166 - LE DESTRUCTEUR DÉTRUIT.
« Afin que par sa mort il détruisit celui qui avait l’empire de la mort, c’est-à-dire le diable »
(#Hé 2:14).
Dans l’empire de Dieu, tout était,
à l’origine, bonheur, joie et paix. Si le mal s’y est introduit plus
tard, si les souffrances et le malheur y ont exercé leurs tristes
ravages, ceci n’est point l’œuvre de Dieu. Dieu peut le permettre dans
de certaines limites et le faire concourir au bien ; mais le mal
ne saurait provenir de Lui. Dieu est pur et parfait ; Il est la
source d’où jaillit sans cesse une eau limpide et vivifiante. Le
royaume du diable ne contient au contraire rien de bon. « Le
diable pèche depuis le commencement », et sa domination n’a jamais
été qu’une œuvre perpétuelle de tentation, une source constante de
misère et de mort. La mort elle-même fait partie de son empire.
Lorsqu’il introduisit le péché dans le monde, en entraînant dans la
désobéissance notre première mère Ève, il y introduisit aussi la mort.
Sans cette funeste intervention de Satan, la mort n’aurait probablement
pas existé. Peut-être que si Satan n’avait pas tenté Adam à manger du
fruit défendu, l’homme ne serait pas tombé dans la révolte et si
l’homme ne s’était pas révolté, il aurait vécu à toujours sans être
jamais obligé de subir la hideuse transformation que la mort entraîne.
La mort est, selon moi, le chef-d’œuvre du démon. Sans parler de
l’enfer, la mort est certainement la plus atroce perfidie, l’invention
la plus satanique que le diable ait jamais accomplie. Rien n’a dû
réjouir davantage l’âme damnée du roi des enfers comme la découverte
que la menace de mort prononcée par l’Éternel s’accomplirait :
« Le jour où tu en mangeras, tu mourras de mort » ; et
rien n’a dû combler davantage d’un bonheur infernal son cœur plein de
malice que la vue d’Abel étendu sur la terre et mortellement frappé par
la main de son frère. « Ah ! Ah ! » s’est-il écrié
avec un rire affreux, « voici la première fois qu’une créature
intelligente meurt. Oh ! Que je suis content ! C’est ici
l’heure suprême de mon triomphe ! J’ai troublé, il est vrai, par
mon insidieuse tentation la paix de la terre et j’en ai terni la
gloire ; la création tout entière, il est vrai, gémit et soupire
comme en travail, à cause du mal que j’y ai introduit ; mais ceci,
oh ! Ceci couronne dignement mon œuvre. J’ai tué l’homme ;
j’ai fait venir la mort sur lui, et voici étendu à mes pieds le
premier, oui, le premier des morts ! »
Depuis cette heure fatale, Satan a
toujours souri de joie à la mort de chaque homme, et il a eu de quoi se
glorifier, car cette mort est devenue universelle. Tous sont morts. Ils
ont beau avoir possédé les plus riches trésors de la sagesse, comme
Salomon, leur sagesse ne les a pas exemptés ; ils ont beau avoir
eu toutes les saintes vertus d’un Moïse, la hache ne les a pas
épargnés. Tous sont morts indistinctement, et le démon a pu
s’enorgueillir à l’aise de la grandeur de sa victoire : deux fois,
cependant, cette victoire lui a été ravie. Deux hommes ont échappé à
l’universelle loi et sont entrés dans le ciel sans mourir. Mais,
qu’importe ! La masse de l’humanité a senti, sans autre exception,
l’aiguillon de la mort, et il s’est réjoui de ce que cette œuvre de
destruction s’est étendue sur toute la surface de la terre et s’est
élevée plus haut que toutes les vertus auxquelles les pauvres humains
peuvent encore atteindre.
Il y a dans la mort quelque chose
d’effrayant. Elle est hideuse même pour celui qui possède le plus de
foi. Ce qui rend la mort tolérable pour le chrétien, c’est cette
lumière lointaine qu’il aperçoit au-delà ; — c’est ce
qui vient après ; — c’est le ciel, avec sa harpe et sa
couronne de glorieuse immortalité ! Mais la mort elle-même sera
toujours pour les fils des hommes une chose odieuse et repoussante au
suprême degré. Et, voyez ! Voyez quelle ruine elle entraîne !
Voyez comme elle ternit la brillante pupille des yeux ! Comme elle
renverse ce corps, ce mystérieux et « étonnant assemblage »
d’organes, cet ouvrage d’une divine architecture ! Elle expulse
violemment de sa demeure cette âme immortelle qui y habitait, et la
force à prendre son vol vers des mondes inconnus. Au lieu d’un homme
plein de vie, elle laisse entre vos bras un cadavre, dont le seul
aspect est si minable que vous ne pouvez plus le regarder sans être
saisi d’horreur. Et voilà, ce qui comble Satan de joie. Il considère la
mort comme son chef-d’œuvre, à cause de ses terreurs et de la
destruction qu’elle enfante. Plus le mal est grand, plus il ressent de
joie. Comme il doit grimacer de plaisir à la vue de nos maladies, à la
vue de nos péchés ! Mais rien ne peut dilater son âme diabolique
autant que la mort, — ce thème de ses perpétuelles
méditations au sein de sa perpétuelle damnation. Il jette de sauvages
cris de réjouissance quand il voit comment il est parvenu, par un acte
d’infâme trahison et de méchanceté inouïe, à faire passer sur le monde
entier le fléau de la destruction et à précipiter d’un seul coup toute
l’humanité dans la tombe.
Aussi la mort est-elle pour lui la
source de réjouissantes pensées, parce qu’elle lui offre la possibilité
de déployer de la manière la plus extraordinaire sa ruse et sa malice.
Le diable est lâche, le plus grand des lâches, comme le sont toujours
les êtres méchants. Il n’ira guère attaquer un chrétien plein de santé.
Si ce chrétien vit sous le regard de son Maître et si sa foi est
grande, le diable le laissera tranquille, parce qu’il sait qu’il aurait
affaire à trop forte partie. Si, au contraire, il peut découvrir
quelque part un chrétien faible dans la foi ou maladif, il ne manque
aucune occasion de l’assaillir de ses obsessions.
Mais c’est lorsque la mort se
présente avec tout son cortège de terreurs qu’il se met à l’œuvre avec
acharnement. Son habitude à ce moment suprême est de faire un effort
terrible pour envahir l’âme. Chez les chrétiens, sinon à cette heure
même, du moins peu avant sa venue, il livre d’ordinaire un combat
effroyable et décisif à l’âme qui va déloger.
Et puis, cette hideuse mort, il
l’aime aussi, parce qu’elle abat l’esprit. À l’approche de la
dissolution du corps, en effet, les puissances intellectuelles
faiblissent et l’homme perd, pour un temps du moins, cette vigueur et
ce courage qui l’ont soutenu en des jours meilleurs. Il est là, triste
et abattu, comme évanoui sur sa couche. « Bon, dit le diable,
voici mon heure » ; et aussitôt il s’élance vers le pauvre
malade. C’est en ce sens que l’on peut dire que Satan a puissance sur
la mort, car on ne saurait concevoir qu’elle soit en sa puissance
autrement que par le fait qu’il en est l’auteur et qu’il en profite
pour exercer plus que jamais sa malice et sa rage. On ne saurait
supposer, en effet, que le pouvoir que Satan a sur la mort consiste à
causer la mort. Tous les démons de l’enfer ne sauraient ôter la vie au
plus faible enfant de toute la terre, et quand nous sommes à notre
dernier soupir, épuisés par la douleur et pouvant à peine respirer, au
point que le médecin lui-même doute que nous soyons encore de ce monde,
ce n’est que par la volonté du Tout-Puissant que nous pouvons expirer,
quelque grands que soient notre épuisement et notre faiblesse. Le
diable ne saurait donc jamais être la cause de notre mort. Nous croyons
avec joie que la main d’un ange ne saurait nous coucher dans le
sépulcre, non, pas même celle de l’archange déchu, et nous sommes
heureux de savoir qu’après cela une myriade d’anges ne pourrait pas
nous y retenir enfermés. Le démon n’a donc aucun pouvoir sur la mort,
ni pour ouvrir ni pour fermer les portes de notre tombe.
Il est parmi nous des personnes
qui ont accepté et compris la religion comme une vie de bonheur et de
plaisir. Ils sont toujours heureux, toujours assis auprès des ruisseaux
d’eau courante, — auprès de leur Dieu ; leur sentier est
toujours éclairé par les rayons du soleil, et leurs yeux sont toujours
brillants de sérénité. Ils supportent les épreuves de la vie avec un
courage viril, ainsi qu’il sied au chrétien, et reçoivent les
afflictions de la main du Seigneur avec patience et résignation. Alors
le diable se dit : « Il n’y à rien à faire avec cet
homme-là ; mes doutes ne l’entameront jamais ; il est trop
fort pour que je l’entraîne ; il est trop puissant sur ses genoux
et il est trop intime avec son
Dieu ». — « Arrière-moi ! » crie alors le
chrétien au démon. Mais lorsque nous commençons à nous affaiblir,
quand, sous l’influence d’un corps maladif, notre âme devient
languissante ; quand nous nous sommes soumis à des abstinences
ascétiques coupables, ou quand la verge de l’Éternel s’est abaissée et
nous a meurtris, alors, profitant de notre tristesse et de notre
abattement, l’ennemi nous attaque avec fureur. Et voilà pourquoi le
diable aime la mort et a puissance sur elle ; c’est que c’est
l’heure à laquelle la nature succombe et où il profite de notre
faiblesse, pour nous accabler s’il le peut.
Voici quel est le sujet de notre
discours : Le Seigneur Jésus-Christ a détruit par sa mort la
puissance que le diable a sur la mort. Nous y ajouterons une seconde
vérité qui formera le sujet de notre second point : Non seulement
Il a détruit la puissance que le diable a sur la mort, mais Il a
détruit la puissance du diable, généralement et entièrement, par la
mort qu’il a subie sur la croix.
I.
Commençons par la première de ces vérités : LA MORT DE CHRIST A
ENTIEREMENT DETRUIT, POUR LE CHRETIEN, LA PUISSANCE DU DIABLE SUR LA
MORT. Ce pouvoir du diable sur la mort s’exerce sur trois points, et
nous devons le considérer sous ces trois aspects. Parfois, la puissance
du diable sur la mort se fait sentir chez le chrétien en ce qu’il
essaie de lui inspirer des doutes sur sa résurrection et de lui
dépeindre son état futur sous les sombres couleurs d’un anéantissement
éternel. Nous voulons considérer d’abord ce point et montrer que la
mort de Christ a entièrement détruit la puissance que le diable exerce
de cette manière particulière sur la mort. Quand un pauvre pécheur
approche du seuil de l’éternité, si sa foi est chancelante et si le
regard de son espérance se trouble, quelle sera alors la perspective
qui se présentera à son âme inquiète ? Il verra s’ouvrir devant
lui un monde inconnu, et, dans sa terreur, serait-il le plus fidèle
enfant de Dieu, il prononcera peut-être des paroles dignes du dernier
des incrédules. « Mon âme regarde en avant, dira-t-il, et ne voit
rien, sinon une éternité redoutable, un gouffre béant prêt à
l’engloutir. » Parlez-lui des promesses de l’Éternel, essayez de
le réconforter en lui rappelant les révélations certaines concernant la
vie future : il n’y a que la mort de Christ qui puisse agir alors
sur lui, et sans elle le chrétien lui-même ne verrait dans la mort
qu’une froide et obscure prison, une triste fin couronnant une triste
existence. « Qui suis-je, et où vais-je ? » se
demande-t-il à ce moment suprême. « Ne suis-je qu’une flèche
légère échappée des mains du Créateur et qui traverse l’espace ?
Vers quel avenir m’entraîne mon rapide déclin ? » Et, pour
toute réponse, il n’entend que ces paroles : « Tu sortis du
néant et tu retournes dans le néant. Pour toi, plus d’avenir ; une
fois mort, tu n’es plus rien. » Ou si sa raison a été mieux
développée et instruite, peut-être lui répondra-t-elle :
« Oui, il est une autre vie » ; mais la raison ne la lui
annoncera que comme une probabilité. Elle pense qu’il est une autre
vie ; elle le suppose et l’espère ; elle le rêve
peut-être ; mais dire quelle sera cette vie nouvelle, quelles en
seront les splendeurs incompréhensibles ou les insondables mystères,
les terreurs, les horreurs peut-être, c’est ce que la raison ne peut
dire. .Si un tel homme n’avait aucune connaissance de l’immortalité
telle que nous la révèle la mort de Christ, l’accablante pensée qu’il
va être anéanti, qu’il n’existera plus, ou, s’il doit exister,
l’impossibilité de savoir ni comment ni où il existera : voilà
quel serait pour lui le redoutable aiguillon de la mort !
Mais, mes bien-aimés, la mort de
Christ dissipe toutes ces incertitudes. Si je suis sur le point de
mourir et si Satan vient me dire : « Tu vas être
anéanti ; tu sombres dans l’éternel océan des temps ; tu vas
descendre pour toujours dans les caverneux abîmes du néant ; ton
esprit, ta pensée va pour toujours cesser de vivre et ne sera
plus », aussitôt je puis lui répondre : « Non, cela est
faux, je n’ai rien à redouter de pareil. Ô Satan ! Tu pouvais me
tenter ainsi, mais tu manques entièrement ton but. Vois là-bas mon
Sauveur ! Il est mort ; Il est réellement, véritablement
mort, puisque son cœur a été percé ; Il a été enseveli ; Il
est demeuré trois jours dans le tombeau ; mais Il n’a pas été
anéanti, car, le troisième jour, Il est ressuscité des morts ; Il
est apparu à plusieurs témoins dans la gloire de sa résurrection et Il
a donné d’abondantes preuves qu’Il était bien réellement ressuscité. Et
maintenant, ô Satan, je sais que tu n’as pas le pouvoir de mettre fin à
ma vie, puisque tu n’as pu anéantir mon Seigneur. De même qu’il est
ressuscité, ainsi ressusciteront aussi tous ceux qui l’ont suivi. Je
sais que mon Rédempteur est vivant ; aussi, quoique ce corps doive
servir de pâture aux vers, cependant je verrai Dieu dans ma chair. Tu
me dis, ô Satan, que je vais être englouti et que je vais me perdre
dans le gouffre du néant ; et moi je te dis que tu mens ! Mon
Sauveur n’a pas été englouti, et cependant Il a été mort. Il a été
mort, mais la mort n’a pas pu le retenir longtemps dans le tombeau. Tu
peux venir me lier à mon tour, ô mort, mais tu ne peux pas me détruire.
Ouvre ta bouche, ô sépulcre, engloutis-moi ; mais un jour vient où
je briserai les fers, où je m’échapperai. À l’aurore de ce jour
d’immortelle gloire, je me lèverai tout couvert d’une rosée semblable à
celle dont se perlent les fleurs au matin, et je vivrai éternellement
en sa présence. Parce qu’il vit, je vivrai aussi. » Comme vous le
voyez donc, en mettant en évidence, par sa mort, la vie et
l’immortalité, Christ a brisé la puissance de Satan dans la mort. Il
lui a ravi le pouvoir de nous tenter en nous faisant croire que nous
serons anéantis ; car, comme chrétiens, nous croyons que Jésus est
ressuscité des morts et que ceux qui dorment au Seigneur seront retirés
par Lui de leurs tombeaux.
Mais parlons maintenant d’une
tentation bien plus commune, d’une nouvelle phase de cette puissance
que Satan exerce au moment de la mort. Déjà, pendant notre vie, il
cherche bien souvent à nous persuader que nos péchés l’emporteront
contre nous devant Dieu, que les péchés de notre jeunesse et que toutes
nos transgressions passées sont encore dans nos os et que, lorsque nous
nous serons endormis dans le sépulcre, ils ressusciteront pour nous
condamner et nous perdre. « Ils sont, dit Satan, en bien grand
nombre, et j’en vois déjà une multitude qui sont allés t’attendre au
trône du jugement, et d’autres multitudes qui vont aller rejoindre les
premières, pour t’y accabler au grand jour. » Quand le chrétien
s’affaiblit et que la santé et le courage lui font défaut, sans la mort
de Christ et la doctrine qui s’y rattache, le démon pourrait l’ébranler
par les paroles suivantes : « Tu vas mourir ; je n’ose
pas t’affirmer qu’il n’y aura point de vie future, parce qu’en ce cas
tu me répondrais qu’il y en a une, puisque Christ est ressuscité, et
que tu dois ressusciter comme lui ; mais je vais te tenter d’une
autre façon. Tu as fait ouvertement profession d’être chrétien, et moi
je t’accuse d’avoir été un hypocrite. Tu t’es prétendu l’un des élus du
Seigneur ; hé bien ! Regarde tes péchés, rappelle-toi ce
certain jour où tes désirs coupables se sont révoltés contre Dieu, et
où, si tu ne t’es pas laissé aller à des actes criminels, tu les as
cependant conçus et désirés dans ton cœur. Rappelle-toi combien de fois
tu l’as provoqué comme les Hébreux dans le désert, et combien de fois
tu l’as irrité par tes rebellions. » Le diable prend alors notre
journal quotidien et, en le feuilletant, il pose son doigt noirci sur
chaque péché. Il lit ironiquement et avec un ricanement de mépris, et
s’écrie : « Regarde ceci, toi qui te prétends saint.
Saint ! … Ah ! Ah ! … beau saint,
vraiment ! Tiens, voici : profanation du dimanche ;
voici : mauvaises pensées et incrédulité ; voici :
abandon du Dieu vivant. » Puis il tourne les feuillets un à un et
s’arrête sur les plus sombres, en disant : « Regarde encore
ceci ! » Et avec ces reproches il torture le chrétien.
« Ah ! David, dit-il, souviens-toi de Bathsheba ; Lot,
souviens-toi de Sodome et de la caverne ; Noé, souviens-toi de la
vigne et de ton ivresse. » Et à ces tristes souvenirs l’enfant de
Dieu frémit en voyant ces péchés se dresser devant lui, même ses péchés
les plus anciens — oubliés depuis longtemps.
Celui qui peut regarder le péché
en face sans trembler, et qui peut demeurer ferme en disant :
« Le sang de Jésus-Christ me purifie de tout péché »,
celui-là, dis-je, est vraiment un homme de foi. Mais si la mort de
Christ n’était pas là, s’il n’avait pas répandu son sang, vous pouvez
comprendre combien serait terrible la puissance du diable à l’heure de
la mort, car il ne manque jamais de nous jeter à la figure tous nos
péchés au moment où nous approchons de l’éternité. Mais, voyez comment
Jésus a détruit par sa mort toute la puissance de l’ennemi ! Quand
il vient nous reprocher nos péchés, nous lui répondons : « Tu
as raison, ô Satan ! J’ai été rebelle et je ne renie ni ma
conscience ni mes souvenirs. Oui, j’ai transgressé ; tu peux, ô
Satan, me présenter la page la plus sombre de ma vie ; je confesse
que tout est vrai, et quand l’Éternel enverrait mon âme dans les abîmes
de l’enfer, Il serait trouvé parfaitement Juste en le faisant. Mais,
sache à ton tour, ô être pervers et maudit, que tous mes péchés ont été
rejetés sur la tête du bouc Azazel des temps de jadis. Va-t-en vers la
croix du Calvaire, ô Satan, regarde mon Sauveur pendu à ce bois infâme
et tout couvert de son sang ! Mes péchés ne m’appartiennent
plus ; ils ont été placés sur sa tête divine, et Il les a jetés du
haut de sa croix dans la mer profonde .Loin de moi, cerbère infernal,
et ne viens pas me fatiguer de tes obsessions. Va repaître tes regards
du spectacle de cet Homme qui est entré dans les parvis mystérieux de
la mort et qui a dormi dans la tombe pendant trois jours. Il a brisé
les portes de l’enfer et de la mort et Il a emmené la captivité
captive ; Il a démontré par là qu’il était approuvé de Dieu et que
je suis justifié en Lui. »
Oh ! Oui, voici bien comment
la mort de Christ anéantit le pouvoir du démon ! Elle nous permet
de répondre à Satan que nous ne le craignons plus, car tous nos péchés
sont ôtés, sont couverts d’un nuage impénétrable et ne pourront plus
nous être reprochés. — « Ah ! » disait un
saint homme, parvenu à un âge très avancé, et que Satan avait rudement
tourmenté, « à la fin, je parvins pourtant à me débarrasser de mes
tentations et à jouir d’une pleine
paix ! » — « Et comment avez-vous
fait ? » lui demanda un ami chrétien qui le
visitait ? — « Frère, répondit le vieillard, je lui
montrai du sang ; je lui montrai le sang de Christ. » Et
c’est là, en effet, ce que le diable ne peut pas supporter. Si vous lui
répondez : « Ah ! J’ai prié si souvent », il se
moquera de vos prières. Si vous lui dites : « Ah ! J’ai
prêché la vérité », il vous rira en face et vous dira que vous
avez prêché votre propre damnation. Si vous lui dites que vous avez
cependant accompli quelques bonnes œuvres, il les prendra et les
déroulera devant vous, en disant : « C’est là ce que tu
appelles tes bonnes œuvres ? Haillons que tout cela ! Vils et
sales haillons, dont personne ne voudrait, pas même contre
récompense. » Si vous lui dites : « Ah ! Mais je me
suis repenti ! », il haussera les épaules à votre repentance.
Quoi que ce soit que vous lui disiez, il s’en moquera, jusqu’à ce que
vous vous écriiez : « Je viens les mains vides, je n’apporte
rien ; mais j’embrasse la croix de Jésus ! » Alors tout
est fini pour lui et il n’a plus rien à répondre, car la mort de Christ
a détruit le pouvoir que le diable avait de nous tenter par le souvenir
de nos péchés. « L’aiguillon de la mort, c’est le péché. »
Notre Sauveur bien-aimé a arraché l’aiguillon de la mort et l’a
désarmée à notre égard, parce que pour nous le péché n’entraîne plus la
condamnation.
Supposons encore un chrétien qui
croie fermement à une vie future. Le Malin a une autre manière encore
de le tenter, Il lui dira : « C’est très possible ;
j’admets que tu doives vivre à jamais et que tes péchés soient
pardonnés ; mais tu as eu bien de la peine à persévérer jusqu’à
maintenant et, aujourd’hui que tu vas mourir, tu es assuré de
succomber. Tu sais bien que dans les jours d’épreuve peu s’en est fallu
que tu ne reprennesle chemin de l’Égypte. Les frelons qui te piquaient
pendant ton pèlerinage ont suffi pour te harasser ; que sera-ce
quand la mort, ce roi des vampires, viendra sur toi ! Tu es perdu,
bien certainement. Tu sais que lorsque tu t’enfonçais pendant le chemin
dans quelque ornière, tu criais d’épouvante, te croyant près d’être
noyé. Que feras-tu maintenant que tu vas traverser le Jourdain
débordé ? » — « Ah ! » dit-il
encore, « tu avais peur des lions alors qu’ils étaient
enchaînés : que vas-tu devenir en présence de ces lions
déchaînés ? Comment leur échapperas-tu ? Alors que tu étais
jeune, que tes os étaient fortement attachés ensemble et que tes
muscles étaient pleins de vigueur, tu tremblais cependant devant moi.
Et maintenant que je vais fondre sur toi, maintenant que tu vas
descendre dans le sépulcre, sans force ni courage, maintenant que, te
saisissant avec mes ongles acérés, j’enfoncerai mes dents avec une rage
désespérée dans ta chair, et que je te mordrai si cruellement que tu le
sentirais même à travers des barres de fer et à travers un triple
airain, ah ! Tu seras vaincu, anéanti, perdu ! » Le
pauvre chrétien, alors tout découragé, se prend à croire que tout cela
est vrai, et s’écrie : « Certainement, je vais périr par la
main de ce terrible ennemi ! » — Et voici venir un
savant adepte d’Arminius, disant : « Mon ami, vos sentiments
sont vraiment convenables, car Dieu peut, suivant les cas, abandonner
ses enfants et les répudier ». — À quoi nous
répondons : « Tu mens, ô arminien ! Ferme ta bouche et
tais-toi, car Dieu n’a jamais abandonné ses enfants et il ne les
abandonnera jamais. Il ne le peut pas ! »
Et après avoir répondu à
l’arminien, nous répondons au diable : « Ô ennemi des âmes,
tu essaies de nous faire croire que tu peux nous vaincre ; mais,
sache, ô Satan, que la puissance qui nous a gardés jusqu’ici contre toi
ne vient pas de nous ; le bras qui nous a délivrés, ce n’est pas
le bras de la chair et du sang ; autrement nous aurions été
vaincus depuis longtemps. Regarde, ô pervers, à Celui qui peut toutes
choses ; c’est sa toute-puissance qui nous garde jusqu’à la
fin ; et, par conséquent, quelque faibles que nous soyons, lorsque
nous sommes faibles, c’est alors que nous sommes forts, et à la
dernière lutte de notre dernière heure nous te vaincrons et te
terrasserons ! »
Mais, remarquez bien que ce qui
nous permet de répondre ainsi, c’est la mort de Christ. Jetons les
regards sur le tableau suivant. Lorsque le Seigneur descendit des cieux
sur notre terre, Satan connaissait le but de sa venue. Il savait que le
Seigneur Jésus était le Fils de Dieu et, en le voyant petit enfant dans
la crèche de Bethléhem, il pensa que s’il pouvait le faire mourir et
l’enfermer dans les liens de la mort, jamais victoire ne serait plus
grande ni plus glorieuse. Il excita donc la rage d’Hérode contre Lui et
lui suggéra de le faire mourir ; mais Hérode manqua son coup. Bien
des fois depuis lors, Satan chercha à mettre en danger la vie de Jésus,
dans l’espoir de faire mourir le Christ. Pauvre fou qu’il était, car il
ne savait pas qu’au jour où il mourrait sa mort lui écraserait la
tête ! Vous vous souvenez qu’une fois, tandis que le Seigneur
était dans la synagogue, le diable excita le peuple et l’enflamma de
colère. « Oh ! », pensait-il, « quel triomphe si je
pouvais tuer cet homme et en finir avec lui ! Mon règne alors
serait absolu et irrésistible. » Il poussa donc ces gens à traîner
le Seigneur jusque sur la montagne, et il se réjouissait déjà dans
l’espoir de le voir précipité du haut des roches. Mais Christ échappa.
Il essaya de le faire mourir de faim, de le noyer : au désert,
Jésus était sans nourriture ; sur la mer, la tempête se déchaîna
contre Lui. Mais impossible de réussir ! Et Satan devait avoir
faim et soif de voir couler le sang de cet homme et de le voir mort.
Enfin le jour est venu où Jésus consent à mourir ; la nouvelle
s’en répand comme l’éclair dans tous les enfers. Les esprits déchus
hurlent de toutes parts dans leur joie diabolique. « Il veut
mourir, maintenant ! » s’écrie le prince des ténèbres.
« Judas a reçu les trente pièces d’argent. Que ces pharisiens et
ces scribes se saisissent de Lui ! Ils ne s’en dessaisiront pas
plus que l’araignée ne se dessaisit d’une misérable mouche. Nous le
tenons, maintenant ! » — Lorsque Satan vit Jésus
debout devant Pilate, il ne put contenir son rire infernal, et quand
parvinrent à ses oreilles ces paroles : « Crucifie !
crucifie ! » sa joie ne connut plus d’autres bornes que
celles qui résultent de son éternelle misère. Il jouissait, autant
qu’il était capable de jouir, en pensant que le Seigneur de gloire
allait enfin mourir. De même que les anges pouvaient voir Jésus dans sa
mort, les démons le pouvaient aussi ; et qui dira l’intérêt
satanique avec lequel les démons suivirent des yeux cette foule qui
conduisait Jésus du palais de Pilate au sommet du Calvaire ? Et
quand Lucifer le vit cloué sur la croix, quelle triomphante
exaltation ! quel rire ! … « Ah ! je
tiens en mon pouvoir le Roi de gloire ; j’ai le pouvoir de la mort
et j’ai par suite obtenu puissance sur le Seigneur Jésus ! »
Ce pouvoir, il l’exerça sur le Christ mourant jusqu’à lui arracher ce
cri de douloureuse angoisse : « Mon Dieu ! mon
Dieu ! Pourquoi m’as-tu abandonné ? » Mais, que cette
victoire fut courte ! Que ce triomphe fut passager ! Il
mourut, et à ces mots : « Tout est accompli ! » les
portes de l’enfer chancelèrent. Le conquérant s’élance du haut de la
croix et poursuit son ennemi avec les foudres de sa vengeance. Son
ennemi se précipite rapide comme l’éclair dans les ténèbres de l’enfer,
et le Vainqueur l’y poursuit avec la même promptitude.
« Traître ! » lui crie le Sauveur, « ma main te
transpercera alors même que pour me fuir tu t’ensevelirais dans les
plus inaccessibles profondeurs ! » Le saisissant alors et
l’attachant aux roues de son char glorieux, Il est remonté au milieu
des alléluiahs des anges. Il a emmené la captivité captive et a reçu
des dons pour les hommes. »
Et maintenant, ô Satan, tu
prétendais triompher de moi au moment de ma mort ! … Je
te défie et je me ris de tes efforts. Mon Maître t’a vaincu et je te
vaincrai à mon tour. Tu dis que tu veux terrasser l’enfant de
Dieu ? Mais comment le pourrais-tu, toi qui n’as pas pu vaincre
son Maître ? Un jour, tu crus avoir vaincu Jésus ; mais
grande fut ta déception ! Ah ! Satan, tu as cru pouvoir
vaincre une foi qui chancelle, un cœur qui défaille ! …
Grande est ton erreur, car bientôt nos pieds se poseront sur ta gorge,
et jusqu’à la dernière extrémité, alors que tout semblera contre nous,
« nous serons plus que vainqueurs en Celui qui nous a
aimés ! »
Vous le voyez, chers frères, la
mort de Christ a enlevé à Satan l’avantage qu’il avait sur les saints
au moment de leur mort. Nous pouvons donc descendre d’un pas ferme sur
les bords du Jourdain, ou même, si Dieu nous appelle à partir
soudainement, nous pouvons nous précipiter du haut de la falaise dans
ses flots, car Christ est avec nous, et la mort nous est un gain.
II.
Maintenant quelques instants me suffiront pour vous montrer que, par sa
mort, Jésus a anéanti le pouvoir du diable, non seulement sur la mort,
mais sur toutes choses, et d’une manière universelle. « Il a
détruit » ou vaincu « celui qui avait l’empire de la mort, à
savoir : le diable. »
La mort était le dernier
retranchement du diable ; mais Christ a bravé le lion jusque dans
sa tanière et l’a vaincu sur son propre terrain. En lui enlevant la
mort et en démantelant cette forteresse jusqu’alors invincible, Il lui
a ravi tous les autres pouvoirs qu’il pouvait exercer contre les
enfants de Dieu. Satan est donc aujourd’hui un ennemi vaincu, non
seulement pour l’heure de la mort, mais dans toute circonstance et à
tous égards. Tout cruel et puissant qu’il ait pu être, cet ennemi
tremble et se lamente aujourd’hui chaque fois qu’un chrétien entre en
lice contre lui, car il sait par expérience que si le résultat de la
lutte peut parfois se faire attendre ou pencher un instant en sa
faveur, la victoire appartient invariablement à l’enfant de Dieu, parce
que Christ, par sa mort, a détruit la puissance du diable.
Mes frères, Satan peut acquérir
soudain une grande puissance sur vous et vous tenter de vous livrer aux
convoitises de la chair et à l’orgueil de la vie ; il peut se
présenter devant vous et vous dire : « Faites telle ou telle
chose contraire à la droiture, et je vous enrichirai ; livrez-vous
à telle ou telle jouissance, et je vous rendrai
heureux. » — « Allons, dit-il, laissez-vous
conseiller par moi. Je vous donnerai à boire d’un vin plus généreux que
celui qui découle des cuves de la Parole de Dieu, et à manger d’un pain
meilleur et que vous ne connaissez point encore. Mange seulement de ce
fruit séduisant ; il est exquis, et tu seras comme un
Dieu. » — « Ah ! » répond le chrétien,
« lorsque mon Maître eut affaire avec toi, ô Satan, Il a dû
mourir ; c’est pourquoi je ne veux rien avoir de commun avec toi.
Puisque tu as tué mon Maître, tu me tueras aussi, si tu peux, c’est
pourquoi, arrière de moi ! Tu me montres des monceaux d’argent, en
me disant que si je veux faire quelque action malhonnête tu me les
donneras, et moi je te dis que je puis couvrir ton argent avec des
monceaux d’or, et en avoir encore de reste. Tu me dis qu’en péchant je
pourrai m’enrichir ; mais tous les trésors de l’Égypte ne sont
rien en comparaison des trésors de Christ. » Si tu venais, ô
Satan, m’offrir même une couronne, et me dire :
« Tiens ! Si tu consens à pécher, je te la donne », je
te répondrais : « Pauvre couronne que la tienne, ô Satan,
j’en possède là-haut une bien plus belle. Je ne saurais pécher pour si
maigre récompense. » — Mais, le voici qui apporte ses
sacs d’or, disant : « Hé bien donc, chrétien, pèche pour
avoir ceux-ci ». — « Cette marchandise, reprend le
chrétien, ne vaut pas seulement la peine que je la regarde ; mon
héritage est dans une cité dont les rues sont pavées d’or ; et que
m’importent ces brimborions que tu me présentes ?
Emporte-les ! » — Alors il apporte la beauté et
nous tente par elle. Mais nous lui répondons : « Y penses-tu,
ô démon ! Que me fait cette beauté ? Mes yeux ont entrevu le
Roi de gloire et la patrie lointaine, et, par la foi, je sais que
j’irai au lieu où la Beauté suprême surpasse toute autre beauté, où je
verrai mon Sauveur qui est le premier entre dix mille et entièrement
aimable. Rien de tout cela ne me tente. Christ est mort, et je compte
toutes les autres choses comme des ordures, pourvu que je gagne Christ
et que je sois trouvé en Lui. » — Vous le voyez :
la mort de Christ a détruit le pouvoir de Satan, même dans les
tentations.
« Ah ! tu ne veux pas te
rendre ! » s’écrie Satan en fureur ; « tu ne veux
pas céder à mes invitations amicales ! Hé bien !
Attends ; puisque tu ne veux pas sortir du sentier de la fidélité,
c’est moi qui vais t’en faire sortir. Qui es-tu donc pour oser te
mesurer avec moi ? Pauvre ver de terre ! Quoi ? J’aurai
pu faire tomber des anges et je reculerais devant toi ? Non
certes !… » Et le voilà qui se précipite sur nous et qui
pousse des hurlements jusqu’à étourdir les échos et les réduire au
silence. Il lève sa flamboyante épée et se prépare à nous frapper. Vous
savez, mes frères, quel est bouclier qui doit alors parer ses coups.
C’est la foi en Christ, mort pour nos péchés. Il fait siffler ses
flèches en tous sens, mais ses dards empoisonnés ne nous font aucune
blessure, car nous les recevons sur le bouclier impénétrable :
Christ et sa croix. Quelque malignes que soient donc ses insinuations,
quelque grandes que soient ses fureurs, la mort de Christ a anéanti son
pouvoir pour détruire aussi bien que pour tenter. Dieu peut lui
permettre de l’essayer, mais il ne saurait jamais réussir ; la
mort de Christ a détruit celui qui avait l’empire de la mort,
savoir : le diable.
Il y a des gens qui prétendent ne
pas croire au diable. Hé bien ! Je leur dis à mon tour que je ne
crois pas à leur prétention ; car s’ils se connaissaient tant soit
peu eux-mêmes, ils trouveraient bientôt le diable. Mais il se peut,
après tout, qu’ils n’aient guère de preuves de son existence, car le
diable ne perd pas son temps. Il traverse une rue, voit un homme occupé
à ses affaires — avare, ambitieux, avide au gain, ayant ravi
la maison d’une veuve et venant d’enlever à un orphelin son dernier
arpent de terre. « Bon, dit le diable, poursuivons notre
route ; inutile de m’arrêter ici ; celui-là n’a pas besoin de
moi ; il ira en enfer sans difficulté. » — Il va
donc vers une autre maison. Là, demeure un buveur, qui passe sa vie en
orgies. Le diable passe outre : « On n’a que faire de moi
ici ! » dit-il ; « tout marche très bien, et je ne
veux pas déranger mes meilleurs amis. Pourquoi me mêler de leurs
affaires, puisque je suis sûr de les tenir à la fin ? Il ne faut
pas les inquiéter. » — Mais voici qu’il rencontre un
pauvre enfant de Dieu à genoux, très faible dans la prière :
« Oh ! » dit-il, « qu’est ceci ? Voilà une
créature qui pourrait bien m’échapper ; approchons-nous
promptement. » — Voici un pauvre pécheur qui vient de se
détourner de son mauvais train de vie et qui s’écrie en larmes :
« J’ai péché et j’ai commis l’iniquité devant ta face ;
Seigneur ! Aie pitié de
moi ! » — « Encore un homme de
moins ! » s’écrie Satan. « Il faut que je le rattrape.
Je ne puis consentir à ce que mes sujets m’échappent ainsi. » Et
le voilà qui le tourmente.
La raison pour laquelle vous ne
croyez pas qu’il y ait un diable, c’est que très probablement il ne
s’approche guère de vous, parce qu’il est sûr de vous avoir et ne prend
pas même la peine de vous surveiller. Vous ne l’avez pas vu, parce que
vous êtes tellement mauvais que vous ne valez pas seulement la peine
qu’il vous recherche. « Non, non, dit-il, je n’ai pas de temps à
perdre avec cet homme ; ce serait porter de l’eau à la mer ;
il est déjà aussi mauvais qu’il peut l’être, et nous le laisserons
tranquille. » — Mais si un homme vit pour Dieu, ou si sa
conscience commence à se réveiller, alors Satan, s’écrie :
« Aux armes ! Aux armes ! Aux armes ! » Et
cela pour deux raisons : d’abord, parce qu’il veut essayer de
l’étourdir, et aussi parce qu’il ne veut pas le perdre. Hé bien !
Nous bénissons Dieu de ce qu’alors même que Satan déploierait contre le
chrétien toutes les puissances de l’opprobre, de la ruse et de la
malice, le chrétien qui s’abrite derrière le Rocher qui est Christ est
en parfaite sécurité et ne saurait jamais être ébranlé.
Permettez-moi, en terminant,
d’adresser un mot d’encouragement pour le peuple de Dieu et un
avertissement sérieux à ceux qui ne connaissent point encore le
Sauveur.
Ô enfants de Dieu, la mort a perdu
son aiguillon pour vous, car l’empire que le démon avait sur elle a été
détruit. Ne craignez donc plus la mort. La mort ! …
vous savez ce qu’elle est : regardez-la en face et dites-lui
courageusement que vous ne la craignez pas. Demandez au Seigneur de
vous fortifier par sa grâce, de telle sorte que vous puissiez affronter
sans terreur cette heure dernière, étant fortifiés par une connaissance
intime de la mort de votre Maître et par une foi inébranlable en son
efficace. Comprenez bien que si vous vivez dans ces sentiments, vous
envisagerez la mort comme un sujet de joie et vous la saluerez à son
approche comme une délivrance. Oui, il est doux de mourir, de
s’endormir sur le sein du Seigneur, de sentir son âme se séparer du
corps sous l’étreinte de Jésus et s’envoler vers Lui en recevant son
baiser de paix !
Vous qui avez perdu des êtres
chéris ou qui êtes demeurés seuls sur la terre, ne vous désolez point
comme ceux qui n’ont point d’espérance, car l’empire de Satan est
détruit. Qu’elle est douce pour le cœur l’espérance que la mort de
Christ nous apporte à l’égard de ceux que nous avons perdus ! Ils
sont partis, mes frères, mais sont-ils donc allés bien loin ? La
distance qui sépare les esprits glorifiés dans le ciel des enfants de
Dieu qui combattent encore sur la terre parait grande, mais elle ne
l’est pas. Nous ne sommes pas éloignés du foyer paternel. « Un
léger soupir suffit pour détacher l’esprit de la matière, et ce soupir
on l’entend à peine, que déjà cet esprit racheté et glorifié a pris sa
place devant le trône du Très-Haut. » Nous mesurons la distance
par le temps, et nous disons que tel lieu est à tant d’heures de tel
autre. S’il y a trente lieues entre les deux, et qu’il n’existe pas de
chemin de fer pour ce trajet, nous disons : « C’est bien
loin ! » S’il y a un chemin de fer, nous disons :
« C’est bien près ! » Mais le ciel, à quelle distance
est-il ? Il suffit d’un soupir pour y arriver. Chers frères, nos
amis sont pour ainsi dire à l’étage au-dessus dans la maison que nous
habitons ; ils ne sont pas bien loin ; ils sont au premier,
et nous au rez-de-chaussée. Comme l’a dit un poète : « Par
dix milliers ils s’envolent en ce moment même vers leurs éternelles
demeures, et nous sommes, nous aussi, arrivés sur la plage et sur le
point de partir comme eux. Une partie de cette grande armée a déjà
passé le fleuve. » Voyez-les ! Ils sont là-bas, sur la plage
opposée et l’autre partie de l’armée est encore de ce côté-ci des
profondes eaux. Nous sommes déjà sur la rive, prêts à nous
embarquer ; mais nous ne formons qu’une même
armée, — une chaîne ininterrompue, depuis Abel jusqu’au
dernier des saints qui part en ce moment, — un seul et même
corps, qui ne sera complet que le jour où les portes du saint lieu se
refermeront sur eux pour les protéger à jamais.
« Nos mains peuvent déjà, par
la foi, presser les mains chéries de ceux qui nous ont devancés, et
saluer les glorieuses phalanges qui se pressent sur les rives
éternelles, et dont les vêtements portent la marque du précieux sang
qui les a rachetés. »
Je termine maintenant par quelques
mots à l’adresse des pécheurs. Ô toi qui ne connais pas Dieu, toi qui
ne crois pas en Christ ! la mort est pour toi une chose terrible.
Je n’ai pas besoin de te le dire, car ta conscience te le déclare déjà.
Ô homme, tu peux te moquer de la religion à ton aise ; mais tu ne
t’en ris pas alors que tu es seul vis-à-vis de toi-même. Les plus
grands vantards de la terre sont les plus grands lâches. Quand
j’entends quelqu’un dire : « Ah ! je n’ai pas peur de
mourir, votre religion m’importe peu ! » je ne m’y laisse pas
prendre ; je sais ce que cela signifie. Il ne parle ainsi que pour
cacher aux autres et se cacher à lui-même ses propres craintes, comme
celui qui chante quand il se trouve seul pendant la nuit. Regardez
comme il pâlit lorsqu’une feuille d’arbre vient se heurter le soir
contre la vitre ! Observez-le au moment d’un orage, quand le
tonnerre ébranle le sol : « Ah ! quel
éclair ! » s’écrie-t-il. Ou, s’il a les nerfs robustes,
peut-être ne dira-t-il rien, mais une terreur comprimée pèse sur lui
pendant que la tempête gronde. Ainsi ne fait pas le chrétien ;
ainsi ne fait pas celui qui est animé d’un véritable courage. Moi,
j’aime les éclairs ; j’aime la voix du tonnerre de mon Dieu ;
jamais je ne me sens aussi heureux que lorsque je contemple les
sublimes horreurs de l’orage. Il me semble alors que j’ai des ailes et
toute mon âme est en jubilation. Je me plais à répéter ces paroles d’un
cantique :
« Ce Dieu terrible est à moi ;
Il est mon Père bien-aimé !
S’il veut que je monte vers Lui,
Il m’enverra ses messagers puissants. »
Oui, je le sais, vous avez peur de
mourir ; et voici ce qui me reste à vous dire : vous avez
bien raison de craindre la mort, et surtout de redouter de mourir
maintenant ! Mais, parce que vous avez souvent échappé au trépas,
vous pensez peut-être y échapper longtemps encore ? … Ô
tranquillité funeste ! … La mort est là qui vous presse
de toutes parts : ne la voyez-vous pas frappant à droite et à
gauche ? … Supposons que nous prenions un homme, que
nous l’attachions à l’une de ces colonnes et que nous chargions un bon
tireur de prendre son arc et ses flèches et de les décocher sur
lui : une première flèche pourra bien s’écarter et frapper
quelqu’un à sa droite ; une seconde pourra frapper quelqu’un à sa
gauche ; une autre pourra passer au-dessus de sa tête, et une
autre tomber à ses pieds ; mais, tandis que les flèches volent et
déchirent l’air en sifflant à ses oreilles, vous ne supposez pas que
cet homme puisse rire et se moquer ? … S’il savait que
l’archer continue à le prendre pour point de mire de ses coups, et s’il
était parfaitement certain d’être atteint un moment ou l’autre, qui
pourrait rendre la terreur qui s’emparerait de lui ! Ah ! Il
ne rirait pas ; il ne dirait pas : « Je ne mourrai
point. Voyez, cet homme en a tué plusieurs à mes côtés, mais jamais il
ne me touchera. » Non, la chance de la mort suffirait pour le
mater et le tenir en éveil ; car, au moment où il n’y penserait
pas, la flèche pourrait partir et le percer. Hé bien !
Aujourd’hui, cet homme dont je parle c’est vous-même. Dieu a placé la
flèche sur l’arc : un de vos voisins est tombé à votre droite et
un autre à votre gauche. La flèche va bientôt se diriger sur
vous ; elle vous aurait même déjà frappé si Dieu l’avait voulu.
Ah ! Ne vous moquez donc pas de la mort et ne méprisez pas
l’éternité ; mais demandez-vous plutôt si vous êtes prêt à mourir,
de peur que la mort ne survienne et ne vous trouve en défaut.
Souvenez-vous qu’elle ne vous attendra pas. Si vous avez renvoyé d’y
penser, elle ne renverra pas votre départ pour s’accommoder à vos
besoins ; elle ne vous laissera pas même un instant de plus pour
vous donner le temps de vous tourner vers Dieu. La mort tue du premier
coup qu’elle frappe, et après elle vient la damnation, sans espoir de
renvoi. « Quiconque croit et a été baptisé sera sauvé, mais celui
qui ne croit pas sera condamné. » Je vous prêche donc l’Évangile
selon que Dieu veut qu’il soit prêché. « Allez, dit-il, par tout
le monde, et prêchez l’Évangile à toute créature. Allez, instruisez
toutes les nations et baptisez-les au nom du Père, du Fils et du
Saint-Esprit. » Voici, je vous l’ai dit, la foi en Jésus-Christ
est la seule chance de salut qu’il reste à toute âme, et cette foi, on
en fait profession devant les hommes par le baptême. Telle est la
méthode choisie de Dieu. Que le Seigneur daigne vous faire la grâce
d’obéir à ces deux grands commandements, pour l’amour de Christ !
Amen.