieux
que les plus excellentes institutions. Si un homme ou une femme sont
tout-à-fait résolus à travailler pour Dieu, ils n'attendront pas de faire
partie de quelque comité. Si je vois un homme tomber à la rivière et en danger
de se noyer, je n'attends pas de faire partie d'un comité pour essayer de le
sauver. Bien des personnes me disent qu'elles ne peuvent rien faire en fait
d'évangélisation parce que personne ne les en a chargées. La semaine dernière,
j'ai demandé à quelqu'un de nous aider dans nos réunions intimes. « Je
n'appartiens pas à ce quartier de Londres, » m'a-t-il répondu, Habituons-nous à
regarder le monde entier comme notre paroisse, comme notre champ de travail. Si
Dieu a placé quelqu'un à portée de notre influence, n'hésitons pas à lui parler
de Christ et du ciel. Peut-être le monde se lèvera-t-il contre nous et nous
traitera-t-il d'insensés. Je suis porté à croire que nul n'est propre pour le
service de Dieu s'il n'est disposé à passer pour fou aux yeux du monde.
On a bien dit que Paul
était fou. Plût à Dieu qu'il y eût parmi nous un grand nombre d'hommes atteints
de la même folie. Comme quelqu'un l'a dit: Si nous sommes des fous, nous avons
un bon gardien pendant que nous sommes en route, et un bon asile au terme de
notre voyage.
Ce qui me fait beaucoup
de peine c'est qu'après être venu à des réunions comme celles-ci et avoir été
ému, on reste plein de zèle pendant deux ou trois semaines, peut-être ; puis
tout cela s'éteint. Cela me fait penser à un tas de copeaux sur lequel on a
versé de l'essence de térébenthine. Vous y mettez le feu, une flamme brillante
s'élève, mais bientôt il ne reste plus rien. Notre zèle ne doit jamais se
ralentir, ni jour ni nuit. J'ai entendu parler, en Amérique, d'un certain puits
qu'on disait très bon ; il n'avait que deux défauts : il gelait en hiver et il
se desséchait en été. C'était un puits bien extraordinaire, n'est-ce pas? mais je crains qu'il ne soit pas le seul. Il y a beaucoup de
personnes qui sont pleines de zèle et de dévouement par moments. Cela ne suffit
pas ; il faut que notre ardeur ne se refroidisse jamais. N'attendez pas qu'on
vienne vous demander votre collaboration., On dit souvent qu'il
faut battre le fer pendant qu'il est chaud ; et c'est Cromwell, je crois, qui a
dit que lorsque le fer n'est pas chaud, il faut le battre jusqu'à ce qu'il
s'échauffe. Restons à notre poste, et notre zèle ne tardera pas à s'enflammer
au service du Seigneur.
Je voudrais, en
terminant, m'adresser particulièrement aux moniteurs des Ecoles du Dimanche. Ne
vous contentez pas, je vous en supplie, d'indiquer aux enfants la croix du
Seigneur Jésus-Christ. Tant de moniteurs sèment le bon grain Dimanche après
Dimanche, avec le vague espoir d'une moisson lointaine ; ils ne comptent pas
sur une moisson immédiate. J'ai fait comme eux, autrefois, et il s'est passé
des années sans que je visse aucune conversion. Je
crois que l'intention de Dieu est que nous semions d'une main et moissonnions
de l'autre. Les deux opérations doivent marcher ensemble. Croire que les
enfants ne peuvent être amenés à Christ que quand ils seront devenus des hommes
ou des femmes est une idée fausse. On peut les amener à Christ dès leur
enfance, et Christ les gardera, de telle sorte qu'ils deviendront des membres utiles
de la société. Ils seront en bénédiction à leurs parents, à l'Église et au
monde. Si vous les laissez grandir, au contraire, sans devenir chrétiens,
beaucoup d'entre eux seront entraînés par les mauvais exemples ; et au lieu
d'être une bénédiction, ils seront un fléau pour la société.
Quelle est aujourd'hui la
grande préoccupation de tous ceux qui s'occupent des écoles du Dimanche ? C'est
le sort des jeunes gens et des jeunes filles qui quittent l'école du Dimanche.
Vers l'âge de quinze ou seize ans, ils disparaissent tout-à-coup, et nous n'en
entendons plus parler. Il y a en ce moment même dans vos prisons beaucoup de
jeunes gens qui ont été élèves des écoles du Dimanche. Ce lamentable état de
choses tient à ce que si peu de moniteurs croient à la conversion des enfants.
On ne s'efforce pas de les amener à une connaissance personnelle de
Jésus-Christ ; on se contente de répandre la bonne semence. Je voudrais que
chaque moniteur prit la ferme résolution, avec l'aide de Dieu, de ne
s'accorder ni trêve ni repos jusqu'à ce que son groupe tout entier soit entré
dans le royaume de Dieu. Celui qui prendra une telle résolution verra des
signes et des prodiges d'ici un mois.
Jamais je n'oublierai la
circonstance qui vint réveiller ma conscience sur ce point. Je dirigeais une
grande école du Dimanche, contenant un millier d'enfants. Ce chiffre élevé me
faisait le plus grand plaisir. S'il se maintenait ou s'il était dépassé,
j'étais ravi. Si, au contraire, il diminuait, je m'attristais beaucoup. Je ne
pensais toujours qu'au nombre des enfants. Parmi les groupes, il y en avait un
qui donnait plus de peine que tous les autres. Il était composé de jeunes
filles et se tenait dans un des coins de la grande salle. Il n'y avait dans
toute l'école qu'un seul moniteur qui pût le diriger et y maintenir le bon
ordre et la discipline. C'était tout ce qu'on pouvait espérer, pensais-je, et
l'idée qu'aucune de ces jeunes filles pût être
convertie ne me venait pas même à l'esprit.
Un certain Dimanche, ce
moniteur était absent, et ce fut à grand'peine que
son remplaçant put maintenir l'ordre dans le groupe. Dans le courant de la
semaine, le moniteur vint me voir à mon bureau. Je le trouvai très pâle, et
m'informai aussitôt de sa santé : « Je viens d'avoir un crachement de sang, me dit-il;
le médecin m'a prévenu que les poumons sont pris et que je n'ai plus pour
longtemps à vivre. Je vais retourner chez ma mère dans l'état de New-York, et
il faut que je renonce à mon groupe. »
Il était convaincu,
évidemment, que ses jours étaient comptés, et pendant qu'il parlait ses lèvres
tremblaient, ses yeux se remplissaient de larmes. - J'en fus frappé, et
lui dis. « Vous n'avez pas peur de mourir, n'est-ce pas ? » - «Oh! non, je n'ai pas peur de mourir, me répondit-il, mais je vais
paraître devant Dieu, et il n'y a pas une seule de mes élèves de l'école du
Dimanche qui soit convertie. Que lui dirai-je ? »
Comme il envisageait
toutes choses sous un nouvel aspect, maintenant qu'il sentait qu'il allait
rendre compte de son administration !
Je gardai le silence.
C'était une chose absolument nouvelle pour moi d'entendre parler de la sorte.
Je lui dis enfin: « Voulez-vous que nous allions voir vos élèves et leur parler
de Christ? » - « Je suis bien faible, me répondit-il, trop faible pour marcher.
» - « Eh bien, nous irons en voiture. » Nous commençâmes notre tournée. Il
avait à peine la force d'entrer dans chaque maison, tout en s'appuyant sur mon
bras; mais il rassemblait toute son énergie pour parler à son élève; pour prier
avec elle, pour la supplier de se donner à Christ. C'était une grande leçon
pour moi. J'apprenais à voir les choses sous un jour tout à fait nouveau. Quand
il fut à bout de forces, je le ramenai chez lui. Le lendemain, et les jours
suivants, il continua ses visites. Parfois, il allait seul ; parfois, je
l'accompagnais. Enfin, au bout de dix jours, il revint me trouver à mon bureau.
Sa figure était rayonnante. « La dernière de mes élèves, dit-il, a donné son coeur à Christ. Je puis partir maintenant; j'ai fait tout
ce que j'ai pu; mon oeuvre est terminée. »
Je lui demandai quel jour
il comptait partir. « Demain soir,» répondit-il. « Seriez-vous content, lui
dis-je alors, si j'invitais ces jeunes filles, à se réunir chez moi pour vous
revoir encore une fois avant votre départ? » Il accepta avec empressement, et
je me hâtai de faire mes invitations. Pas une des jeunes filles ne manqua au
rendez-vous. Jamais je n'avais passé de soirée comparable à celle-là; jamais je
ne m'étais trouvé avec autant de personnes récemment amenées à Christ par ses
efforts et les miens. Nous priâmes pour chacune des élèves du groupe, pour le
moniteur, pour le directeur. Chacune des jeunes filles pria à son tour. Quel
changement s'était opéré en elles dans ce court espace de temps. Nous essayâmes
de chanter, mais nous ne pûmes pas très bien y réussir. Tout le monde prit
congé du moniteur à la fin de la soirée; mais j'avais besoin de le revoir
encore une fois. Le lendemain soir, j'allai à la gare, et à ma grande surprise,
toutes les élèves de son groupé s'y trouvaient déjà ; sans s'être concertées,
chacune avait voulu lui dire adieu une dernière fois. Nous étions tous sur le
quai; quelques personnes se réunirent autour de nous: des ouvriers du chemin de
fer, des voyageurs. C'était une belle soirée d'été ; le soleil se couchait
derrière les prairies de l'Ouest.
Enfin le train se mit en
marche ; notre ami alla se placer sur la plate-forme extérieure - les wagons,
en Amérique, sont faits autrement que les vôtres, - et montrant le ciel du
doigt : « Au revoir là-haut, » nous dit-il, et il disparut.
Quelle oeuvre avait été accomplie pendant ces dix jours !
Quelques-unes des élèves de ce groupe ont été pendant des années parmi les
monitrices les plus dévouées de l'école. Plusieurs d'entre elles y travaillent
encore aujourd'hui. Il y a quelques années, j'ai rencontré une autre de ces
anciennes élèves travaillant avec zèle pour le Seigneur sur les côtes de
l'Océan Pacifique. L'été qui suivit le départ de notre ami, il se fit dans
notre école un réveil religieux; sous cette influence bénie, je renonçai aux
affaires pour me consacrer tout entier à l'oeuvre du
Seigneur. Sans les événements de ces dix jours, il est probable que je ne
serais pas ici aujourd'hui.
Moniteurs des écoles du
Dimanche, permettez moi de vous supplier encore une fois de chercher le salut
de vos élèves. Prenez la résolution de ne rien négliger, pendant les dix jours
qui vont suivre, pour amener à Christ chacun des enfants de votre groupe. Pères
et mères, n'ayez pas de repos avant que tous vos enfants soient entrés dans le
royaume de Dieu. Oseriez-vous dire qu'il ne bénira pas de pareils efforts ! Ce
qu'il nous faut aujourd'hui, c'est un esprit de consécration et de
concentration. Dieu veuille répandre son Esprit sur chacun de nous, et nous
remplir d'un saint enthousiasme !
A L'OEUVRE !
(Moody)
Nous lisons au chapitre
vingt-cinquième du livre de l'Exode : « L'Éternel parla à Moïse, et dit: Parle
aux enfants d'Israël. Qu'ils m'apportent une offrande; vous la recevrez pour
moi de tout homme qui la fera de bon coeur. Voici ce
que vous recevrez d'eux en offrande : de l'or, de l'argent et de l'airain ; des
étoffes teintes en bleu, en pourpre, en cramoisi ; du fin lin et du poil de
chèvre ; des peaux de béliers teintes en rouge et des peaux teintes en bleu ;
du bois d'acacia ; de l'huile pour le chandelier, des aromates pour l'huile
d'onction et pour le parfum odoriférant ; des pierres d'onyx et d'autres
pierres pour la garniture de l'éphod et du pectoral. Ils me feront un
sanctuaire, et j'habiterai au milieu d'eux; vous ferez le tabernacle et tous
ses ustensiles d'après le modèle que je vais te montrer. »
Je suis très heureux que
ceci ait été rapporté pour notre instruction. Comme cela devrait nous
encourager à croire que chacun de nous peut contribuer en quelque mesure à
élever les murs de
Remarquez ces cinq choses
: les choses folles, les choses faibles, les choses viles, celles qui sont
méprisées et celles qui ne sont point. Et pour quel but les a-t-il choisies ? «
Afin que personne ne se glorifie devant lui. » Quand nous sommes faibles, c'est
alors que nous sommes forts. Nous sommes souvent portés à croire que nous
n'avons pas assez de force ; le fait est que nous avons trop de force, au
contraire. C'est quand nous reconnaissons que nous n'avons pas de force par
nous-mêmes, que nous consentons à devenir des instruments dociles dans la main
de Dieu. Si nous nous appuyons sur Dieu, nous sommes plus forts que le monde.
Ce n'est pas
l'intelligence humaine qui sauvera le monde. Quand nous renoncerons à avoir
confiance en nous-mêmes, Dieu nous remplira de sa plénitude. Nous serons
puissants auprès de Dieu et auprès des hommes.
Dans le livre de
l'Apocalypse, Jean nous raconte qu'il eut un jour une vision qui le fit
beaucoup pleurer. Il vit un livre scellé, et il n'y avait personne qui pût
ouvrir le livre ni lire dedans. Abel, ce saint homme de Dieu, n'était pas digne
de l'ouvrir; ni Enoch, qui avait été transporté au ciel sans passer par la
mort; ni Elie, qui avait été enlevé dans un chariot de feu ; ni même Moïse, ce
grand législateur; ni Esaïe, ni aucun des prophètes;
personne n'en était digne. Et comme Jean pleurait beaucoup, un des vieillards
lui dit: Ne pleure point: voici, le Lion de la tribu de Juda et de la race de
David a vaincu pour ouvrir le livre et délier ses sept sceaux. - Et quand Jean
regarda pour voir qui était le Lion de la tribu de Juda, il vit que ce Lion
était un agneau ! Le Lion de Dieu est un agneau ! Lorsque nous aurons la
douceur des agneaux, rien ne s'opposera à ce que Dieu nous emploie, et nous
deviendrons forts à son service. Nous avons tous nos moments de faiblesse,
n'est-il pas vrai ? Eh bien, appuyons-nous sur la puissante force de Dieu.
Je vous ferai observer
qu'au point de vue humain, tous les hommes appelés par Jésus-Christ étaient des
faibles et des petits. Ils n'avaient ni rang, ni titre, ni fortune, ni
instruction. Presque tous étaient des pêcheurs et des gens illettrés ;
cependant, Jésus les a choisis pour fonder son royaume.
Lorsque le moment fut
venu de faire sortir d'esclavage les Israélites, Dieu n'envoya pas une armée à
leur secours : il envoya un seul homme. A toutes les époques, Dieu s'est servi
des choses faibles du monde pour accomplir ses desseins.
J'ai lu il y a quelque
temps le récit d'un fait qui montre la puissance d'un simple traité. Il existe
une société qui s'est fondée dans le but d'envoyer par la poste des traités
religieux aux personnes qui, par leur position sociale, ne sont pas exposées à
en recevoir autrement. Un de ces traités, intitulé : Prépare-toi à la rencontre
de ton Dieu, fut mis sous enveloppe, et envoyé par la poste à un monsieur bien
connu par son incrédulité et par son opposition à la religion. Il était assis
dans son cabinet de travail quand cette enveloppe lui fut remise avec ses
autres lettres. « Qu'est-ce que cela ? dit-il. Prépare-toi à la rencontre de
ton Dieu ? Qui a pu avoir l'impertinence de m'envoyer cette insanité ! » Et
prononçant une imprécation contre son correspondant anonyme, il allait jeter au
feu la petite feuille, quand il se ravisa subitement :
-Non,se
dit-il, au lieu de la brûler, je vais l'envoyer à mon ami B. C'est une bonne
farce à lui jouer, et ce sera drôle d'entendre ce qu'il en dira.
Il mit aussitôt le petit
traité dans une nouvelle enveloppe, et prenant soin de contrefaire son
écriture, il l'adressa à son ami qui partageait ses opinions et sa manière de
vivre.
Le petit traité ne fut
pas mieux accueilli que la première fois. M. B. lança un juron contre toutes
ces fadaises méthodistes, et son premier mouvement, à lui aussi, fut de jeter
le papier au feu ; mais ses yeux furent arrêtés par le titre : Prépare-toi à la
rencontre de ton Dieu. - Il se mit à lire, sa conscience fut réveillée, il
rentra en lui-même, et finit par se convertir. Dès que ce grand changement se
fut fait dans son coeur, il songea à ses amis
incrédules. « Pourrais-je garder pour moi seul la lumière et la vérité que j'ai
reçues? » se dit-il. A son tour, il mit le petit traité sous enveloppe et
l'envoya à l'un de ses anciens compagnons. Chose merveilleuse, la flèche toucha
le but. Cet ami lut la petite feuille et fut converti. Tous les deux sont
restés de fidèles disciples du Sauveur qui les a rachetés.
Nous lisons dans
l'Évangile selon saint Matthieu : «Le royaume des cieux est semblable à un
homme qui, s'en allant en voyage, appela ses serviteurs, et leur remit ses
biens. Il donna cinq talents à l'un, à l'autre deux, et à l'autre, un à chacun
selon ses forces; et il partit aussitôt.
Remarquez ceci : il donna
à chacun selon ses forces. Il confia à chaque serviteur le nombre de talents
qu'il était capable de faire valoir. J'entends souvent des personnes se
plaindre un peu des talents qu'elles ont reçus ; mais nous avons chacun de nous
le nombre de talents dont nous pouvons tirer parti. Si nous sommes soigneux de
ce que nous avons, Dieu nous en confiera davantage. Il y avait huit talents à
distribuer entre trois serviteurs. Le maître en donna cinq à l'un, deux à un
autre et un seul au troisième. Puis il s'en alla, et les serviteurs comprirent
fort bien qu'ils étaient chargés de faire valoir leurs talents. Dieu n'est pas
déraisonnable. Il ne nous demande pas ce que nous ne pouvons pas faire; mais il
nous donne des talents selon nos forces, et il s'attend à ce que nous les mettions
à profit.
« Celui qui avait reçu
cinq talents, s'en alla et en trafiqua ; et il gagna cinq autres talents. De
même, celui qui en avait reçu deux, en gagna aussi deux autres ; mais celui qui
n'en avait reçu qu'un, s'en alla, et creusa dans la terre, et y cacha l'argent
de son maître. »
Le serviteur qui n'avait
reçu que deux talents obtint exactement les mêmes éloges que celui qui en avait
reçu cinq. Celui-ci avait doublé son capital, et son maître lui dit : « Cela va
bien, bon et fidèle serviteur. » Celui qui n'avait reçu que deux talents, les
doubla aussi, de sorte qu'il eut quatre talents, et son maître lui dit, comme
au premier: « Cela va bien, bon et fidèle serviteur, entre dans la joie de ton
seigneur. »
Si le serviteur qui
n'avait reçu qu'un talent l'avait mis à profit, il aurait été approuvé comme
les autres. Mais que fît-il? Il le cacha dans la terre: ce fut sa manière de
comprendre son devoir. Longtemps après, le maître de ces serviteurs revint, et
il leur fit rendre compte. Que lui apporta ce troisième serviteur? Le talent
qui lui avait été confié, et voilà tout.
Ceci me rappelle
l'histoire d'un homme, en Amérique, qui possédait une somme de mille dollars.
Il la serra dans une cachette, croyant que c'était la meilleure manière d'en
prendre soin, et que cet argent serait une ressource pour ses vieux jours. - Au
bout de vingt ans, il retrouva ses mille dollars tels qu'il les avait déposés
dans sa cachette. S'il les avait placés à intérêt, au contraire, comme il
aurait dû le faire, cette somme aurait été doublée et même triplée. Il avait
commis l'erreur que tant de chrétiens commettent aujourd'hui: il n'avait pas
mis ses talents à profit. Une expérience mainte fois renouvelée m'a appris que
ceux qui critiquent les autres le plus volontiers sont ceux qui n'ont rien à
faire. Si vous êtes très occupés à faire valoir les talents que Dieu vous a
confiés, vous aurez trop à faire pour critiquer et blâmer ce que font les
autres.
Dieu nous a donné
beaucoup d'occasions de le servir, et il veut que nous les mettions à profit.
Nous sommes beaucoup trop portés à croire que notre temps et notre fortune nous
appartiennent. Rien n'est plus fréquent que d'entendre dire :
« J'ai le droit de faire
ce que je veux avec ce qui m'appartient. »
Un de mes amis se trouvait
près du lit de mort d'un officier supérieur qui avait exercé avec succès un
commandement important pendant la guerre des Indes ; il lui demanda s'il avait
peur de mourir.
- Nullement, fut la
réponse. - Comment cela se peut-il, demanda mon ami. - Je n'ai jamais fait de
mal, répondit l'officier. - Si vous alliez être traduit devant un conseil de
guerre pour y rendre compte de vos actions comme militaire, je pense que vous
vous attendriez à être acquitté, reprit mon ami.
Le mourant se redressa
avec une énergie dont on ne l'aurait pas cru capable, tant il était affaibli
par la maladie, et s'écria: « Je le crois bien ! » - Mais ce n'est pas devant
un conseil de guerre que vous allez comparaître, - c'est devant le tribunal de
Christ ; et quand Jésus vous demandera: Qu'as-tu fait pour moi? que répondrez-vous ? - La physionomie du vieil officier changea
d'expression. Il regarda fixement son ami, et lui répondit avec angoisse :
« Rien; je n'ai jamais
rien fait pour Christ.»
Il comprit alors la
terrible méprise de ceux qui vivent en ne s'occupant que de leurs rapports avec
leurs semblables, et qui oublient leurs rapports avec Dieu et avec Christ. De
là, cette erreur qu'il suffit de faire du bien à ceux qui nous entourent, ou même
de ne pas leur faire de mal, pour que cela nous tienne lieu d'avoir vécu pour
Dieu. Qu'avez-vous fait pour Christ? Voilà la grande question.
Au bout de quelques
jours, mon ami retourna chez le vieil officier, et lui demanda où il en était.
« Je sens que je suis un grand pécheur; répondit-il, et que j'ai besoin du
Sauveur des pécheurs.» Peu de temps après, il quitta cette vie, s'appuyant
uniquement, selon toute apparence, sur les mérites de Jésus-Christ. Quelles
terribles suites aurait eues la fausse sécurité dans laquelle il se
reposait ! Pourtant, cette sécurité est celle d'une multitude de gens, qui ne
comprendront la vérité que devant le tribunal de Christ.
Je suis de plus en plus
convaincu que les hommes qui agiront sur les masses de la manière la plus
durable seront des hommes d'une capacité moyenne. Après tout, c'est le petit
nombre seulement qui a reçu de grands talents. Voici un homme qui possède un
talent ; son voisin en a trois ; peut-être n'ai-je reçu qu'un demi-talent. Mais
qu'importe ? si nous nous mettons tous à l'oeuvre et si nous utilisons les dons que nous avons reçus,
Dieu nous bénira ; nous pourrons ainsi doubler ou tripler notre capital. Ce qui
importe, c'est que nous soyons occupés aux affaires de notre Maître, chacun à
la place où il nous a mis. Plus nous mettrons à profit nos ressources
actuelles, plus nos facultés se développeront, plus les occasions de faire le
bien se multiplieront.
Une allégorie orientale
nous parle d'un marchand qui avait deux amis. Avant de partir pour un pays
lointain, il leur remit à chacun deux sacs de blé, en les priant d'en prendre
soin jusqu'à son retour. Les années s'écoulèrent. Il revint enfin, et demanda à
ses amis les sacs qu'il leur avait confiés. Le premier le conduisit dans un
grenier et lui montra ses sacs; ils étaient couverts de moisissure et ne
valaient plus rien.
L'autre, au contraire, le
mena dans la plaine et lui montra plusieurs champs dont la riche moisson
ondulait sous le souffle du veut. C'était le produit de ses deux sacs. « Tu as
été un ami fidèle, lui dit le voyageur. Donne-moi deux sacs de ce blé, tout le
reste est à toi. »
Une dame se plaignait à
moi un jour de n'avoir pas l'assurance de son salut. En réponse à une question
que je lui fis, elle me dit qu'elle était chrétienne depuis bien des années ;« Qu'avez vous fait pour Christ ? » lui demandai-je. «Je ne
crois pas, me dit-elle, avoir jamais eu l'occasion de faire quelque chose pour
Christ. » Je plains ceux qui se disent chrétiens et qui ne trouvent pas, de nos
jours, l'occasion de faire quelque chose pour Christ. Je me demande dans quel
milieu ils peuvent bien vivre. Comment peut-on connaître le Seigneur
Jésus-Christ, en plein dix-neuvième siècle, et dire qu'on n'a pas l'occasion de
lui rendre témoignage ! Il est certain qu'on n'a pas à chercher loin des
occasions de parler et de travailler pour le Maître, pour peu qu'on ait envie
de le faire. «Levez les yeux, et regardez les campagnes; elles sont déjà
blanches et prêtes à être moissonnées. » Si vous ne pouvez pas faire de grandes
choses, contentez-vous d'en faire de petites.
J'ai reçu il y a quelque
temps un petit traité intitulé : « Qu'y a-t-il dans ta main? » et je suis très
reconnaissant à la personne qui me l'a envoyé. Ces paroles furent adressées par
Dieu à Moïse lorsqu'il l'appela pour aller en Égypte délivrer les Israélites de
la maison de servitude. Vous vous rappelez toutes les excuses de Moïse. Il
n'était pas éloquent, il n'était pas ceci, il n'était pas cela; en un mot, il
ne pouvait pas aller en Égypte. Comme Esaïe, il
voulait que le Seigneur envoyât quelqu'un d'autre. Enfin l'Éternel dit à Moïse
: « Qu'y a-t-il dans ta main? » Il y avait une verge. Peut-être quelques jours
auparavant, ayant besoin d'une baguette pour conduire son troupeau, avait-il
taillé une branche dans ce but. Il est probable que cette baguette n'avait
absolument rien de remarquable ; et pourtant ce fut cette baguette-là qui
devint l'instrument de la délivrance des Israélites. Il plut a Dieu d'y joindre sa
puissance, et cela suffit.
Je crois voir Moïse en
route pour l'Égypte. Chemin faisant, il rencontre quelqu'un des philosophes ou
des libres-penseurs de son temps qui lui demande où il va. «Je vais en Égypte.
» - « Vraiment, tu retournes vivre en Égypte ? »
« Non, je vais faire
sortir mon peuple de la maison de servitude. » - « Comment ! Tu veux le
délivrer de la main de Pharaon, le plus puissant souverain de notre temps. Tu
crois que tu vas affranchir trois millions d'esclaves de la puissance des
Égyptiens? » - « Oui. » - « Quels moyens vas-tu employer ? » - « Cette verge. »
Que cette verge dut
paraître méprisable aux yeux de ce libre-penseur égyptien ! Quelle idée de
vouloir délivrer trois millions d'esclaves au moyen d'une baguette ! Nous
avions trois millions d'esclaves aux Etats-Unis ; et il a fallu qu'un
demi-million d'hommes fussent étendus sur les champs de bataille avant que ces
esclaves fussent rendus libres. La fleur de la nation américaine a dû descendre
dans la tombe pour rendre la liberté à nos esclaves.
Voilà donc cet homme,
faible, isolé, se rendant en Égypte pour se présenter devant un Pharaon qui
avait droit de vie et de mort surtout ceux qui l'approchaient; et le seul
instrument qu'il eût pour délivrer son peuple de l'esclavage, c'était cette
baguette. Mais voyez les merveilles qu'elle opéra. Lorsque Moïse voulait faire
venir les plaies sur le pays d'Égypte, il n'avait qu'à étendre sa verge, et les
fléaux annoncés couvraient le pays. C'est par elle que l'eau avait été changée
en sang, et plus tard, lorsque les Israélites arrivèrent au bord de
Il faut tirer de cette
histoire une leçon pratique. Dieu veut que nous nous servions de ce que nous
avons, et non de ce que nous n'avons pas. Quels que soient vos dons et vos
talents, déposez-les aux pieds du Maître. Moïse se servit de ce qu'il avait, et
vous savez quelles grandes choses il a accomplies. Si nous sommes disposés à dire., « Me voici, je suis prêt, fais de moi ce qu'il te semblera
de bon, » - le Seigneur se servira de nous. Il joindra sa force à notre
faiblesse, et nous pourrons faire de grandes choses pour lui.
Voyez aussi Josué sous
les murs de Jéricho. Si vous lui aviez demandé avec quoi il comptait renverser
les murailles de la ville, il vous aurait montré quelques cornes de béliers.
Ces cornes devaient paraître bien ridicules aux yeux des habitants de Jéricho.
Peut-être y avait-il quelques géants dans la ville; dans ce cas, comme ils
devaient prendre en pitié ces Israélites qui faisaient le tour de la ville en
soufflant dans ces cornes. Mais Dieu peut se servir des choses viles, même des
choses méprisées.
Quelque méprisables que
fussent ces cornes de béliers aux yeux des hommes, le peuple continua à faire
ce que Dieu lui avait commandé ; et lorsque le moment fut venu, les murailles
s'abattirent et la ville fut prise. Les Israélites n'avaient ni catapultes, ni
armes de siège d'aucun genre. Ils se servirent tout simplement de ce qu'ils
avaient en leur possession, et Dieu les bénit.
Voyez Samson allant à la
rencontre d'un millier de Philistins. Qu'a-t-il avec lui? Une mâchoire d'âne !
Si Dieu peut se servir d'un instrument pareil, il peut aussi se servir de nous,
n'est-il pas vrai? Oseriez-vous prétendre qu'il ne peut pas utiliser les
services de cette femme, de ce petit garçon? Il n'y a pas une seule personne
dans cette salle dont Dieu ne puisse utiliser les services, si elle les lui
offre.
Lors de ma première
visite en Angleterre, j'entendis un jour un Écossais dire que probablement
chacun des soldats de l'armée de Saül était convaincu que Dieu pourrait, s'il
le voulait, se servir de lui pour aller tuer le géant Goliath. Un seul homme
crut que Dieu se servirait réellement de lui. David alla à la rencontre de
Goliath, et nous savons quel en fut le résultat. Tous, nous croyons que Dieu
peut se servir de nous; il faut faire un pas de plus et croire que Dieu va se
servir de nous à présent. Si nous lui offrons nos services, il les acceptera.
Les petits cailloux que David avait ramassés dans le torrent durent paraître
bien méprisables aux yeux de Goliath. Saül lui-même avait voulu que David prît
son armure, et s'en revêtit. David fut sur le point de céder ; mais il reprit
sa fronde avec les cinq petits cailloux, et partit. Le géant de Gath tomba devant lui. Faisons comme David. Marchons en
avant au nom du Dieu des armées, servons-nous des ressources qu'il nous a confiées,
et il nous donnera la victoire.
J'entends souvent dire :
Si telle ou telle personne haut placée se convertissait, quel bien ne
pourrait-elle pas faire grâce à son influence ou à sa fortune. - C'est vrai,
mais il se peut que Dieu choisisse quelque pauvre vagabond, et en fasse
l'instrument le plus puissant de sa grâce. John Bunyan n'était qu'un pauvre
chaudronnier de la ville de Bedford ; pourtant il fit plus pour la cause de
Dieu que tous les nobles et tous les riches de son temps. Dieu le prit par la main,
et lui communiqua sa puissance, si bien que cet homme ignorant put écrire le
merveilleux petit livre qui n'a pas cessé, depuis deux cents ans, de consoler,
de fortifier les coeurs affligés et découragés. Ne
l'oublions pas, - si nous sommes disposés à travailler pour Dieu, Dieu est
encore plus disposé à se servir de nous.
J'ai entendu un jour un
prédicateur anglais parler de la multiplication des cinq pains d'orge et des
deux poissons. Il se peut, disait-il, que Jésus ait commencé par casser un des
pains, et qu'il en ait donné un morceau à l'un de ses disciples pour qu'il le
distribuât au peuple. Je me figure que le disciple a dû donner d'abord de tout petits morceaux, de peur d'en manquer ; mais quand il
vit que sa provision ne diminuait pas, il a dû donner de plus gros morceaux.
Plus il donnait, plus le pain se multipliait, jusqu'à ce que tout le monde fût
rassasié.
Les cinq pains et les
deux poissons auraient facilement pu tenir dans une seule corbeille; mais après
que le peuple eut fini de manger, les disciples remplirent douze corbeilles des
morceaux qui restaient. Ils étaient plus riches à la fin qu'au commencement.
Apportons aussi au Maître nos petits pains d'orge afin qu'il les multiplie.
Vous dites que vous ne
possédez pas grand'chose; eh bien! raison de plus pour mettre à profit ce que vous avez. Plus je
travaille dans la vigne du Seigneur, plus je suis convaincu qu'un grand nombre
de chrétiens se privent du bonheur de travailler pour Dieu parce qu'ils
cherchent à faire quelque grande chose. Consentons à faire de petites choses,
et souvenons-nous que rien n'est vraiment petit quand Dieu s'y trouve. Le
serviteur d'Elie vint lui dire qu'il voyait s'élever de la mer un petit nuage,
grand comme la paume de la main d'un homme. Ce fut assez pour Elie : « Monte,
dit-il à son serviteur, et dis à Achab : Attelle ton chariot, et descends, de
peur que la pluie ne te surprenne. » Elie savait que le petit nuage allait
amener une grande pluie. Rien de ce que nous faisons pour Dieu n'est petit.
Il y a quelques années,
j'étais allé tenir des réunions dans une certaine ville. Chez les amis où je
demeurais, je fis la connaissance d'une jeune fille qui me raconta qu'elle
faisait un groupe tous les Dimanches après-midi dans une école populaire. Le
Dimanche suivant, à notre réunion de l'après-midi, je remarquai cette jeune
fille sur l'un des premiers bancs ; elle avait même dû venir de bonne heure
pour être bien placée. Après le service, j'eus occasion de la voir, et je lui
dis: « Je vous ai vue à la réunion aujourd'hui ; je croyais que vous aviez un
groupe à l'école populaire. » - « Oui, c'est vrai. » - « Vous étiez-vous fait
remplacer? » - « Non. ». - « Le Directeur était-il prévenu de votre absence? »
- « Non. » - « Savez-vous au moins s'il y aura eu quelqu'un pour se charger de
votre groupe ? » - « Non, et même je crains qu'il n'y ait eu personne, car j'ai
vu un grand nombre de moniteurs à votre réunion de cet après-midi. » - « Est-ce
ainsi que vous travaillez pour le Seigneur? » - « Je croyais que cela n'aurait pas
d'importance ; je n'ai que cinq petits garçons ! » - « Cinq petits garçons !
Qui sait si dans ce nombre il n'y a pas un nouveau John Knox, ou un Wesley, ou
un Bunyan. Vous ne pouvez pas deviner ce que deviendront ces enfants. Peut-être
l'un d'eux est-il destiné à devenir un second Luther et à opérer une nouvelle
réformation. C'est une grande chose pour n'importe qui d'avoir charge de cinq
petits garçons, et de les amener à Dieu. Vous pouvez faire jaillir une source
qui continuera à répandre ses eaux longtemps après que vous aurez disparu de la
terre. »
La mère des Wesley ne se
doutait guère de l'avenir réservé à ses fils, lorsqu'elle les élevait pour Dieu
et pour son règne. Voyez les résultats magnifiques de ces deux vies. On estime
le nombre des Méthodistes à environ vingt-cinq millions, sur lesquels il y a
plus de cinq millions de communiants. En Amérique seulement, il y a cent dix
mille prédicateurs réguliers, des églises s'élèvent chaque jour et l'oeuvre s'étend d'un bout à l'autre de la grande République.
Tout cela a été opéré en moins de cent cinquante années. Que jamais une mère ne
regarde comme une oeuvre de peu d'importance
l'éducation de ses enfants. Aux yeux de Dieu, c'est une très grande oeuvre ; au jour de l'éternité, ses enfants se lèveront devant
elle et l'appelleront bienheureuse.
En disant cela, je pense
en ce moment à un mère de famille que je connais en
Amérique. Elle a douze fils, et chacun d'eux est un chrétien fervent. Plusieurs
d'entre eux sont des prédicateurs de l'Evangile, et tous sont fidèles au Fils
de Dieu. Peu de femmes ont fait plus pour leur patrie que cette mère de
famille. C'est un immense privilège que de pouvoir mettre la main à l'oeuvre de Dieu, d'être ouvriers avec lui.
Le fleuve du Niagara est
traversé par un pont qui est une des grandes voies commerciales du pays. Le
chemin de fer y passe, et les trains se succèdent toute la journée à quelques
minutes d'intervalle. Lorsqu'on se mit à construire ce pont, la première chose
qu'on fît fut de lancer un fil d'une rive à l'autre au moyen d'un cerf-volant
d'enfant. Une bien petite chose servit de point de départ à une oeuvre magnifique. De même, si nous amenons une âme à
Christ, l'éternité seule pourra nous en révéler les conséquences. Qui sait si, en sauvant cette âme, vous n'aurez pas préparé
pour le service de Dieu un des chrétiens les plus éminents que le monde
ait jamais
vus.
Il se peut très bien que
nous ne soyons jamais appelés à faire de grandes choses ; mais tous nous
pouvons faire quelque petite chose, si nous le voulons, et le résultat final
sera considérable. Depuis bien des années, je me suis fait la règle de ne
jamais laisser passer un seul jour sans parler à quelqu'un des choses de Dieu.
Il y a déjà plusieurs années que j'ai commencé, et si
ma vie atteint la durée ordinaire de la vie humaine, j'aurai parlé à 18250
personnes individuellement. Il va sans dire que je ne compte pas là les
personnes auxquelles je me serai adressé en public. Que de fois, dans nos
rapports avec le monde, nous pourrions, nous chrétiens, diriger la conversation
sur des sujets sérieux.
Nous sommes entourés de coeurs travaillés et chargés; ne pouvons-nous rien faire
pour les soulager? On a comparé ce monde à deux montagnes : l'une, formée des
souffrances de l'humanité ; l'autre, de ses joies. Si chaque jour nous pouvons,
en quelque mesure, abaisser la montagne de souffrances et élever la montagne de
joies, au bout de l'année nous aurons obtenu de grands résultats.
J'ai entendu faire à M. Spurgeon une remarque très juste. Lorsque Moïse prévint le
roi d'Égypte qu'il allait faire monter des grenouilles sur tout le pays,
Pharaon aurait pu dire : « Ton Dieu est donc le dieu des grenouilles? Je n'ai
pas peur des grenouilles. Fais-les monter, si tu veux; cela m'est bien égal. »
- « C'est possible, ô roi, mais les grenouilles sont en très grand nombre. » Et
Pharaon ne tarda pas à s'en apercevoir.
De même, il se peut que,
pris individuellement, nous soyons faibles, méprisables aux yeux du monde, mais
en somme, il y a un grand nombre de chrétiens répandus dans toute la ville de
Londres, et à nous tous, nous pouvons faire de grandes choses. Supposons
maintenant que, parmi les personnes qui m'écoutent en ce moment, chacun de ceux
qui aiment le Seigneur Jésus prenne la résolution, avec l'aide de Dieu, de faire
tous ses efforts pour amener une âme à Christ cette semaine. Y a-t-il un seul
chrétien parmi ceux qui m'écoutent qui ne puisse amener quelqu'un au
Sauveur? Si vous en êtes incapables, permettez-moi de vous dire qu'il y a
quelque chose de coupable dans votre vie, et que vous ferez bien de le
retrancher sans perdre de temps. Si vous n'exercez pas une influence bénie sur
quelqu'un de vos amis ou de vos voisins, c'est que votre vie n'est pas ce
qu'elle devrait être. Dieu veuille vous le montrer aujourd'hui
Je ne comprends pas
comment tant de chrétiens peuvent se figurer qu'il faille nécessairement
laisser s'écouler des années avant d'avoir le privilège de faire passer une âme
des ténèbres du monde à la lumière de Dieu. Je ne crois pas non plus que l'oeuvre de Dieu soit le privilège exclusif des pasteurs et
des ministres. Ce monde perdu ne sera ramené dans les voies de l'obéissance et
de la fidélité que lorsque les enfants de Dieu se rendront compte qu'ils ont
une mission à remplir dans le monde. Si nous sommes de vrais chrétiens, nous
devons tous être des missionnaires. Jésus-Christ est descendu du ciel pour
accomplir une mission, et si nous sommes animés de son Esprit, nous serons tous
des missionnaires. Si la conversion du monde nous laisse indifférents, si nous
n'avons pas à coeur de ramener les hommes vers Dieu,
soyons sûrs qu'il y a quelque grave lacune dans notre religion.
Si vous ne vous sentez
pas qualifiés pour parler aux grandes personnes, vous pouvez du moins parler
aux enfants. Si vous leur parlez de leur âme avec bonté, ils s'en souviendront
toute leur vie. Ils peuvent oublier un sermon, mais si quelqu'un va leur parler
individuellement, ils se diront: « Cette personne doit prendre grand intérêt à
moi ; sans cela, elle ne se serait pas donné la peine de me parler ». - Ils
comprendront qu'ils ont une âme immortelle, et quand même le sermon serait
au-dessus de leur portée, un léger effort individuel en leur faveur pourrait
devenir la source d'une grande bénédiction.
Cette méthode d'agir
individuellement sur les consciences est parfaitement conforme à l'esprit de
l'Évangile. Philippe fût rappelé de
Je plains les chrétiens
qui ne veulent pas parler à une seule âme individuellement ; ils ne sont pas
propres pour le service de Dieu. Nous ne ferons pas grand'chose
pour Dieu dans le monde si nous ne voulons pas parler individuellement à ceux
qui se perdent.
Autre chose encore :
Satan essaiera de vous faire croire que les enfants sont trop jeunes pour être
sauvés ; ne le croyez pas. Il va sans dire qu'il n'est pas question de mettre
de vieilles têtes sur de jeunes épaules ; mais ils peuvent donner leurs jeunes coeurs à Christ.
Il y a bien des années,
je dirigeais une école du Dimanche populaire à Chicago. Les enfants appartenaient
presque tous à des parents incrédules, et comme je ne les avais qu'une heure à
peine par semaine, il me semblait que le peu de bien qu'ils pouvaient recevoir
le Dimanche ne manquerait pas d'être effacé pendant la semaine. Je me disais
alors que si je parlais jamais en public, je ne me lasserais pas de supplier
les parents d'élever leurs enfants pour Dieu, pour l'éternité, et de réfléchir
à la suprême importance de ce devoir. En effet, l'un de mes premiers sermons
fut sur ce sujet.
Dès que j'eus fini mon
discours, un vieillard à cheveux blancs se leva dans l'assemblée. Je tremblais
des pieds à la tête, croyant qu'il allait critiquer ce que je venais de dire.
Au lieu de cela: « Je désire confirmer, dit-il, toutes les paroles de ce jeune
homme. Dans ma jeunesse, j'habitais un pays païen. Ma femme mourut, me laissant
trois jeunes enfants. Le premier Dimanche après sa mort, ma fille aînée, qui
avait dix ans, vint me dire : - Papa., puis-je emmener les enfants dans la
chambre à coucher, et prier avec eux comme maman le faisait tous les Dimanches?
Je le lui permis.
« Au bout d'un certain
temps, quand les enfants sortirent de la chambre, je vis que ma fille aînée
avait pleuré. Je l'appelai à moi - Pourquoi as-tu du chagrin, Nellie ? - Oh l papa, me répondit-elle, figure-toi que
lorsque nous avons été dans la chambre j'ai fait la prière que maman m'a
apprise; et Frank aussi a fait la sienne ; mais Suzanne n'en sait pas, parce
que maman trouvait qu'elle était encore trop jeune pour en apprendre. Cependant
quand nous avons eu fini, elle a fait une prière à elle toute seule, et je n'ai
pas pu m'empêcher de pleurer en l'entendant. Elle a joint ses petites mains,
elle a fermé les yeux, puis elle a dit : Mon Dieu, tu as emmené ma chère maman,
et je n'ai plus de maman maintenant pour prier avec moi. Veux
tu me bénir et me rendre aussi bonne que maman, pour l'amour de
Jésus-Christ. Amen.
«Avant l'âge de quatre
ans, la petite Suzanne prouva pas des signes évidents qu'elle avait donné son
jeune coeur à Dieu, et depuis seize ans, elle est
missionnaire chez les païens. » N'oublions jamais que Dieu peut se servir même
des petits enfants. Le Docteur Milnor appartenait à une famille de quakers ; il
étudia le droit et devint un avocat distingué du barreau de Philadelphie. Pendant
trois sessions successives, il fut délégué au Congrès de Washington. A son
retour de la dernière session, sa petite fille se précipita au-devant de lui,
en s'écriant « Papa ! Papa ! Je sais lire maintenant ! » «Vraiment!
répondit-il; fais-moi voir. » Elle ouvrit sa Bible et lut ce passage. «Tu
aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur. » Ces
paroles pénétrèrent comme une flèche dans le coeur de
son père. Elles y retentirent comme un solennel appel. L'Esprit de Dieu agit
puissamment en lui ; il chercha son Sauveur par la prière, et un jour, un de
ses amis le trouva lisant, avec émotion, cet ancien traité qui a fait tant de
bien « La fille du laitier. » Bien qu'il n'eût que quarante ans, il abandonna
la politique et le droit pour se consacrer entièrement au ministère de
l'Evangile, et il fut pendant quarante ans le pasteur d'une des principales
églises de Philadelphie.
Pères et mères, amenons
nos enfants à Christ avec une foi simple et confiante. Il est le même
aujourd'hui que lorsqu'il les prenait dans ses bras et qu'il disait: « Laissez
venir à moi les petits enfants, et ne les en empêchez pas, car le royaume des
cieux est pour ceux qui leur ressemblent. »
A L'OEUVRE !
(Moody)
« ELLE A FAIT CE QU'ELLE A PU. »
Nous lisons dans le
quatorzième chapitre de l'Évangile selon saint Marc le récit suivant « La fête
de Pâque et des pains sans levain devait avoir lieu deux jours après. Les chefs
des prêtres et les scribes cherchaient les moyens d'arrêter Jésus par ruse, et
de le faire mourir, car ils disaient : Que ce ne soit pas pendant la fête, afin
qu'il n'y ait pas de tumulte parmi le peuple.
« Comme Jésus était à
Béthanie, dans la maison de Simon le lépreux, une femme entra, pendant qu'il se
trouvait à table. Elle tenait un vase d'albâtre, qui renfermait un parfum de
nard pur de grand prix ; et ayant rompu le vase, elle répandit le parfum sur la
tête de Jésus. Quelques-uns exprimèrent entre eux leur indignation : A quoi bon
perdre ce parfum? On aurait pu le vendre plus de trois cents deniers, et les
donner aux pauvres. Et ils s'irritaient contre cette femme. Mais Jésus dit :
Laissez-la. Pourquoi lui faites-vous de la peine ? Elle a fait une bonne action
à mon égard ; car vous aurez toujours des pauvres avec vous, et vous pourrez
leur faire du bien quand vous voudrez, mais vous ne m'aurez pas toujours. Elle
a fait ce qu'elle a pu ; elle a d'avance embaumé mon corps pour la
sépulture. Je vous le dis en vérité, partout où la bonne nouvelle sera prêchée,
dans le monde entier, on racontera aussi en mémoire de cette femme ce qu'elle a
fait. »
Saint Jean raconte aussi
cette scène, et nous dit qui était cette femme : « Six jours avant
Mais Jésus dit:
Laissez-la ; elle a gardé ce parfum pour le jour de ma sépulture. Vous aurez
toujours des pauvres avec vous, mais vous ne m'aurez pas toujours »
Ce récit est le dernier
où nous voyons figurer la famille de Béthanie. Le souper dont il est question
eut lieu pendant la dernière semaine de la vie de Jésus, et c'est aussi la
dernière entrevue de Jésus avec ses amis dont il soit fait mention dans
l'Évangile.
En parlant de Marthe et
de Marie, quelqu'un a dit : Toutes deux aimaient Jésus et étaient aimées de
lui, mais elles étaient différentes l'une de l'autre. Marthe voyait sa fatigue,
et voulait lui donner quelque chose ; Marie sentait sa plénitude, et voulait
recevoir de lui. Jésus acceptait les services de Marthe, mais il ne voulait pas
permettre que Marie fût troublée. Marie comprenait sa pensée; elle avait une
communion plus profonde avec lui ; son coeur s'était
donné. »
C'est sur l'une des
paroles du premier récit que nous avons lu que je désire attirer votre
attention: «Elle a fait ce qu'elle a pu. » Si l'on avait annoncé ce jour-là,
dans Jérusalem, qu'il allait se passer à Béthanie un événement dont le souvenir
vivrait plus longtemps que celui de l'empire romain ou de tous les souverains
les plus puissants de la terre, il y aurait eu certainement une grande
agitation dans la ville. Beaucoup de personnes se seraient rendues à Béthanie
pour voir ce qui allait se passer et dont le souvenir devait vivre si
longtemps. Marie se doutait bien peu qu'elle allait élever un monument plus
durable que les empires et les royaumes. Elle ne pensait guère à elle-même.
L'amour ne pense jamais à lui-même. Que dit Jésus? - « Partout où cet Evangile
sera prêché, dans le monde entier, ce qu'elle a fait sera aussi raconté en
mémoire d'elle.»
Cette histoire a déjà été
traduite en trois cent cinquante langues différentes, et circule dans tous les
pays du monde. De jour en jour, on l'imprime et on la publie de nouveau. A
Londres, une seule société imprime, à chaque heure de la journée de travail,
cinq cents exemplaires du récit de la scène qui s'est passée à Béthanie. Il est
répandu jusqu'aux extrémités de la terre, et l'on en gardera le souvenir tant
que l'Église de Dieu existera.
Les hommes sont désireux
d'élever des monuments qui leur survivent. Cette femme n'y avait jamais songé;
elle n'avait eu d'autre pensée que de témoigner à Jésus son amour. Mais son
action lui a survécu, et vivra aussi longtemps que l'Eglise. Elle a autant de
fraîcheur aujourd'hui qu'il y a cent ans; elle en a même plus qu'il y a cinq
cents ans. Elle n'a jamais été aussi connue qu'elle l'est aujourd'hui. Quoique
Marie fût à peine connue en dehors de Béthanie lorsqu'elle accomplit cet acte,
son nom est maintenant répandu par toute la terre. Les rois se sont succédé, les empires se sont
élevés et sont tombés. L'Egypte, avec ses antiques gloires, a disparu ;
Grâce à Dieu, nous
pouvons tous aimer Jésus-Christ et faire quelque chose pour lui. Quand même ce
ne serait qu'une petite chose, toute oeuvre, faite
pour le Seigneur, durera éternellement. Le fer sera rongé par la rouille, le
granit tombera en poussière, mais rien de ce qui a été fait pour Christ ne se
perdra. Il dépassera les limites mêmes du temps. Jésus-Christ a dit :
« Le ciel et la terre
passeront, mais mes paroles ne passeront point. »
Voyez cette autre femme dans
le temple. Jésus étant assis vis-à-vis du tronc, regardait comment le peuple y
mettait de l'argent. Cette pauvre veuve n'avait que deux petites pièces, et
elle les mit toutes deux dans le tronc. Le Seigneur vit qu'elle l'avait fait de
tout son coeur, et il loua son action. Si quelque
grand seigneur avait déposé un talent d'argent dans le tronc, Jésus n'y aurait
probablement pas fait attention, à moins que lui aussi ne l'eût fait de tout
son coeur. L'or a peu de valeur dans le ciel. Il y
est en si grande abondance que les rues en sont pavées ; c'est un or
transparent, bien plus beau que celui que nous avons sur la terre. Pour que
Jésus accepte une offrande, il faut que le coeur
l'accompagne. C'est pourquoi il dit de cette femme: «Elle a donné plus qu'aucun
de ceux qui ont mis dans le tronc. » Elle aussi, elle avait fait ce qu'elle
avait pu.
Telle est la leçon, je
crois, que nous devons tirer de ces deux incidents bibliques. Le Seigneur
attend de nous que nous fassions tout ce que nous pouvons. Nous pouvons tous
faire quelque chose. Dans l'une de nos grandes villes de l'Amérique du Sud,
quelques chrétiens se réunirent au commencement de la guerre pour rechercher
les moyens de construire une église dans un quartier de la ville où les pauvres
étaient très négligés. Après avoir discuté la question, on résolut de commencer
par s'assurer de ce que les personnes présentes à la réunion pourraient donner.
Les unes promirent de
donner tant ; les autres, tant. Les souscriptions atteignirent à peine la
moitié de la somme nécessaire. Alors une pauvre blanchisseuse, qui était assise
dans un coin de la salle, se leva: « J'ai perdu un petit garçon la semaine
dernière, dit-elle. Il ne possédait qu'une chose : une pièce d'un dollar en or
(environ cinq francs de monnaie française). C'est tout ce qui me reste, mais je
veux donner ce dollar à la bonne cause. » Ses paroles touchèrent le coeur de beaucoup de ceux qui les entendirent. Bien des
personnes riches furent honteuses de ce qu'elles avaient donné, et au bout de
très peu de temps, la somme entière fut souscrite. J'ai parlé dans cette
église, et je sais qu'elle est devenue le centre d'une grande activité
religieuse. Cette pauvre femme avait fait ce qu'elle pouvait; peut-être
avait-elle donné, en proportion, plus qu'aucune autre personne de la ville.
Lors de notre première
visite à Londres, nous désirions atteindre tous les points de la ville, et nous
fîmes appel aux personnes de bonne volonté pour faire des visites et inviter
aux réunions le plus de monde possible. Parmi celles qui se présentèrent, se
trouvait une vieille femme de quatre-vingt-cinq ans. Elle voulait travailler
encore un peu pour le Maître avant d'aller le rejoindre. Elle prit un district,
et alla de maison en maison distribuant à tous les habitants des traités et des
billets d'invitation. Je suppose qu'elle est maintenant entrée dans son repos,
mais je ne l'oublierai jamais. Elle voulait faire ce qu'elle pouvait. Si chacun
des chrétiens de ce district veut bien faire tout ce qu'il peut, toutes les
familles du quartier seront visitées. Si chaque homme, si chaque femme qui sont ici sont prêts à suivre l'exemple de Marie, les multitudes
qui nous entourent entendront parler du Sauveur, et seront bénies.
Dans les vastes prairies
de l'État que j'habite en Amérique, on ne rencontrait, il y a quelques années,
qu'un petit nombre de colons, dispersés çà et là. L'un d'eux passait
ordinairement ses Dimanches à la chasse et à la pêche, et faisait preuve, dans
toute sa conduite, d'une impiété et d'une méchanceté notoires. Sa petite fille
allait à l'école du Dimanche établie par ces pionniers, et là elle apprit à
connaître le chemin qui mène à Dieu. Quand elle fut convertie, son moniteur lui
dit que Dieu pourrait maintenant se servir d'elle pour faire du bien à
d'autres. Sa première pensée fut pour son père. Plusieurs personnes avaient
essayé de lui faire du bien et n'avaient pu y réussir ; mais l'enfant eut plus
d'influence. Il est écrit: « Un enfant les conduira. » Elle lui fit promettre
de venir aux réunions. D'abord il ne vint qu'à la porte, et ne voulut pas
entrer. Dans son enfance il avait été à l'école, mais ses camarades s'étant
moqués de lui parce qu'il avait un léger défaut de prononciation, il n'avait
plus voulu y remettre les pieds, de sorte qu'il n'avait jamais appris à lire.
Sa petite fille lui
persuada enfin de l'accompagner à l'école du Dimanche ; il y entendit parler du
Sauveur, et pour tout dire en deux mots, il finit par donner son coeur à Dieu. Avec l'aide de son enfant et d'autres
personnes, il apprit bientôt à lire. La dernière fois que je l'ai vu, il y a
environ dix-huit mois, si je me rappelle bien, cet homme avait fondé dans les
prairies de l'Ouest, entre onze et douze cents écoles du Dimanche. Outre ces
écoles, des centaines d'Eglises se sont formées, qui toutes doivent leur
origine à ses premiers efforts missionnaires. Il parcourait le pays en tous
sens et à de grandes distances, monté sur un cheval qu'il appelait son cheval
de l'école du Dimanche. Il allait visiter ainsi les districts éloignés, où l'on
ne faisait encore rien pour Christ. Il réunissait les parents, et leur
racontait comment sa petite fille l'avait amené au Sauveur. J'ai entendu bien
des orateurs, mais je n'en ai jamais entendu qui sût émouvoir comme lui. Quand
il commença à parler pour Jésus, il ne fut plus question de son défaut de
prononciation; il semblait avoir reçu le don de l'éloquence et le feu du ciel.
Cette petite fille avait fait ce qui était en son pouvoir. Le jour où elle
avait amené son père au Sauveur, elle avait accompli une grande oeuvre.
Chacun de nous peut faire
quelque chose. Pourvu que nous soyons franchement décidés à faire tout ce que
nous pouvons, le Seigneur daignera se servir de nous. C'est un grand privilège
que d'être dans sa main des instruments dociles, avec lesquels il peut faire ce
qui lui plait.
Je me rappelle avoir lu
dans les journaux, lors du grand incendie du théâtre de Vienne, il y a
plusieurs années qu'une vingtaine de spectateurs affolés se trouvèrent acculés
dans un étroit corridor. L'obscurité était complète ; on ne pouvait trouver d'issue , et l'on risquait d'être étouffé. Un de ces
spectateurs retrouva une allumette dans sa poche ; il l'alluma, et grâce à
cette lumière, ces vingt vies furent sauvées. Il avait fait ce qui était en son
pouvoir.
Il vous semble que vous
ne pouvez pas faire grand'chose. Si vous êtes
l'instrument du salut d'une seule personne, cette personne-là en sauvera
peut-être cent autres. A l'époque de notre premier séjour en Angleterre, il y
eut une femme, dans une de nos réunions, dont le zèle fut ranimé par le même
texte, je crois, que celui sur lequel nous parlons aujourd'hui. Elle était
chrétienne de nom depuis longtemps, mais elle n'avait jamais compris qu'elle
avait une mission spéciale à remplir en ce monde. Je crains qu'il n'y ait
beaucoup de chrétiens de nom dans le même cas. Dès que sa conscience eut été
réveillée, elle commença à chercher autour d'elle les occasions de se rendre
utile. Elle eut l'idée de faire quelque chose pour les pauvres femmes tombées
de la ville qu'elle habitait. Elle se mit à l'oeuvre
immédiatement, parlant avec bonté à toutes celles qu'elle rencontrait. Elle
loua une maison, et les invita à y venir.
Je suis allé dans cette
ville il y a un an ou deux ; cette dame avait sauvé plus de trois cents de ces
pauvres femmes, et les avait rendues à leurs familles. Elle est restée en
correspondance avec la plupart d'entre elles. Pensez à cela ! Plus de trois
cents de nos soeurs arrachées au péché et sauvées de
la mort par l'entremise d'une seule femme. Elle avait fait ce qui était en son
pouvoir. Quelle belle moisson elle aura au dernier jour, et comme elle se
réjouira quand elle entendra le Maître lui dire : « Cela va bien, bonne et
fidèle servante. »
On m'a cité la parole
d'un malade dans un des hôpitaux de Londres. Il avait reçu un bouquet envoyé
par
Un des prédicateurs de
Philadelphie, le Docteur Willets, en parlant du
bonheur qu'il y a à communiquer aux autres les biens qu'on a reçus, emploie
cette jolie allégorie : « Voyez cette petite source, cachée, là-bas, dans la
montagne ; elle brille à travers le fourré comme un fil d'argent, et dans sa
joyeuse activité, elle étincelle comme un diamant. Elle se hâte d'apporter au
fleuve son tribut ; elle passe en courant près d'une mare d'eau stagnante :
« Où vas-tu,
petit
ruisseau? » lui crie la mare.« Je vais au fleuve, lui
porter ce verre d'eau que Dieu m'a donné. » - « C'est une sottise que tu fais
là; tu en auras besoin toi-même avant la fin de l'été. Le printemps a été
tardif, et les chaleurs de l'été seront d'autant plus fortes : tu te
dessécheras alors. » - « Eh bien ! répondit le ruisseau, si je dois mourir
bientôt, raison de plus pour travailler aussi longtemps que je le pourrai. Si
la chaleur doit m'enlever mon trésor, je veux me hâter d'en profiter pour faire
le plus de bien possible. » Et il reprit son chemin, répandant sur son passage
la joie et la fraîcheur. Fière de sa propre prévoyance, la mare sourit d'un air
de pitié, et économisa sa provision avec un soin jaloux, ne permettant pas à
une seule goutte d'eau de s'échapper.
« L'été vint, et le petit
ruisseau souffrit de la chaleur ; mais les arbres se penchaient sur lui, et
l'ombrageaient de leur feuillage touffu. Ils le protégeaient au jour de l'adversité,
car ils avaient reçu de lui jadis la vie et la santé ; le soleil lui-même
souriait avec bonté à travers les branches. Il semblait dire: « Je n'ai pas le coeur de te faire du mal; » - les oiseaux venaient tremper
leur bec dans ses eaux argentées, et chantaient ses louanges ; les fleurs
répandaient leurs parfums sur ses bords ; les bestiaux venaient se reposer près
de lui ; le cultivateur souriait de plaisir en voyant la fraîcheur et la
verdure des prairies qu'il traversait, et le petit ruisseau continuait sa
course, heureux lui-même et répandant le bonheur autour de lui.
Qu'était devenue la
prévoyante mare? Hélas ! dans sa glorieuse immobilité,
elle était devenue malsaine et pestilentielle. Les bêtes des champs venaient
pour s'y désaltérer, mais se détournaient aussitôt avec dégoût ; la brise en
passant lui donna un baiser, mais ce contact la fit frissonner. Elle avait pris
la fièvre et la porta dans toute la région : les habitants en furent atteints
et durent s'éloigner ; enfin, les grenouilles elles-mêmes durent abandonner
cette mare empoisonnée, et le ciel, par pitié pour l'homme, fit souffler sur
elle un air embrasé qui la dessécha.
« Mais le petit ruisseau
ne s'était-il pas épuisé ? Oh ! non, Dieu y avait pourvu. Le
ruisseau versa son verre d'eau dans le fleuve, le fleuve le porta à la mer, et
la mer l'accueillit avec bonté. Le soleil répandit sa chaleur sur la mer, et la
mer fit monter son encens vers le soleil ; les nuages recueillirent cet encens
dans leur sein, et le vent, comme un coursier docile, emporta les nuages bien
loin, bien loin, jusqu'au sommet de la montagne qui avait donné naissance à la
source. Ils remplirent de nouveau la petite coupe et la firent déborder. C'est
ainsi que Dieu avait pourvu à l'existence du ruisseau. Il avait eu beau se
donner et se répandre sans calculer, il ne se dessécha jamais. Si Dieu a béni
de la sorte une petite source, ne vous bénira-t-il pas aussi, mes amis, si vous
donnez libéralement ce que vous avez reçu libéralement ? Soyez sûrs qu'il le
fera. »
Une jeune fille
appartenant à une famille très riche des Etats-Unis, fut envoyée dans une
pension fort à la mode. Une des maîtresses de cette
pension était une véritable servante de Jésus-Christ, et cherchait toujours à
lui amener ses élèves. Dès que cette jeune fille fut arrivée, la maîtresse
résolut de faire tous ses efforts pour la gagner à Christ. La première chose
qu'elle fit, fut de se faire aimer d'elle. Je dirai ici en passant que nous ne
ferons jamais grand bien aux gens si nous ne savons pas nous faire aimer d'eux.
Cette maîtresse, après avoir gagné l'affection de son élève, lui parla du
Sauveur, et eut bientôt la joie de la voir donner son coeur
à Dieu. Elle ne s'en tint pas là, comme tant d'autres le font ; elle lui montra
le bonheur qu'il y a à travailler pour le Seigneur. Elle se
mirent à l'oeuvre ensemble, et persuadèrent à
plusieurs autres élèves de se donner à Christ. Une fois que la jeune fille eut
commencé à travailler pour Dieu, le monde perdit tout son charme pour elle.
S'il y a ici quelque chrétien qui se sente encore de l'attrait pour le monde,
je lui dirai : Mettez vous à l'oeuvre pour Dieu, et
le monde vous quittera bientôt. Ce n'est pas vous qui le quitterez ; vous
posséderez quelque chose de meilleur. Je plains les chrétiens qui sont sans
cesse à demander s'il faut renoncer à ceci ou à cela. Vous ne ferez plus ces
questions-là quand vous aurez pris goût à l'oeuvre du
Seigneur. Vous aurez trouvé alors quelque chose que le monde ne saurait vous
donner.
Lorsque cette jeune fille
retourna chez ses parents, ceux-ci voulaient la faire aller dans le monde. Ils
donnèrent plusieurs fêtes, mais à leur grand étonnement, elle ne pouvait pas y
prendre plaisir. Elle avait soif d'autre chose. Elle alla à l'école du Dimanche
de sa paroisse, et demanda au directeur de lui donner un groupe mais il y avait
déjà plus de monitrices qu'il n'en fallait.
Pendant plusieurs
semaines, elle chercha un moyen de faire quelque chose pour Christ. Un jour,
dans la rue, elle vit un petit garçon sortir en courant de la boutique d'un
cordonnier. Le patron la poursuivait, tenant une forme en bois à la main. Quand
il vit que l'enfant courait plus vite que lui et allait lui échapper, il lui
lança la forme et l'atteignit dans le dos. Lorsque le cordonnier eut ramassé sa
forme et fut rentré dans sa boutique, l'enfant s'arrêta et se mit à pleurer.
Très émue de ce qu'elle venait de voir, la jeune fille s'approcha de lui et lui
parla avec bonté :
« Vas-tu à l'école du
Dimanche ? » - « Non. » - « Et à l'école de semaine? » - « Non. » - « Pourquoi
pleures-tu? » - Il s'imagina qu'elle voulait se moquer de lui ; et il répondit
que cela ne la regardait pas. « Mais je suis ton amie,» répondit-elle. Il
n'avait pas l'habitude de s'entendre parler de la sorte, et il avait d'abord un
peu peur, mais elle finit par gagner sa confiance, et lui demanda de venir à
l'école du Dimanche elle serait sa monitrice. L'idée ne plaisait pas à
l'enfant; il n'avait pas envie d'apprendre des leçons. La jeune fille lui dit
qu'elle ne lui donnerait pas de leçons à apprendre; qu'elle lui raconterait
seulement de belles histoires et qu'il entendrait de jolis chants. Enfin, il
lui promit d'y aller, et elle lui donna rendez-vous, pour le Dimanche suivant,
au coin d'une certaine rue.
Elle craignait qu'il ne
fût pas exact au rendez-vous. Elle y alla cependant et l'y trouva. Elle le
présenta au directeur de l'école du Dimanche et le pria de lui indiquer une
place où elle pourrait instruire cet enfant. Le pauvre garçon était tout
ébouriffé et n'avait pas de souliers aux pieds. Les autres enfants, au
contraire, étaient propres et bien habillés. Le directeur parut d'abord assez
embarrassé ; enfin, il le relégua dans un coin aussi éloigné que possible des
autres élèves. Ce fut là que la jeune fille commença sa tâche, - une tâche qui
aurait réjoui le coeur des anges.
La lumière ne tarda pas à
se faire dans la conscience obscurcie de cet enfant, et toute sa vie fut
transformée. La jeune fille continua à s'intéresser à lui; elle fut son ange
gardien. Un jour, il était allé à la gare pour vendre de petites marchandises
qu'il colportait. Il se tenait sur le marchepied d'un des wagons quand
tout-à-coup le train s'ébranla; le petit garçon perdit l'équilibre, son pied
glissa, il tomba et le train lui passa sur le corps. Quand le médecin arriva,
l'enfant lui demanda s'il pouvait être transporté chez ses parents. - «Non, mon
garçon, lui répondit le médecin, tu n'as plus que quelques instants à vivre. »
- « Eh bien ! dites à mon père et à ma mère
que je vais aller près de Jésus-Christ. »
Ne trouvez-vous pas que
les efforts de la jeune fille avaient été bien récompensés? Quand elle entrera
au ciel, ce petit garçon sera là pour lui souhaiter la bienvenue.
C'est un grand privilège
que de faire sortir une âme des ténèbres du péché pour la faire entrer dans la
glorieuse lumière de l'Evangile. Si un ange allait répandre dans le ciel la
nouvelle qu'il y a dans la ville de Londres un pauvre petit garçon déguenillé,
sans père ni mère, sans personne pour lui montrer le chemin du salut ; et si
Dieu demandait aux esprits bienheureux qui entourent son trône, lequel d'entre
eux consentirait à venir passer cinquante années sur la terre pour amener à
Jésus ce petit orphelin, je suis sûr que chacun des anges qui peuplent la cité
céleste s'offrirait aussitôt. L'ange Gabriel, lui-même, lui qui se tient en la
présence du Tout-Puissant, n'hésiterait pas à se proposer :
« Permets moi, de quitter
la position si élevée que j'occupe, et d'avoir le privilège de conduire une âme
à Jésus-Christ. » - Il n'y a pas de plus grand honneur au monde que de servir
d'instrument entre les mains de Dieu pour retirer une âme du royaume de Satan
et pour l'introduire dans le royaume de Dieu.
J'ai inscrit ce précepte
dans ma Bible: « Fais tout le bien que tu pourras, à toutes les personnes que
tu pourras, de toutes les manières que tu pourras, et aussi longtemps que tu
pourras. » Si chacun de nous veut se mettre dès aujourd'hui à faire quelque
chose pour Dieu, et s'y tenir trois cent soixante-cinq jours par an, nous
obtiendrons de grands résultats. Vivons de telle sorte qu'on puisse dire de
nous que nous avons fait « tout ce qui était en notre pouvoir. »
A L'OEUVRE !
(Moody)
« QUI EST MON PROCHAIN? »
J'ai pris pour notre
sujet d'aujourd'hui l'histoire du bon Samaritain. Dans cette parabole, Jésus
nous présente quatre individus différents, et il nous les décrit d'une manière
si frappante que le monde ne les oubliera jamais. Les récits de l'Évangile nous
laissent trop souvent indifférents, et nous oublions bien vite les leçons que
notre divin Maître voudrait nous enseigner.
Pendant que Jésus était
sur la terre, il était entouré par une certaine catégorie de personnes qui
critiquaient sans cesse tout ce qu'il disait et tout ce qu'il faisait. Un jour,
un docteur de la loi vint lui demander ce qu'il fallait faire pour obtenir la
vie éternelle. Le Seigneur lui dit de garder les commandements, d'aimer Dieu de
tout son coeur, et son prochain comme lui-même. Le
docteur de la loi voulut savoir qui était son prochain. Alors Jésus lui raconta
cette parabole pour lui montrer qui était son prochain, et comment il fallait
l'aimer.
Il me semble que nous
avons mis beaucoup de temps à découvrir qui est notre prochain. Dans la
parabole du bon Samaritain, Jésus-Christ nous enseigne, si je ne me trompe, que
notre prochain, c'est tout homme, toute femme, qui a besoin de notre sympathie
et de notre secours, soit pour le corps, soit pour l'âme. S'il nous est
possible de leur venir en aide, nous sommes tenus de le faire au nom de notre
Maître.
Nous voyons d'abord deux
hommes qui, l'un et l'autre, passent sans y prendre garde, à côté d'un pauvre
voyageur, lequel avait cependant grand besoin de secours, car il était tombé
entre les mains des brigands qui l'avaient dépouillé, chargé de coups, et laissé
à demi-mort. Le premier qui passa, allant de Jérusalem à Jéricho, était un
prêtre. Comme il cheminait, il entendit un cri de détresse, et s'arrêta pour en
chercher la cause. Il lui fut facile de voir que le pauvre blessé était un Juif
; peut-être l'avait-il vu dans le temple le jour du Sabbat; mais on n'était
plus à Jérusalem. Tant qu'il était dans le temple, il était au service du
public; une fois hors de l'enceinte sacrée, il était libre. Les devoirs de sa
profession étaient terminés, et l'on ne pouvait rien lui demander de plus.
Il était très pressé
d'aller à Jéricho. Peut-être allait-on ouvrir une nouvelle synagogue dans cette
ville ; en tout cas, c'était une affaire très importante qui l'y appelait, et
il n'avait pas le temps de s'arrêter auprès de ce pauvre blessé. Aussi, il
passa outre. Il se peut qu'en continuant son chemin, il ait raisonné ainsi en
lui-même : « Quel mystère que Dieu ait laissé entrer le péché dans le monde !
S'il n'y avait pas de péché, ce pauvre homme ne se trouverait pas dans un état
aussi lamentable. » - Ou bien ses pensées ont pris une autre direction, et il
s'est dit qu'en arrivant à Jéricho, il formerait un comité pour veiller à la
sécurité des pauvres voyageurs. Il donnerait volontiers une once d'or pour la
nouvelle société ; ou bien encore, il ferait rechercher les brigands qui
l'avaient dépouillé, et les ferait châtier.
Il ne se disait pas que
pendant tout ce temps, le pauvre blessé se mourait. Il est probable qu'il était
dévoré par la soif; peut-être un ruisseau coulait-il tout près du lieu où il
était étendu, et si ce prêtre l'avait voulu, il aurait pu lui donner à boire ;
mais toute sa religion était dans sa tête elle n'était pas descendue jusqu'à
son coeur. Il avait une certaine notion du devoir, et
quand il avait accompli ce qu'il regardait comme son devoir, il trouvait qu'on
n'avait plus rien à exiger de lui. Ce que Dieu nous demande, c'est le service
du coeur ; si nous ne le lui donnons pas, il n'en
acceptera pas d'autre.
Quelque temps après, un
Lévite vint à passer le long du chemin où était étendu le pauvre blessé. Lui
aussi, il entendit ses cris de détresse. Il se détourna un instant pour le
regarder, mais il était pressé d'arriver à Jéricho. Peut-être devait-il prendre
part à la dédicace de cette nouvelle synagogue ; peut-être avait-on convoqué à
Jéricho une réunion pour discuter sur les moyens « d'atteindre les masses, » et
allait-il y prononcer un discours. J'ai vu bien souvent des hommes aller à des
conférences et parler pendant des heures sur ce sujet, mais ne pas vouloir
étendre leur main vers ces masses qu'ils prétendaient atteindre.
Il est probable que les
pensées du Lévite prirent un autre cours : « Je tâcherai, se disait-il, de
faire prendre des mesures pour empêcher que ces brigands continuent à
dépouiller et à assassiner les pauvres voyageurs. » - Aujourd'hui encore il ne
manque pas de gens qui pensent que des mesures purement humaines peuvent
ramener l'homme à Dieu, qu'une législation nouvelle pourrait prévenir le péché.
De même que le prêtre, ce Lévite ne s'arrêta pas pour donner une goutte d'eau
au malheureux blessé; il n'essaya pas de bander ses plaies ni de lui porter
secours en aucune manière. Il continua son chemin en se disant sans doute: « Ce
pauvre homme est bien à plaindre. » Ce genre de compassion est très fréquent ;
il vient des lèvres et non du coeur.
Un troisième voyageur
vint à passer; c'était un Samaritain. Or, il était notoire qu'un Juif
n'adressait jamais la parole à un Samaritain ; la présence d'un Samaritain
était une souillure pour un Juif scrupuleux. Jamais un Juif ne franchissait le
seuil de l'étranger détesté ; jamais il ne s'asseyait à sa table ni ne buvait
de l'eau de son puits. Jamais non plus il ne lui aurait permis de se reposer,
sous son toit. Un Juif religieux s'abstenait même de tout trafic avec un
Samaritain.
Ce n'est pas tout; les
Juifs croyaient que le Samaritain n'avait pas d'âme, qu'à sa mort il était
anéanti. Il était le seul homme sur la terre qui ne pût devenir prosélyte, et
entrer dans la grande famille juive. Il ne pouvait être amené à la repentance
ni dans ce monde ni dans l'autre.
Il avait beau faire
profession de judaïsme, les Juifs ne voulaient rien avoir à faire avec lui.
Voilà la manière dont les Juifs traitaient les Samaritains ; et
cependant, ce fut d'un Samaritain que Jésus se servit pour donner à ces Juifs
haineux une leçon d'amour et de charité.
Un Samaritain, donc, vint
à passer par ce même chemin. Quand il vit le blessé, il fut touché de
compassion. Il descendit de sa monture, et se pencha sur lui ; un seul regard
suffit pour lui montrer que c'était un Juif. Si lui-même avait ressemblé au
Juif, il aurait dit probablement :
« C'est bien fait. Je
regrette seulement que les brigands ne t'aient pas tué tout-à-fait. Tu peux
être sûr que je ne lèverai pas un doigt pour te venir en aide, misérable Juif.
» Mais il ne dit rien de semblable, au contraire.
Que ceci nous serve
d'enseignement. Quand nous avons affaire à des gens que l'amour de la boisson,
par exemple, a perdus et dégradés, ne nous hâtons pas de les condamner. Ils se
condamnent eux-mêmes plus sévèrement que personne ne saurait le faire. Ce qu'il
leur faut, c'est de la sympathie, c'est de la bonté, c'est de la douceur. Ce
Samaritain ne se mit pas à faire un grand discours à ce blessé. Il y a des gens
qui semblent croire que ce dont les hommes ont besoin avant tout, ce sont des
sermons. Non, il ne faut pas une si grande abondance de paroles ; il faut
annoncer l'Évangile avec nos mains et avec nos pieds, il faut le manifester au
monde par des actes de bonté et de sympathie.
Ce que l'état du pauvre
blessé réclamait tout d'abord, c'était du secours et de la sympathie. Aussi la
première chose que fit le bon Samaritain fut de verser de l'huile sur ses
plaies. Combien de blessés n'y a-t-il pas parmi nous qui ont besoin de l'huile de la
compassion et de la sympathie ! Et cependant, bon nombre de chrétiens semblent
vouloir remplacer l'huile par du vinaigre, et s'en montrent même très généreux.
Le Samaritain aurait pu
dire au blessé : « Pourquoi n'es-tu pas resté à Jérusalem ? Tu savais bien que
les chemins ne sont pas sûrs; tu as été imprudent, et maintenant il faut que
j'aie la peine de te soigner. » N'avez-vous jamais entendu des paroles sur ce
ton-là? Qu'un jeune homme de la province succombe aux tentations de la grande
ville, on commencera par le gronder et lui faire des reproches : « Pourquoi
avez vous quitté vos parents? Si vous étiez resté près d'eux, vous auriez évité
les pièges où vous êtes tombé. » Ce n'est pas en parlant ainsi qu'on fera du
bien. Il ne faut pas non plus haranguer les hommes du haut de notre propre
justice ; il faut descendre jusqu'à eux, et nous pénétrer bien réellement de
leurs chagrins et de leurs souffrances. Voyez le bon Samaritain: il s'approche
de celui qui souffre, il bande ses plaies, il y verse de l'huile et du vin.
Le récit évangélique
mentionne douze choses faites par le Samaritain. Quant au prêtre et au Lévite,
un seul mot suffit pour raconter ce qu'ils firent: ils ne firent rien.
1) Il alla vers le
blessé.
2) Il le regarda, et ne
passa pas outre comme le prêtre.
3) Il eut compassion de
lui. Si nous voulons réussir dans nos efforts pour gagner les âmes, il faut que
nos coeurs soient pleins de compassion pour ceux qui
périssent. Il faut sympathiser avec leurs souffrances et leurs épreuves si nous
désirons gagner leur coeur et leur faire du bien.
4) Il s'approcha de lui.
5) Il banda ses plaies.
Peut-être fut-il obligé de déchirer ses habits pour avoir des bandes.
6) Il y versa de l'huile
et du vin.
7) Il le mit sur sa
monture. Ne croyez-vous pas que le pauvre Juif ait dû regarder avec
reconnaissance et tendresse le Samaritain qui lui prêtait sa monture, tandis
que lui-même continuait sa route à pied à côté de lui? Tous les préjugés de son
coeur ont dû disparaître avant la fin du voyage.
8) Il le mena à une
hôtellerie.
9) Il prit soin de lui.
J'ai été très touché dernièrement en apprenant ce qu'un de nos collaborateurs
dans un des districts de Londres avait fait. Il avait parlé, pendant la
réunion, à un homme qui se trouvait dans la salle. Voyant qu'il était ivre, il
le reconduisit chez lui, il passa toute la nuit près de lui; puis le lendemain
matin, quand cet homme fut rentré dans son état naturel, il causa avec lui.
Beaucoup de personnes veulent bien parler aux ivrognes lorsqu'ils sont à jeun ;
mais il y en a bien peu qui aient le courage d'aller à leur recherche quand ils
subissent les honteuses conséquences de leur vice, et de rester près d'eux
jusqu'à ce qu'ils aient recouvré leur bon sens et soient en état d'entendre
parler du salut.
10) Le lendemain, en
partant, le bon Samaritain pria l'hôtelier d'avoir soin de lui.
11) Il lui remit deux
deniers d'argent pour payer la note.
12) Il lui dit : « Tout
ce que tu dépenseras de plus, je te le rendrai à mon retour. » Je ne connais
rien dans tous les enseignements de Jésus qui fasse mieux ressortir le fond
même de l'Évangile, que cette parabole. C'est une image fidèle du Sauveur
venant sur la terre pour chercher et sauver ceux qui étaient perdus.
1) Jésus est venu dans ce
monde de péché et de souffrance, se dépouillant de sa gloire pour quelque temps
afin de revêtir notre humanité, et de se mettre sur le même niveau que ceux
qu'il venait sauver.
2) Il regardait les
pauvres et les malades afin de connaître leurs souffrances.
3) Il était ému de
compassion pour les multitudes. Que de fois cela nous est dit dans les
évangiles ! Un jour il versa des larmes à la pensée de toute l'angoisse que le
péché a attirée sur l'humanité.
4) Jésus s'approchait dès
qu'il entendait parler d'une souffrance. Jamais un cri de détresse n'a frappé
en vain son oreille.
5) Un certain jour, ayant
ouvert le livre du prophète Esaïe, Jésus lut un
passage qui se rapportait à lui : «L'Esprit du Seigneur est sur moi... Il m'a
envoyé... pour guérir ceux qui ont le coeur brisé. Il
a été blessé pour nos péchés, afin que par ses meurtrissures nous puissions
être guéris.»
6) Il a non seulement
consolé les affligés, mais il a promis d'envoyer son Saint-Esprit pour être le
Consolateur de ses rachetés.
7) Le bon Samaritain
plaça le blessé sur sa monture ; de même, le Sauveur nous soutient par sa
parole puissante pendant tout le cours de notre pèlerinage. Il a promis d'être
tous les jours avec nous jusqu'à la fin du monde.
8) Le Sauveur nous
procure le repos: le repos dans son amour, le repos dans son salut ; et à la
fin de notre vie, il nous introduira dans le repos éternel
9) Pendant qu'il était
sur la terre, il s'intéressait directement à tout ce qui touchait ses
disciples, et
10) Quand il fut monté au
ciel il envoya le Consolateur pour demeurer éternellement avec son Eglise.
11) Il a donné à l'Eglise
tous les secours nécessaires pour la faire croître dans la grâce et pour la
fortifier.
12) Il reviendra, et
récompensera ses serviteurs de leur travail fidèle.
Vous ne savez pas,
dites-vous, ce qu'il faut faire pour atteindre les masses? Allez dans leurs
maisons, témoignez-leur de la sympathie, montrez-leur que vous êtes venus pour
leur faire du bien, faites-leur sentir que votre coeur
est ému de leurs souffrances. Quand on verra que vous savez.aimer
réellement, tous les préjugés contre Dieu, contre le christianisme,
disparaîtront. Les athées auront beau dire que vous avez des motifs intéressés,
que le bonheur ou le malheur des autres vous laisse indifférents, on ne les
croira pas. Il faut que nos vies donnent un démenti formel à cette assertion,
inspirée par le père du mensonge.
Ce démenti, nous ne le
donnerons que si nous allons personnellement vers ceux qui souffrent, et si
nous leur prouvons que nous les aimons. Il y a des centaines et des milliers de
familles qu'en pourrait atteindre facilement s'il y avait des milliers de
chrétiens peur aller les voir et leur témoigner de la
sympathie. C'est là ce qu'il leur faut. Ce pauvre monde gémit et soupire ; il a
soif de sympathie, de sympathie humaine. Je suis tout-à-fait convaincu que
c'est ce trait du caractère de Jésus qui touchait le plus profondément le coeur du peuple. Jésus s'était fait un avec lui. Lui, qui
était riche, s'était fait pauvre pour nous. Il était né dans une crèche afin
d'être au niveau des plus petits et des plus humbles.
Je crois que le Sauveur
nous enseigne ici une grande leçon. Il veut que nous prouvions au monde qu'il
est son ami. Le monde se refuse à le croire ; si une fois il pouvait saisir
l'idée que Jésus-Christ est l'ami des pécheurs, il irait à lui en masse. Je
suis sûr que quatre-vingt-dix-neuf sur cent de ceux qui n'appartiennent pas à
Jésus-Christ, sont convaincus que, loin de les aimer, Dieu est leur ennemi.
Comment découvriront-ils leur erreur ? Ils ne vont jamais à l'église, et dans
bien des cas, même s'ils y allaient, ils ne seraient pas détrempés. Croyez-vous
que si ces femmes de mauvaise vie qui parcourent vos rues étaient convaincues
que Jésus les aime et veut être leur ami ; que, plutôt de les condamner, il
chercherait, s'il était encore sur la terre à les relever et à les sauver ;
croyez-vous que si elles en étaient convaincues elles continueraient à vivre
dans le péché ? Croyez-vous que l'ivrogne qui chancelle dans la rue se doute
que Jésus-Christ l'aime ? Pourtant, l'Ecriture nous enseigne clairement que si
Jésus hait le péché, il aime le pécheur. Cette histoire du bon Samaritain est
destinée à nous enseigner cette leçon. Annonçons à tous
cette bonne nouvelle que Jésus aime les pécheurs, et qu'il est venu dans le monde pour
les sauver.
Dans une de nos villes
d'Amérique, deux petits garçons devinrent subitement orphelins. Leur père et
leur mère moururent à peu de jours d'intervalle, laissant leurs enfants dans la
misère. Un riche négociant de la ville, en ayant entendu parler, adopta le plus
intelligent des deux. L'autre fut placé dans un orphelinat, mais le pauvre
petit n'avait jamais été séparé de ses parents pendant leur vie. Il n'avait
jamais quitté sen frère, et il était si malheureux sans lui que tous les soirs
il s'endormait en pleurant. Enfin un jour il disparut. Le lendemain, on le
trouva sous le perron de la maison du riche négociant qui avait adopté son
frère. Quand on lui demanda pourquoi il avait quitté son bon lit à l'orphelinat
pour passer la nuit au froid, il répondit qu'il avait voulu se sentir près de
Charlie. Il savait que s'il sonnait à la porte de la maison, on le renverrait à
l'orphelinat, et c'était une joie pour lui d'être près de Charlie, même en
passant la nuit sur la pierre. Son coeur avait soif
de tendresse, et il savait que Charlie l'aimait plus que personne au monde.
Tâchons de convaincre les pécheurs que quelqu'un les aime, et leur coeur sera touché.
Pendant notre guerre, un
petit garçon, nommé Frank Bragg, fut amené dans un de nos hôpitaux ; mais il
trouvait très dur d'être séparé de tous ceux qu'il aimait. Un jour, la garde
qui le soignait, se pencha sur lui et l'embrassa, en lui disant qu'elle
l'aimait.
« Est-ce vrai? dit-il;
embrassez-moi encore, c'est comme ma soeur. » La
garde fit ce qu'il lui demandait, et l'enfant lui dit avec un sourire : « Il ne
me sera pas dur de mourir, maintenant que j'ai quelqu'un qui m'aime. » Si nous
avions plus de cette sympathie pour ceux qui se perdent et qui souffrent, nous
exercerions sur eux une grande influence.
Quelle leçon
retirerons-nous aujourd'hui de l'exemple du bon Samaritain? Écoutons la voix du
Maître nous dire : « Va, et fais de même. » Nous pouvons tous faire quelque
chose. Si ce n'est pas parmi les grandes personnes, que ce soit au moins parmi
les enfants. C'est un grand privilège que d'être l'instrument dont Dieu se sert
pour amener dans son royaume un de ses agneaux. Si nous apportons le salut à un
seul enfant, notre vie n'aura pas été perdue, et nous entendrons la parole du
Maître : « Cela va bien, bon et fidèle serviteur. » Pouvez-vous croire de bonne
foi qu'il y ait ici aujourd'hui un enfant de Dieu, tellement faible, tellement
dénué d'influence, qu'il ne puisse gagner quelque âme au Sauveur pendant la
semaine, pourvu qu'il veuille s'en donner la peine ? Assurément, ce n'est pas
trop demander ; et les résultats de cette oeuvre
nous accompagneraient jusque sur les rives de l'éternité.
J'ai vu récemment une
dame qui a fondé il y a deux ans à Edimbourg un hôpital pour les enfants
malades. Je lui ai demandé si elle était bénie dans son oeuvre,
et je n'oublierai jamais comme sa figure s'est éclairée. Dans une de nos
dernières réunions, elle nous a raconté quelques cas très intéressants de
conversion parmi ces enfants, et sa physionomie était radieuse. Quel privilège,
mes amis, d'introduire ces pauvres êtres affligés dans le royaume de Dieu !
Un petit garçon écossais
avait mal à une jambe. On l'amena à Edimbourg, mais comme il n'y avait pas de
place dans l'hôpital des enfants, on le conduisit à l'hôpital général. Il
n'avait que six ans ; son père était mort ; sa mère était malade et ne pouvait
le soigner ; c'est pourquoi on avait été obligé de l'amener à l'hôpital
d'Edimbourg. Mon ami, le pasteur Wilson, alla le voir, et l'enfant lui raconta
que le chirurgien devait venir le jeudi suivant pour lui couper la jambe. Vous
qui êtes pères ou mères de famille, vous pouvez vous représenter ce que
souffrirait l'un de vos enfants si, à l'âge de six ans, loin de vous, dans un
hôpital, un chirurgien lui disait qu'il allait venir, tel jour, pour lui couper
la jambe. L'enfant, naturellement, avait beaucoup de chagrin. Le pasteur lui
demanda où était sa mère, et le pauvre petit raconta sa triste histoire.
Voulant le consoler, mon ami lui dit « La garde est très bonne; elle te fera du
bien. » - « Oui, répondit l'enfant, et peut-être que Jésus sera avec moi. »
Pourriez-vous en douter ? Le vendredi suivant, le pasteur retourna à l'hôpital,
mais le petit lit était vide. Le pauvre enfant était parti : le Sauveur était
venu et l'avait emporté dans ses bras.
N'y a-t-il pas dans cette
grande ville des centaines et des milliers de personnes qui ont besoin de sympathie?
Une marque de cette sympathie que leur coeur réclame,
les touchera plus sûrement que le plus éloquent des sermons. Beaucoup d'hommes
que les sermons éloquents laissent indifférents, ne résisteraient pas à la
bonté, à la douceur, à la sympathie.
Le grand docteur Chalmers a dit: « Le peu que j'ai vu du monde et que je
connais de l'histoire de l'humanité m'a appris à regarder ses erreurs avec plus
de tristesse que de colère. Quand je pense au pauvre coeur
qui a péché et qui a souffert; quand je me représente les luttes et les
tentations qu'il a traversées ; ses courtes joies et ses regrets amers; la
faiblesse de ses bonnes résolutions; les mépris d'un monde qui a peu de
charité; la désolation intérieure; la voix menaçante du remords; la santé perdue
; le bonheur détruit; - quand je me représente toutes ces angoisses, je n'ai
qu'un désir: remettre l'âme coupable de mon frère entre les mains de Celui qui
l'avait créée. »
Quelques-uns d'entre vous
se demandent peut-être comment on peut éprouver de la sympathie pour ceux qui
souffrent. C'est là une question très importante. On se met souvent à
travailler pour Dieu comme si on s'acquittait d'un métier. Je vous dirai
comment on arrive à éprouver de la sympathie pour les autres. Cela m'a toujours
réussi. Mettez-vous à la place de ceux qui souffrent et à qui vous voudriez
témoigner de la sympathie. Si vous le faites, vous gagnerez bientôt leur coeur et vous pourrez leur faire du bien.
Il y a plusieurs années,
Dieu m'a donné à ce sujet une leçon que je n'oublierai jamais. Je dirigeais
alors à Chicago une école du Dimanche fréquentée par plus de quinze cents
élèves. Pendant les mois de Juillet et d'Août, il y eut une grande mortalité
parmi ces enfants, et comme la plupart des pasteurs étaient absents, j'eus un grand
nombre d'enterrements à faire, - parfois, jusqu'à trois ou quatre dans la même
journée. J'en avais pris une telle habitude que j'avais fini
par le faire presque machinalement. Je pouvais voir la mère donner un dernier
regard à son enfant, et je pouvais voir fermer le cercueil sans en éprouver
grande émotion.
Un jour, en rentrant chez
moi, j'appris qu'une des élèves de mon école du Dimanche s'était noyée, et que
la mère désirait me voir. Je pris ma petite fille avec moi, et partis
immédiatement. Le père, assis dans un coin de la chambre, était ivre. La mère
me raconta qu'elle était blanchisseuse, et qu'elle était obligée de travailler
pour gagner sa vie et celle de ses enfants, car son mari buvait tout ce qu'il
gagnait. La petite Adélaïde avait l'habitude d'aller au bord de la rivière pour
attraper au passage les morceaux de bois qui flottaient ; elle les rapportait à
la maison pour en faire du chauffage. Ce jour là, elle était allée à la rivière
comme d'habitude. Elle avait vu un morceau de bois à une certaine distance du
rivage; elle s'était trop penchée pour l'atteindre, son pied avait glissé, elle
était tombée dans l'eau, et elle s'était noyée. La pauvre mère me conta ses
peines: elle n'avait pas d'argent pour payer le cercueil, et elle me pria de lui
aider. Je sortis mon carnet de ma poche, j'inscrivis son nom et son adresse, je
pris les mesures pour le cercueil, et je promis de lui en faire faire un tout
de suite.
La pauvre femme était
dans une grande douleur, mais je n'en fus que modérément affecté. Je lui dis
que je reviendrais pour l'enterrement, et je m'en allai. Ma petite fille
marchait à côté de moi: « Papa, me dit-elle, si nous étions très pauvres, et si
maman était obligée de laver pour gagner notre vie, et si j'étais obligée
d'aller ramasser du bois au bord de la rivière pour faire du feu; si je tombais
dans l'eau et si j'étais noyée, est-ce que tu serais malheureux? » - « Si je
serais malheureux ! Mais, mon enfant, je ne sais pas ce que je deviendrais. Je
n'ai pas d'autre petite fille que toi, et si je te perdais, cela me briserait
le coeur. » Et en disant cela, je la pris dans mes
bras et l'embrassai. « Alors, est-ce que tu as été malheureux pour la maman de
cette petite fille ? » Comme cette question me perça le coeur
! je retournai à la maison, je pris ma Bible,
et je lus à la pauvre mère le quatorzième chapitre de l'Evangile selon saint
Jean. Puis je priai avec elle, et m'efforçai de la consoler. Le jour de
l'enterrement, je l'accompagnai jusqu'au cimetière. Le père était encore ivre.
Le cercueil de la petite Adélaïde fut mis dans la fosse commune, et pendant
qu'on le recouvrait de terre, la mère me dit: « C'est bien dur, monsieur,
d'enterrer son enfant dans la fosse commune. Si j'étais restée dans mon
village, elle aurait été avec mes parents. Oh ! oui, c'est dur de voir
mettre mon aînée dans la fosse commune ! » Je me dis que moi aussi je
trouverais bien dur d'avoir à enterrer ma fille dans la fosse commune, et je
n'eus pas de peine à sympathiser avec la pauvre mère.
Le Dimanche suivant, je
racontai aux enfants de l'école ce qui s'était passé. Je leur proposai
d'acheter un terrain pour en faire un cimetière pour l'école du Dimanche, de
sorte que lorsqu'un des enfants viendrait à mourir, on l'y enterrerait au lieu
de le mettre dans la fosse commune. Avant même que l'acte de vente eût été
dressé, une mère vint me demander la permission d'y faire enterrer sa petite
fille qui venait de mourir. Au moment de déposer le petit cercueil dans la
terre je lui demandai le nom de l'enfant
« Emma » me dit-elle.
C'était le nom de ma petite fille, et je ne pus m'empêcher de pleurer à la
pensée de ce que j'éprouverais si c'était ma petite Emma qui était dans ce
cercueil. Quelques jours après, une autre mère vint me demander d'enterrer dans
notre cimetière son petit garçon, qui s'appelait Willie. A cette époque, je
n'avais qu'un seul garçon, et il s'appelait Willie. Je me représentais ce que
je souffrirais si c'était mon Willie qui était mort. Ainsi les deux premiers
enfants qui furent enterrés dans notre cimetière portaient les noms de mes deux
enfants. Je me mis à la place des pauvres mères affligées, et il me fut facile
de sympathiser avec elles.
Une des premières choses
que je fis en retournant à Chicago après une absence de plusieurs années, fut
d'aller visiter le cimetière de l'école du Dimanche. J'avais cru qu'il
servirait pendant bien des années, mais il était déjà presque plein. Un grand
nombre d'enfants y sont couchés, en attendant le jour de la résurrection, et
j'aimerais à être enterré à côté d'eux.
Chers amis, si vous
voulez éprouver de la sympathie pour les autres, mettez-vous à leur place. Dieu
veuille remplir nos coeurs du même esprit qui animait
le bon Samaritain, de telle sorte que nous soyons pleins de bonté, d'amour et
de compassion.
Je veux vous citer, en
terminant, un précepte qui m'a été d'un grand secours. Il a été écrit par un
quaker : Il n'est pas probable que je revienne une seconde fois sur la terre.
Si donc je trouve moyen sur ma route de faire du bien à quelqu'un de quelque
manière que ce soit, je veux me hâter de le faire. Je ne veux ni négliger cette
occasion ni différer d'en profiter, car je ne repasserai jamais par ce chemin.
A L'OEUVRE !
(Moody)
« VOUS ÊTES
« Ceux qui auront été
intelligents, brilleront comme la splendeur du ciel, et ceux qui auront
enseigné la justice à la multitude brilleront comme les étoiles, à toujours et
à perpétuité. »
Tel est le témoignage
rendu par un vieillard, l'homme le plus instruit de son temps ; c'était le
fruit de sa longue et riche expérience. Daniel avait été conduit à Babylone
dans sa première jeunesse ; on croit qu'il n'avait pas plus de vingt ans. Si
quelqu'un avait prédit, lorsque ce jeune Hébreu fut emmené en captivité, qu'il
dépasserait en renommée tous les hommes puissants de son siècle, que tous les
généraux qui s'étaient rendus célèbres à cette époque seraient éclipsés par ce
jeune esclave, il est probable que personne n'aurait cru à cette prédiction. Et
pourtant, l'éclat du nom de Daniel fait pâlir celui de Nébucadnetsar,
de Belsatsar, de Cyrus, de Darius et de tous les
puissants princes et monarques de son temps.
On ne nous dit pas à
quelle époque il avait donné son coeur à Dieu; mais
il y a lieu de croire qu'il subit l'influence du prophète Jérémie. Quoi qu'il
en soit, il avait reçu de bonne heure de profondes impressions religieuses et
avait appris à servir Dieu de tout son coeur.
Nous entendons souvent
les chrétiens se plaindre des difficultés de leur champ de travail ; le terrain
qu'ils ont à cultiver est particulièrement ingrat. Songez au champ que Daniel
avait à cultiver. Non seulement le jeune Hébreu était esclave, mais il était en
captivité chez une nation qui haïssait ses compatriotes ; la langue du pays lui
était inconnue ; il était entouré d'idolâtres. Eh bien! dès le premier jour, il affirma sa foi, il fit luire sa lumière
devant les hommes, et jamais il ne se départit de cette ligne de conduite. Il
se consacra à Dieu dans toute la fraîcheur de sa jeunesse, et lui demeura
fidèle jusqu'à la fin de son pèlerinage.
C'est une chose digne de
remarque que les hommes qui ont fait l'impression la plus profonde sur le monde
et ont jeté autour d'eux l'éclat le plus vif, sont des hommes qui ont vécu dans
des temps troublés. Voyez Joseph : il avait été vendu comme esclave en Égypte
par les Ismaélites ; mais son Dieu l'accompagna dans sa captivité comme il
devait plus tard accompagner Daniel. Et Joseph demeura fidèle jusqu'à la fin ;
il se trouvait au milieu d'idolâtres, mais ce ne fut pas une raison pour lui
d'abandonner sa foi. Il demeura ferme, et Dieu fut avec lui.
Voyez Moïse : il renonça
au palais et aux richesses de Pharaon, et unit son sort à celui de son peuple,
accablé de mépris et foulé aux pieds. Si jamais homme s'est trouvé dans des
circonstances difficiles, c'est bien Moïse; cependant, il n'a jamais cessé de
faire luire sa lumière, il n'a jamais été infidèle à son Dieu.
Elie vivait dans un temps
bien plus sombre encore que le nôtre. Toute la nation semblait plongée dans
l'idolâtrie. Achab, la reine Jésabel, toute la cour,
étaient opposés au culte du vrai Dieu. Cependant, Elie demeura ferme, et jeta
autour de lui une pure et vive lumière. Aussi, de quel éclat son nom est-il
entouré dans l'histoire !
Voyez Jean-Baptiste.
Autrefois, je croyais que j'aurais aimé à vivre du temps des prophètes, mais
j'ai changé sur ce point. Quand un prophète apparaît sur la scène, soyez sûrs
que les choses vont mal et que l'Église de Dieu s'est laissé corrompre par le
dieu du monde. Il en était ainsi lorsque Jean-Baptiste apparut. Aujourd'hui,
son nom est entouré d'une brillante auréole; dix-huit siècles se sont écoulés,
et la renommée de ce prédicateur du désert est plus vivante que jamais. Il
était méprisé par ses contemporains, mais il a survécu à tous ses ennemis ; son
nom sera vénéré et son oeuvre durera aussi longtemps
que l'Église subsistera sur la terre.
Vous vous plaignez de
votre champ de travail, c'est un sol ingrat, dites-vous. Regardez saint Paul,
ce premier missionnaire parmi les païens. Voyez comme il fit briller sa lumière
devant eux, leur parlant du Dieu qu'il servait et qui avait envoyé son Fils
mourir d'une mort cruelle afin de sauver le monde. Les hommes lui disaient des
injures et repoussaient sa doctrine; ils se moquaient de lui quand il leur
parlait du Crucifié ; mais il n'en continua pas moins à prêcher l'Évangile du
Fils de Dieu. Les grands et les puissants de son temps le regardaient comme un
pauvre fabricant de tentes; mais aujourd'hui personne ne connaît leurs noms, à
moins qu'ils n'aient été associés au sien. Ils sont tombés dans l'oubli.
Il est de fait que tous
les hommes aiment à briller. Il vaut autant en convenir tout de suite. Dans le
monde des affaires comme dans le monde politique, chacun veut être au premier
rang; on lutte pour éclipser son voisin, pour occuper la première place. Sur
les bancs des écoles, vous retrouvez la même rivalité. Garçons et filles
veulent être à la tête de leurs classes. Dès qu'un enfant réussit à atteindre
la première place, sa mère en est fière. Elle aura soin que nul n'ignore les
progrès de son fils, ni le nombre de prix qu'il a remportés.
Dans l'armée, c'est la
même chose : chacun veut dépasser son voisin ; chacun veut briller, et s'élever
au-dessus de ses camarades. Dans les jeux de force et d'adresse, même rivalité
: chacun veut faire mieux que les autres. Oui, ce désir est inné en nous; nous
aimons à briller entre nos semblables.
Et cependant, il y a bien
peu d'hommes qui y réussissent. De temps en temps, on dépasse tous ses
concurrents, mais c'est rare. En ce moment même, il se livre aux États-Unis une
grande lutte pour l'élection du Président; la bataille est engagée avec fureur,
et va se prolonger pendant six mois. Cependant, il n'y a qu'un seul homme qui
puisse atteindre le but. Il y en a beaucoup qui luttent pour obtenir le prix,
et il y aura naturellement beaucoup de désappointements.
Mais dans le royaume de
Dieu, le plus petit, le plus faible d'entre nous peut briller s'il le
veut. Tous nous pouvons obtenir le prix qui nous est proposé. Le prophète
Daniel ne dit pas que ce soient les hommes d'État qui brilleront comme les
étoiles. Les hommes d'État de Babylone ont passé ; leurs noms mêmes sont
inconnus.
Il ne dit pas non plus
que ce soient les nobles et les grands seigneurs. Les nobles
de la terre sont bientôt oubliés . Le souvenir de John
Bunyan, le chaudronnier de Bedford, a survécu à la majorité des nobles de son
temps. Ceux-ci vivaient pour eux-mêmes, et leur mémoire s'est effacée; tandis
que lui vivait pour Dieu et pour les âmes de ses frères, son souvenir est
impérissable dans sa patrie.
Daniel ne dit pas que ce soient les négociants qui
brilleront comme les étoiles. Qui pourrait dire le nom de ses riches
contemporains ? Leur souvenir n'a duré guère plus longtemps que leur vie.
Quelle différence pour
Daniel ! Vingt-cinq siècles se sont écoulés, et son nom continue à briller d'un
éclat toujours nouveau. « Ceux qui auront été intelligents brilleront comme la
splendeur du ciel, et ceux qui auront enseigné la justice à la multitude,
brilleront comme les étoiles à toujours et à perpétuité. »
Comme la gloire de ce
monde est éphémère ! Il y a soixante-quinze ans, le grand Napoléon faisait pour
ainsi dire trembler la terre. Il remplissait le monde du bruit de ses
conquêtes. Quelques années s'écoulent, et ce puissant vainqueur va mourir en
captivité et le coeur brisé, dans une petite île de
l'Océan Atlantique. Où sont ceux qui aujourd'hui chérissent sa mémoire ?
Mais voyez le prophète
hébreu, si méprisé, si détesté. On avait voulu le jeter dans la fosse aux lions
parce qu'il était trop saint, trop pieux. Sa mémoire ne saurait périr, et son
nom est vénéré à cause de sa fidélité envers son Dieu.
Il y a dix-sept ans, je
me trouvais à Paris au moment de l'Exposition Universelle. L'empereur Napoléon
était alors à l'apogée de sa gloire ; on l'acclamait dans les rues. Quelques
années plus tard, il tombait du trône et mourait en exil. La gloire et la
vanité de ce monde sont bien creuses et bien passagères. Si nous sommes
intelligents, nous vivrons pour Dieu et pour l'éternité ; nous nous oublierons
nous-mêmes, et nous ne rechercherons pas l'honneur et la gloire du monde.
Dans le livre des
Proverbes, il est dit que « celui qui gagne des âmes est sage. » Quiconque aura
gagné une âme à Dieu, celui-là n'aura pas perdu sa vie. Sa vie aura été plus
utile que celle des hommes les plus puissants de son temps, parce qu'il aura
fait jaillir une source qui ne tarira jamais. Qui que vous soyez, homme, femme
ou enfant, vous pourrez briller dans le royaume de Dieu, si vous le voulez.
Dieu nous a placés dans
le monde pour que nous reflétions sa lumière. Nous ne sommes pas ici-bas pour
acheter, pour vendre, pour accumuler des richesses, pour acquérir une haute
position dans le monde. Cette terre, pour nous, chrétiens, n'est pas notre
patrie ; notre vraie patrie est dans le ciel. Dieu nous a envoyés dans le monde
afin d'y faire luire sa lumière, afin d'éclairer les ténèbres qui nous
environnent. Jésus-Christ est venu pour être la lumière du monde, mais le monde
a éteint cette lumière, il l'a éteinte sur le Calvaire. Avant de monter au
ciel, Jésus dit à ses disciples: Vous êtes la lumière du monde, vous êtes mes
témoins. Allez et annoncez la bonne nouvelle du salut à toutes les nations de
la terre. »
Nous sommes appelés à
briller au milieu de nos contemporains tout comme Daniel avait été appelé à
briller à Babylone. Que personne ne dise qu'il n'y est pas appelé, parce qu'il
n'exerce peut-être pas autant d'influence que certains hommes. Ce que Dieu vous
demande, c'est d'utiliser l'influence que vous possédez. Il est probable qu'au
commencement, Daniel n'avait pas grande influence. Dieu lui en donna bientôt
davantage parce qu'il était fidèle, et qu'il mettait à profit ce qui lui avait
été confié.
Rappelez-vous que la plus
faible lumière peut jeter encore beaucoup d'éclat quand elle est placée, dans
un lieu très sombre. Supposez qu'on éteigne tout-à-coup le gaz dans cette
salle, que l'obscurité soit complète, et qu'on apporte ensuite une petite
chandelle; vous seriez étonné de voir combien elle donnerait de lumière,
En Amérique, dans la
région lointaine des prairies, les réunions religieuses ont souvent lieu le
soir dans les écoles des pionniers. On les annonce de cette façon: « Une
réunion aura lieu ce soir à la chandelle. » La première personne qui arrive met
une chandelle sur la chaire. Cela n'éclaire pas beaucoup la salle, mais cela
vaut mieux que rien. Chaque nouvel arrivant apporte sa chandelle et la met
devant lui. Quand la salle est pleine, je vous assure qu'il y a assez de
lumière. De même, si chacun de nous fait luire sa lumière dans le monde, le
monde sera éclairé. S'il ne nous est pas accordé d'être des phares, nous
pouvons tout au moins être de petites chandelles.
Une petite flamme suffit
souvent pour allumer de grands incendies. Savez-vous comment le grand incendie
de Chicago a pris naissance Une vache renversa une lanterne avec son pied ; la
ville entière fut incendiée, et cent mille personnes se trouvèrent sans abri.
Ne permettez pas à Satan de vous persuader que, parce que vous ne pouvez pas
faire de grandes choses, vous ne pouvez rien faire du tout.
J'ai entendu raconter
l'histoire d'un homme qui, pendant une traversée, souffrit beaucoup du mal de
mer. S'il y a jamais dans la vie un moment où l'on se sente absolument
incapable de travailler pour le Seigneur, c'est quand on a le mal de mer, - du
moins c'est mon opinion. Pendant que ce passager souffrait ainsi, il entendit
crier qu'un homme était tombé à la mer. Il se demanda aussitôt ce qu'il
pourrait faire pour aider à le sauver. Il eut l'idée de prendre sa lampe et de
la tenir devant le hublot. L'homme fut sauvé. Quand le passager fut guéri de
son mal de mer, il monta sur le pont ; et celui qui était tombé à la mer lui
raconta qu'il avait coulé à fond deux fois, remontant aussitôt à la surface. Il
allait enfoncer de nouveau, probablement pour ne plus reparaître, et il agitait
son bras avec désespoir pour la dernière fois, lorsqu'une lumière parut
tout-à-coup à l'un des hublots, et tomba sur sa main. Le marin qui était dans
le canot, l'aperçut, la saisit, et put ainsi sauver l'homme qui allait se
noyer.
C'était une petite chose,
n'est-ce pas, que de soulever une lampe, et pourtant ce fut cette petite chose
qui sauva la vie d'un homme. Si vous ne pouvez pas faire de grandes choses,
tenez au moins d'une main ferme le flambeau de l'Évangile, afin que sa lumière
éclaire quelque pauvre pécheur égaré et le ramène à Christ. Portons cet
Évangile dans les sombres demeures où le nom de Christ n'a jamais retenti, et
faisons connaître Jésus comme le Sauveur du monde. Si nous sommes résolus à
atteindre ces masses qui périssent loin de Dieu, il faut confondre notre vie
avec la leur, prier pour elles, travailler pour elles.
J'ai de la peine à croire au christianisme d'un homme qui se dit sauvé, et
n'est pas disposé à faire tout ce qu'il peut pour sauver les autres. Ne pas
tendre la main à ceux qui sont encore dans l'abîme d'où nous avons été retirés,
me semble être un signe de la plus noire ingratitude. Qui saura
atteindre et secourir les esclaves de la boisson mieux que ceux qui, après
avoir subi le même esclavage, en ont été délivrés? Parmi ceux qui m'écoutent en
ce moment, n'y aura-t-il personne qui, dès aujourd'hui, se mette à l'oeuvre? Si chacun de nous faisait ce qu'il pouvait, les
cabarets perdraient bientôt la plus grande partie de leur clientèle. J'ai lu
autrefois l'histoire d'un aveugle qui se tenait assis au coin d'une rue dans
une grande ville, et qui avait tous les soirs une lanterne à côté de lui.
Quelqu'un lui demanda à quoi lui servait sa lanterne, puisqu'il n'y avait pas
de différence pour lui entre le jour et la nuit. L'aveugle répondit: « J'allume
ma lanterne afin que personne ne tombe sur moi. »
Pensons à cela, mes chers
amis. Pour un homme qui lit
Il y a quelques années,
un vaisseau se trouva pris dans une violente tempête sur le grand lac Erié. Le
capitaine voulait se réfugier dans le port de Cleveland. A l'entrée de ce port
il y a ce qu'on appelle les feux inférieurs et les feux supérieurs. Ce jour-là,
les feux supérieurs brillaient avec tout l'éclat accoutumé, mais en approchant
du port, on ne pouvait pas découvrir les feux inférieurs qui devaient en marquer
l'entrée. Le pilote aurait voulu reprendre le large, mais la tempête était si
forte que le capitaine redoutait de s'y exposer ; il insista pour que le pilote
essayât d'entrer dans le port. Celui-ci n'avait guère d'espoir d'y réussir,
n'ayant rien pour le guider dans sa marche, mais il fit des efforts inouïs.
Tantôt le vaisseau montait sur la crête des vagues, tantôt il descendait dans
l'abîme; enfin, il fut lancé à la côte et brisé en morceaux. Par suite d'une
négligence du gardien, les feux inférieurs s'étaient éteints.
Que ceci nous serve
d'avertissement. Dieu entretient toujours les feux supérieurs, leur éclat ne
diminue pas, mais il nous a placés ici-bas pour que nous ayons soin des feux
inférieurs. Nous devons être les représentants de Dieu sur la terre, de même
que Jésus est notre représentant dans le ciel. Je me dis souvent que si nous
avions un aussi pauvre représentant là-haut que Dieu en a un ici-bas, nous
n'aurions pas grande chance d'arriver au ciel. Que nos reins soient ceints et
nos lampes allumées afin que ceux qui nous entourent puissent voir le chemin du
salut et ne marchent pas dans les ténèbres.
Ce que je viens de dire
d'un phare me fait penser à un habitant de l'État de Minnesota qui fut pris, il
y a quelques années, dans un épouvantable orage. Dans cet État, les orages sont
très fréquents, et en hiver surtout, se déchaînent si subitement qu'il est
difficile d'y échapper. La neige tombe en flocons serrés, et le vent la chasse
au visage du voyageur avec une telle force qu'il ne distingue plus sa route à
deux pas devant lui. Bien des hommes se sont perdus dans ces prairies pour
avoir été pris dans une de. ces tempêtes.
L'homme dont je parle
avait donc été surpris par la tempête. Après une longue lutte, il était sur le
point d'y renoncer quand il vit une petite lumière venant d'une cabane de
pionnier. Il parvint à s'y traîner, et y trouva un refuge contre la tempête.
Depuis lors, il a fait fortune. Dès qu'il en eut les moyens, il acheta la
ferme. Il bâtit une belle maison sur l'emplacement de la petite cabane de bois,
et sur le sommet d'une tour il établit un phare. Chaque fois qu'il s'élève une
tempête, il allume ce phare dans l'espoir de sauver quelque voyageur égaré.
Voilà de la vraie
reconnaissance; voilà celle que Dieu attend de nous. S'il nous a sauvés, s'il
nous a retirés de l'abîme, soyons toujours sur le qui-vive, prêts à sauver ceux
qui seraient en danger de se perdre.
A propos de phares, je me
rappelle une touchante histoire arrivée sur une côte très dangereuse et exposée
aux orages. Le phare était confié à deux gardiens. Un soir, la machine se
détraqua, et l'appareil refusa de tourner. Les deux gardiens eurent si
grand-peur que des marins ne prissent ce phare, habituellement tournant, pour
un phare fixe, qu'ils restèrent debout toute la nuit pour faire marcher
l'appareil à la main.
Veillons, nous aussi, à
ce que la lumière dont nous sommes porteurs ne soit jamais obscurcie, afin que
le monde puisse voir que la religion de Jésus est une puissante réalité. L'un
des jeux de l'ancienne Grèce consistait à courir avec des torches, qu'on avait
allumées au feu de l'autel. Quelquefois même, la course se faisait à cheval. Le
coureur dont la torche brûlait encore en arrivant au but, obtenait un prix ; si
sa torche s'était éteinte, il avait perdu la course.
Combien y a-t-il de
chrétiens qui, arrivés à la vieillesse, ont perdu leur lumière et leur joie !
Jadis, ils brillaient d'un pur éclat dans leur famille et dans l'Eglise ; mais
quelque chose est venu se placer entre eux et Dieu, - l'amour du monde,
peut-être, ou l'égoïsme, et leur lumière s'est éteinte. S'il y a quelqu'un
parmi ceux qui m'écoutent qui ait fait cette triste expérience, que Dieu lui
aide à revenir au pied de son autel afin d'y rallumer sa torche ; de telle
sorte qu'il puisse aller dans les endroits les plus sombres de la terre et y
faire luire la lumière de l'Evangile.
Comme je l'ai déjà dit :
même si nous n'amenons qu'une seule âme à Christ, nous pouvons faire jaillir
une source qui continuera à répandre ses eaux longtemps après que nous aurons
disparu de la terre. Là-haut, sur le flanc de la montagne, se trouve une petite
source ; elle est si petite qu'une biche pourrait la vider d'un trait,
semble-t-il. Peu à peu, elle devient un ruisseau; le ruisseau reçoit d'autres
filets d'eau ; enfin, c'est une rivière, puis un fleuve puissant roulant ses
eaux vers l'Océan. De nombreux villages, des villes populeuses se sont élevées
sur ses bords ; et l'agriculture prospère grâce à ces eaux bienfaisantes, qui
vont porter au loin, sur leur sein majestueux, les produits du commerce et de
l'industrie.
Si vous amenez une âme à
Christ, cette âme en amènera peut-être cent autres, qui à leur tour en
amèneront mille; c'est ainsi que le petit ruisseau ira toujours s'élargissant
jusqu'au bord de l'éternité.
Nous lisons ces paroles
dans le livre de l'Apocalypse de saint Jean : « J'entendis une voix du ciel qui
me disait: Ecris : Bienheureux sont dès à présent les morts qui meurent au
Seigneur. Oui, dit l'Esprit, ils se reposent, de leurs travaux et leurs oeuvres les suivent. »
Il est fait mention dans
Il y a une chose pourtant
qui ne disparaît pas avec un homme de bien. Son influence lui survit.
L'influence de Daniel est aussi grande aujourd'hui que jamais. Croyez-vous que
Joseph soit mort tout entier ! Son influence se fait toujours sentir, elle ne
périra jamais. Vous pouvez déposer dans la terre l'enveloppe mortelle d'un
homme de bien ; vous ne pouvez pas y enfermer avec lui ni son influence, ni son
exemple. L'apôtre saint Paul n'a jamais été plus puissant qu'il ne l'est
aujourd'hui.
Qui oserait soutenir que Joha Howard, le réformateur des prisons, soit mort ? Son
influence ne se fait-elle pas encore sentir dans tous les pays de l'Europe ? Et
Henri Martyn, le missionnaire ? Et Wilberforce ? Sont-ils morts, croyez vous? Allez le
demander en Amérique, dans les États du Sud, aux trois ou quatre millions
d'hommes et de femmes qui naguère étaient esclaves. Prononcez devant le premier
venu d'entre eux le nom de Wilberforce, et vous
verrez comme leurs yeux brilleront. Il a vécu pour d'autres que pour lui-même,
et son souvenir ne s'effacera jamais du coeur de ceux
pour lesquels il a dépensé sa vie et ses labeurs.
Si vous voulez savoir
quels sont ceux qui sont morts réellement quand leurs yeux se sont fermés, je
vais vous le dire. Ce sont les ennemis des enfants de Dieu, - ce sont leurs
persécuteurs, ce sont leurs calomniateurs. Quant aux enfants de Dieu eux-mêmes,
ils ont survécu à toutes les attaques, à toutes les calomnies ; et non
seulement cela, mais ils brilleront dans un autre monde.
Que les paroles du Saint
Livre sont donc vraies! « Ceux qui auront été intelligents brilleront comme la
splendeur du ciel, et ceux qui auront enseigné la justice à la multitude
brilleront comme les étoiles à toujours et à perpétuité. »
Continuons à faire tout
ce que nous pouvons pour enseigner la justice à la multitude. Soyons morts au
monde, à ses mensonges, à ses plaisirs, à ses ambitions, - et vivons pour Dieu,
nous efforçant toujours de lui amener de nouvelles âmes.
Permettez-moi, en
terminant, de citer quelques paroles du docteur Chalmers
: « Des milliers d'hommes apparaissent sur la scène du monde, vont, viennent,
disparaissent enfin, et l'on n'en entend plus parler. Pourquoi ? Parce qu'ils
n'ont pris part à rien de ce qui se fait de bon et de bien dans le monde ;
personne n'a ressenti les effets de leur charité ; personne ne peut les bénir
pour avoir été les instruments de son salut; ils n'ont pas écrit une ligne ni
prononcé une parole dont on ait pu conserver le souvenir. Ils sont morts ainsi;
leur lumière s'est perdue dans les ténèbres, et leur souvenir ne vivra pas plus
longtemps que celui des insectes nés d'hier et qui mourront demain. Est-ce
ainsi que tu veux vivre et mourir, ô homme immortel? Que ta vie serve à quelque
chose. Fais le bien, et tu laisseras derrière toi un monument que les orages et
le temps ne pourront jamais détruire. Ecris ton nom, en caractères d'amour, de
bonté, de dévouement sur les coeurs des milliers
d'hommes avec lesquels tu entres en contact tous les ans; ton souvenir ne
périra jamais. Ton nom, tes actions, brilleront dans ces coeurs
comme les étoiles brillent dans le ciel. Les bonnes oeuvres
brilleront comme les étoiles du ciel. »
Numérisation
Yves PETRAKIAN
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