165 - LE PIÈGE DE L’OISELEUR.
« Certainement Il te délivrera du piège de l’oiseleur » (#Ps 91:3).
Si Moïse est l’auteur de ce
psaume, l’oiseleur pourrait bien avoir été, dans sa pensée, ce roi
d’Égypte qui cherchait à le tuer, ou ce peuple des Amalécites qui
fondait sur Israël dans la plaine, au moment où il ne s’y attendait
pas. Si c’est David qui l’a écrit, cet oiseleur pourrait bien être
Saül ; car David dit avoir été traqué par lui « comme la
perdrix que le chasseur poursuit sur les montagnes ». Mais,
quoique ce verset puisse trouver ainsi son application dans les deux
cas, nous croyons que le psalmiste, quel qu’il soit, avait l’intention
de l’appliquer, non pas à des circonstances personnelles, mais à tous
les temps, et nous pensons qu’il a voulu désigner par l’oiseleur le
grand ennemi des âmes, le grand trompeur — Satan, -celui dont
il est dit dans un cantique :
« Satan, l’oiseleur qui trahit
De mille manières les âmes distraites. »
Le prince de la puissance de ce
monde, cet esprit qui encore maintenant agit sur les enfants de
rébellion, est en effet semblable à un oiseleur qui travaille sans
cesse à nous détruire. Un auteur spirituel disait un jour que l’ancien
diable était mort et que maintenant il y en avait un nouveau ;
voulant dire par là que Satan agissait de nos jours autrement que par
le passé. Quant à nous, nous croyons qu’il est bien toujours le
même ; seulement il a changé de moyens d’attaque. Le diable d’il y
a cinq cents ans était une figure noire et grimaçante, assez semblable
aux vieilles peintures qu’on en faisait alors. C’était un persécuteur
qui jetait les hommes dans une fournaise, et les mettait à mort pour
avoir servi Jésus-Christ. Le diable de nos jours est un homme
parfaitement comme il faut, qui ne persécute pas, mais, qui cherche
plutôt à persuader et à séduire. Il n’est plus ce fanatique furieux des
autres fois, mais plutôt cet incrédule captivant, qui cherche à ruiner
la religion sous prétexte de la rendre un peu plus raisonnable, et par
suite d’autant plus triomphante. Tout son désir serait de pouvoir
réconcilier la mondanité avec la foi ; car, en y parvenant, il
aurait ruiné cette dernière, tout en prétendant développer la puissance
expansive du christianisme et trancher des questions profondes que nos
pères comprenaient bien mal.
Mais Satan est toujours
oiseleur ! Quelle que soit la tactique qu’il emploie, son but
demeure le même. Il veut prendre des hommes dans ses filets. Ces
derniers sont comparés à des oiseaux dépourvus d’intelligence, qui ne
savent pas voir ni éviter le piège ou qui n’ont pas la force de s’en
dégager. Satan est l’oiseleur ; il n’a jamais été et ne sera
jamais autre chose. S’il ne nous attaque plus, comme un lion rugissant,
par la fureur des persécutions, il nous attaque comme la vipère qui se
glisse silencieuse dans le sentier, cherchant à nous mordre de ses
dents empoisonnées. Il essaie d’affaiblir en nous le pouvoir de la
grâce et à ruiner notre vie intérieure.
Notre texte est très encourageant
pour tout enfant de Dieu qui se voit sollicité par la tentation.
« Certainement Il te délivrera du piège de l’oiseleur. »
Et d’abord, quelques mots sur le
piège de l’oiseleur ; — secondement, sur la
délivrance ; — troisièmement, sur sa certitude. Nous
nous arrêterons surtout sur le mot certainement, car il est ici encadré
comme un diamant dans cette précieuse promesse :
« Certainement Il te délivrera du piège de l’oiseleur ».
I.
Parlons donc avant tout du PIEGE DE L’OISELEUR. L’image employée ici
suggère trop de développements pour que je m’attende à épuiser le
sujet. Je vous laisse donc le soin de la méditer dans vos demeures et
de faire l’énumération complète de tous les pièges que l’oiseleur
invente pour prendre des oiseaux. Ce travail vous indiquera
successivement les moyens que Satan met en œuvre pour séduire les âmes.
Permettez-moi, toutefois, de vous présenter quelques observations qui
se rapportent en même temps à l’oiseleur et au Malin Esprit.
1. D’abord, le piège de l’oiseleur est toujours calculé de manière à
être caché. En vain déroulerait-on un filet sous les yeux de
l’oiseau ; aussi l’oiseleur a-t-il grand soin de cacher son piège,
ou bien, si le piège ne peut être recouvert, il s’applique à tromper
l’oiseau et à le laisser dans la plus complète ignorance sur son but,
qui est de l’enferrer. La pauvre créature est loin de soupçonner que
cette nourriture qu’on semble lui offrir généreusement pour lui
procurer un joyeux repas, est destinée à l’attirer et à la faire
mourir. Lorsqu’il s’en va à la chasse, l’oiseleur prend bien garde de
ne pas être aperçu. Nous savons, par exemple, qu’à la chasse des
canards sauvages le braconnier a dans certaines contrées la précaution
de tenir entre ses dents un peu de gazon, afin que ces oiseaux, qui
sont très circonspects, ne sentent pas son haleine de loin. Les
tentations que le monde présente aux chrétiens sont tout aussi bien
dissimulées que celles de ces oiseleurs. Je dis : « celles
qu’il présente aux chrétiens », parce que les méchants pèchent
avec pleine connaissance de cause. Ils se ruent dans le filet tout en
sachant que c’est un piège, saisissant l’iniquité de leurs deux mains à
la fois, et cela même en face d’une damnation évidente. Ils commettent
des péchés qu’ils savent être punis par les lois humaines, et ils
accomplissent des crimes sur la culpabilité desquels personne, ne
saurait avoir le moindre doute. Mais il n’en est pas ainsi du chrétien,
qui ne saurait être pris que par surprise. « Ah ! » dit
l’un d’eux, « si j’étais sûr que telle chose est mauvaise et si
j’étais bien convaincu qu’elle est coupable aux yeux de Dieu, je m’en
abstiendrais. » Mais c’est là justement qu’est le danger. L’oiseau
aussi pourrait dire : « Si j’étais bien sûr que ceci est un
piège ; si j’étais parfaitement persuadé que je risque d’être pris
dans les mailles de ce filet, je ne volerais pas vers tel lieu,
j’aurais garde d’en approcher ! »
Combien de gens qui, tout en
professant d’être chrétiens, vous demandent : « Puis-je aller
dans tel endroit ? » Quelqu’un des nôtres répondra :
« Non ! » Et aussitôt on le taxe de puritanisme et
d’exagération. Que ceux qui ont cherché à conserver intacte leur pureté
au milieu des plaisirs du monde, viennent confesser ici avec honte que
la piété et la mondanité ne sauraient coexister. Ou bien nous servirons
Dieu complètement, ou bien nous servirons complètement le Malin.
« Si l’Éternel est Dieu, servez-le, mais si Baal est dieu,
servez-le. » Choisissez l’un ou l’autre.
Combien est grand le nombre de
ceux qui se sont laissé prendre dans les pièges de Satan, en ignorant
qu’ils faisaient mal ! En matière de commerce, par exemple,
quelqu’un leur aura suggéré de faire certaine chose …
« Vous pouvez le faire sans danger, leur a-t-on dit, tous les
négociants de cette rue l’ont fait ; ce n’est pas absolument
déshonnête ; cela donne meilleure apparence à la marchandise, je
vous assure ; et comme vous pourrez par ce moyen vendre l’article
plus cher qu’il ne le faudrait rigoureusement, il n’y a pas besoin d’en
informer le public ; ça ne le regarde pas. Si l’article n’en est
que meilleur, qu’importe qu’on le frelate un peu ! » Et voilà
le bonhomme qui s’y laisse prendre ; il n’ouvre qu’un œil et
cligne l’autre comme s’il avait peur d’y voir trop clair et de ne
pouvoir plus remplir son gousset dans l’ombre ; puis, peu à peu il
découvre que par l’acte qu’il a accompli il s’est laissé prendre dans
le filet de l’oiseleur, car il a péché contre son Dieu, et son Dieu
l’en punit en le frappant de ses verges et en appesantissant sa main
sur lui.
Un chrétien se laisse bien plus
difficilement entraîner, dans un péché palpable que dans tel péché
habilement déguisé et secret. Si je vois venir le diable à ma porte
avec ses cornes sur la tête, jamais je ne le laisserai entrer ;
mais s’il se présente coiffé comme un homme respectable, je lui ouvre
aussitôt ma porte. La métaphore est un peu risquée, mais elle est
juste. Bien des gens se laissent aller à quelque mauvaise action
uniquement parce qu’elle était recouverte à leurs yeux d’un certain
vernis ou accompagnée d’une certaine interprétation qui lui ôtait son
vrai caractère. Ils se sont dit intérieurement : « Il n’y a
pas grand mal à cela », et ils ont laissé passer ce petit ruisseau
qui est bientôt devenu comme une trombe et comme un torrent
irrésistible. Ce petit commencement a enfanté une fin effroyable.
Chrétien prends garde aux petites choses que tu caches ! Prends
garde aux choses que le monde approuve si légèrement et qui peuvent
bien convenir pour lui, et encore ! … Nous, ne saurions
leur arracher leurs jouissances, puisqu’ils n’en possèdent pas
d’autres ; mais elles ne valent rien pour vous, car vous possédez
une vie meilleure, une vie d’un ordre trop élevé et d’une nature trop
délicate pour qu’elle puisse s’accommoder des immondes joies de la
terre. Rappelez-vous de ne pas vous appliquer la mesure dont se
mesurent les autres. Les personnes inconverties peuvent, sans se
laisser aller au péché, se livrer à bien des distractions et des
divertissements. Le chrétien ressemble à l’anglais, qui ne peut éviter
d’être victime de certaines fièvres de l’Inde. Les indigènes n’en
meurent pas ; les étrangers y succombent. Il en est de même pour
vous qui êtes nés deux fois ; votre piété succombera
infailliblement là où un homme du monde ne tombera dans aucune
aggravation de mal et demeurera tel qu’il était. Vous devez être
infiniment plus sévères envers vous-mêmes que ne le sont les autres, et
être bien plus rigides dans votre piété que les hommes du monde ne le
jugent nécessaire ; car le péché est presque toujours déguisé et
le piège n’est jamais apparent. « Certainement Il te délivrera du
piège de l’oiseleur. »
2. En second lieu, le piège est d’ordinaire parfaitement adapté à la
victime en vue de laquelle il est préparé. Jamais vous ne verrez un
oiseleur tendre le même piège à des oiseaux d’espèces différentes. Il
connaît les instincts de l’oiseau qu’il veut prendre, et il choisit son
appât en conséquence. Le chasseur qui voudrait prendre au même piège
l’alouette qui s’élève jusque dans les nues et le canard qui vole à la
surface des eaux, serait en vérité un bien pauvre chasseur. Le vrai, le
bon chasseur est plus rusé que cela ; il adapte son piège à la
nature particulière de l’oiseau qu’il veut tromper. Satan, le grand
braconnier, fait de même. — Voici un homme : celui-là,
il va l’attirer par la boisson. Ce péché est celui auquel il se
livrerait le plus volontiers, si la grâce de Dieu n’était pas dans son
cœur. Sachant que c’est là son côté faible, Satan cherche à l’amorcer
par l’ivrognerie et la gloutonnerie. — Voici un autre
homme : celui-là est tout à fait inaccessible à des goûts si
matériels ; mais il est tel autre piège qui fera mieux son
affaire ; ce sera, je suppose, celui de la luxure. Satan ne manque
pas, dès lors, de choisir son amorce en ayant égard à ce tempérament
bouillant et à ces prédispositions funestes. — Un autre
peut-être aura en profond dégoût toute habitude souillée et sensuelle.
En l’abordant, Satan le tentera par conséquent d’une autre
manière : il tendra des pièges à son orgueil. — Un autre
sera d’un caractère mélancolique, aimant la solitude. Satan s’affublera
d’une dignité toute solitaire et viendra le visiter, en lui
disant : « Je suis la sainteté ! » Seigneur, je te
rends grâce de ce que je ne suis pas comme les autres
hommes ! — Si Satan a affaire à quelqu’un qui ne soit
pas naturellement enclin à un orgueil extrême, il le prendra par la
paresse. Celui-là préfère une vie facile ; le tentateur adaptera
son amorce à ce penchant particulier ; il le poussera à se tenir
tranquille, les bras croisés, et le fera périr à force d’indolence. Et
remarquez que dans les régions glaciales celui qui s’assied
tranquillement pendant qu’il gèle et tandis que la terre se couvre de
neige, est voué à une mort tout aussi certaine que s’il se perçait la
poitrine d’un coup de poignard. Satan, qui le sait fort bien, le prend
par son côté faible.
Oh ! Que de fois, mes
bien-aimés, il nous arrive de condamner chez les autres ce que nous
nous permettons à nous-mêmes, peut-être sans le savoir ! Nous
disons à un tel qu’il est d’un orgueil insupportable. Hé bien !
Notre orgueil, à nous, n’a pas précisément la même forme : ce
n’est plus le même emballage, quoique ce soit la même
marchandise ; il n’y a de changé que l’étiquette. Satan adapte
l’orgueil à la tendance naturelle de chacun. Si nous sommes riches, il
ne nous tentera pas précisément par l’orgueil des richesses, mais
peut-être par celui du pouvoir, et nous fera ainsi devenir des maîtres
durs envers nos domestiques. Si ce genre d’orgueil ne nous sourit pas,
il nous charmera par l’orgueil de la générosité, et nous voilà disposés
à nous vanter de notre bonté et à énumérer tout ce que nous avons
donné. À chaque homme son piège ; à chaque oiseau son appât !
Il se garderait bien de vous tenter tous de la même façon que moi, ni
de me tenter, moi, de la tentation qu’il présentera tout naturellement
à tel autre.
« Le piège de
l’oiseleur !… » Quelle ruse que celle de cet ennemi-là !
Il connaît notre côté faible. Voilà six mille ans qu’il travaille les
hommes et qu’il les étudie : il les sait par cœur. Intelligence
d’une puissance extraordinaire, quoique déchue, il sait où se trouve le
point critique de notre position, et nous attaque aussitôt du côté le
plus mal défendu. Quand nous ne serions même, à l’instar d’Achille,
vulnérables qu’au talon, c’est là qu’il finirait par diriger son dard,
et c’est par là qu’il nous tuerait. Il voit instantanément quel est, de
tous les péchés, celui qui nous surmonte le plus aisément, et c’est
aussitôt en nous travaillant sur ce terrain délicat qu’il consommera,
s’il le peut, notre ruine et notre destruction. Ah ! Bénissons
Dieu de ce qu’il est écrit : « Certainement Il te délivrera
du filet de l’oiseleur ».
3. Considérons aussi que le piège de l’oiseleur est presque toujours
déguisé sous l’attrait du plaisir, du profit ou de quelque avantage.
L’oiseau ne vole vers le filet que parce qu’il est attiré par le
froment épars sur le sol. Cet appât est ce qui le leurre et l’entraîne
à la mort. De même, le grand oiseleur, Satan, nous fascine par un appât
trompeur. « Oh ! » s’écrie l’un, « je ne puis
abandonner telle ou telle chose : elle est si agréable !
Monsieur, si vous aviez connu le charme de tel plaisir, vous ne me
presseriez pas de l’abandonner. » — Oui, mon
ami ! … Hé bien c’est précisément ce charme que vous y
trouvez qui le rend d’autant plus dangereux pour vous. Satan ne vend
pas ses poisons à découvert : il les dore avant de les exposer à
la vue. Il sait qu’à la faveur de cette simple dorure les hommes les
lui achèteront et les avaleront sans défiance. Prenez garde au
plaisir ! Prenez garde à ce que vous faites en vous y
livrant ! Il en est de beaucoup d’innocents et de salutaires, mais
il en est plus encore de mortels. On dit que là où croissent les beaux
cactus se trouvent sous chaque plante les serpents les plus venimeux.
Il en est de même du péché : vos péchés les plus vifs recouvrent
vos péchés les plus noirs. Prenez garde ! Oui vous dis-je prenez
garde à vos plaisirs ! C’est dans une corbeille de fleurs que se
trouvait l’aspic qui tua Cléopâtre ; c’est dans les brillantes
joies d’une fête que Satan nous présente la coupe empoisonnée du péché.
Au buveur, il présente les douceurs de cette ivresse qui le remplit de
joie lorsqu’il sent son cerveau pirouetter jusqu’à la folie et son âme
se soulever dans l’orgueil de l’abrutissement. Il offre à l’homme
efféminé les honteux plaisirs et les hideuses jouissances de la chair,
l’entraînant dans l’abîme par une amorce séduisante sous laquelle se
cache l’hameçon qui le déchirera plus tard. Il nous offre à
chacun — à vous et à moi — les plaisirs que nous
estimons le plus ; il chatouille nos désirs les plus vifs pour
nous saisir et nous maîtriser à son gré.
Je voudrais mettre chaque chrétien
en garde contre la chose qui flatte le plus ses penchants naturels. Ma
pensée ne serait pas de l’engager à fuir tout ce qui lui plaît, mais à
se tenir sur ses gardes. J’agirais comme Job après que ses fils eurent
festoyé chez eux. Il ne les empêcha pas de festoyer, mais il dit :
« J’offrirai un sacrifice, de peur que mes fils n’aient péché dans
leur cœur et n’aient blasphémé l’Éternel dans leur folie ». Il
s’occupait de ses enfants plus spécialement pendant leurs moments de
gaîté qu’en toute autre occasion. Imitons cet exemple. Souvenons-nous
que le piège de l’oiseleur se rattache toujours à quelque jouissance ou
à quelque profit et que le but de Satan n’est pas de nous procurer des
joies, mais de nous perdre.
4. Parfois l’oiseleur fait usage très habilement de la force de
l’exemple. Tous connaissent le parti que l’on peut tirer d’un oiseau de
leurre placé dans un filet pour y amener ses camarades. Satan place
presque toujours un oiseau de leurre dans son piège pour entraîner les
enfants de Dieu dans le péché. Vous rencontrez un homme ; vous
croyez qu’il est sincèrement chrétien ; son caractère vous inspire
une certaine confiance ; il professe hautement sa foi à
l’Évangile ; il peut parler religion aussi longtemps qu’il vous
plaira et vous débiter autant de théologie que vous voudrez : vous
le voyez commettre un péché ; si vous avez une grande estime pour
lui, je parie dix contre un que vous le commettrez avec lui et qu’il
vous mènera en laisse. Et remarquez combien Satan est prudent dans le
choix des hommes qu’il prend pour leurre. Ne craignez pas qu’il aille
choisir un méchant pour surprendre un homme droit et honnête. Satan se
servira rarement d’un caractère ouvertement impie pour séduire un
chrétien. Non ; il choisit un personnage qui a des prétentions à
la piété et qui vous ressemble le plus possible, afin de vous attirer
vers le piège. Qu’un fripon me rencontre dans la rue et m’invite à
faire une mauvaise action ! Jamais le diable ne sera assez bête
pour l’employer à pareille œuvre parce qu’il sait fort bien que je
passerais droit chemin. S’il veut que sa commission me soit faite
convenablement, il prendra pour son émissaire quelqu’un que j’appelle
frère. À la faveur de cette fraternité chrétienne, mon estime lui sera
acquise, je luis donnerai ma confiance, et, s’il s’égare, la puissance
de son exemple m’entraînera probablement dans le piège avec lui. Prenez
garde à vos meilleurs amis ! Prenez garde à ceux que vous admettez
dans votre inimité ! Choisissez-les le mieux que vous pourrez, et
après cela ne les suivez qu’aussi longtemps qu’ils suivent Christ.
Demeurez toujours indépendant de toute influence humaine. Dites comme
Josué : « Que d’autres fassent ce qu’ils voudront ;
mais, moi et ma maison, nous servirons le Seigneur ».
5. Remarquez enfin que lorsque l’oiseleur ne peut pas prendre l’oiseau
par la ruse et la finesse, il lance sur lui son faucon, qui le poursuit
et finit par l’abattre. Quand Satan ne peut pas entraîner un chrétien
dans le péché, il déchaîne contre lui la calomnie, qui le mord, qui
déchire sa bonne réputation et fait tous ses efforts pour l’abattre. Je
vais vous donner un avis utile. Je connais un bon pasteur, aujourd’hui
parvenu à un âge qui commande la vénération : un temps fut où il
était calomnié et déchiré à belles dents par un malheureux qui le
haïssait à cause de sa droiture et de son amour pour la vérité. Le
pauvre pasteur était désolé ; il menaça le calomniateur des
tribunaux s’il ne se rétractait pas. Il se rétracta. La calomnie et la
rétractation parurent ensemble dans les journaux, et vous en devinez la
conséquence : la calomnie obtint créance dans un cercle bien plus
étendu que si l’on n’avait rien dit. J’en ai tiré cette excellente
leçon : faire en présence du faucon de la calomnie ce que font les
petits oiseaux quand ils sont poursuivis par l’épervier ; ils
s’élèvent dans les airs. Le faucon ne peut pas les atteindre aussi
longtemps qu’ils se tiennent au-dessus de lui. Ce n’est que lorsqu’ils
descendent à son niveau qu’il peut leur faire du mal ; ce n’est
qu’alors que, prenant le dessus, il peut fondre sur eux et en faire
carnage. Si quelqu’un donc vous calomnie, laissez-le faire, mais ne
descendez pas à son niveau. Dites ce que disait David concernant
Simhi : « Si l’Éternel lui a commandé de me maudire, qu’il me
maudisse ! Et si les fils de Seraja disent : allons trancher
la tête de ce chien mort, dites : qu’il me maudisse ! »
Et de la sorte vous resterez au-dessus de la calomnie. Si l’un de nous
se retournait pour prêter l’oreille à chaque passereau qui se plaît à
crier contre lui, il n’aurait bientôt d’autre occupation que celle de
leur répondre. S’il me fallait combattre pour chaque doctrine que je
prêche, je ne ferais qu’amuser le diable et satisfaire la démangeaison
qu’ont certaines personnes pour les discussions religieuses. Par la
grâce de mon Dieu, vous pouvez dire contre moi ce qui vous plaira, je
ne vous répondrai jamais, mais je passerai outre. Tout finira bien,
pourvu que la conscience reste pure. Plus on lancera de boue sur un
caractère intègre, plus il brillera, et plus son éclat sera pur. Ne
vous êtes-vous pas senti crispé à l’approche d’un homme qui vous
dénigre ? J’ai éprouvé cette sensation. Bien souvent je me suis
dit : « Pour cette fois, je ne pourrai pas retenir ma
langue ; il faut que je réponde à cet homme ». Mais j’ai
demandé aussitôt à l’Éternel la force d’imiter Jésus qui
« lorsqu’on l’outrageait ne répondait pas », et j’ai laissé
cet homme passer son chemin. La meilleure manière de se débarrasser de
la calomnie est précisément de la laisser faire et de ne rien
dire ; car, si vous persécutez le malheureux qui la vomit, si vous
le menacez des rigueurs de la loi ou si vous le forcez à vous faire des
excuses, vous n’en serez pas plus avancé, et il restera toujours assez
d’insensés et de méchants dans le monde pour y prêter foi. Laissez
faire, ne vous en mêlez pas, et le Seigneur vous aidera par cette
conduite prudente à réaliser sa promesse : « Certainement Il
te délivrera du piège de l’oiseleur ». Et maintenant, avant d’en
finir avec ce point, je veux encore vous faire remarquer que quand
l’oiseleur est bien décidé à prendre l’oiseau, il met en usage tous ses
pièges à la fois et l’attaque simultanément de tous côtés. Il en agira
de même vis-à-vis de vous, mes bien-aimés. Satan n’oubliera aucun
effort pour ruiner et perdre votre âme.
« Je demeure debout, au milieu de pièges sans nombre,
Gardé et soutenu, Seigneur, par ta main puissante. »
Un vieil auteur dit :
« Les esprits qui traquent ton âme placent des pièges jusque dans ton être.
Si tu as des besoins, ces besoins ont leurs pièges.
Si tu as du crédit, là encore sont des pièges.
Si tu es en opprobre, d’autres pièges t’attendent.
Si tu es en honneur parmi les hommes, ou s’ils te méprisent, les pièges fourmillent sous tes pas.
Pièges à tes pieds, pièges autour de ta couche !
Pièges sur ta table, pièges dans chaque secrète pensée !
Pièges dans chaque parole que tu prononces !
Pièges dans tes heures de repos !
Pièges dans tes émotions de tout genre !
Pièges dans tes jeûnes, pièges dans tes prières !
Pièges dans tes résolutions, ainsi que dans tes doutes !
Pièges au dedans de ton cœur ; pièges au dehors !
Pièges au-dessus de ta tête et pièges au-dessous !
Pièges dans la maladie et jusque dans la mort !… »
Il n’est pas, j’en suis assuré, un
lieu ni un instant de la vie où le chrétien ne rencontre des pièges.
Derrière chaque tronc d’arbre on aperçoit un farouche indien, armé de
sa flèche barbelée ; derrière chaque buisson se cache un lion
rugissant qui guette sa proie ; sous chaque fleur se glisse la
vipère venimeuse. Ces pièges sont partout. Soyons sur nos gardes !
Ceignons nos reins de la toute-puissante protection du Seigneur, et
alors le Saint-Esprit nous gardera. Avec lui nous marcherons sur la
vipère, nous écraserons le lion ; nous mettrons sous nos pieds le
jeune lion et le dragon ; nous serons « délivrés du piège de
l’oiseleur ».
II.
Abordons enfin le second point : LA DELIVRANCE. Dieu délivre ses
enfants du piège de l’oiseleur. Ici, deux pensées se présentent :
Il les délivre du piège, premièrement en les empêchant d’y tomber,
secondement en les en retirant quand ils s’y sont laissé prendre. L’une
de ces deux promesses regardera plutôt les uns ; l’autre
concernera les autres.
« Il te délivrera du piège » ; et comment cela ?
Souvent en envoyant l’épreuve.
Oui, l’épreuve est un des moyens par lesquels Dieu nous arrache
souvent. Vous connaissez l’histoire de ce peintre célèbre qui couvrait
de fresques l’intérieur de Saint-Paul, et qui pour regarder son
travail, reculait peu à peu sur l’échafaudage où il était, afin de
pouvoir l’embrasser d’un coup d’œil dans son ensemble et en juger les
proportions. Il avait fini par atteindre ainsi le fin bord, et il
reculait encore … Un pas de plus, et il tombait d’une
hauteur prodigieuse sur les dalles de l’église ; un instant plus
tard, il se serait infailliblement brisé, si, à ce moment suprême, l’un
des ouvriers, voyant le danger qui menaçait son maître et voulant le
sauver, n’avait imaginé un expédient qui réussit fort heureusement. Au
lieu de lui crier : « Maître, vous allez vous
précipiter ! » ce qui aurait certainement fait faire au
peintre un mouvement de recul fatal à ses jours, il prit un grand
pinceau imbibé de couleurs et le lança contre la fresque. Furieux à la
vue de cet acte de vandalisme, le bon peintre fit un saut en avant pour
châtier le maladroit. Mais lorsqu’on lui eût expliqué le motif, il vit
clairement que cet homme venait de lui sauver la vie. Dieu fait de
même. Nous avons souvent, vous et moi, travaillé à quelque peinture, et
nous nous sommes reculés pour l’admirer à distance. Mais Dieu, voyant
que nos mouvements rétrogrades nous rapprochaient de l’affreux
précipice de la mort éternelle, a employé alors sa providence pour nous
plonger dans l’adversité. Il a dérangé et renversé tous nos
plans ; Il nous a enlevé nos enfants ; Il a enfermé dans une
tombe la compagne de nos jours ; Il nous a ravi quelque objet trop
tendrement aimé ! Alors nous nous sommes précipités en avant comme
pour le retenir, nous écriant : « Seigneur,
pourquoi ? » Et nous sommes bien loin de nous douter que,
sans cette épreuve, nous allions être précipités et engloutis dans une
ruine éternelle. Ah ! Je suis bien sûr qu’un grand nombre d’entre
vous doivent leur salut à leurs afflictions, à leurs douleurs, à leurs
inquiétudes, à leur adversité, à leurs pertes ou à leurs croix !
Entre les mains de Dieu, ces épreuves ont été autant de coups de hache
donnés sur le filet qui vous emprisonnait, et vous leur devez la
liberté !
Dans d’autres circonstances, Dieu
préserve les siens des pièges de l’oiseleur en leur donnant un grand
courage et un esprit de force extraordinaire ; de telle sorte
qu’au moment où la tentation se présente, ils s’écrient
résolument : « Comment pourrais-je commettre une si méchante
action et un si grand péché contre Dieu ! » Ah ! Quel
noble courage que celui qui arracha Joseph à la tentation ! Avec
quelle héroïque énergie son âme s’échappa des filets de l’oiseleur,
lorsque la femme de Putiphar le prit par le pan de son manteau pour le
retenir ! Et je suis sûr qu’il est encore de nos jours des
chrétiens qui ont accompli des actes tout aussi dignes d’éloges que
celui de Joseph, — qui ont reçu d’En haut la force de
détourner les yeux à la vue du mal, et qui, invités à commettre le
péché, ont posé leur pied sur la gorge du tentateur, en disant :
« Je ne puis pas ! Je ne puis pas ! Je suis un enfant de
Dieu ; je ne puis, ni ne dois le Faire ! »ils ont su
résister à l’attrait du plaisir et ils s’en sont refusé à eux-mêmes les
coupables douceurs. Vous vous rappelez l’exemple d’Inébranlable dans le
Voyage du pèlerin par Bunyan. Dame Folie avait fortement sollicité
Inébranlable par ses offres. Voici comment raconte le fait :
« Une femme élégamment vêtue, mais âgée, se présenta à moi et
m’offrit trois choses, savoir : son corps, sa bourse et sa couche.
Or, à vrai dire, j’étais las et j’avais sommeil ; de plus j’étais
très pauvre, et la sorcière, sans doute, le savait bien. Je repoussai
ses offres à plusieurs reprises ; mais elle souriait et revenait
toujours à la charge, en essayant de dissiper mes scrupules. Alors je
me fâchai, mais elle n’en tint nul compte. Elle continua à me faire de
nouvelles offres, disant que si je consentais à suivre ses conseils,
elle me ferait devenir grand et heureux. Car je suis, dit-elle,
maîtresse du monde, et c’est moi qui rends heureux tous les
hommes. — Je lui demandai alors quel était son nom, et elle
me dit qu’elle s’appelait Madame Folie. Cela augmenta ma défiance
contre elle ; mais elle ne se relâchait point et me poursuivait de
ses invitations. Alors je me jetai à genoux, et, les mains levées vers
le ciel, je me mis à prier et à crier à Celui qui m’avait promis son
secours. Et comme vous veniez à moi, la femme avait disparu. Voyant
cela, je continuai à prier et à rendre grâce de cette grande
délivrance, car je crois bien que cette femme avait quelque mauvais
dessein et ne visait qu’à m’arrêter dans mon voyage. » Voilà
comment Dieu délivre son peuple des filets de l’oiseleur. Il donne à
ses enfants l’esprit de prière et de courage, en sorte qu’ils crient à
leur Dieu au jour de leur détresse et Il les délivre.
J’ai aussi observé une chose
singulière. Quelquefois j’ai été délivré moi-même du piège de
l’oiseleur de la manière suivante — je ne saurais trop vous
expliquer comment, — mais voici le fait : j’ai eu le
sentiment que si la tentation était venue une semaine plus tôt, elle
m’aurait trouvé dans une disposition telle que j’aurais été très
certainement entraîné. Mais, au moment où elle s’est présentée, mon
esprit avait passé par une certaine série de transformations qui le
rendaient tout à fait inaccessible. Je me trouvais disposé de telle
façon que ce qui aurait pu me perdre à un certain moment donné, n’était
plus une tentation pour moi. « Non, me suis-je écrié dans ce cas,
si tu m’avais offert cela à telle époque, peut-être l’aurais-je
accepté ; mais maintenant, par l’influence mystérieuse de son
Esprit, Dieu a tourné mon cœur vers d’autres préoccupations, et ce que
tu m’offres ne fixe pas un seul instant ma pensée. » Voilà comment
Dieu délivre les siens des pièges de l’oiseleur !
Mais ma seconde idée était que
Dieu délivre les siens même alors qu’ils sont tombés dans le piège.
Hélas ! Mes chers auditeurs, nous connaissons, vous et moi, ce
filet dont il s’agit ; nous y avons été enferrés plus d’une fois,
n’est-ce pas ? Nous n’avons pas seulement vu ce filet de loin,
mais nous avons séjourné dans ses mailles inextricables. Nous
connaissons la cage autrement que par ouï-dire, car nous y sommes
malheureusement entrés, même depuis que nous connaissons le Seigneur.
La main de l’oiseleur s’est posée sur notre cou, et s’il ne nous a pas
entièrement détruits, nous ne le devons qu’à la souveraine grâce de
Dieu. Qu’il est réjouissant de savoir que si, en une heure mauvaise, le
chrétien se laisse prendre dans le piège de l’oiseleur, Dieu l’en
délivrera ! Chrétien et Plein-d’Espoir s’étaient bien laissé
tomber dans le filet de l’oiseleur en entrant dans la grande forteresse
du géant Désespoir ; mais la clef de la Promesse ouvrit la serrure
et ils échappèrent. Ils étaient également pris dans le piège lorsque
Flatteur jeta sur eux son filet et les laissa sur la place ; mais
quelqu’un se présenta qui, après les avoir bien battus, enleva le
filet, en sorte qu’ils poursuivirent leur route, davantage expérimentés
qu’avant d’entrer dans le filet.
Je sais quelqu’un qui est en ce
moment dans le filet. C’est un oiseau infortuné, c’est même un enfant
de Dieu ; il a été pris dans le piège et maintenant il gémit, il
crie, parce qu’il a péché : « Hélas !
Hélas ! » J’ai ici une personne — un excellent
homme — qui fait profession d’être chrétien ; un homme
vraiment respectable. Mais, hélas, il a péché, et en ce moment ses yeux
sont remplis de larmes et il s’écrie :
« Le tumulte de mes pensées
Ne fait qu’accroître ma douleur.
Mon esprit est abattu,
Mou cœur est désolé et humilié …
Oh, retourne-toi vers moi !
Hâte ma délivrance et sauve-moi.
Quand viendras-tu délier mes pieds
Et me tirer de ce piège funeste ? »
Ô toi qui es retourné en arrière !
Sois humilié, oui ; mais ne désespère pas. Dieu te relèvera.
Quelque loin que tu aies porté tes pas errants, écoute ce qu’il te
dit ; « Revenez, ô enfants rebelles ! Et j’aurai pitié
de vous. » Mais vous dites que vous ne pouvez pas retourner vers
Lui. Hé bien ! Voici cependant une promesse :
« Certainement Il te délivrera du piège de l’oiseleur ». Tu
seras encore retiré de tout le mal dans lequel tu t’es plongé, et,
alors même que tu devrais passer le reste de ta vie à déplorer tes
péchés, Celui qui t’a aimé ne te rejettera point. Il te recevra auprès
de Lui, dans les demeures célestes, et Il est déjà maintenant disposé à
t’admettre au nombre de ses enfants et à te combler de paix et de
félicité. « Certainement Il te délivrera du piège de
l’oiseleur. »
Les exemples de délivrances
éclatantes abondent pour prouver que Dieu délivre les siens des pièges
de l’oiseleur. Écoutez : une jeune dame, appartenant à l’une des
églises de New York, épousa un jeune homme qui n’était pas chrétien. Ce
jeune homme était négociant, attaché à un commerce très lucratif. Les
fleuves dorés de la fortune coulèrent sur ses entreprises, si bien
qu’il amassa des richesses considérables. Il se retira donc des
affaires et s’en alla demeurer à la campagne. Il acheta une superbe
habitation, autour de laquelle des forêts d’arbres magnifiques
balançaient gracieusement dans les airs leur feuillage luxuriant. D’un
côté, c’était un lac poissonneux ; plus loin, c’était le jardin
planté des fruits les plus exquis et des fleurs les plus rares.
L’intérieur de la maison était meublé avec une élégance et un luxe
inouïs, et on peut dire que l’heureux couple possédait tout ce que la
terre produit de plus désirable pour l’homme. Au sein de tant de
prospérités et au milieu de tant de nouvelles relations avec les riches
et les heureux selon le monde, la piété de la jeune dame pâlit et son
cœur fut bientôt fiancé à Satan. Il ne faut pas s’étonner qu’en
grandissant ses trois enfants, aient imité son exemple et suivi la même
voie. « Aux grands maux, les grands remèdes », dit le
proverbe. Dieu appliqua donc le grand remède. Un matin, on vint dire
que le plus jeune enfant était tombé dans le lac poissonneux et s’y
était noyé. Une cruelle affliction pénétra comme un poignard dans le
cœur de la mère ; elle versa d’abondantes larmes et ses
lèvres murmurèrent contre la Providence de Dieu. Peu après, sa fille, à
l’âge le plus riant de la vie — à seize ans — est
prise d’une cruelle fièvre qui la couche dans la tombe. Le cœur de
l’infortunée mère semblait près de se briser ; mais ce nouveau
coup de la verge paternelle du Seigneur, au lieu de la ramener à Lui,
paraissait plutôt l’en avoir éloignée. Le seul fils qui lui restait, et
qui avait dû revenir du collège pour assister à l’ensevelissement de sa
sœur, sortit peu après dans les champs pour chasser. En voulant sauter
une clôture, il posa son fusil du côté opposé pour s’en servir d’appui,
et comme il prenait son élan, le coup partit et le tua ! Pauvre
cœur de mère ! … Dans l’excès de sa douleur, elle tomba
à la renverse, se tordant sur le parquet, s’arrachant les cheveux, et,
dans son délire, maudissant comme une folle la Providence de Dieu. Le
père, dont le chagrin était déjà insupportable, à la vue de ce
spectacle affreux et à l’ouïe des cris frénétiques de sa femme, ne put
supporter cette nouvelle catastrophe : le fer aigu de l’affliction
avait atteint le principe de la vie, et il suivit de près dans la tombe
le dernier de ses enfants. La pauvre femme avait donc tout perdu, ses
enfants et son mari ! … Peu à peu, le sens lui
revint ; elle se mit à réfléchir. Elle aperçut alors sa profonde
déchéance, son orgueil et sa révolte ; les larmes de sa douleur se
changèrent insensiblement en larmes de repentance. La paix rentra dans
son cœur et le moment vint bientôt où, levant les mains au ciel, elle
s’écria : « Je te remercie, ô mon Père ! L’Éternel l’a
donné, l’Éternel l’a ôté ; que le nom de l’Éternel soit
béni ! » Voilà comment les afflictions portèrent paisiblement
dans son âme les fruits de justice et comment son Père céleste la
châtiait, non pour son plaisir, mais pour la relever et la rendre
participante de sa sainteté.
Ainsi délivrée du piège de
l’oiseleur, elle recommença à vivre pour le Seigneur, à le servir avec
zèle et ferveur, et à faire de nouveaux progrès dans son amour et dans
sa crainte. Dieu est fidèle à sa promesse : soit par les épreuves,
soit par d’autres moyens, Il délivre toujours les siens du piège de
l’oiseleur, alors même qu’ils s’y sont laissé prendre.
III.
En terminant j’ai à m’arrêter quelques instants sur le mot
« CERTAINEMENT ». Cette certitude de toutes les vérités de
l’Écriture est précisément ce qui en fait le prix infini. Si l’Écriture
n’était pas certaine, elle ne serait plus précieuse. Elle n’est
précieuse qu’à cause de sa certitude.
Or l’Écriture dit ici :
« Certainement Il te délivrera ». Pourquoi ? D’abord,
parce qu’il l’a promis ; et les promesses de Dieu sont des
engagements auxquels Il fait et fera toujours honneur. Secondement,
parce que Jésus a fait serment de délivrer. Depuis dix-huit siècles,
Jésus s’est constitué le berger et le sûr gardien des enfants de Dieu.
« Si jamais ils périssent, a-t-il dit, tu les redemanderas de mes
mains. » Il en est donc responsable ; Il est leur caution
divine devant l’Éternel. Il faut qu’ils soient gardés, autrement les
promesses de Christ seraient mensongères et son serment de nulle
valeur. Il faut qu’ils soient gardés, autrement l’union qui existe
entre eux et celle qui les attache au Seigneur ne seraient point
réelles. Christ est un avec son Église. Ils ne forment qu’un seul
corps. Si un membre de mon corps est retranché, je suis estropié, et si
le Christ pouvait perdre un seul de ses membres, nous n’aurions qu’un
Christ estropié. « Nous sommes son corps et l’accomplissement de
Celui qui accomplit tout en tous. » Si donc l’Église n’était pas
sauvée tout entière, Christ ne serait plus qu’un Christ mutilé,
incapable d’atteindre à la plénitude de sa vie. Ils doivent tous être
sauvés, parce que le Père l’a ainsi déterminé, parce que le Fils s’en
est porté garant, parce que le Saint-Esprit s’est chargé de
l’accomplir. Aucun enfant de Dieu ne saurait être rejeté ;
autrement l’Écriture ne serait plus la vérité. L’alliance que Dieu a
faite avec les siens repose sur leur persévérance finale ; elle a
pour base ceci :
« Il présentera nos âmes,
Purifiées de toute tache, et de toute ride,
Devant la gloire de sa face,
Au milieu des célestes alléluiahs. »
Voilà pourquoi il faut qu’elles
soient gardées des pièges de l’oiseleur. Sans cela, l’alliance de Dieu
ne serait plus qu’un vain mot. Si une seule brebis venait à se perdre,
le serment serait rompu. Il faut donc que tous soient gardés.
Son honneur et sa gloire sont engagés
Pour le salut de la plus faible brebis.
Ses mains gardent en sûreté
Tous ceux que le Père lui a donnés. »
Je n’ai pas le temps de m’étendre
sur ce sujet si glorieux pour le Seigneur notre Dieu, et qui pourrait
fournir matière à bien des discours. Je termine en vous adressant cette
question : Hommes frères, cette
promesse — « Certainement Il te
délivrera ? » — est-elle devenue vôtre ?
Êtes-vous cet homme auquel Il parle ? — Comment puis-je
le savoir ? Demandez-vous ? — Croyez-vous au
Seigneur Jésus ? Vous sentant pécheur, vous confiez-vous
entièrement en la miséricorde et la mort expiatoire de Jésus, la
victime sans tache ? Je ne vous demande pas si vous êtes wesleyen,
baptiste, presbytérien, national ou dissident ; je ne vous demande
qu’une chose : êtes-vous né de nouveau ? Êtes-vous passé de
la mort à la vie ? Êtes-vous une « nouvelle créature »
en Jésus ? Avez-vous mis toute votre espérance dans le
Sauveur ? Sa vie est-elle devenue votre modèle et son Esprit
habite-t-il dans votre corps mortel ? S’il en est ainsi, paix vous
soit ! La promesse est à vous. Il se peut que vous ayez été le
pire des hommes ; mais, si vous avez foi en Christ, vos péchés
sont tous pardonnés et vous pouvez considérer cette promesse comme
votre propriété pour jamais. Mais si vous êtes de ceux qui se
rengorgent dans leur propre justice et dans l’orgueil de leur
vie ; — de ceux qui vivent sans Dieu et sans
espérance ; — de ceux qui se livrent à la mondanité et
à l’indifférence, cette promesse n’est pas pour vous ; vous êtes
dans le piège et vous y périrez, à moins que vous ne vous
repentiez ; car il est écrit : « Si vous ne vous
repentez, vous périrez tous semblablement ». Que Dieu vous sauve
de la perdition en vous ouvrant les trésors du sang de Jésus, auquel,
ainsi qu’au Père et au Saint-Esprit, soient l’honneur, la louange et la
gloire, aux siècles des siècles.