167 - ACHETEZ !
No 6.
SERMON PRÊCHÉ À EPSOM PENDANT LES COURSES DE CHEVAUX
« Venez, dis-je, achetez sans argent et sans aucun prix, du vin et du lait » (#Esa 55:1).
Vous le voyez, j’ai, moi aussi,
quelque chose à vendre aujourd’hui. J’ai à vous presser d’acheter ce
que je vais vous offrir dans l’Évangile. Or, il est d’habitude que
lorsqu’un homme a quelque chose à vendre, il fasse mousser sa
marchandise, c’est-à-dire qu’il la fasse connaître et qu’il en expose
l’excellence ; car, si les acheteurs ne sont pas mis au courant de
ce qu’on leur présente, ils ne sauraient en désirer l’acquisition.
C’est donc par là que je vais commencer.
Quiconque a quelque chose à vendre
cherche en second lieu à faire monter l’acheteur jusqu’au prix de
l’article mis en vente. C’est ce que je ferai ensuite ; seulement,
en sens contraire. Je chercherai à vous faire descendre jusqu’au prix
auquel je vends. « Venez, achetez sans argent et sans aucun
prix ! »
En terminant, j’adresserai
quelques paroles pressantes à ceux qui méprisent ce salut glorieux que
j’ai le privilège d’annoncer et qui repoussent les généreuses
conditions auxquelles je l’offre : « sans argent et sans
aucun prix ».
I.
En premier lieu, donc, je viens vous offrir aujourd’hui du vin et du
lait. « Venez, achetez du vin et du lait. » Ces paroles
décrivent la véritable nature de l’Évangile. Le vin est ce qui
« réjouit le cœur de l’homme » ; le lait est le seul de
tous les aliments connus qui contienne toutes les substances
essentielles à la vie. L’homme le plus robuste peut vivre de lait, car
ce breuvage contient tout ce dont le corps a besoin, — tout
ce qui est nécessaire à la nutrition des os, des muscles, des nerfs,
des chairs et de tout le reste. Tout est contenu dans le lait. Nous
avons par conséquent ici une double définition de l’Évangile.
L’Évangile, comme le vin, rend le cœur de l’homme joyeux. Dès qu’un
homme parvient à la connaissance de la grâce de Notre Seigneur
Jésus-Christ, cet homme est heureux, et plus il se pénètre de l’Esprit
de Christ, plus il est heureux. Une religion qui prêche que le chagrin
et la tristesse sont un devoir est une flagrante imposture, car lorsque
Dieu créa le monde, il le calcula pour la félicité de ses créatures.
Quand vous contemplez ce qui vous entoure, vous ne pouvez vous empêcher
de voir que Dieu a recherché avec sollicitude, avec une attention
persévérante, tout ce qui pouvait être pour l’homme une source de
jouissance. Il ne s’est pas contenté de satisfaire nos besoins les plus
impérieux ; Il nous a accordé plus que l’indispensable. Il ne
s’est pas contenté de nous donner ce qui est utile, mais Il nous a
traités avec luxe. Ces fleurs de nos campagnes, ces étoiles dans les
cieux, ces beautés de la nature, ces coteaux, ces vallons, toutes ces
choses ont été créées, non parce que nous en avions besoin, mais parce
que Dieu voulait nous montrer combien Il nous aimait et combien Il
tenait à ce que nous soyons heureux. Est-il donc probable qu’un Dieu
qui nous a donné une si belle et si riche demeure, nous ait envoyé un
si misérable salut ? Non ! Non ! Celui qui a voulu être
généreux en créant veut aussi être généreux en rachetant, et tous ceux
qui ont goûté combien le Seigneur est bon témoigneront que les voies de
la piété ne sont que joie et paix. Alors même que tout serait fini
après la mort, et alors même que la tombe serait le terme de toute
existence pour nous, — quand le linceul serait la dernière
enveloppe de notre éternité, les convictions du chrétien seraient
encore une belle et précieuse chose, car, avec la foi, cette vallée de
larmes devient lumineuse et les puits de Baca se remplissent et
débordent en fleuves d’amour et de félicité.
L’Évangile, en ce sens, est
semblable au vin et il est en même temps semblable au lait, car il
contient tout ce qui est nécessaire à l’homme. Avez-vous besoin de
quelque chose qui vous soutienne au milieu des épreuves ?
L’Évangile vous le donnera ; il vous donnera un prompt secours au
jour de l’affliction. — Avez-vous besoin de quelque chose qui
vous encourage dans l’accomplissement du devoir ? Vous le
trouverez dans l’Évangile, car il contient les grâces indispensables
pour tout ce que vous avez à surmonter ou
accomplir. — Avez-vous besoin d’une lumière qui vienne
raviver vos espérances ? Ah ! De l’Évangile s’échappent des
éclairs de félicité qui feront briller vos yeux d’un éclat et d’un feu
immortel ? — Avez-vous besoin de quelque chose qui vous
fasse résister et demeurer inébranlable au sein des tentations ?
L’Évangile peut vous rendre victorieux de toutes choses et vous faire
abonder dans l’œuvre du Seigneur. Il n’est point d’émotion,
d’affection, de pensée, de désir, d’ardeur, que l’Évangile ne puisse
satisfaire pleinement. L’Évangile est fait pour rendre l’homme
complètement heureux ; il est admirablement adapté à sa nature
dans toutes ses parties. Il contient des trésors de connaissance pour
la tête, des trésors d’amour pour le cœur, des trésors de sagesse et de
lumière pour nous diriger dans notre marche. Il contient, en un mot,
« le vin et le lait », — tout ce dont nous
pouvons avoir besoin.
Mais je crois que ce
« vin » et ce « lait » signifient encore autre
chose. Le vin, comme vous savez, est un produit précieux et qui demande
beaucoup de temps pour devenir buvable. Il faut une vendange, une
fermentation et un temps de repos avant qu’il puisse développer ses
parfums. Or, l’Évangile possède toutes ces qualités ; il est une
chose extraordinaire pour les jours de grande fête. Il communique à
l’homme toute une vendange de pensées, toute une fermentation
d’activité, tout un réservoir d’expériences entassées en silence ;
tellement que bientôt la piété de cet homme jaillira comme un vin
étincelant qui fait bondir le cœur de joie. Voilà, je le répète, ce qui
fait de la religion une chose extraordinaire, une chose qui sert dans
les grandes occasions et que l’on met sur table quand on traite les
princes. — Le lait, à son tour, est un breuvage qu’on peut se
procurer chaque jour et en tous lieux. Vous n’avez pour en trouver qu’à
descendre dans la cour de votre ferme. Il n’a besoin d’aucune
préparation, il est tout préparé par la nature ; c’est un aliment
ordinaire. Il en est de même de l’Évangile ; il est d’un usage
journalier. J’aime l’Évangile le dimanche ; mais, béni soit
Dieu ! Il est tout aussi bon le lundi. L’Évangile va bien dans une
chapelle ; il convient également dans un temple ; en cela il
est comme le vin. Mais il convient tout aussi bien pour la ferme ;
on peut le cultiver en conduisant la charrue ou le méditer derrière son
comptoir. La religion de Jésus Christ est une chose qui peut vous
suivre dans votre boutique, à la bourse, au marché, partout. Elle est,
comme le lait, un plat pour tous les repas, qu’on peut toujours porter
avec soi et dont on peut se régaler sans cesse. Oh ! Grâce au
ciel, nous avons là un vin précieux pour ce grand jour où nous verrons
le Seigneur face à face ; — un vin précieux pour ce
jour terrible où nous traverserons à gué le fleuve du Jourdain ;
— un vin qui chassera nos terreurs à l’approche de la mort
et nous donnera la force de chanter au sein de la sombre vallée. Mais,
grâces en soient rendues à Dieu ! Ce vin est aussi un lait non
moins précieux, un lait pour tous les instants, pour les actes de
chaque jour, un lait dont nous pourrons boire pendant toute notre vie
et qui nous fortifiera jusqu’au moment où le grand jour poindra.
J’ai suffisamment expliqué, je
pense, la figure employée, dans mon texte ; mais quelqu’un me
demandera encore : « Qu’est-ce que l’Évangile ? »
Hé bien ! Tel que je le comprends, l’Évangile peut être considéré
de diverses manières, mais je me propose aujourd’hui de vous le
présenter ainsi : l’Évangile est la proclamation faite au pécheur
d’un pardon complet, gratuit, immédiat et éternel, par le sang
expiatoire de Jésus-Christ. Si je le comprends bien, il est bien autre
chose encore ; mais ceci en est cependant la substance.
J’ai donc pour mission aujourd’hui
de vous annoncer que tandis que tous les hommes ont péché, Christ est
mort, et qu’Il offre, à quiconque confesse ses péchés avec repentance
et met en Lui son unique espoir, un pardon complet et gratuit. Je dis
gratuit, en ce sens que vous n’avez aucune œuvre à faire avant de
l’obtenir. Le plus chétif pécheur convaincu de péché n’a qu’à répandre
devant Dieu l’amertume de son cœur. C’est là tout ce que Dieu exige.
Aucune autre préparation n’est nécessaire. Toute la préparation qu’Il
requiert, c’est que vous sentiez le besoin de sa grâce ; et ce
besoin Il vous le donne par les premières lueurs de son Esprit. Il
n’est pas nécessaire que vous passiez des années à faire pénitence, à
travailler rudement ou à traverser de grandes épreuves :
l’Évangile est gratuit comme l’air que nous respirons. Vous ne payez
pas pour avoir le droit de respirer. Vous ne payez pas pour contempler
la lumière du soleil. Vous ne payez pas pour avoir le droit de vous
baisser et d’étancher votre soif aux eaux du fleuve : il en est de
même pour l’Évangile. Il n’y a rien à faire pour l’obtenir ; vous
n’avez aucun mérite à fournir en compensation. Le plus grand des
pécheurs y trouve son pardon gratuit par le sang de Jésus-Christ.
Je disais un pardon complet ;
c’est qu’il l’est en effet. Quand Jésus fait quelque chose, Il ne le
fait pas à moitié. Il est disposé en ce moment à effacer jusqu’au
dernier péché, à laver jusqu’à la dernière iniquité de tous ceux qui
sont ici et qui sont désireux, par la grâce de Dieu, d’implorer sa
miséricorde. — Pécheur, si en ce moment Dieu t’a mis au cœur
de le chercher, le pardon qu’il veut te donner est un pardon universel,
un pardon qui ne s’étendra pas seulement à une partie de tes péchés,
mais à leur totalité. « C’est le pardon de toutes tes
transgressions passées, quelque noires qu’elles puissent être, et, ô
spectacle inouï, c’est aussi le pardon de toutes tes transgressions
futures. »
Le pardon que je vous offre donc
de la part de mon Maître, c’est le pardon de toutes vos ivrogneries, le
pardon de tous vos jurements, le pardon de toutes vos souillures
charnelles, le pardon de toutes vos rebellions. C’est le pardon des
péchés de votre jeunesse et de ceux de votre vieillesse. C’est le
pardon de tous vos péchés, car « le sang de Jésus-Christ nous
purifie de tout péché ».
Je vous disais encore que le
pardon que j’ai mission de vous annoncer est un pardon immédiat. Si
vous sentez le besoin d’un Sauveur et si vous avez reçu la force de
vous confier en Christ maintenant, vous serez pardonnés en ce moment
même. Ceux qui se nourrissent de vaines espérances disent qu’ils
espèrent être pardonnés quand ils mourront. Mais ce n’est pas là la
religion que nous prêchons. Si vous voulez confesser vos péchés
maintenant, chercher le Seigneur maintenant, c’est maintenant que vous
serez pardonnés. Tel qui est venu ici aujourd’hui avec tous ses péchés
suspendus à son cou comme une meule de moulin (plus qu’il n’en faut
pour le faire descendre au plus bas des enfers), peut sortir de ce lieu
en ayant l’assurance que tous ses péchés sont effacés et entièrement
anéantis. ! S’il peut croire en Christ, il peut recevoir
aujourd’hui même des mains de Dieu une complète amnistie. Le pardon
d’un pécheur n’est pas une affaire qui se règle à la mort, mais pendant
la vie, — mais immédiatement ; et j’espère qu’il en est
plusieurs ici — qu’il en est même beaucoup — qui
pourront dès aujourd’hui se réjouir d’avoir reçu leur pardon ;
Oh ! Dites-moi, n’est-ce pas une chose magnifique et glorieuse
qu’un homme puisse fouler de son pied la terre du Seigneur avec ce
cantique sur les lèvres : « Je suis pardonné ! Je suis
pardonné ! Je suis pardonné ! » Ces paroles sont un
cantique, — le plus beau cantique de ce
monde, — aussi suave et aussi harmonieux que ceux dont les
chérubins entourent le Trône suprême.
« Oh ! Qu’il m’est doux de contempler
Le sang expiatoire qui guérit mes souillures,
Et de savoir d’une manière certaine
Qu’Il a fait venir sur moi
La paix de mon Dieu ! »
Ah ! Que ne donneriez-vous
pas pour posséder un pareil salut, ô âmes en deuil ? Il vous est
offert sans argent, sans aucun prix, et j’ai reçu l’ordre de
crier : « Ah ! Ah ! Vous tous qui êtes altérés, si
vous éprouvez le besoin d’un Sauveur, si vous êtes prêts en ce moment à
confesser vos péchés, venez et prenez ce salut gratuitement, sans
argent et sans aucun prix ! »
Mais le meilleur reste pour la
fin. Le pardon que je proclame aujourd’hui est non seulement gratuit,
complet et immédiat, mais éternel. Si l’autorité suprême d’un pays
pardonne à quelqu’un — pardonne gratuitement, — il
ne se peut pas faire que cet homme soit remis en cause pour ce même
crime. Il arrive cependant souvent qu’on accorde une commutation ou un
adoucissement de la peine, ce qui n’est pas un pardon complet. Il est
des cas où la grâce accordée consiste en ce que le coupable ne sera pas
décapité, mais demeurera emprisonné pour un temps prolongé. C’est là ce
que Notre Seigneur ne fait jamais. Quand Il pardonne, Il fait maison
nette ; Il ne laisse pas subsister un seul péché. Quand Il nettoie
une âme de ses souillures, Il la rend plus blanche que la neige. Dieu
fait parfaitement tout ce qu’il fait, et ce qu’il fait une fois est
fait pour toujours. C’est là la gloire de l’Évangile. Si aujourd’hui
vous acceptez votre pardon, vous êtes pardonné incontinent et vous ne
serez plus jamais condamné. Si un homme croit en Jésus-Christ, son
pardon est assuré d’une façon irrévocable et, selon moi, le plus
précieux joyau de la couronne du salut, c’est qu’il est irrévocable. Si
je confie mon âme au Seigneur c’est pour qu’il la sauve.
« Sa gloire est intéressée à sauver
La moindre de ses brebis.
Ses mains protègent éternellement
Tous ceux que son Père lui a donnés.
Ni la mort, ni l’enfer ne sauraient, le séparer
De ceux qui en Lui se confient ;
Dans son sein pour jamais
Ils se reposeront en paix. »
Dieu ne vous appelle pas ses
enfants aujourd’hui pour vous mettre à la porte demain. Il ne vous
pardonne pas un jour pour vous punir plus tard. Aussi vrai que
l’Éternel est Dieu, ô homme, si aujourd’hui tu obtiens ton pardon, la
terre pourra se fondre et s’évanouir comme l’écume qui retombe dans la
mer en tourmente ; l’immense univers pourra disparaître comme la
blanche gelée à l’aurore, mais tu ne pourras plus être frappé de
condamnation. Aussi longtemps que l’Éternel sera Dieu, celui qui aura
reçu de sa main les gages de son pardon sera à jamais abrité contre
tout danger. Je ne pourrais, je n’oserais même prêcher un autre pardon.
Tout autre pardon ne vaudrait pas la peine d’être accepté, ne vaudrait
pas la peine que je l’annonce. Mais le pardon de Dieu, le pardon
éternel et irrévocable est un placement à bon intérêt et mérite qu’on
s’empresse de le posséder. Quiconque se jette dans les bras de Christ,
a qui peut le garder d’une manière certaine, quoi qu’il arrive.
Viennent après cela les fortes tentations, viennent les affections
ardentes, viennent les douleurs profondes, les devoirs
difficiles … Celui qui nous a pris à Lui nous portera nous
et notre fardeau, et nous rendra même plus que vainqueurs en Lui.
Oh ! Être pardonnés une fois, avec la ferme assurance que nous le
sommes pour toujours, avec la certitude que rien ne pourra plus nous
séparer de l’amour que Dieu nous a manifesté en Christ, quelle
pensée ! Quelle espérance !
Voilà donc le salut que je vous
prêche. C’est là ce vin et ce lait que je vous propose d’acquérir sans
argent, sans aucun prix. Oui, chers auditeurs, et tout cela doit être
obtenu par la foi en Christ. — Quiconque croit en Celui qui
est mort sur la croix et qui a répandu son âme en offrande ne sera
jamais sujet à la condamnation : il est passé de la mort à la vie,
et l’amour de Dieu est répandu dans son cœur.
II.
À présent que je vous ai fait connaître mon article, mon affaire va
être de le vendre et d’amener les miseurs à me faire leurs offres. Mais
la difficulté sera d’obtenir de votre part des offres assez basses. Le
vieux Rowland Hill, prêchant un jour dans une foire, entendit la voix
d’un marchand qui criait sa marchandise. « Ah ! »
dit-il, « pour ces gens-là la difficulté est d’amener leur monde à
miser le plus haut possible, tandis que, pour moi, la difficulté est
d’obtenir de mes gens la mise la plus basse. »
Tel est donc mon Évangile. Je le
prêche dans toute sa plénitude et je l’offre à tous « sans argent,
sans aucun prix ». — Voici quelqu’un qui s’approche de
la chaire (transformée pour le moment en tréteau d’encan), et qui
s’écrie : « Je veux l’acheter ! » — Et
que m’en offrez-vous ? — Je le vois qui avance les mains
pleines de diverses choses, et il en tire encore d’énormes poignées de
son sein ; il en apporte une si grande charge, que c’est tout ce
qu’il peut faire que de ne pas succomber sous le faix de ses bonnes
œuvres. Il présente des Je vous salue Marie et des Notre Père sans
nombre et une multitude de signes de croix faits avec l’eau bénite sur
sa poitrine, puis des génuflexions, des prosternations devant l’autel,
des saluts à l’hostie, des messes entendues et ainsi de
suite. — Singulier fatras que tout cela, pensez-vous ;
mais en attendant bien des gens y attachent un grand prix et ne
manquent pas de l’offrir à Dieu comme un titre à son ciel.
Ainsi donc, monsieur le
catholique, vous venez ici pour acquérir le salut, n’est-ce pas ?
Et vous avez pris la peine d’apporter toutes ces belles choses !
Mon ami, j’en suis affligé pour vous, mais il faudra vous en retourner
comme vous êtes venu, avec toutes vos belles œuvres, car mon salut
s’acquiert « sans argent et sans aucun prix », et aussi
longtemps que vous ne vous présenterez pas ici les mains vides, vous ne
pourrez jamais l’obtenir. Si tu crois avoir quelque chose en propre, tu
ne peux pas le recevoir. — « Mais, dit-il, suis-je donc
un hérétique ? Ne suis-je pas fidèle au pape ? Ne vais-je pas
me confesser et ne reçois-je pas l’absolution en payant mes vingt
sous ? » — Vraiment, mon ami ! Hé bien !
Précisément parce que vous donnez vingt sous pour l’avoir, c’est preuve
qu’elle ne vous sert de rien, car ce qui est réellement bon vous pouvez
l’obtenir « sans argent et sans aucun prix ». La lumière que
nous achetons à prix d’argent n’est qu’une bien pauvre lumière, tandis
que celle que le soleil nous donne pour rien est la belle et riche
lumière du Bon Dieu ; elle réjouit le cœur. Il en est
de — « Oh ! Soyez sans inquiétude ; je ne vous
présente ni Je vous salue Marie, ni Notre Père — même du
pardon que Jésus donne ; on l’obtient « sans argent et sans
aucun prix ».
Mais un autre s’approche et
dit : « Je suis heureux que vous ayez renvoyé de la sorte ce
catholique Je hais l’Église romaine ; je suis un véritable
protestant et je désire être sauvé. » — Et que
m’apportez-vous là ? « Ces noms seuls me font horreur. Ce
n’est certes pas moi qui prendrai plaisir à tout ce vilain latin. Je
lis chaque dimanche ma Bible, je dis mes prières avec une grande
attention. Je vais à l’église aussitôt que les portes s’ouvrent »,
— ou (s’il est dissident) : « Je me rends à la
chapelle trois fois par dimanche et je ne manque pas une seule réunion
de prière. En outre, je paie exactement tout ce que je dois ;
j’aimerais mieux donner trop que trop peu. Je ne veux faire aucun tort
à qui que ce soit ; je ne marcherais pas volontairement sur un ver
de terre. Je suis toujours généreux et j’assiste les pauvres quand je
le puis. Il peut m’arriver quelquefois de faire par ci par là quelque
faute ; je puis m’écarter tant soit peu de la ligne ; mais,
malgré cela, si je n’étais pas sauvé, je ne vois pas trop qui pourrait
l’être. Je vaux bien autant que mes voisins, et je ne doute pas
d’obtenir le salut, car je n’ai commis, après tout, que peu de péchés,
et encore sont-ce des péchés qui ne causent aucun préjudice à
personne, — qui n’en causent qu’à moi seul. Et d’ailleurs, ce
ne sont que des peccadilles ; il peut m’arriver une ou deux fois
par an, tout au plus, de prendre un peu de liberté, et tout homme, vous
en conviendrez, a besoin de quelque amusement. Je puis vous certifier,
Monsieur, que je suis un des hommes les plus rangés, les plus
honorables, les plus sobres et les plus pieux qu’il y ait dans ce
monde. »
Mon ami, je suis attristé de vous
voir en mésintelligence avec ce catholique qui était là tout à l’heure,
car je n’aime pas que la désharmonie règne entre deux frères jumeaux.
Oui, vous êtes frères ; vous vous valez, vous appartenez à la même
famille, croyez-le ; car l’essence même du catholicisme c’est le
salut par les œuvres et par les cérémonies. Vous ne faites pas, à la
vérité, les mêmes œuvres et vous ne pratiquez pas les mêmes
cérémonies ; mais vous espérez être sauvé par les vôtres, tout
comme il espère être sauvé par les siennes, en sorte que vous ne valez
pas mieux l’un que l’autre. Je suis donc forcé de vous renvoyer aussi.
Mon salut ne fait pas pour vous, puisqu’on l’acquiert « sans
argent et sans aucun prix », et aussi longtemps que vous voudrez
m’offrir en échange toutes ces belles œuvres, vous ne sauriez
l’obtenir. Faites bien attention que je ne blâme pas vos bonnes
œuvres ; elles sont excellentes, pourvu qu’on les laisse à leur
place ; mais elles ne peuvent vous servir de rien en ce moment et
elles ne vous seront d’aucun secours au dernier jour. Faites des bonnes
œuvres ; faites-en le plus que vous pourrez : rien de
meilleur. Mais, quand il s’agit du salut, laissez tout cela de côté et
venez comme de pauvres pécheurs coupables, les mains vides ;
recevez le salut comme un don, « sans argent et sans aucun
prix ».
« Eh ! quoi, s’écrie
quelqu’un, vous trouvez donc ces œuvres
mauvaises ? » — Pas du tout. Supposez que je voie
un homme bâtir une maison et, par une étrange folie, en construire les
fondements avec des tuiles. Si je m’approche et si je lui dis :
« Mon ami, je n’aime pas vous voir mettre ces tuiles dans la
fondation », me reprocherez-vous de trouver les tuiles
mauvaises ? Non. Vous penserez que si je blâme quelque chose,
c’est la place où cet homme les a mises. En effet, que cet homme fasse
ses fondations en belle et bonne maçonnerie, et, quand sa maison sera
achevée, qu’il la couvre de tuiles tant qu’il voudra, et tout ira bien.
Il en est de même des bonnes œuvres ; elles ne valent rien pour
les fondations. Il faut que la base de votre édifice, que le fondement
de votre salut soit construit de matériaux tout autrement solides. Il
faut, ni plus ni moins, que notre espérance repose sur le sang de Jésus
et sur sa justice. Après que nous aurons posé ce fondement, nous
pourrons ajouter autant de bonnes œuvres que nous voudrons, et plus il
y en aura, mieux cela vaudra. Mais, comme fondement, nos bonnes œuvres
ne valent rien, et quiconque voudra s’en servir pour asseoir son salut
verra certainement son édifice s’écrouler.
Mais voici un autre acheteur qui
se tient là-bas, très éloigné, et qui n’ose
approcher. — « Ah ! Monsieur, s’écrie-t-il, je
n’ose me présenter. À quoi sert que j’essaie de miser votre salut. Je
suis ignorant, moi ; je suis sans éducation ; je ne sais pas
lire. Plaise à Dieu qu’on me l’ait appris ! Mes enfants vont à
l’école du dimanche ; de mon temps on ne connaissait pas cela.
Comme je ne sais pas même lire, il est donc impossible que j’aille
jamais au ciel. Je vais quelquefois à l’église, mais, hélas, c’est
inutile ; celui qui prêche prononce de si grands mots que je n’y
comprends rien. Je vais aussi à la chapelle, de temps en temps, mais je
ne comprends pas davantage. Je sais quelque peu certaines hymnes que
mes enfants chantent entre eux, et où il est dit :
« Bon Jésus, humble et doux Sauveur ! » etc.
Et :
« Oh ! Le beau jour que celui où nous nous rencontrerons pour ne plus nous séparer ! » etc.
« Ah ! Si l’on prêchait
toujours ainsi, peut-être y comprendrais-je quelque chose ; mais,
ignorant comme je le suis, je ne suppose pas que je puisse être
sauvé. »
Cher ami, ne restez donc pas
là-bas, approchez-vous sans crainte. Il n’est pas besoin d’être savant
pour aller au ciel. En ce monde, plus on sait, mieux cela vaut ;
mais tout le savoir imaginable sera de peu de secours dans le monde à
venir. Pourvu que vous sachiez lire dans les cieux le nom du lieu de
votre demeure, pourvu que vous en sachiez assez pour sentir que vous
êtes un pauvre pécheur perdu et pour savoir que Jésus est un puissant
Sauveur, cela vous suffit pour aller au ciel. Il y a déjà dans le
paradis de Dieu bien des hommes qui n’ont jamais connu les lettres de
l’alphabet pendant leur vie terrestre, et qui n’auraient pas pu, même
pour sauver leur vie, écrire leur propre nom, mais qui en étaient
réduits à faire une croix. Malgré cela ils sont là-haut, parmi les
plus, élevés en éclat et en beauté. Saint Pierre lui-même n’occupera
pas une place supérieure à celle de tel ou tel pauvre ignorant
déshérité qui a regardé à Jésus et qui a reçu de lui la lumière.
Écoutez : j’ai à vous annoncer quelque chose de consolant. Ne
savez-vous pas que Jésus disait : « L’Évangile est prêché aux
pauvres » ? Et qu’Il a dit aussi : « Si un homme ne
se convertit et ne devient comme un petit enfant, il ne peut entrer
dans le royaume des cieux » ? Que signifient ces paroles,
sinon que nous devons croire l’Évangile comme de petits enfants ?
Un petit enfant n’a pas beaucoup de science ; il croit tout
simplement ce qu’on lui dit, et c’est là tout ce que Dieu demande de
vous. Vous n’avez qu’à croire ce que Dieu vous dit. Il dit que
Jésus-Christ est venu dans le monde pour sauver les pécheurs. Ce n’est
pas bien difficile à comprendre, n’est-ce pas ? Vous pouvez bien
croire cela ; et si vous pouvez le croire, quelque grande que soit
votre ignorance, vous en saurez toujours assez pour être sauvé, et plus
tard vous apprendrez dans les cieux tout ce que vous ne savez pas.
Voici quelqu’un d’autre qui
s’approche et qui me dit : « Je veux obtenir, moi aussi, le
salut, Monsieur. » J’ai pris mes mesures afin de pourvoir à
l’érection d’une ou deux églises et de plusieurs maisons de charité. Je
consacre toujours une grande partie de mon bien à la cause de Dieu. Je
fais sans cesse des sacrifices pour secourir les pauvres et le reste.
L’argent ne me manque pas et je ne le laisse point croupir dans mes
coffres. Je suis généreux et libéral ; je cherche à instituer
partout des sociétés de secours, et ainsi de suite. Tout cela ne me
méritera-t-il pas le ciel ? »
Je suis heureux de faire votre
connaissance et je regrette que les hommes de votre trempe soient si
rares. Rien n’est beau vraiment dans ce monde comme la générosité et la
libéralité, quand elles s’exercent en faveur des malades et des
pauvres, des êtres abandonnés et ignorants et surtout en vue de l’œuvre
de Dieu. Mais, si vous m’apportez toutes ces bonnes choses comme un
mérite qui doive vous valoir une place dans le ciel, mon cher ami, il
faut que je vous détrompe. Impossible d’acheter le ciel avec de l’or.
Ne savez-vous donc pas que les rues de la sainte cité en sont
pavées ? Le livre de l’Apocalypse nous apprend que le pavé de la
Jérusalem céleste est d’or pur, semblable au cristal le plus
transparent. Vous posséderiez 500 000 livres sterling que vous ne
paieriez pas avec cela, une seule des dalles du paradis ! Quand le
baron de Rothschild dépenserait toute sa fortune pour acheter un pied
carré de terrain dans le ciel, il ne l’aurait pas. Ce lieu est trop
précieux pour être payé à prix d’or ou d’argent. Quand on lancerait
dans le ciel toutes les richesses des Indes à la fois, on ne paierait
pas une minute de séjour dans les parvis du Saint des Saints. Tout l’or
de la terre ne vaudrait pas un regard jeté à la dérobée dans ce lieu de
délices. Le ciel se donne pour rien. Christ ne le vend
pas, — ne le vendra JAMAIS, — JAMAIS,
entendez-vous ? Parce que l’homme ne peut rien offrir qui le
vaille, même de loin. Ce que Jésus a payé de son SANG ne pourra jamais
être payé avec de l’or. « Il nous a rachetés non avec des choses
corruptibles, comme l’argent ou l’or, mais avec son Sang
précieux. » Voilà le prix qui a été payé pour le ciel, et jamais
on ne l’obtiendra à moins. Ah ! Mon riche ami, vous êtes devant
Dieu sur le même pied que le moindre de vos fermiers. Vous pouvez vous
revêtir d’étoffes fines, tandis qu’il s’habille de mauvaise bure, mais
il est tout aussi bien placé que vous pour aller au
ciel. — Madame, sachez-le bien, la soie ne fera pas meilleur
effet en paradis que le calicot ou le coton.
« Nul n’en sera exclus que ceux qui s’en excluront eux-mêmes. »
La richesse crée des différences
dans ce monde, mais ces différences s’évanouissent devant la croix de
Christ. Il faudra que vous veniez tous au pied de son trône de la même
manière, sous peine d’être perdus.
Un pasteur me racontait qu’on
l’avait appelé au lit de mort d’une femme de distinction.
« Monsieur Baxter, lui dit-elle, croyez-vous que lorsque j’irai au
ciel, ma servante Betzy y sera
également ? » — « Quant à vous, Madame,
répondit le pasteur, je ne sais trop ; mais pour Betzy, elle y
sera bien certainement, car s’il est une fille pieuse et chrétienne,
c’est bien elle. » — « Fort bien, reprit la grande
dame, mais ne pensez-vous pas qu’il y aura pourtant une certaine
différence ? Car je n’aurai jamais le courage de m’asseoir à côté
d’une fille de cette classe ? Elle est sans goût, sans éducation,
et je ne saurais la supporter. Il me semble qu’il devrait y avoir
quelque différence. » — « Ah ! Madame, reprit
le pasteur, vous n’avez pas besoin de vous inquiéter à ce sujet, car la
différence sera grande entre Betzy et vous, si vous mourez dans de
pareilles dispositions ; seulement la différence sera du mauvais
côté, car vous verrez votre servante dans le sein d’Abraham, tandis que
vous resterez dehors. Tant que votre cœur sera rempli de ce maudit
orgueil, vous ne pourrez point entrer dans le royaume des
cieux. » — Cette franchise offensa cruellement la pauvre
dame, mais je crois qu’elle aura préféré demeurer exclue plutôt que de
se trouver en compagnie de sa servante Betzy. Respectons le rang et les
titres ici-bas, je vous en prie ; mais n’oublions pas qu’en
prêchant l’Évangile toutes ces distinctions cessent. Si je devais
prêcher à une congrégation de rois, je leur prêcherais le même Évangile
qu’à une congrégation de laboureurs. Pour le roi sur son trône, pour la
reine dans son palais, comme pour vous tous, l’Évangile est le même.
Quelque humbles et obscurs que nous soyons, la porte du ciel est là
devant nous, ouverte à deux battants. La voie royale qui nous y conduit
est la même pour tous. Le riche et le pauvre y marcheront côte à côte.
Tel est le royaume des cieux : on l’obtient « sans argent et
sans aucun prix ».
J’entends là vis-à-vis mon ami le
calviniste me dire : « Hé bien ! J’aime cela ;
néanmoins je crois pouvoir me présenter ; car quoique je puisse
répéter avec vous :
« Je n’apporte rien dans mes mains ;
Je m’appuie uniquement sur ta croix ! »
Cependant je puis dire que j’ai acquis
une longue expérience, Monsieur ; j’ai appris à connaître la
malice de mon propre cœur et je l’ai sentie rudement. Quand je viens à
Christ, je m’appuie beaucoup sur mes sentiments chrétiens. Je ne trouve
pas que vous ayez entièrement raison d’appeler toute espèce de pécheur
à venir à Christ ; mais vous avez raison de m’appeler, moi, parce
que je suis un pécheur de la bonne espèce. Je suis de l’espèce des
publicains ; je suis assez pharisien pour le penser. Je crois que
je suis invité d’une façon toute spéciale ; car avec l’expérience
que j’ai acquise du christianisme, si j’écrivais ma biographie, vous
seriez obligé de vous écrier : « Quelle expérience
chrétienne ! Cet homme est bien préparé pour recevoir le
salut. »
Je suis désolé, mon ami, d’avoir à
vous détromper aussi, mais je ne puis faire autrement. Si en venant à
Christ, vous lui apportez votre expérience chrétienne, vous êtes aussi
loin de compte que le catholique avec ses Notre Père et ses Je vous
salue Marie. J’apprécie fort votre expérience, si elle est l’œuvre de
l’Esprit de Dieu dans votre cœur, mais si vous l’apportez au Sauveur,
c’est une preuve que vous lui reconnaissez une plus grande valeur qu’à
Jésus lui-même ; vous la mettez à la place de Christ, vous en
faites un Anté-Christ. Laissez cela de côté ; laissez donc, vous
dis-je ! Je crains bien que lorsque nous avons essayé de décrire
aux pauvres pécheurs le triste état de leur cœur naturel et leurs
mauvais sentiments, nous n’ayons travaillé sans le vouloir à engendrer
en eux un esprit de propre justice et à leur faire croire qu’ils
doivent commencer par éprouver de meilleurs sentiments avant de pouvoir
venir au Sauveur. Ah ! laissez-moi prêcher l’Évangile à toute
créature de la manière la plus large possible, car ainsi je suis sûr de
le prêcher dans son sens le plus vrai. Christ n’a pas davantage besoin
de vos sentiments et de votre expérience chrétienne qu’il n’a besoin de
votre or. Il ne vous demande rien. Si vous voulez d’ailleurs acquérir
une véritable expérience chrétienne, ne vous faut-il pas commencer par
venir à Jésus, qui seul peut vous la donner ?
« Il ne vous demande, pour toute préparation,
Que de sentir que vous avez besoin de Lui. »
Et puis, attendez la fin :
« Et cela, Il vous le donne aussi,
En faisant poindre en vos cœurs
L’aurore de son Esprit. »
Il faut que vous veniez à Christ
pour recevoir de Lui toutes choses. Vous ne devez pas dire : je
vais commencer par croire, et alors je viendrai. — Non, allez
à Jésus pour recevoir la foi. La vue de la Croix peut seule vous faire
sentir vos péchés. Si déjà nous nous sentons pécheurs, lorsque nous
venons au Sauveur, ce n’est toutefois qu’en le contemplant que ce
sentiment augmente et devient puissant. Nous commençons par regarder à
Jésus, et après cela les fleuves de la repentance jaillissent de nos
yeux. Rappelez-vous que toute autre route pour aller à Christ vous
égarera inévitablement. Vouloir apporter au Seigneur quoi que ce soit,
c’est, pour employer un proverbe vulgaire, « porter de l’eau à la
rivière ». Il est riche ; Il n’a pas besoin de vos dons, et,
ce qui est pire, c’est qu’au moment où Il aperçoit quelque présent dans
vos mains, Il s’éloigne incontinent de vous. Il ne veut avoir rien de
commun avec vous jusqu’à ce que vous lui disiez :
« Je n’apporte rien dans mes mains,
Et je m’appuie uniquement sur ta Croix. »
Je me rappelle l’histoire d’un
esclave noir qui avait été convaincu de péché en, même temps que son
maître. L’esclave noir trouva bientôt la paix, tandis que son maître
resta fort longtemps à la chercher sans pouvoir la trouver. À la fin,
il dit à son esclave noir : « Je n’y comprends rien ! Je
ne sais m’expliquer que tu aies été si promptement soulagé, et que je
ne puisse trouver aucun repos ! — Alors il répondit, en
priant son maître de lui pardonner son langage grossier :
« Voici ce que c’est, Massa ; je crois que lorsque Jésus nous
dit : allons ! Viens à moi ! Il ajoute : je te
donnerai une justice qui te couvrira de la tête aux
pieds. — Moi, pauvre homme, je regarde et je me vois tout
couvert de hideux haillons, et je lui réponds : Seigneur,
habille-moi, je suis tout nu, et aussitôt mes haillons disparaissent.
Mais vous, Massa, vous n’êtes pas si mauvais que moi. Quand Il
dit : allons ! Viens ! — Vous regardez votre
habit, et vous dites : c’est vrai, cet habit a besoin d’être
réparé, mais je crois qu’il peut encore servir quelque temps ; il
y a bien plus d’un trou çà et là, mais quelques pièces et un peu de
raccommodage arrangeront tout. — Et alors, vous gardez votre
vieil habit, Massa ; vous vous morfondez à le raccommoder et à le
réparer, et vous ne trouvez ni paix, ni repos. Si vous vouliez tout
bonnement le jeter loin, vous seriez tout de suite
heureux. » — C’est bien là notre histoire : nous
voulons acquérir quelque chose avant de .venir à Christ, et nous
demeurons hors de Lui.
Je suis sûr d’avoir devant moi,
dans une assemblée comme celle-ci, plus de cent cinquante nuances
différentes de cette même aberration humaine, de cette manie de vouloir
apporter quelque chose à
Jésus-Christ, — « Ah ! » dit l’un, « je
voudrais bien aller à Christ, mais j’ai été un trop grand
pécheur. » — La voilà encore ! — Vous
avez été un grand pécheur ; mais qu’est-ce que cela change à
l’affaire ? Christ est un grand Sauveur et, quelques grands que
soient vos péchés, sa miséricorde est encore plus grande. Il vous
invite en qualité de pécheur. Grand pécheur ou non, Il vous sollicite
de venir et de recevoir son salut « sans argent et sans aucun
prix ».
Un autre dit :
« Ah ! Mais je ne sens pas assez
vivement ». — Voilà encore la
manie ! — Il ne vous demande pas ce que vous
sentez ; Il dit simplement : « Regardez à moi, vous tous
les bouts de la terre et soyez sauvés ».
« Mais, Monsieur, je ne puis
pas prier. » — Encore la manie ! — Ce ne
sont pas vos prières qui doivent vous sauver, c’est Christ, et, quant à
vous, votre rôle est de regarder à Lui. Plus tard, Il vous apprendra à
prier ; pour le moment, commencez par le
commencement, — commencez par vous appuyer sur sa Croix.
« Mais, dit un autre, si au
moins j’éprouvais les mêmes sentiments que tel ou
tel ! » — Toujours la même
manie ! — Qu’avez-vous besoin de parler ainsi ?
C’est à Christ que vous devez regarder et non à
vous-même. — « Oui, dites-vous, mais je pense qu’il
accepterait qui que ce soit plutôt que moi. » — Je vous
en prie : qui vous a chargé de penser et de décider en cette
matière ? Ne vous dit-Il Pas : « je ne mettrai
dehors aucun de ceux qui viennent à moi ? » Hé bien !
Vous pensez que votre âme est vouée à une éternelle ruine. Cessez donc
de penser et apprenez à CROIRE. Vos pensées sont-elles les pensées de
Dieu ? N’oubliez pas qu’autant les cieux sont élevés au-dessus de
la terre, autant ses pensées sont au-dessus des
vôtres. — « Mais, dit encore quelqu’un, je l’ai cherché
et ne l’ai point trouvé. » Cher ami, pouvez-vous dire réellement
que vous êtes venu à Jésus-Christ les mains vides, vous confiant
uniquement en Lui, qu’Il vous a repoussé ? Osez-vous soutenir
cela ? Non. Si la Parole de Dieu est vraie et si vous êtes
sincère, vous ne pouvez pas le dire. — Ah ! Je me
souviens de l’impression profonde que ma mère fit sur moi lorsqu’elle
me tint ce même langage. J’avais cherché le Seigneur depuis quelque
temps et je ne pouvais me persuader qu’il veuille me sauver. Elle me
dit alors qu’elle avait entendu bien des gens jurer et blasphémer le
Nom de Dieu, mais qu’elle n’avait jamais entendu aucun homme soutenir
qu’il avait cherché Christ et que Christ l’avait rejeté. « Je ne
crois pas, disait-elle, que Dieu permette jamais à qui que ce soit de
dire cela. » — Il me semblait que je pouvais cependant
le dire. Il me semblait que je l’avais cherché et qu’il m’avait
repoussé, et j’étais déterminé à le soutenir, alors même que ma
condamnation en aitété la conséquence. À tout prix, je voulais demeurer
fidèle à la vérité. Cependant je me dis : « Essayons encore
une fois ! » J’allai donc vers le Maître, sans avoir rien à
lui présenter et m’en remettant simplement à sa grâce. Alors je crus
qu’il était mort pour moi, et voilà comment je n’ai jamais pu dire
qu’il m’ait rejeté ; voilà, grâces lui en soient rendues, comment
je ne pourrai jamais le dire. Vous, non plus, vous ne le direz pas.
Oh ! Éprouvez-le.
« Éprouvez son amour,
Cette expérience en décidera ;
Elle démontra combien sont heureux
Ceux qui se confient en sa bonté. »
Si vous voulez descendre à ce bas
prix : « sans argent et sans aucun prix » ; si vous
voulez consentir à accepter Christ pour rien, tel qu’Il est, vous ne
trouverez pas en Lui un maître exigeant.
III.
Et maintenant je vais terminer par quelques paroles pressantes, que je supplie le Seigneur d’appliquer à vos âmes.
Je voudrais d’abord m’adresser à
ceux d’entre vous qui ne pensent jamais à ces choses. Vous êtes venus
entendre la Parole aujourd’hui, parce qu’elle est prêchée dans un lieu
inaccoutumé ; sans cela, vous ne seriez jamais allés l’écouter
dans un temple. Vous ne vous tourmentez guère des questions
religieuses ; vous ne vous examinez guère sur ce point, parce que
de pareilles préoccupations cadreraient mal avec tout le reste de votre
vie. Vous sentez qu’il vous faudrait aussitôt subir un changement
complet, parce que la religion et vos habitudes ne pourraient pas
coexister paisiblement ensemble. Mes chers amis, supportez qu’en ce
moment j’essaie de vous serrer de très près. N’avez-vous jamais entendu
parler de l’autruche ? Quand elle est poursuivie par le chasseur,
cette pauvre bête, dépourvue d’intelligence, fuit aussi vite que ses
jambes le lui permettent ; puis, quand elle se voit traquée et
dans l’impossibilité d’échapper, quelle ressource pensez-vous qu’elle
emploie ? Elle enfonce sa tête dans le sable et se croit en
sûreté, parce qu’elle ne peut plus voir celui qui la poursuit. N’est-ce
pas là exactement ce que vous faites ? Votre conscience ne vous
laisse aucun repos et vous essayez de l’ensevelir. Vous enfoncez votre
tête dans le sable ; vous ne voulez pas réfléchir à votre
situation. Ah ! Si nous pouvions forcer les hommes à réfléchir,
quelles choses étonnantes nous
accomplirions ! — Réfléchir, voilà, pécheur, ce que tu
n’oses pas faire, aussi longtemps que tu restes étranger à
Christ ! Réfléchissez-vous jamais ? Nous avons entendu parler
de gens qui redoutaient de se trouver seuls pendant une courte
demi-heure, parce que les pensées qui les assaillaient alors étaient
trop terribles. Je défie qui que ce soit d’entre vous (si Dieu ne
l’aide) de passer une heure sous cet arbre, sur ce balcon, ou chez
vous, à retourner dans votre esprit, à ruminer, à digérer ces
pensées : « Je suis un ennemi de Dieu ; mes péchés ne
sont pas pardonnés : si je meurs ce soir, je serai damné pour
toute l’éternité. Je n’ai jamais cherché Christ, et Il ne s’est pas
encore déclaré mon Sauveur. » Je vous défie d’y employer une
heure. Vous n’oseriez pas, votre ombre vous ferait peur. Les pécheurs
n’ont qu’une ressource pour échapper au malheur ; c’est
l’insouciance. Ils se disent : « Couvrez cela, enterrez mon
mort loin de ma vue ». Ils écartent ces funestes pensées. Mais
est-ce sage ? La religion est-elle, oui ou non, quelque
chose ? Si elle n’est rien, vous feriez mieux de la nier. Mais si
cette Bible est la vérité, s’il est vrai que vous possédiez une âme
immortelle, est-il raisonnable, logique, prudent de négliger votre
âme ? Si vous étiez mourants de faim, faudrait-il de longs
raisonnements pour vous persuader de manger ? Mais voici votre âme
qui se meurt faute d’aliment spirituel, et il n’est pas de langue assez
éloquente sur cette terre pour vous persuader de lui porter
secours ! — Oh ! N’est-ce pas un spectacle étrange
que de voir tous les hommes s’acheminer, comme ils le font, vers un
avenir éternel, sans y penser, sans faire le nécessaire pour s’y
préparer ?
Certain roi avait à sa cour un fou
très spirituel, dont les bons mots le divertissaient beaucoup. Un jour,
le roi lui donna un bâton, en lui disant : « Garde-le jusqu’à
ce que tu aies trouvé un plus fou que toi. » Le roi tomba malade
et s’en allait mourir ; alors le fou s’approcha et dit :
« Maître, qu’est-ce qui vous
arrive ? » — « Je vais mourir », dit le
roi. — « Vous allez ? … Où allez-vous
donc ? » — « Je te dis que je m’en vais
mourir ; ce n’est pas le moment de te
moquer. » — « Et pour combien de temps vous en
allez-vous ? » continue le fou. — « Là où je
vais, j’y vais pour l’éternité. » — « Avez-vous une
maison à vous dans ce
pays-là ? » — « Non. » — « Avez-vous
fait vos préparatifs pour le
voyage ? » — « Non. » — « Avez-vous
au moins de bonnes provisions pour vivre, puisque vous y demeurerez si
longtemps ? » — « Non » — « Tenez,
continua le fou, voici le bâton, car, tout fou que je sois, moi j’ai
fait mes préparatifs. Je ne suis pourtant pas si stupide que de ne pas
me pourvoir d’une maison dans un pays où je dois
demeurer. » — Christ a préparé des demeures pour les
siens, et le langage de ce fou était plein de sagesse. Permettez que je
vous parle comme lui et dans le même langage, quoique bien plus
sérieusement. Si les hommes sont appelés à vivre éternellement dans le
ciel, n’est-il pas étrange, absurde, d’une folie ridicule et
intolérable, qu’ils ne réfléchissent jamais à cette vie à venir ?
Ils pensent au jour d’aujourd’hui, mais ils ne pensent nullement à
l’éternité. Le temps présent, avec ses hochets, ses babioles, ses
enfantillages, voilà ce qui remplit leur cœur ; mais
l’éternité ! Cette montagne sans sommet, — cet océan
sans rivages, — ce fleuve qui n’a point de fin et sur lequel
ils vont s’embarquer, ils n’y pensent pas ! Arrêtez-vous un
instant et réfléchissez qu’il vous faudra naviguer éternellement, ou
bien sur les ondes éclatantes de la félicité, ou bien sur les vagues
brûlantes de l’enfer. Lequel des deux sera votre
lot ? … Il faudra bien, y penser un jour. D’ici à peu
d’années, peu de mois, — à peu de jours peut-être, une voix
vous criera : « Prépare-toi à la rencontre de ton
Dieu ! » Et peut-être cet appel viendra-t-il au moment où
vous serez aux prises avec la mort, au moment où les eaux du Jourdain
commenceront à refroidir votre sang et où votre cœur défaillirade
terreur. Et que ferez-vous alors ? Que ferez-vous au milieu de vos
péchés amoncelés, lorsque vous serez sur le point d’être
dépouillés ? Que ferez-vous quand Dieu vous amènera en
jugement ?
J’ai maintenant à remplir une
tâche plus douce, en m’adressant à une toute autre classe de personnes.
Ah ! Mon ami, vous n’êtes pas insouciant, vous ; vous pensez
et vous réfléchissez beaucoup, mais ces pensées vous troublent. Vous
voudriez parfois en être délivré, et d’autres fois vous les
redouteriez. Vous pouvez dire : « Ah ! Je sens que je
serais pleinement heureux si je pouvais me réjouir en Christ, si je
pouvais être réellement converti ! » — Mon ami, je
suis très heureux de vous entendre parler de la sorte. Quand Dieu a
commencé de toucher un cœur, je ne crois pas qu’il laisse une telle
œuvre inachevée. Mais il faut que je vous parle très sérieusement
aujourd’hui, pendant quelques minutes encore. Vous sentez que vous avez
besoin d’un Sauveur. Souvenez-vous que Christ est mort pour vous.
Croyez-le ! Le voici, Il se penche du haut de sa croix, Il
expire … Observez son visage ; il est plein d’amour,
plein des plus tendres compassions. Ses lèvres se meuvent …
Il murmure : « Père, pardonne-leur ! » Voulez-vous
regarder à Lui ? Pourriez-vous supporter la vue de ce spectacle et
vous en détourner ? Il ne vous demande qu’un regard, et ce regard
sera votre salut. Vous sentez qu’il vous faut un Sauveur, vous sentez
que vous êtes pécheur ; qu’attendez-vous ? — Ne me
dites pas que vous êtes indignes. Rappelez-vous qu’Il est mort pour les
indignes. — Ne me répondez pas qu’Il ne veut pas vous sauver.
Rappelez- vous qu’il est mort pour ceux que le diable rejette. Jésus
est mort pour sauver la lie et le rebut de
l’humanité. — Regardez à Lui ! Comment pourriez-vous le
contempler sans croire en Lui ? Ne voyez-vous pas le sang qui
ruisselle le long de ses épaules et qui dégoutte de ses mains et de son
côté ? Comment ne croiriez-vous pas en Lui ? … Je
vous conjure, au nom de Celui qui vit et qui a été mort, mais qui est
vivant, de croire au Seigneur Jésus-Christ ; car il est
écrit : « Celui qui croit au Seigneur Jésus sera
sauvé ».
Pendant l’une des prédications que
Rowland Hill donnait en plein air, lady Ann Erskine se trouva à passer
en voiture de ce côté, et, voyant cette immense foule, elle demanda à,
son cocher ce qu’il y avait. Il répondit qu’on écoutait Rowland Hill.
Comme elle avait entendu raconter bien des choses étranges sur cet
homme, qui passait pour le prédicateur le plus original, elle ordonna
d’approcher. À peine Rowland Hill l’eut-il aperçue et reconnue qu’il
s’écria : « Allons ! Je m’en vais tenir une
enchère ; je m’en vais vendre au plus offrant lady Ann
Erskine ». — À l’ouïe de ces paroles, la grande dame fit
arrêter sa voiture, fort curieuse de voir comment elle allait se
trouver vendue. — « Qui veut l’acheter ? »
criait Rowland Hill. Voici le monde qui se présente. « Que veux-tu
m’en donner ? » — « Je lui donnerai, répond le
monde, toutes les pompes et les vanités de cette vie présente. Elle
sera la plus heureuse et la plus riche des femmes ; elle aura
beaucoup d’admirateurs et elle traversera son existence terrestre au
milieu des joies de tout genre. » — « Tu ne l’auras
pas. Son âme est une chose immortelle et éternelle ; ce que tu
m’en offres n’est qu’une misère, et quand tu me donnerais tout ce qui
t’appartient, que lui servirait-il de gagner le monde entier, si elle
vient à se perdre ? »
Mais voici un autre acheteur,
voici le diable qui s’avance. — « Satan ! Combien
veux-tu en donner ? »— « Je lui ferai goûter,
dit-il, les plaisirs du péché pendant un temps. Elle possédera tout ce
que son cœur pourra désirer, tout ce qui peut plaire aux yeux et aux
oreilles ; elle pourra jouir de tous les vices et de tous les
péchés, qui lui procureront le moindre
plaisir. » — « Ah ! Satan, et que lui
assureras-tu ensuite pour l’éternité ? … Non,
non ! Tu ne l’auras pas, car je te connais, tu voudrais la payer à
vil prix, afin de ruiner son âme pour toujours. »
Encore un acheteur ! Celui-ci
je le connais : c’est le Seigneur Jésus. — « Que
donnes-tu pour la posséder ? » — « Demande
plutôt ce que j’ai déjà donné ! J’ai donné ma vie et mon sang pour
elle. Je l’ai rachetée à grand prix et je veux lui ouvrir le ciel pour
jamais. Je veux remplir son cœur de joie dans ce monde et la couronner
de gloire pour l’éternité. » — « Ô Seigneur
Jésus ! Elle sera à Toi … Lady Ann Erskine, vous
ratifiez, n’est-ce pas?… »
La grande dame était tout émue et ne put rien répondre.
« C’en est fait ! c’en
est fait ! » reprit Rowland Hill, « vous êtes désormais
à Christ ; je vous ai fiancée à Lui ; ne violez jamais ce
contrat ! »
Et elle ne le viola pas. Depuis
lors, la volage et mondaine femme devint sérieuse ; elle fut l’un
des soutiens de la cause de l’Évangile et mourut dans la parfaite et
paisible espérance de posséder le royaume des cieux. Ah ! Je
serais bien heureux si je pouvais réussir auprès de quelqu’un de vous
aujourd’hui, comme Rowland Hill auprès de lady Erskine ! Je serais
bien réjoui si quelqu’un s’écriait : « Seigneur, je veux te
posséder ! » Christ est prêt. S’il vous a préparés à venir à
Lui, Il est prêt avant vous. S’il est quelqu’un qui désire le Sauveur,
le Sauveur est également désireux de se donner à lui. — Qu’en
dis-tu ? Veux-tu aller avec Lui ? Si tu dis oui, que
l’Éternel te bénisse du haut des cieux ! Le Seigneur, Lui aussi,
dit oui, et tu es sauvé, — sauvé dès
maintenant, — sauvé pour toujours !