164 - CIEL ET ENFER.

No 3.

       SERMON PRÊCHÉ EN PLEIN AIR

« Je vous dis que plusieurs viendront d’Orient et d’Occident, et seront assis à table, au royaume des cieux, avec Abraham, Isaac et Jacob ; et les enfants du royaume seront jetés dans les ténèbres du dehors : il y aura là des pleurs et des grincements de dents » (#Mt 8:11,12).

       J’ESPERE VOUS encourager aujourd’hui à chercher le chemin du ciel. J’aurai aussi à prononcer des choses dures à entendre sur le sort de ceux qui seront perdus et qui descendront dans l’abîme de l’enfer. Je veux essayer de vous parler sur ce double sujet, et je prie le Seigneur de me venir en aide, afin que je le fasse dignement. Mais, je vous en conjure, si vous tenez au salut de vos âmes, pesez attentivement le pour et le contre ; examinez si ce que je dis est vrai et selon Dieu. S’il ne l’est pas, rejetez-le, oubliez-le entièrement. Mais s’il l’est, prenez garde, car c’est à vos risques et périls que vous le rejetteriez. Aussi vrai que vous comparaîtrez un jour devant ce Dieu qui est le Souverain Juge des cieux et de la terre, aussi vrai il vous en prendra mal d’avoir méprisé la voix de son serviteur et les déclarations de la sainte Parole !

       Mon texte se compose de deux parties. La première sourit extrêmement à mon cœur et me remplit de joie. La seconde, au contraire, est terrible au dernier point. Mais, puisque toutes deux sont vraies, toutes deux doivent être prêchées. — La première partie de mon texte est celle-ci : Je vous dis que plusieurs viendront d’Orient et d’Occident, et seront assis à table, au royaume des cieux, avec Abraham, Isaac et Jacob. — La seconde, celle que j’appelle la partie sombre, terrible, menaçante, est celle-ci : Mais les enfants du royaume seront jetés dans les ténèbres du dehors : il y aura là des pleurs et des grincements de dents.

I.

Reprenons la première partie. Nous avons ici une glorieuse promesse : Plusieurs viendront d’Orient et d’Occident, et seront assis à table, au royaume des cieux, avec Abraham, Isaac et Jacob. J’aime ce texte, parce qu’il me parle du ciel et m’en fait un tableau ravissant. Il me dit que le ciel est un lieu où je serai assis avec Abraham, Isaac et Jacob. Oh ! Quelle douce perspective, surtout pour l’homme qui dans ce monde est condamné à un pénible travail ! Que de fois, en s’essuyant le front, ne se prend-il pas à rêver d’un pays où il ne sera plus soumis aux dures fatigues de la terre ! Que de fois ne mange-t-il pas son pain détrempé par la sueur de son visage ! Que de fois en rentrant chez lui, et en se jetant tout brisé sur sa couche — trop harassé de fatigue pour goûter le sommeil, — ne s’est-il pas écrié : « Oh ! N’y aura-t-il donc jamais de repos ? Ne trouverai-je jamais un lieu où il me soit permis de respirer un instant en paix, de m’asseoir et d’accorder enfin quelque relâche à mes membres épuisés ?… » — Oui, oui, enfant du travail et des rudes labeurs, il est une riante contrée, tout là-haut, dans les cieux, où le travail et les fatigues sont inconnus. Au-delà de ce ciel bleu est une grande et glorieuse cité, dont les murs sont de pierres précieuses et dont l’éclat fait pâlir le soleil. Là se reposent tous ceux qui sont fatigués ; là les méchants ne peuvent plus jeter le trouble dans les âmes. Les esprits immortels qui l’habitent n’essuient jamais la sueur de leur front, car ils ne sèment ni ne moissonnent ; ils ne sont plus soumis aux travaux de cette vie.

« Sur la pelouse fleurie de la sainte montagne,
Ils s’assiéront et se reposeront de leurs peines ;
Heureux de se raconter les tristesses du passé,
Leurs sombres jours d’épreuves et de rudes fatigues. »



       J’aime à me représenter le ciel comme le lieu du repos. C’est par ce côté surtout que l’humble ouvrier aimera à le contempler. Ceux, à la vérité, qui ont ici-bas une vie exempte de travaux y verront plus volontiers un lieu d’activité. L’un est aussi vrai que l’autre. Mais, pour celui qui est appelé à se fatiguer chaque jour et à vivre péniblement du travail de ses mains ou de celui de sa tête, la pensée que le paradis est un lieu de repos aura toujours un attrait particulier. Bientôt, se dira-t-il, bientôt cette voix ne sera plus appelée à s’exténuer en de trop rudes efforts ; bientôt mes poumons n’auront plus à gémir d’un surcroît de fatigues ; bientôt mon cerveau ne sera plus comme prêt à éclater à force de penser. J’irai m’asseoir à la table du festin de mon Dieu ; oui, je me pencherai sur le sein d’Abraham, comme Jean sur celui de son Maître, et là je demeurerai en paix et en repos pour jamais ! — Ô vous, fils et filles d’Adam, qui êtes las et battus par les orages de cette vie, multitude éprouvée et languissante, qui soupirez et qui souffrez, vous n’aurez pas dans le ciel à tracer de pénibles sillons dans une terre inféconde. Vous n’aurez pas à reprendre le cours monotone de votre incessant travail avant le lever du soleil, pour ne l’abandonner que bien longtemps après son coucher ; mais vous vous reposerez, vous aurez plein relâche, vous jouirez de toute tranquillité ; car dans le ciel tous sont riches, tous sont heureux, tous sont en paix. Travail, labeur, fatigue, lassitude, sont des mots qui n’existent pas dans la langue des bienheureux. Nul ne saurait les prononcer, car tous se reposent, et pour toujours.

       Et puis, voyez aussi dans quelle société ils se trouvent. Ils seront assis « avec Abraham, Isaac et Jacob ». Il en est qui croient qu’au ciel nous ne reconnaîtrons personne ; mais ici notre texte déclare que nous serons assis avec Abraham, Isaac et Jacob. Il faudra donc bien que nous sachions qui ils sont. On m’a raconté qu’en mourant une pauvre femme disait à son mari : « Mon ami, crois-tu que nous nous reconnaîtrons quand nous serons au ciel ? » — « Si je te reconnaîtrai, reprit le mari, je t’ai toujours reconnue tant que nous avons vécu ici-bas ; et penses-tu donc qu’en entrant au ciel je sois plus stupide que je ne l’étais en ce monde ?… » — La réponse, selon moi, était excellente puisque nous nous sommes connus, il faut que nous nous reconnaissions.

       Je possède là-haut plus d’un être bien-aimé, et je me console bien souvent par la pensée que lorsque je poserai mon pied sur le seuil du paradis (comme j’en ai la ferme espérance), je verrai venir au devant de moi mes sœurs et mes frères, me disant en m’embrassant : « Enfin, te voilà, ô bien-aimé ! »

       Prenez courage, vous qui avez perdu des parents et des amis, objets de vos plus tendres affections ! Vous les retrouverez au ciel. L’un de vous a perdu une mère ; elle est allée là-haut ; mais si tu suis les traces de Jésus, tu l’y retrouveras. Il me semble la voir venant à ta rencontre aux portes du ciel, et, quoique les liens du sang doivent être en quelque mesure oubliés dans les lieux célestes, je l’entends dire en se retournant vers son Dieu : « Me voici, avec les enfants que tu m’as donnés ! » — Oui, nous reconnaîtrons ceux que nous avons chéris. Oui, mari, tu reconnaîtras ta femme ! Mère, tu reconnaîtras tes chers petits enfants ! Leurs petits traits tourmentés par les approches de la mort, alors qu’ils gisaient haletants, respirant avec peine, sont restés empreints dans ton douloureux souvenir …  Tu te rappelles le moment où, te penchant une dernière fois sur la fosse entr’ouverte, tu entendis résonner la terre qui tombait sur le cercueil et retentir ces lugubres paroles : La terre, à la terre ! La poussière, à la poussière ! La cendre, à la cendre ! Oh ! Mais, ces douces petites voix, tu les entendras encore ; oui, elles feront encore tressaillir ton âme, et tu apprendras alors que Dieu, lui aussi, a aimé ceux que tu aimais.

       Un ciel où nous serions incapables de nous reconnaître, où nous serions tous étrangers les uns aux autres, ne serait-il pas une bien triste demeure ? Je ne me sentirais, pour ma part, aucun attrait pour y aller. Je crois que le ciel sera une communion des saints, et que par conséquent nous nous y reconnaîtrons. Souvent je me suis dit que j’aimerais bien voir Ésaïe ; et il me semble qu’en arrivant au ciel je demanderai aussitôt où il se trouve, parce que de tous les prophètes c’est lui qui a le plus parlé de Jésus. Oh ! Que je serai heureux de voir George Whitefield, cet homme, qui prêchait au peuple sans relâche, et qui, avec un zèle plus qu’angélique, a usé sa vie et sacrifié sa santé pour le service de son Maître ! Oh ! Oui, nous trouverons au ciel une société d’élite. Là il n’y aura plus de distinction entre ignorants et savants, entre clergé et laïques ; mais nous circulerons librement les uns au milieu des autres et nous sentirons que nous sommes frères. Nous irons « nous asseoir auprès d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ».

       On me racontait qu’une dame qui allait mourir dit au pasteur qui la visitait : « Puisque je vais mourir, je veux vous demander une chose. » — « Dites », répondit le pasteur. — « Oh ! » dit-elle d’un air affecté, « je voudrais savoir si dans le ciel il y aura deux catégories de places, car je répugnerais beaucoup de m’y trouver assise côte à côte avec ma cuisinière qui est si mal élevée. » Le pasteur, se détournant, répondit : « Oh ! Madame, que cela ne vous inquiète pas. Vous ne courez pour le moment aucun danger de la rencontrer, car tant que vous ne serez pas dépouillée de ce maudit orgueil, vous n’entrerez pas dans le ciel. » Oui, il faut que nous nous dépouillions de notre orgueil. Il faut, pour que nous puissions parvenir au royaume de l’éternelle gloire, que nous descendions de notre piédestal et que nous nous placions devant Dieu comme les égaux des autres hommes, les considérant tous comme nos frères. Oui, nous bénissons Dieu et nous le remercions de ce qu’il n’a pas dressé deux tables différentes, l’une pour les uns et l’autre pour les autres. Juifs et païens s’assoiront ensemble ; les grands de la terre et les petits de ce monde participeront à la même nourriture, et nous serons « tous assis avec Abraham, Isaac et Jacob ».

       Mais mon texte contient une pensée plus profondément réjouissante encore. Certains bigots à l’esprit étroit voudraient que le ciel soit un lieu très restreint, où ne se rencontrent que ceux qui se rendent à leur église ou à leur chapelle. Pour moi, je n’ai, je l’avoue, aucun désir que le ciel soit un lieu si petit, et je me réjouis au contraire en lisant dans les Écritures qu’il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père. Que de fois j’entends dire autour de moi : « Ah ! La porte est étroite et le chemin est étroit, et il y en a peu qui le trouvent. Il n’y aura que peu de gens de sauvés ; il y en aura beaucoup de perdus. » — Mon ami, je ne suis pas de votre avis. Christ laisserait-il la victoire au démon ? Permettrait-il au diable d’emmener plus d’âmes en enfer qu’il n’en recueillerait lui-même dans le ciel ? Non ! Cela est impossible ! Car dans ce cas Satan aurait de quoi se moquer de Christ. Il y aura plus d’âmes sauvées que d’âmes perdues. Dieu dit qu’une grande multitude que personne ne saurait compter sera sauvée ; Il n’a jamais dit que nul ne saurait compter ceux qui seront condamnés. Le nombre de ceux qui entreront dans le ciel dépasse donc tout calcul humain. Quelle réjouissante nouvelle pour vous et pour moi ! Car, puisque la multitude des élus sera si grande, qui empêche que je ne sois, moi aussi, de ce nombre ? Qui empêche que vous n’en soyez vous-même ? Qui empêche que cet homme, tout là-bas dans la foule, ne dise : « Et moi aussi, je veux être sauvé ! » Pourquoi cette  femme, ici près, ne prendrait-elle pas courage, en se disant : « S’il n’y en avait en tout que six de sauvés, je pourrais craindre de ne pas être d’un si petit nombre, mais puisqu’il doit en venir des multitudes innombrables d’Orient et d’Occident, qui empêche que moi aussi je sois sauvée ? » — Prends courage, toi qui es abattu ! Toi qui es dans le deuil, enfant de l’affliction, prends courage ! Tu peux encore espérer ; tout n’est pas perdu pour toi ! Je ne connais pas d’homme pour lequel il n’y ait plus d’espoir. S’il en est quelques-uns qui sont abandonnés de Dieu, parce qu’ils ont commis le péché qui va à la mort, la plus grande partie de l’humanité est encore à la portée de la souveraine miséricorde, et « plusieurs viendront d’Orient et d’Occident et seront assis à table au royaume des cieux ».

       Si vous désirez savoir plus clairement d’où ils viendront, vous n’avez qu’à considérer de plus près mon texte. Il est dit qu’ils viendront « d’Orient et d’Occident ». Les Juifs prétendaient qu’ils devaient tous venir de Palestine ; je dis tous, tant hommes que femmes et enfants ; de telle sorte que, selon eux, le ciel ne devait contenir absolument que des Juifs. Les pharisiens, de leur côté, croyaient que pour être sauvé il fallait être pharisien. Mais Jésus déclare que plusieurs viendront « d’Orient et d’Occident ». Il en viendra donc aussi des foules de ce lointain pays qu’on appelle la Chine, car le Seigneur accomplit une grande œuvre dans cette contrée, et nous avons lieu d’espérer que l’Évangile y sera bientôt victorieux. D’autres multitudes viendront d’Irlande et du grand continent américain, au-delà de l’Océan. Il en viendra des contrées du Sud : de l’Australie et de l’Afrique, — et des contrées du Nord : du Canada, de la Norvège, de la Russie, de la Sibérie. Il en viendra même des bouts les plus reculés de la terre, et ils s’assiéront à table au royaume des cieux.

       Mais je ne crois pas que ce texte doive seulement s’entendre géographiquement ; nous devons y voir un sens spirituel. Ces termes d’Orient et d’Occident ne représentent pas tant des nations diverses, comme ils indiquent diverses sortes de gens. Je pense que cet Orient et cet Occident désignent les dispositions morales les plus éloignées de la piété et de la foi, et signifient que, malgré cet éloignement infini, il en viendra néanmoins qui seront sauvés et qui posséderont le ciel. — Il y aura toujours une certaine classe de gens que tout le monde regarde comme perdus et sans espoir de relèvement. J’ai souvent entendu dire de certains individus : « Ah ! Pour celui-là, il ne saurait pas être sauvé ; il est descendu trop bas pour se relever jamais. Il n’est bon à rien ! À quoi bon lui demander d’aller le dimanche dans un lieu de culte ? Il est ivre dès le samedi soir ! À quoi sert de raisonner avec une brute pareille ? C’en est fait de lui ; sa conscience est cautérisée. Vous n’avez qu’à voir tout le mal qu’il a pu faire depuis tant d’années qu’on lui prodigue en vain toutes sortes de remontrances. » Hé bien ! Vous qui croyez votre semblable plus méchant que vous-même, vous qui condamnez les autres, tandis que vous êtes tout aussi coupables, écoutez ce que dit Jésus : « Il en viendra plusieurs de l’Orient et de l’Occident ». Il en viendra plusieurs qui jadis étaient des ivrognes endurcis. Je crois que plusieurs de ceux qui feront partie de la grande famille rachetée auront été autrefois de ces gens qui passaient la moitié de leur vie au cabaret. Mais Dieu les aura visités par la puissance de sa grâce, et ils auront trouvé le courage de briser la coupe de perdition. Ils auront renoncé dès lors aux honteuses joies de l’ivresse et ils auront fui la tentation pour servir l’Éternel. Oui, il y aura dans le ciel plusieurs ivrognes convertis ; il y aura plusieurs femmes de mauvaise vie ; nous y retrouverons plusieurs de ces créatures que le monde lui-même rejette avec dégoût. Vous vous souvenez de ce mot de Whitefield disant que le ciel contiendra plusieurs de ces âmes qui sont « le rebut du diable », c’est-à-dire dont le diable lui-même ne veut plus, tant elles sont corrompues. Un jour, son amie, lady Huntingdon, se risqua à lui dire qu’un tel langage n’était peut-être pas très convenable. En ce moment même, quelqu’un sonna à la porte, et Whitefield descendit. Lorsqu’il remonta : « Madame, dit-il, devinez ce qu’une pauvre femme vient de me dire ? …  C’est une grande — grande pécheresse : — « Ô Monsieur Whitefield ! Vous nous avez dit dans votre sermon que Jésus ne rejetterait pas les rebuts du diable ; je suis un de ces rebuts ! » — Cette parole l’avait convertie.

       Qui osera maintenant nous blâmer de parler aux plus grands pécheurs, aux pécheurs les plus dégradés et les plus vils ? On m’a accusé d’attirer après moi toute « la canaille » de Londres. Hé bien, admettons ! Je réponds : que Dieu daigne bénir « la canaille » ! Que Dieu daigne sauver « la canaille » ! Admettons, dis-je, que j’attire à moi le rebut de la terre : qui a plus besoin de l’Évangile ? Qui a plus besoin qu’on lui présente l’amour de Christ ? Il ne manque pas de prédicateurs élégants qui prêchent aux belles dames et aux beaux messieurs, et nous avons besoin aussi, en ce siècle dégénéré, de prédicateurs qui s’adressent à la vile multitude. Et voici ce qui me réjouit et m’encourage : c’est que plusieurs sortiront de celle vile multitude « et iront s’asseoir à table au royaume des cieux ».

      Oh ! Quel contraste entre les bienheureux et quelques-unes de ces créatures dégradées qui sont encore sur la terre, mais qui parviendront un jour au salut ! Voici un homme dont les cheveux en désordre retombent sur sa figure : il est affreux à voir ; les yeux lui sortent de la tête ; son rire est semblable à celui d’un idiot ; il s’est tellement épuisé par l’usage des boissons qu’il semble avoir bu jusqu’à sa propre cervelle ; il ne lui reste plus d’autre vie que celle de la brute. Hé bien ! Je suis autorisé à vous dire que cet homme peut encore être sauvé. Dans quelques années, peut-être, je vous montrerai là-haut une brillante étoile dans le firmament de l’éternité, et je pourrai vous dire : voyez-vous cet homme dont le front est ceint d’une couronne immortelle ? Voyez-vous ce racheté, vêtu d’une robe de saphir et tout resplendissant de lumière ? C’est le même qui gisait là-bas, plongé dans la dégradation et dans l’idiotisme. Il était bien hideux et bien repoussant ; mais la Souveraine Grâce et la Miséricorde infinie l’ont sauvé ! — Il n’y a que ceux (comme je l’ai déjà dit) qui ont commis le péché impardonnable, qui ne puissent plus recevoir le salut. Mais, à part ce très petit nombre, amenez-moi le pire des hommes, l’homme le plus vil, et je lui prêcherai l’Évangile ; rien ne m’arrêtera, car je me souviens des paroles de mon Maître : « Allez dans les carrefours et le long des haies, et pressez-les d’entrer, afin que ma maison soit remplie ». — « Plusieurs viendront d’Orient et d’Occident, et seront assis à table avec Abraham, Isaac et Jacob, au royaume des cieux. »

       Il est encore un mot sur lequel je dois m’arrêter avant de quitter cette réjouissante partie de mon texte ; c’est le mot : « Ils viendront. » Il n’est pas dit : Ils pourront venir, ils viendront peut-être ; mais ILS VIENDRONT ; ils viendront certainement. Dieu veut qu’ils viennent. Oh ! Combien j’aime à m’arrêter sur ces paroles que Dieu prononce au futur ! Combien il importe de discerner ce que Dieu annonce comme certain de ce qu’il déclare être simplement possible ! Quand l’homme emploie le futur, quelle valeur a ce futur ? …  L’homme dit souvent : « Je ferai », mais il ne tient pas sa promesse. Il dit : « J’irai, Seigneur », et il n’y va point. Il n’en est pas ainsi des affirmations que Dieu prononce au futur. Ce qu’il annonce doit inévitablement s’accomplir ; ce qui est au futur est aussi réel que ce qui est au présent. — Le diable dit : « Ils ne viendront pas » ; mais Dieu dit : « Ils viendront. » — Tes péchés te disent : « Tu ne pourras jamais venir » ; mais Dieu te dit : « Tu viendras. » — Toi-même, tu dis : « Je ne veux pas venir » : mais Dieu te dit : « Il faut que tu viennes, et tu viendras ! »

       Oui, il en est qui se moquent en ce moment encore de l’Évangile du salut et qui parlent mal de Christ ; mais je vous déclare que plusieurs d’entre ceux-là mêmes « viendront ». — « Quoi ! » vous écriez-vous, « Dieu peut-il m’obliger à devenir chrétien ? » Je vous dis en vérité que oui, car c’est en cela précisément, que consiste la puissance et la gloire de l’Évangile. Dieu ne vous demandera pas votre consentement, mais il vous l’arrachera. Il ne vous dira pas : « Veux-tu accepter ? » Mais, au jour où Il déploiera sa puissance dans votre cœur, Il fera naître en vous la faim et la soif du salut ; Il vous en démontrera la valeur inestimable, et aussitôt vous le désirerez avec ardeur, vous le chercherez avec angoisse, et vous le trouverez. Que de gens qui disaient hautement : « Je ne veux pas de votre religion ! » et qui cependant ont été convertis ! — Je me rappelle l’histoire d’un homme qui n’était entré dans le temple que pour écouter les chants, et qui mettait ses doigts dans ses oreilles pour ne pas entendre le prédicateur. Mais voici qu’un insecte vint se poser sur son visage et le força à faire un geste afin de l’écarter. En ce même instant le prédicateur prononçait ces paroles : « Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende ». L’homme se mit à écouter, et bientôt Dieu toucha son cœur à salut. Lorsqu’il sortit de ce lieu, il était transformé en une nouvelle créature. Lui qui était venu pour se moquer, s’en retourna chez lui pour prier. Lui qui était entré pour se railler, sortit pour plier le genou et se repentir. Lui qui était allé pour tuer le temps et se distraire, revint pour s’occuper à rechercher la présence de son Dieu. Le pécheur fut sanctifié ; le dissolu fut rempli de componction. Qui sait s’il n’y a pas ici quelqu’un de semblable à cet homme ? L’Évangile n’a pas besoin de votre consentement préalable ; il saura bien le prendre. Il expulsera de votre cœur toute inimitié contre Dieu. Vous avez beau dire que vous n’avez pas besoin d’être sauvé ; Christ dit : « Vous serez sauvé ! » Il changera la direction de votre volonté, de telle sorte que vous vous écrierez : « Seigneur, sauve-moi, ou je péris ! » — « Ah ! » pourrait s’écrier le Ciel, « je savais bien que tu finirais par crier grâce ! » Mais aussitôt les anges se réjouiront de ce que le Seigneur aura changé votre volonté et de ce que, par sa puissance, Il vous aura rendus croyants.

       Si Jésus lui-même était ce soir ici, dans cette chaire, comment se comporteraient quelques-uns d’entre vous ? « Oh ! », disent les uns, « nous le proclamerions roi. » Je ne le crois pas ; je crois au contraire qu’ils le crucifieraient de nouveau, pour peu que l’occasion s’en présente. S’il venait vous dire, par exemple : « Me voici ! Je vous aime ; voulez-vous que je vous sauve ? » Pas un d’entre vous tous n’y consentirait, s’il était abandonné à lui-même et à sa propre volonté. Alors même que le Seigneur fixerait sur vous ses regards — regards dont la puissance forcerait les lions à s’accroupir ;  —  alors même qu’il verserait sur vous les torrents de son éloquence divine — torrents d’amour et de célestes compassions, — personne ne s’émouvrait ; personne ne consentirait à devenir son disciple ; personne, non, pas même un seul ! Pour que les hommes viennent à Christ, il ne faut rien moins que le pouvoir de Dieu. Jésus l’a dit lui-même : « Nul ne vient à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire ». Voilà ce qu’il nous faut, et voilà ce que nous avons : « Ils viendront ! ILS VIENDRONT ! » Vous pouvez vous moquer, vous pouvez nous mépriser ; mais Jésus ne saurait être mort en vain. Si quelques-uns le rejettent, d’autres ne le rejetteront pas. S’il en est qui ne seront pas sauvés, d’autres le seront. Christ se verra de la postérité ; Il prolongera ses jours, et le bon plaisir du Seigneur prospérera entre ses mains.

       Il en est qui croient que plusieurs de ceux pour lesquels Christ est mort seront néanmoins perdus. Cette doctrine n’a jamais pu satisfaire mon intelligence. Si Jésus, qui est mon garant, a porté mes douleurs et mes iniquités en son corps, je pense être aussi assuré de ma rédemption que les anges du ciel. Dieu ne saurait exiger deux réparations pour mes péchés. Si Christ a payé ma dette, aurais-je à la payer moi-même une seconde fois ? Non !

« Libéré de toute redevance,
Je puis marcher en toute sécurité.
Heureux, je puis me prosterner à ses pieds,
Et le bénir du salut qu’il m’a acquis. »



       Ils viendront ! Ils viendront ! Rien de ce qui est dans les cieux ou sur la terre, ou même en enfer, ne saurait les empêcher de venir.

       Et maintenant, ô le plus grand des pécheurs, écoute-moi, car je veux t’inviter à venir à Jésus. Il y a aujourd’hui dans cette assemblée quelqu’un qui se croit le plus grand des pécheurs, et qui se dit : « Ce n’est pas à moi, bien certainement, que s’adresse cet appel ; je suis trop loin de le mériter ! » Hé bien ! C’est toi, oui, toi-même que j’appelle ; toi, le pécheur perdu ! Toi, le rebut méprisé des hommes ! C’est toi, dis-je, que j’ai mission d’appeler. Au nom et en l’autorité de mon Dieu, je te somme de venir à Jésus ! — Il y a quelque temps, j’étais entré dans la salle d’audience d’un tribunal, pour voir ce qu’on y faisait : quelqu’un appela un homme par son nom, et au même instant cet homme se mit à crier : « Faites-moi place ! Faites-moi place ! Ils m’appellent ! » Et incontinent il parut sur l’estrade. À mon tour, j’appelle ici le plus grand des pécheurs ; qu’il s’écrie aussi : « Faites-moi place ! Faites-moi place, doutes de l’âme ! Faites-moi place, craintes imaginaires ! Faites-moi place, péchés que j’ai commis ! Christ m’appelle, et puisque Christ m’appelle, cela me suffit ! »

« Je veux me prosterner aux pieds de Celui
Dont le sceptre fait miséricorde.
Peut-être me le présentera-t-il, en disant :
« Touche ! »
Et aussitôt mon âme suppliante
Recevra la vie.
Que risqué-je en allant à Lui ?
Je ne puis que périr …
Je veux donc essayer ;
Car, en restant loin de Lui,
Je sais qu’une éternelle mort m’attend.
Et quand je devrais mourir après avoir
Demandé grâce,
Après avoir éprouvé la fidélité du Roi des Rois,
Ce serait mourir (ô douce espérance !)
Comme jamais pécheur ne saurait mourir ! »



       Allez à mon Sauveur, et éprouvez-le ! Oui, vous dis-je, allez et mettez-le à l’épreuve. Et s’il vous repousse après que vous l’aurez cherché de tout votre cœur, allez dans l’abîme annoncer aux esprits des réprouvés que Christ n’a pas voulu vous recevoir. Mais c’est là précisément ce qu’il ne vous sera jamais permis de faire, ce qui est absolument impossible ! Ce serait un éternel déshonneur pour l’Alliance que Dieu a traitée, et Il ne saurait le permettre, aussi longtemps qu’il est écrit : « Plusieurs viendront d’Orient et d’Occident et seront assis à table avec Abraham, Isaac et Jacob, au royaume des cieux ».

II.

La seconde partie de mon texte est navrante. Jusqu’ici j’ai prêché avec grande joie sur ce qui précède ; mais la tâche qui se présente maintenant est douloureuse pour moi, car j’ai à traiter une déclaration terrible. Cependant, comme je vous le disais, triste ou non, tout ce qui est écrit dans la Bible doit être prêché. Il est des pasteurs qui ne disent jamais un mot de l’enfer. J’en ai entendu un qui disait à ses auditeurs : « Si vous n’aimez pas le Seigneur Jésus-Christ, vous serez envoyé dans ce certain lieu que la politesse défend de nommer ». Puisqu’il n’osait pas parler plus clairement, je ne vois pas pourquoi on lui permettait de monter en chaire. Si je voyais une maison en proie aux flammes, pensez-vous que je viendrais vous dire : « Je crois que l’œuvre de la combustion s’accomplit là-bas ? » Eh ! Non, je crierais : « Au feu ! Au feu ! » Et chacun saurait aussitôt ce que je veux dire. Si donc la Bible nous dit nettement : « Les enfants du royaume seront jetés dans les ténèbres du dehors », je ne dois pas me présenter devant vous pour atténuer cette vérité. Nous devons prêcher la vérité telle qu’elle est écrite.

       Celle que nous examinons est terrible, car elle annonce que « les enfants du royaume seront jetés dehors ! » Et qui sont ces enfants ? Je vais vous le dire. « Les enfants du royaume, ce sont ces personnes qui présentent tous les caractères extérieurs de la piété, mais qui n’en ont pas la réalité intérieure. Ce sont ces personnes que vous verrez prenant leur Bible et leur livre de cantiques et trottant de l’air le plus pieux pour se rendre au temple ou à la chapelle, le visage aussi sérieux qu’une porte de prison, et parfaitement convaincues qu’elles seront sauvées, quoique leur cœur soit parfaitement étranger à l’affaire et que toute leur piété consiste dans leur activité corporelle. Voilà les personnes désignées par ces mots : « Les enfants du royaume ». Elles sont sans vie, sans foi, sans Christ, et elles seront jetées « dans les ténèbres du dehors ».

       « Les enfants du royaume », ce sont encore les enfants d’un père chrétien et d’une pieuse mère. Observez ceci, savoir : que rien ne touche plus le cœur d’un homme comme lorsqu’on lui parle de sa mère. Je me souviens d’un matelot qui ne cessait de jurer et de se mutiner contre ses supérieurs ; la police même ne pouvait le dompter et il mettait le trouble partout où il allait. Un jour, il était entré dans un lieu de culte, et là, personne ne savait comment le faire tenir tranquille. Un monsieur s’approcha et lui dit : « Mon ami, tu avais une mère autrefois ». Au même instant, ses larmes coulèrent et il s’écria : « Ah ! Monsieur, oui, oui ! …  J’ai fait descendre ses cheveux blancs avec douleur dans la tombe, et j’ai bonne façon, vraiment, de me trouver en ce lieu maintenant ! » Il s’assit alors, immobile et tout pensif, à cette seule mention de sa mère. Parmi vous il y a aussi des « enfants du royaume » qui se souviennent de leur mère. Cette mère vous prenait souvent sur ses genoux et vous apprenait de bonne heure à prier. Votre père, de son côté, vous dirigeait par ses conseils dans le chemin de la sainteté. Et cependant vous êtes là, en ce moment, sans vie spirituelle et sans espérance pour le ciel. Vous descendez vers l’abîme de l’enfer aussi rapidement qu’il vous est possible. Plusieurs d’entre vous ont brisé le cœur de leur pauvre mère. Oh ! Qui pourra dire tout ce que son cœur a dû souffrir quand, vers le soir, vous courriez satisfaire votre soif de péché. « Enfants du royaume », si, après avoir été arrosés des prières et des larmes d’une mère, vous périssez néanmoins, savez-vous combien sera grande votre culpabilité ? Je ne sache pas qu’un homme qui entre en enfer avec les larmes de sa mère sur sa tête et poursuivi par les prières de son père, puisse y entrer sous de plus effroyables auspices. Jeunes gens et jeunes filles, plusieurs d’entre vous subiront cette malédiction et se réveilleront un jour dans « les ténèbres du dehors ». Vos parents, recueillis dans les célestes demeures, vous jetteront un regard de reproche et sembleront vous dire : « Eh quoi ! Après tout ce que nous avons fait pour toi, tout ce que nous avons dit, tu en es venu là ?… »

       « Enfants du royaume », ne pensez pas que la piété d’une mère chrétienne puisse vous sauver ! Ne pensez pas que parce que votre père était membre de telle ou telle église, sa foi puisse vous sauver ! Supposons que quelqu’un se présente à la porte du ciel, en disant : « Laissez-moi entrer, laissez-moi entrer ! » — Pourquoi ? » lui sera-t-il demandé. — « Parce que ma mère y est entrée. » — « Qu’y a-t-il de commun entre ta mère et toi ? Si elle a vécu saintement, c’est pour elle-même. Si elle a péché, c’est pour elle-même. » — « Mais mon grand-père a prié pour moi. » — « Qu’importe cela ! Toi, as-tu prié pour toi-même ? » — « Non, je n’ai pas prié. » — « En ce cas, ni les prières de ton grand-père, ni celles de ta grand-mère, ni celles de ton père et de ta mère ne sauraient te servir de passeport pour entrer ici. » — Il faut, en effet, que vous cherchiez Dieu vous-même, ou mieux, que Dieu vous cherche. Il faut que vous possédiez en vous-même la vie nouvelle, autrement vous êtes perdu, alors même que tout le reste de votre famille serait sauvé.

       Écoutez le songe terrible qu’une mère fit une fois et qu’elle raconta à ses enfants. Elle rêva que le jour du jugement était venu. Les livres étaient ouverts. Tous étaient présents devant le trône de Dieu, lorsque Jésus dit : « Séparez la paille d’avec le froment ; mettez les brebis à ma droite et les boucs à ma gauche ». Dans son rêve, la mère se trouvait avec ses enfants au milieu de l’assemblée. L’ange vint et dit : « Il faut que je prenne la mère, car elle est une brebis ; elle doit aller à la droite. Les enfants sont du nombre des boucs ; ils iront à la gauche. » Il sembla alors à cette mère qu’au moment de se mettre en marche ses enfants se cramponnaient à elle en criant : « Comment pourrions-nous te quitter ! Faudrait-il nous séparer !… » Alors, les entourant une dernière fois de ses bras, elle leur dit : « Mes enfants, si je pouvais, je vous emmènerais avec moi. » Mais à ce moment même l’ange la toucha : ses larmes disparurent, et transformée dès lors dans ses affections naturelles, rendue supérieure à ces liens d’un autre monde, résignée à la volonté de Dieu, elle reprit : « Mes enfants, je vous ai enseigné fidèlement le chemin de la paix et je vous ai élevés selon le Seigneur ; mais vous avez abandonné les voies de Dieu. Tout ce que je puis ajouter maintenant à votre triste mais juste condamnation, c’est mon Amen ! » Aussitôt ils furent arrachés d’auprès d’elle !

       Jeune homme, que deviendras-tu au dernier jour, quand tu entendras Jésus te dire : « Maudit, retire-toi ! » Qu’éprouveras-tu, surtout, quand une voix partant de derrière toi répondra : « Amen ! » et que, t’étant retourné pour savoir d’où elle vient, tu reconnaîtras ta mère ? — Et toi jeune femme, qu’éprouveras-tu si, au moment où tu seras précipitée dans les ténèbres du dehors, tu entends une voix disant : « Amen ! » et que, levant les yeux, tu voies ton père prononçant encore de ses propres lèvres la solennelle malédiction ? Ah ! « Enfants du royaume », les péagers, les femmes de mauvaise vie et les plus grands pécheurs entreront dans le ciel par la porte de la repentance. On y trouvera des ivrognes, des blasphémateurs qui auront été convertis par la souveraine grâce ; tandis qu’un grand nombre d’« enfants du royaume » seront jetés dehors.

       Quelle chose étrange, que vous qui avez reçu une éducation si brillante vous soyez perdus, tandis qu’un grand nombre d’entre les plus vils seront sauvés ! L’enfer ne sera-t-il pas doublement torturant pour vous, quand vous verrez un pauvre ouvrier, jadis ivrogne et abject, couché sur le sein d’Abraham ; tandis que vous, qui aviez eu une pieuse mère, vous serez plongés dans l’enfer, uniquement pour n’avoir pas voulu croire en Jésus-Christ, pour avoir mis de côté son Évangile, pour avoir vécu et pour être mort dans l’indifférence ? Ce qui causera vos plus cruels tourments, ce sera de vous voir rejetés, tandis que le plus grand des pécheurs sera admis et sauvé.

       Écoutez-moi quelques instants encore. Je ne serai pas long ; mais j’ai à vous montrer ce que deviendront ces « enfants du royaume ». Le Seigneur annonce qu’ils seront « jetés dans les ténèbres du dehors ; il y aura là des pleurs et des grincements de dents ».

       Observez d’abord ceci : « Ils seront jetés dehors ». Il n’est pas dit qu’ils s’en iront volontairement, mais qu’ils seront jetés dehors. Au moment où l’hypocrite arrivera à la porte du ciel, la Suprême Justice dira : « Le voici qui vient ! Le voici qui se présente ! Il est resté sourd aux prières de son père, insensible aux larmes de sa mère. Il a méprisé toutes les grâces dont la miséricorde l’avait entouré, et il vient maintenant ! …  Gabriel, prends cet homme ! » Et aussitôt l’ange se saisira de vous, vous liera pieds et poings et vous tiendra un instant suspendu au-dessus de l’abîme. Il vous ordonnera alors de regarder en bas… ; mais vous n’apercevrez pas le fond. Seulement, des profondeurs du gouffre béant parviendront à votre oreille de lointains gémissements, des sanglots déchirants, un funèbre concert de douleurs et de cris …  Un tremblement s’emparera de vos membres ; vos os se fondront comme de la cire, et vos moelles tressailleront de terreur. Où est maintenant votre courage ? Où sont vos vanteries et votre fierté ? Vous hurlez de désespoir ; vous criez grâce ! Mais, de sa main puissante, l’ange vous lance dans le gouffre, en s’écriant : « Va-t-en ! Va-t-en ! » Et vous descendez, vous descendez, vous descendez toujours dans l’abîme sans fond ; vous descendez encore, vous descendez éternellement et sans jamais vous arrêter de descendre ! … Vous êtes jeté dehors ! »

       Mais où donc serez-vous jeté ? — « Dans les ténèbres du dehors », est-il dit ; dans un lieu où il n’y aura plus d’espérance ; car, dans l’Écriture, la lumière est le symbole de l’espérance. Vous serez jetés dans les ténèbres du dehors, c’est-à-dire dans un lieu où il n’y a point de lumière, point d’espérance ! — Y a-t-il quelqu’un ici qui soit sans espérance ? Je ne puis le supposer. L’un de vous se dit : « Je dois une forte somme et je suis menacé d’une vente forcée ; mais j’ai l’espoir de faire quelque emprunt qui me tirera d’embarras ». Un autre se dit : « Mes affaires vont mal, mais les choses peuvent prendre meilleure tournure et j’espère encore ». Un autre se dit : « Je suis dans une cruelle détresse, mais j’espère que Dieu me viendra en aide » ; et un autre : « Je suis endetté, mais j’ai des bras vigoureux, je vais travailler avec ardeur, et j’espère m’en sortir ». L’un de vous a un ami très malade, que l’on croit près de sa fin ; mais vous espérez que la fièvre s’arrêtera peut-être, qu’il se fera quelque heureuse révolution, et qu’il en réchappera. Mais en enfer il n’y a plus d’espérance ; on ne peut pas même espérer de mourir, car l’anéantissement même serait alors une douce espérance. Celui qui est en enfer est perdu ! — Perdu — perdu pour toujours ! Ces mots terribles : Pour toujours ! sont écrits sur chacune des chaînes qui le lient. Lorsqu’il lève ses regards en haut, il lit : Pour toujours ! Ses yeux se fatiguent de les lire partout, et son cœur se brise de désespoir à force de les entendre retentir de tous côtés. Oh ! Si je pouvais vous annoncer ce soir qu’un jour l’enfer lui-même sera brûlé et anéanti, et que ceux qui étaient perdus pourront encore être sauvés, quel jubilé pour les habitants de l’enfer à cette seule pensée ! Mais cela ne se peut pas. Ils seront jetés dans « les ténèbres du dehors » pour toujours !

       J’abrège, car qui pourrait supporter plus longtemps de parler ainsi à ses semblables ? Que font ceux qui sont perdus ? Ils pleurent et grincent les dents. Est-ce que vous grincez les dents en ce moment ? Non ; il faudrait pour cela que vous soyez en proie à une douleur ou à une agonie cruelle. Hé bien ! En enfer on grince constamment les dents. Et savez-vous pourquoi ? …  En voici un qui grince les dents contre son compagnon de misère, en hurlant : « C’est toi qui m’as conduit ici ! C’est toi qui m’as détourné de la voie ! C’est toi m’as fait boire une première fois ! » Mais son compagnon lui répond en grinçant les dents : « Tu me l’as bien rendu, car plus tard tu m’as fait devenir pire que je n’avais jamais été ! » — Voici un enfant qui lève ses regards sur sa mère, en disant : « Mère, c’est toi qui m’as élevé dans le vice ! » Et la mère répond à son enfant en grinçant les dents : « Que m’importe ton malheur ! Car tu m’as dépassée dans la carrière du crime et tu m’as entraînée à de plus grands péchés ! » — Des pères grincent les dents contre leurs enfants, et des enfants contre leurs pères. — Et, s’il en est qui doivent grincer les dents plus fort que d’autres, ce seront bien certainement les séducteurs à la vue de leurs victimes, lorsque celles-ci leur diront : « Que nous sommes heureux de vous voir en enfer avec nous ! Vous l’avez bien mérité, car c’est vous qui nous y avez précipités ! » — Y en a-t-il ici qui aient à se reprocher d’en avoir séduit d’autres ? … Oh ! Puisse la Souveraine Miséricorde vous faire grâce ! « Nous nous sommes égarés, dit David, comme des brebis perdues. » Mais, dans un troupeau, jamais une brebis ne s’égare seule. Un jour, une brebis sauta par-dessus le parapet d’un pont dans la rivière et toutes les autres la suivirent. De même, quand un homme s’égare, il en entraîne toujours d’autres à sa suite. Il en est parmi vous qui auront à rendre compte des péchés des autres aussi bien que des leurs. Oh ! Qu’ils seront affreux « les pleurs et les grincements de dents » qui résonneront dans l’abîme !

       Hâtons-nous de fermer ce livre de sombres présages ! Qui aurait le courage d’en dire davantage ? Ceci suffit pour vous avertir solennellement. Le jour baisse ; le soleil va se coucher. Ah ! Pour plusieurs d’entre vous aussi le jour est sur son déclin. Je vois ici des têtes qui ont commencé de blanchir. Mais ces cheveux blancs sont-ils pour vous une couronne de gloire ou un bonnet de folie ? Êtes-vous sur le seuil de l’éternelle félicité ou sur le bord de l’éternel gouffre ? … 

       Ô vieillards ! Permettez-moi de vous avertir ! La nuit s’avance pour vous. Faudra-t-il que votre tête blanchie par les ans s’approche en tremblant de la perdition et que par un pas de plus — pas décisif — vous tombiez en trébuchant dans l’abîme ? Permettez à un jeune enfant de se placer devant vous et de vous prier de prendre garde. Voici, la terre manque déjà sous le bâton qui vous sert d’appui. Ce soir donc, ô vieillard, avant que tu meures, réveille-toi ! Que tes soixante et dix ans de péché te glacent d’épouvante ; que toutes tes transgressions passées se dressent devant toi ! Que feras-tu pour rendre compte de soixante et dix années de péché ? Comment auras-tu le courage de les présenter à ton Dieu ? Que le Seigneur te fasse la grâce de te repentir aujourd’hui et de mettre ta confiance en Jésus-Christ !

       Et vous, hommes d’âge mûr, vous n’êtes pas en sûreté non plus. Pour vous aussi le jour baisse, car vous pourriez bien mourir ! Il n’y a que peu de temps, je fus appelé au point du jour pour visiter un mourant. Je m’habillai en toute hâte pour me rendre auprès de ce malheureux ; mais je n’arrivai pas à temps : il était mort …  Je ne trouvai qu’un cadavre. Tandis que je le considérais, « Ah ! » pensais-je, « cet homme ne s’attendait pas à mourir si tôt ! » Sa femme, ses enfants, ses parents étaient là ; ils ne s’attendaient pas non plus à le voir mourir si promptement, car c’était un homme robuste qui, peu de jours auparavant, était plein de vie et de santé. Nul d’entre vous n’a fait de bail avec la vie. Si vous en avez un, montrez-le ! Allez chez vous, cherchez bien dans vos armoires ; voyez s’il n’y serait point caché quelque part …  Vous ne l’avez pas ? Hé bien ! Donc, vous pouvez mourir demain, et dès lors permettez-moi de vous donner un solennel avertissement, au nom des miséricordes de Dieu ; permettez à un frère de vous parler avec toute l’affection dont il est capable, car je vous aime, vous le savez, et j’éprouve le besoin d’insister jusqu’à ce que cette vérité ait pénétré votre cœur. Oh ! Qu’il sera grand le bonheur de celui qui sera mis au nombre des rachetés de Jésus-Christ ! Dieu a déclaré que quiconque invoquerait son nom serait sauvé et qu’il ne mettrait dehors aucun de ceux qui iront à Lui au nom de son Fils.

       Un mot pour vous enfin, jeunes gens et jeunes filles. Vous pensez peut-être que la religion n’est pas faite pour vous …  « Laissez-nous être gais et contents, dites-vous, et ne nous empêchez pas de jouir de la vie. » — Pendant combien de temps, jeune homme ? — « Jusqu’à ce que j’aie vingt et un ans. » — Es-tu sûr de vivre jusque-là ? Prends garde à ceci : à supposer que tu vives, si tu n’as pas de goût pour les choses sérieuses aujourd’hui, tu n’en auras point alors. Abandonnés à eux-mêmes, les hommes ne deviennent jamais meilleurs. Ils sont comme un jardin : si vous le négligez, si vous y laissez croître les mauvaises herbes, vous ne vous attendez pas à le trouver amélioré au bout de six mois, mais, au contraire, à le trouver dans un état pire. Ah ! Les hommes parlent comme s’ils pouvaient se repentir quand ils veulent. Dieu seul peut produire en nous la repentance. Il en est qui vont jusqu’à dire : « Je me donnerai à Dieu tel jour ». Folie ! …  Vous feriez bien mieux de dire : « Je veux aller à Lui et implorer sa miséricorde aujourd’hui même, de crainte que la mort ne me surprenne avant que j’aie obtenu la repentance et trouvé Jésus-Christ mon Sauveur ! »

       Je conclus. Je vous ai parlé du ciel et de l’enfer : quel est maintenant le moyen d’échapper à l’enfer et de parvenir au ciel ? Rassurez-vous ; je ne veux pas recommencer aujourd’hui « ma vieille histoire », comme quelques-uns l’appellent. Je n’ai pas oublié qu’à la dernière fois que je vous la disais, un brave homme de la foule s’est écrié : « Allons, dis-nous donc quelque chose de nouveau ! » Mais, vraiment, ce n’est pas en prêchant dix fois par semaine que je puis dire souvent quelque chose de nouveau. Les meilleurs et les plus éloquents sont là. Je n’ai pas d’autre Évangile que le vieux Évangile de Jésus-Christ : « Celui qui croit et qui est baptisé sera sauvé ». Il n’est pas question des œuvres ; il ne dit pas : « Celui qui sera brave et honnête sera sauvé », mais simplement : « Celui qui croit et qui est baptisé ». Hé bien ! Qu’est-ce que croire ? C’est mettre votre confiance uniquement en Christ. Le pauvre apôtre Pierre, un jour, croyait, et Jésus lui dit : « Allons, Pierre, viens à moi en marchant sur les eaux ». Et Pierre vint en marchant sur les vagues de la mer. Mais il se mit à regarder les vagues, il eut peur et trembla ; aussitôt ses pieds s’enfoncèrent. Hé bien ! Pauvre pécheur, Christ te dit : « Marche sur tes péchés et viens à moi » ; et si tu obéis, il te donnera le pouvoir de venir à Lui. Si vous croyez en Christ, vous recevrez la force de marcher sur vos péchés, de les fouler aux pieds, de les vaincre et de les surmonter.

       Je me rappelle le moment où tous mes péchés se dressèrent devant moi. Je me crus alors le plus maudit de tous les pécheurs. Ce n’est pas que j’ai commis ouvertement de bien graves transgressions ; mais je me souvenais de tous les soins et de tous les précieux conseils qu’on avait prodigués à ma jeunesse, et mes péchés m’apparaissaient comme comparativement beaucoup plus graves que ceux des autres hommes. Je criais à Dieu pour obtenir mon pardon et je craignais qu’il ne veuille jamais agréer ma repentance. Je restai des mois entiers dans cette triste situation, demandant grâce ; mais Dieu ne m’entendait pas, et je ne savais pas ce que c’était que d’être sauvé. J’étais parfois si las de la vie que je désirais la mort ; mais je me souvenais bientôt qu’après cette vie quelque chose de pire m’attendait, et que je n’avais qu’à perdre en me précipitant entre les mains de Dieu sans y être préparé. D’autres fois, Dieu m’apparaissait comme le plus cruel des tyrans, parce qu’il n’exauçait pas mes prières ; plus tard, je reconnaissais que je méritais sa colère et me disais : « S’il t’envoie en enfer, Il sera juste ». Je me souviens du jour où, entrant dans un lieu de culte, je vis monter en chaire un homme de grande taille et fort maigre. Je ne l’ai pas revu depuis ce jour et ne le reverrai peut-être que là-haut. Il ouvrit la Bible et lut d’une voix grêle ces paroles : « Regardez à moi, vous, tous les bouts de la terre et soyez sauvés ; car je suis Dieu et il n’y en a point d’autre après moi ». Ah ! Pensai-je, je suis bien l’un de ces bouts de la terre. Puis le pasteur se tourna de mon côté et se mit à dire en me fixant comme s’il me connaissait : « Regardez ! Regardez ! Regardez ! » Moi, qui croyais qu’il y avait beaucoup à faire, je découvrais qu’il s’agissait seulement de regarder. Je m’étais imaginé que j’allais avoir à me faire une robe de mérites propres, et je m’apercevais que si je regardais, Christ me donnerait lui-même une robe toute faite. Être sauvé, ô pécheur ! C’est regarder. « Regardez à Lui, vous, tous les bouts de la terre et soyez sauvés ! » C’est là tout ce qu’eurent à faire les Hébreux lorsque Moïse éleva le serpent d’airain dans le désert. Il leur dit : « Regardez ! » et ils regardèrent. Les serpents brûlants avaient beau les enserrer déjà dans leurs replis tortueux et ils avaient beau être presque morts, au premier regard jeté sur le serpent d’airain les reptiles tombaient à terre et les mourants recouvraient la santé. Pécheur, regarde donc à Jésus ! Il n’y a que Lui qui puisse te secourir dans ton impuissance. Nous chantons souvent une hymne qui n’est pas exacte :


« Hasarde-toi, pécheur, à lui confier ton âme.
Ne la confie qu’à Lui seul. »



       Or, je pense qu’on ne risque absolument rien en se confiant en Christ. Celui qui se confie en Lui est à l’abri de tout danger. Je me souviens qu’on demandait à un chrétien qui était sur le point de mourir s’il confiait son âme au Sauveur. Il répondit : « Je lui en confierais un million, si je les avais ! » Je suis convaincu que tout chrétien qui se confie réellement en son Sauveur peut répondre : « Amen » à ces paroles. Confiez-vous donc en Lui, et vous ne serez point confus ; mon glorieux Maître ne vous mettra jamais dehors.

       J’ai fini. Il ne me reste plus qu’à vous remercier de votre bienveillance. Je n’ai jamais vu une si nombreuse assemblée aussi tranquille et aussi recueillie. Je crois en vérité que, malgré les choses dures que j’ai dû prononcer, vous savez discerner si l’on vous aime réellement et vous attacher à celui qui veut votre vrai bien. Je remercie chacun de vous individuellement et je vous demande surtout, si vous croyez que j’aie parlé selon le bon sens et selon la vérité, de réfléchir à ce que vous êtes ; et puisse l’Esprit Saint bénir vos réflexions ! Puisse-t-il vous révéler que vous êtes morts, que vous êtes perdus, que vous êtes condamnés, — vous faire sentir tout le malheur qu’il y aurait pour vous à tomber en enfer, et diriger vos regards vers le ciel ! Puisse-t-il vous dire ce que l’ange disait à Lot, en le prenant et le poussant hors de Sodome : « Fuis, hâte-toi, sauve ta vie ! Dirige-toi vers la montagne ; ne regarde pas en arrière et ne t’arrête pas dans la plaine. » Et puissions-nous tous nous rencontrer au ciel où nous attend une félicité éternelle !

       P. S. Ce sermon a été accompagné de beaucoup de prières de la part des fidèles. Le prédicateur ne s’attendait pas à le voir publié, mais, puisqu’il est imprimé, il ne demandera nullement aux lecteurs d’en excuser les nombreuses imperfections. Il leur demandera plutôt de prier, afin que, malgré ses défauts, ce discours puisse contribuer d’autant plus à la gloire de Dieu par la conversion de ceux qui le liront. « L’excellence de cette puissance est de Dieu et non de l’homme. »