163 - SOUVERAINETÉ ET SALUT ?
« Vous tous les bouts de la terre, regardez à moi, et soyez
sauvés ; car je suis le Dieu fort et il n’y en a point
d’autre » (#Esa 45:22).
Il y a six ans qu’en ce même jour
et presque à cette même heure, en proie à la plus grande amertume et
captif encore dans les liens de l’iniquité, je commençais déjà à
sentir, par l’effet de la grâce divine, toute la misère et toute
l’horreur de ma position, et à pousser des cris de détresse pour
maudire ce douloureux et intolérable esclavage. Cherchant du repos,
mais ne pouvant en trouver, j’entrai dans la maison de Dieu, et là je
m’assis sur un banc, n’osant pas même lever les yeux, de crainte d’être
aussitôt consumé par le juste et redoutable courroux du Tout-Puissant.
Le pasteur monta en chaire et lut cette parole : « Vous tous
les bouts de la terre, regardez à moi, et soyez sauvés ; car je
suis le Dieu fort et il n’y en a point d’autre ». Aussitôt je
levai les yeux ; la foi me fut donnée en ce moment même, et
aujourd’hui je crois pouvoir dire avec vérité :
« Par la foi j’ai vu depuis lors
Le fleuve de vie découlant de ses blessures ;
Depuis lors j’ai chanté l’amour de mon Rédempteur
Et veux le chanter jusqu’à mon dernier soupir. »
Jamais, non jamais, aussi
longtemps que j’aurai la faculté de me souvenir, ce jour ne s’effacera
de ma mémoire. Chaque fois que cette heure bénie se représente à ma
pensée, je ne puis m’empêcher de redire les paroles de ce texte qui m’a
fait connaître pour la première fois mon Seigneur. Quelle étrange
bonté ! Quelle grâce merveilleusement surprenante et
miséricordieuse que celle par laquelle Il a voulu que le même homme,
frappé à salut par ces paroles il y a si peu d’années, se trouve
aujourd’hui dans cette chaire et vous les annonce avec l’humble mais
ferme espérance que quelque pauvre pécheur recueillera dans son cœur la
glorieuse nouvelle du salut et échangera en ce même jour les ténèbres
de sa vie passée contre la lumière de la foi, le royaume de Satan
contre le royaume de Dieu !
S’il était au pouvoir de la pensée
humaine de concevoir un temps antérieur au temps lui-même, un temps où
Dieu existait seul, avant la naissance d’aucune créature, nous
posséderions alors la plus grandiose et la plus sublime conception de
la Divinité. Il a été en effet un temps où le soleil n’avait pas encore
commencé sa course et où ses rayons n’avaient point encore traversé les
espaces, ni réchauffé et réjoui la terre ; il a été un temps où
les astres ne scintillaient point dans le firmament et où l’océan
d’azur dans lequel ils flottent n’existait pas non plus. Il a été un
temps, dis-je, où tout ce que nous voyons de l’immense univers était
encore à naître et gisait à l’état de simple pensée dans les
mystérieuses et insondables profondeurs de la Pensée éternelle.
Néanmoins, Dieu existait déjà et Il était déjà le Dieu béni sur toutes
choses éternellement. Quoique les légions séraphiques n’aient pas
encore fait les cieux de leurs hymnes ; quoique les chérubins
n’aient pas encore déployé leurs brillantes ailes pour voler et
accomplir ses suprêmes volontés ; quoique ce Monarque éternel
n’ait point encore de cour, néanmoins Il était, déjà alors, assis sur
son trône — ce Dieu tout-puissant et éternellement digne de
toute adoration, — ce trois fois Saint, Roi des rois !
Enveloppé en silence dans sa gloire ineffable, au sein de l’immensité,
faisant des placides nuées sa tente, Il remplissait déjà l’infini de la
splendeur de sa face et de l’intarissable éclat de sa majesté divine.
Dieu a été, Dieu est ; Il est
Dieu d’éternité en éternité, et Il existait déjà avant l’origine des
mondes. S’il est venu enfin un moment où ce Dieu a condescendu à
appeler ses créatures à la vie, ne sentez-vous pas combien ces
créatures doivent être infiniment au-dessous de leur Auteur ? Si
vous êtes potier et si d’un morceau d’argile vous formez sur votre roue
un vase quelconque, ce vase pourra-t-il s’enorgueillir au point de
contester avec vous comme avec son égal ? À quelle distance
au-dessous de vous ne sera-t-il pas au contraire, puisque vous êtes en
quelque manière son créateur ! Et quand l’Éternel, le
Tout-Puissant a formé ses créatures, n’était-ce pas de leur part le
comble de l’impudence que de se comparer à Lui, même de loin ?
C’est là pourtant ce qu’a tenté de faire ce roi des traîtres, ce grand
chef des rebelles, Satan ! Il a essayé de poser son pied sacrilège
sur les marches du trône du Souverain, et aussitôt, précipité de ces
hauteurs trop sublimes pour lui, il s’est trouvé plongé dans les
enfers, sans pouvoir même, dans ces lugubres profondeurs, échapper à la
vengeance d’un Dieu justement courroucé. Il sait bien, lui, que
l’Éternel est Dieu et que Lui seul est Dieu !
Peu après la création de ce monde,
l’homme a voulu imiter Satan. La créature d’un jour, cet insecte de
l’univers, a voulu s’égaler au Seigneur ! Aussi, le but souverain
de Jéhovah a-t-il été, depuis lors, d’enseigner à l’homme que l’Éternel
seul est Dieu et qu’il n’y en a point d’autre. Depuis lors, en effet,
telle a été la grande leçon enseignée aux créatures terrestres par le
Créateur, et c’est pour cela qu’il n’a cessé de combler les vallées,
d’aplanir les coteaux, d’humilier toute pensée présomptueuse et de
confondre tout regard orgueilleux.
Notre devoir est donc de montrer
ici comment Dieu a enseigné aux hommes cette importante vérité, à
savoir : qu’« Il est le Dieu fort et qu’il n’y en a point
d’autre » ; et, en second lieu, la manière particulière par
laquelle Il l’enseigne en ce qui concerne le salut :
« Regardez à moi, vous tous les bouts de la terre, et soyez
sauvés, car je suis le Dieu fort et il n’y en a point d’autre ».
I.
Et d’abord, comment Dieu a-t-Il enseigné cette leçon aux hommes ?
En la leur enseignant, avant tout,
à l’égard des faux dieux et de leurs adorateurs. — L’homme,
en effet, dans sa dépravation et son péché, s’est fait des dieux de
bois et de pierre, puis s’est prosterné pour les adorer. Il a choisi le
tronc d’arbre et il l’a façonné à l’image de l’homme mortel, ou à celle
d’un poisson de la mer ou d’un reptile de la terre ; puis il a
courbé son front et prostitué son âme devant ce travail de ses propres
mains, lui donnant le titre de dieu, quoiqu’il n’eût ni des yeux pour
voir, ni des mains pour saisir, ni des oreilles pour entendre.
Considérez maintenant dans quel
mépris l’Éternel a enseveli toutes les divinités de l’ancien
paganisme ! Où sont-elles aujourd’hui ? Leurs noms même ne
sont-ils pas presque tous oubliés ? Où sont-elles ces idoles sans
nombre devant lesquelles s’inclinaient les innombrables multitudes qui
habitaient Ninive ? Allez le demander à la vermoulure et à la
pourriture qui les ont dévorées, ou bien allez les chercher sous ces
gigantesques amas de ruines où elles sont ensevelies, ou bien encore
venez en voir les restes mutilés dans nos musées, où on les livre aux
regards des curieux et des savants et où vous sourirez de pitié en
pensant que jadis des hommes ont pu adorer de si hideuses
figures. — Et les dieux de la Perse, où sont-ils ?
Voici : le feu de leurs autels est à jamais éteint et les
adorateurs du feu ont disparu de la face de la terre. — Et
les dieux de la Grèce, où sont-ils ? Où sont ces belles et
gracieuses divinités toutes pleines de la plus charmante poésie et qui
inspirèrent les plus célèbres épopées ? Où
sont-elles ? … Elles ont passé ! On n’en parle
plus que comme d’un souvenir des temps anciens. Jupiter ? Qui
songe aujourd’hui à se prosterner devant lui, ou qui songe à adorer
Saturne ? Ils ont fait leur temps et on les a
oubliés. — Et les dieux de l’antique Rome, où sont-ils ?
Le temple de Janus s’ouvre-t-il et se ferme-t-il encore ? Les
vestales entretiennent-elles pieusement quelque part leur feu
sacré ? Connaissez-vous quelqu’un qui veuille encore adorer ces
déesses ? Non ! Elles ont été culbutées du haut de leur
trône.
Savez-vous aussi ce que sont
devenus les dieux vénérés autrefois dans les îles de la mer du
Sud — véritables démons — devant lesquels de
misérables créatures humaines se prosternaient il n’y a pas
longtemps ? Ils sont presque entièrement
oubliés. — Demandez aux habitants de la Chine et de la
Polynésie de vous indiquer ce que sont devenus les dieux devant
lesquels ils s’inclinaient. Demandez !
Demandez ! … Et seuls les échos lointains
répondront : Demandez ! Demandez ! … Ils ont
été arrachés de leurs temples et mis en pièces. Le piédestal de leur
statue a été renversé ; leur chariot a été brisé ; leur
sceptre est tombé, de leur main, et leur gloire n’est plus. L’Éternel a
remporté la victoire sur les fausses divinités et a démontré à leurs
adorateurs que Lui seul est Dieu et qu’il n’y en a point d’autre.
Reste-t-il sur la terre des faux
dieux ou des idoles devant lesquelles les nations se prosternent de nos
jours ? … Attendez quelque temps, et vous les verrez
tomber à leur tour. La cruelle idole de Jaggernaut, dont le char écrase
encore les Indous qui se couchent sous ses roues, sera bientôt
l’objet de l’universel mépris. Bientôt les plus célèbres divinités de
l’Orient moderne, Budha, Brahma et Vischnou, tomberont à terre, seront
foulées aux pieds et traînées dans la fange des rues ; car
l’Éternel veut enseigner aux hommes cette solennelle vérité que Lui
seul est Dieu et qu’il n’y en a point d’autre.
Observez maintenant comment
l’Éternel a su enseigner cette même vérité aux nations. De puissants
empires se sont formés sur la terre et ont été comme les dieux de leur
époque. Leurs rois et leurs princes se sont arrogé des titres divins,
et les multitudes se sont prosternées devant eux. Mais demandez aux
empires s’il est d’autres dieux que l’Éternel. Il me semble entendre
ici les orgueilleuses paroles de Babylone : « Je suis
reine ; je ne suis pas veuve. Je n’aurai point de détresse. Je
suis dieu et il n’en est point d’autre que
moi. » — Allez, promenez-vous parmi les ruines de la
grande cité, et, au milieu de ses innombrables débris, vous verrez se
dresser l’esprit prophétique de l’Écriture Sainte — vieux
prophète aux cheveux blancs — répétant d’une voix solennelle
ces paroles : « L’Éternel seul est Dieu et il n’y en a point
d’autre ». — Allez auprès de Babylone, gravissez les
monticules de sable qui recouvrent ses cendres ; allez auprès de
Ninive, et du haut de ses monceaux de ruines vous entendrez la même
voix disant : « Il n’y a qu’un Dieu, et devant Lui les
empires se prosternent ; il n’y a qu’un seul Potentat suprême, et
devant Lui les rois et les princes de la terre, avec toutes leurs
dynasties et leurs trônes, s’inclinent et rentrent dans la poudre au
seul bruit de ses pas ». — Allez-vous asseoir dans les
temples de l’ancienne Grèce. Vous souvenez-vous des orgueilleuses
paroles qu’Alexandre prononçait autrefois ? Où est-il aujourd’hui
et où est son empire ? Asseyez-vous sur les arches rompues de
l’ancien pont de Carthage, ou bien promenez vos pas dans les théâtres
déserts de la vieille Rome, et la brise, en se jouant autour de ces
murailles désolées et couvertes de lierre, vous apportera le son de ces
paroles : « Je suis Dieu et il n’y en a point d’autre que
moi ». — Ô puissante cité ! Tu te disais
éternelle ; voici, je t’ai fait fondre comme on fond la
cire ; tu as passé comme la rosée au matin. Tu avais dit :
« Je suis assise sur sept collines et je vivrai à
jamais. » ; voici, je t’ai broyée et réduite en poussière, et
tu n’es plus que l’ombre de ce que tu étais. Au commencement, tu étais
bâtie en pierre ; plus tard tu t’étais rebâtie en marbre ;
voici, je t’ai réduite en poudre et t’ai humiliée jusqu’à terre.
Oh ! Avec quelle terrible éloquence l’Éternel a enseigné aux
monarchies et aux empires qui essayaient d’usurper sa puissance et sa
gloire que Lui seul est Dieu et qu’il n’y en a point d’autre !
Disons aussi comment Dieu a
enseigné cette leçon aux monarques. Plus leur fol orgueil était grand,
plus la leçon a été dure. Prenez, par exemple, Nebuchadnetzar. Le
voici, la tête ceinte de son diadème et recouvert de sa royale
pourpre ; il se promène au milieu des palais de Babylone et
s’écrie : « N’est-ce pas ici cette grande Babylone que j’ai
bâtie ? » Voyez maintenant, dans ces champs, cette bête qui
broute : c’est un homme que vous voyez là ! — Un
homme, dites-vous? … Mais ses cheveux sont devenus comme le
poil d’un ours et ses ongles sont semblables aux serres d’un
vautour ; il marche à quatre pattes et se repaît de l’herbe des
champs, comme un bœuf ! Les hommes en ont peur et le
pourchassent… — Hé bien ! Oui, c’est là ce monarque qui
disait : « N’est-ce pas ici cette grande Babylone que j’ai
bâtie ? » Mais bientôt il va être rendu à lui-même et il
rentrera dans son palais de Babylone, afin d’y louer, « d’y
exalter, d’y glorifier le Roi des cieux, qui peut abaisser ceux qui
marchent avec orgueil ».
Prenez un autre monarque, Hérode.
Il est assis dans toute sa gloire au milieu de son peuple, et il parle.
Entendez-vous le cri impie que mille voix répètent : « Voix
d’un dieu, et non d’un homme ! » Le monarque insensé ne donne
pas gloire à Dieu. Il affecte l’attitude d’un dieu ; on dirait
qu’il va ébranler les cieux et la terre, tant il croit déjà à sa
divinité ! Mais voici un ver qui pénètre dans son corps, puis un
autre, puis d’autres encore, et avant la fin du jour ces vers rongent
déjà le monarque tout vivant. — Pauvre roi ! Tu te
croyais un dieu, et les vers rongent tes chairs ! Tu te croyais
plus qu’un homme, et qu’es-tu maintenant ? Moins qu’un homme, un
cadavre vivant que les vers dévorent. Voilà comment Dieu humilie les
orgueilleux et comment Il abaisse les puissants !
Nous pourrions citer d’autres
exemples tirés de l’histoire moderne ; mais à elle seule la mort
d’un roi ne suffit-elle pas pour enseigner cette leçon à tout homme qui
veut la comprendre ? Chaque fois qu’un roi vient à mourir et qu’en
grande pompe on confie sa dépouille au silence du tombeau, ce spectacle
nous enseigne que l’Éternel seul est Dieu et qu’il n’y en a point
d’autre. Chaque fois que nous entendons parler de révolutions,
d’empires ébranlés ; chaque fois que nous voyons chanceler
d’anciennes dynasties, et que des rois déjà couverts de cheveux gris
sont chassés de leur trône, on semble voir l’Éternel posant son, pied
sur la terre et prononçant avec un geste menaçant ces paroles :
« Entendez-le, habitants de la terre ! Vous n’êtes que comme
des sauterelles, et c’est moi seul qui suis Dieu et il n’y en a point
d’autre. »
Enfin, cette solennelle leçon est
enseignée aussi et d’une façon éclatante aux sages de la terre, car si
la pompe, la grandeur et la puissance ont usurpé la place de Dieu, la
prétendue sagesse cherche aussi à la lui ravir. La sagesse humaine a
toujours été l’un des ennemis de Dieu les plus acharnés ; elle ne
veut pas le voir, « Se disant sages, ils sont devenus fous. »
Hé bien ! En lisant l’histoire, n’avez-vous pas été frappés de la
manière dont Dieu confond l’orgueil du savoir ? Dans les temps
antiques, il avait donné au monde des esprits d’une rare puissance, qui
ont enfanté des systèmes de philosophie qu’ils pensaient devoir durer
éternellement. Leurs élèves les croyaient infaillibles et ont transcrit
leurs précieuses paroles sur de forts parchemins, en ajoutant cette
prédiction : « Ce livre vivra perpétuellement ; d’âge en
âge les générations se le transmettront et le légueront au dernier des
hommes, comme le résumé de la véritable
sagesse ». — « Dans moins de cent ans, a répondu
l’Éternel, la folie de ton livre sera reconnue de tous. » Et voilà
pourquoi les mémorables et profondes paroles de Socrate et toute la
sagesse de Solon sont oubliées aujourd’hui. Si de tels hommes pouvaient
encore parler, un simple enfant de nos écoles rirait de voir qu’il en
sait plus qu’eux en fait de philosophie.
Mais, au lieu de comprendre le
sens de cette leçon, l’homme n’a pas plus tôt découvert le défaut d’un
système qu’il s’engoue pour un autre. Si Aristote ne suffit pas, il se
tourne vers Bacon, en se disant : « Je finirai enfin par tout
savoir ». Il se remet donc à l’œuvre et se berce de l’espoir que
cette philosophie nouvelle sera éternelle. Il commence à reconstruire
l’édifice de sa pensée avec entrain, convaincu que chacune de ces
vérités qu’il admire est une vérité immortelle. Mais, hélas, un nouveau
siècle arrive, et tout cet échafaudage se trouve être de paille, de
bois ou de chaume ; une autre secte philosophique paraît, qui
réfute la précédente. De nos jours encore, nous avons nos grands
penseurs, nos esprits forts, qui croient posséder la vérité
immuable ; mais dans quelque cinquante années d’ici, que
dis-je ! Avant même que mes cheveux se soient argentés par les
ans, le dernier champion de cette docte phalange aura disparu, et l’on
regardera même comme un insensé quiconque aura jamais trempé dans ses
doctrines. Les systèmes des incrédules se succèdent et s’en vont comme
les gouttelettes de rosée au lever du soleil, car l’Éternel a
dit : « Je suis Dieu et il n’y en a point d’autre ».
Cette Bible est une meule qui broie toutes les philosophies ; elle
est la catapulte qui démolit les plus magnifiques systèmes ; elle
est cette pierre avec laquelle une femme pourra toujours écraser
un Abimélec. Ô Église de Dieu, ne crains rien ! Tu feras des
choses merveilleuses, tu confondras la sagesse des sages et tu sauras
que l’Éternel seul est Dieu et qu’il n’y en a point d’autre.
Mais, vraiment, dira quelqu’un,
l’Église de Dieu n’a pas besoin qu’on lui enseigne cette grande
vérité ! — Oui, répondrons-nous, oui, elle en a besoin,
car les êtres que Dieu a rendus les objets particuliers de son amour
sont les plus enclins de tous à oublier ce principe fondamental de
toute vérité, à savoir : que l’Éternel est Dieu et qu’il n’en est
aucun autre. L’église de Canaan l’avait bien oublié, alors qu’elle se
livrait à l’adoration des faux dieux et s’attirait les plus rudes
châtiments. Les enfants d’Israël l’avaient bien oublié, alors que, pour
les en punir, Dieu les fit emmener captifs en Babylonie. Et, à l’instar
des Juifs de Canaan et des Juifs de Babylone, nous l’oublions aussi,
nous qui vivons en ces derniers temps. Nous aussi, nous perdons souvent
de vue que l’Éternel est Dieu et qu’il n’y en à point d’autre. Le
chrétien qui m’entend ne sait-il pas en ce moment de quoi je veux
parler ? Ne l’a-t-il jamais oublié lui-même ? À une certaine
époque de sa vie, il a été prospère ; un vent propice et caressant
a poussé sa nacelle vers l’objet de ses désirs, et il s’est dit en
lui-même : « Maintenant me voilà en paix ; je possède le
bonheur. Ce que je désirais depuis si longtemps, ce que je poursuivais
avec tant d’ardeur m’appartient enfin, et je puis dire à mon âme :
mon âme repose-toi, mange, bois et te réjouis ; je suis pleinement
satisfait de ce que j’ai obtenu ; faisons-en nos dieux et
adorons-les à notre aise. » Et n’avons-nous pas vu alors la main
du Tout-Puissant nous arracher la coupe, répandre toutes les douceurs
qu’elle contenait et nous la rendre ensuite pleine de fiel ? Ne
l’avons-nous pas entendu nous dire alors : « Bois,
bois ! Tu croyais trouver un dieu sur la terre : bois cette
coupe jusqu’à la lie et savoures-en toute l’amertume ! » Nous
l’avons vidée cette coupe, et nous l’avons trouvée bien amère ;
aussi nous sommes-nous écriés : « Assez, assez,
Seigneur ! Je comprends maintenant que tu es Dieu et qu’il n’y en
a point d’autre. »
Que de fois aussi nous avons fait
des projets pour l’avenir, sans demander la permission de Dieu. Nous
avons agi souvent comme les insensés dont parle saint Jacques, qui
disaient : « Nous ferons telle et telle chose demain ;
nous achèterons, nous vendrons et nous ferons bon profit », tandis
qu’ils ne savaient pas ce que le lendemain leur réservait ; car,
avant qu’il se soit seulement levé sur eux, ils étaient déjà incapables
d’acheter ou de vendre ; la mort les avait atteints, et quelques
pieds de terre avaient suffi pour cacher leur dépouille. Tous les
jours, par la maladie, par l’affliction, par la tristesse, par les
chutes, par les temps de sécheresse spirituelle, par la disparition des
joies de sa communion, Dieu nous enseigne qu’il est Dieu et qu’il n’y
en a point d’autre. Et n’oublions pas qu’il est tel serviteur de Dieu,
appelé à opérer de grandes choses, qui n’en doit apprendre que d’autant
plus durement cette précieuse vérité. Qu’un homme soit appelé, par
exemple, à prêcher l’Évangile, qu’il le prêche avec succès, que Dieu le
seconde ; que des milliers viennent s’assembler autour de lui et
se suspendre à ses lèvres. Aussi certainement que cet homme est homme,
il aura la tentation de s’élever outre mesure, de compter trop sur
lui-même et d’autant moins sur Dieu. Que ceux qui en ont fait
l’expérience disent si cela est vrai, oui ou non. Ils sont obligés de
me répondre : « C’est vrai ! Ce n’est que trop
vrai ! »
Si Dieu nous confie une mission
particulière, nous ne manquons jamais de détourner à notre profit une
partie de cet honneur et de cette gloire. Aussi, n’avez-vous pas
observé en lisant la vie des chrétiens éminents de quelle manière Dieu
leur enseigne qu’il est seul Dieu et qu’il n’y en a point
d’autre ? Le bienheureux Paul de Tarse, qui avait reçu tant de
révélations d’En Haut, aurait pu se croire presque une divinité et
s’enfler outre mesure, si Dieu, comme il le dit lui-même, ne lui avait
mis une écharde dans la chair. Cette écharde était là pour lui rappeler
qu’il n’était pas un Dieu, car un dieu ne saurait avoir d’écharde en sa
chair. Dans certains cas, le Seigneur enseigne cette vérité à ses
ministres en leur refusant son secours dans des circonstances
particulières. Nous montons en chaire en nous disant :
« Oh ! Que je voudrais avoir aujourd’hui une bonne
journée ». Nous commençons notre œuvre ; nous avons prié
auparavant avec tout autant d’instance et de persévérance qu’en
d’autres temps ; malgré cela, nous voilà tout aussi misérables
qu’un cheval aveugle qui fait tourner la meule d’un moulin et
semblables à Samson devant Delilah. À notre grande surprise, nous ne
réussissons qu’à nous battre les flancs, frappant, mais à l’aventure,
et ne remportant point la victoire. Ces humiliantes expériences nous
démontrent que l’Éternel seul est Dieu et qu’il n’y en a point d’autre.
Dans d’autres cas, le Seigneur
enseigne cette vérité à ses ministres en leur laissant voir la
corruption naturelle de leur nature. Dans de semblables moments, le
ministre de Dieu parvient à avoir une révélation si claire et si
humiliante du vrai fond de son cœur, qu’il se sent entièrement indigne
de gravir les degrés de sa chaire pour prêcher aux autres, et qu’il
aimerait bien mieux s’asseoir sur un banc pour écouter et se frapper la
poitrine. Quoique les précieuses promesses de notre Dieu fassent
toujours palpiter notre cœur de joie, il nous est cependant arrivé plus
d’une fois de chanceler sur les degrés de notre chaire, à la pensée que
le plus grand des pécheurs ne devrait pas prendre la parole pour
exhorter ses frères. Ah ! bien-aimés, je ne pense pas que le
prédicateur qui n’est pas descendu ainsi dans les plus sombres
profondeurs de son cœur et qui ne s’est jamais écrié :
« C’est par grâce que la tâche d’annoncer aux âmes les insondables
richesses de Christ m’a été confiée, à moi qui suis le moindre des
saints ! » — je ne crois pas, dis-je, que ce
prédicateur produise jamais d’heureux résultats, quelle que puisse être
d’ailleurs son éloquence.
Au reste, Dieu se sert encore à
l’égard de ses ministres d’un autre moyen non moins efficace. S’il ne
les travaille pas directement par son Esprit, Il leur suscite une nuée
d’ennemis, afin de montrer qu’il est seul Dieu et qu’il n’y en a point
d’autre. Ceci me rappelle une belle hymne du célèbre Whitefield, qui
montre à quel point il mettait toute sa confiance en Dieu seul. On peut
bien dire que Dieu était en lui ! Et, en vérité, quel homme
pourrait se résigner à devenir le point de mire des calomnies de la
foule, à travailler péniblement chaque jour sans jamais voir de fruits
de son labeur, à se présenter chaque dimanche en chaire pour annoncer
l’Évangile, et à être sans cesse l’objet de la médisance et de la
malignité des autres hommes, si la grâce de Dieu ne le soutenait ?
Quant à moi, je puis bien dire que, n’était l’amour de Christ qui me
presse, cette heure serait la dernière de mon ministère, tant est
grande la charge que je porte ! Mais une impitoyable nécessité
nous pousse ; que dis-je ! Malheur à nous si nous ne prêchons
l’Évangile ! Or, les contradictions par lesquelles le Seigneur
laisse passer parfois ses serviteurs leur apprennent à voir d’une
manière évidente que l’Éternel seul est Dieu et qu’il n’en est aucun
autre. Si tous applaudissaient, si tous étaient heureux de nous
entendre, nous nous croirions bientôt des dieux, tandis que lorsqu’on
nous siffle et nous hue nous tournons les yeux vers le Seigneur et nous
nous écrions :
« Si l’on me couvre de honte,
Si l’on m’accable de reproches
À cause de ton Saint Nom,
Je bénirai mon opprobre,
Pourvu que tu te souviennes de moi. »
II.
Ceci nous amène à la seconde partie de notre discours. Le salut est la
plus grande de toutes les œuvres de Dieu ; aussi est-ce là surtout
qu’il nous enseigne cette vérité si importante que l’Éternel seul est
Dieu et qu’il n’y en a point d’autre. Notre texte nous dit de quelle
manière Il nous l’enseigne ; il est dit : « REGARDEZ A
MOI, vous tous les bouts de la terre, et soyez sauvés ». Dieu nous
montre ici qu’il est Dieu et qu’il n’y en a point d’autre, de trois
manières :
1. par la personne sur laquelle Il dirige nos regards : « REGARDEZ A MOI » ;
2. par le moyen qu’il nous indique pour trouver grâce : « REGARDEZ » — le simple regard !
3. par les personnes qu’il invite à regarder à Lui : « VOUS TOUS LES BOUTS DE LA TERRE ».
1. En premier lieu, vers qui devons-nous regarder pour obtenir le salut ?
Combien la réponse à cette
question est humiliante pour l’orgueil humain : « Regardez à
moi, vous tous les bouts de la terre, et soyez sauvés ! » Il
n’est pas dit : regardez aux ministres de la religion, et soyez
sauvés ; car alors il y aurait d’autres dieux que l’Éternel, et
après ceux-là il y en aurait d’autres encore. Il n’est pas dit :
regarde à toi-même ; car alors la gloire du salut serait à
partager entre Dieu et ses créatures. Mais il est dit :
« Regardez à moi ».
Ne vous arrive-t-il pas souvent de
regarder à vous-même, vous qui venez à
Christ ? — « Ah, dites-vous, je ne me repens pas
assez ! » Voilà, vous regardez à
vous-même. — « Ah, dites-vous encore, je n’ai pas assez
de foi ! » — Voilà, vous regardez à
vous-même. — « Ah, dites-vous aussi, je suis trop
indigne ! » — Tout cela s’appelle regarder à
soi-même. — « Je ne sais, dit un autre, découvrir en moi
aucune justice ! » — Que vous ne trouviez aucune
justice en vous, c’est très naturel ; mais ce qui est mal, c’est
que vous vous obstiniez à l’y chercher. « Regardez à moi »,
dit l’Éternel. Dieu veut que vous détourniez vos yeux de vous-même et
que vous les fixiez sur Lui. Or, ce qu’il y a de plus difficile au
monde, c’est d’amener un pécheur à détourner ses yeux de lui-même.
Aussi longtemps qu’il vivra, il éprouvera toujours une singulière
inclination à tourner ses regards en dedans pour se considérer
lui-même, tandis que le Seigneur lui dit : Regarde à moi !
J’entends une voix qui s’échappe du jardin de Gethsémané, où la sueur
sanglante de Jésus distille le pardon ; — j’entends
une voix qui descend de la croix du Calvaire, où les mains de Jésus,
cruellement meurtries, laissent échapper la miséricorde, et cette voix
nous crie : « Regardez à moi, vous tous les bouts de la
terre, et soyez sauvés ! » Du haut de la colline de funèbre
mémoire, où retentirent jadis ces paroles : « Tout est
accompli ! », les échos m’apportent encore le son lointain de
ces autres paroles : « Regardez et soyez sauvés ! »
Mais des profondeurs de notre âme s’élève une autre voix, voix perverse
et menteuse, qui répond : « Non, non ! Regarde plutôt à
toi-même ! » — Oui ! Mon cher auditeur,
oui ! Regardez à vous-même, et vous serez …
damné ! Regardez à vous-même, et telle sera très certainement
votre fin dernière ! … Ah ! Aussi longtemps que
vous regarderez à vous-même, je désespérerai de votre salut. Ce qui
peut vous sauver, ce n’est certes pas la contemplation de ce que vous
êtes, mais bien, mais uniquement la contemplation de ce que Dieu est et
de ce qu’est le Sauveur. Et pour cela, il faut que vous cessiez de vous
contempler vous-même et que vous contempliez le Seigneur.
Dans quelle profonde erreur se
trouvent la plupart des hommes à l’égard de l’Évangile ! Ils
croient que la justice est ce qui nous rend aptes à venir à Christ,
tandis que c’est précisément ce qui nous en éloigne. La seule
qualification pour venir à Jésus, c’est le péché. Un vieil auteur
disait : « La justice m’empêche d’aller au Sauveur, et
cependant ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin de
médecin, mais les malades. Lorsque je sens mon péché, c’est alors que
je viens à Lui, et, une fois à ses pieds, plus je me sens pécheur, plus
j’ai de raisons de compter sur sa miséricorde. » -Écoutez ce que
disait David (et cette parole est bien digne de remarque !) :
« Aie pitié de moi, car mon iniquité est grande ! »
Mais, ô roi prophète ! Pourquoi ne disais-tu au contraire :
« Car mon iniquité est petite ? » Ah ! C’est parce
que David savait que plus ses péchés étaient considérables, plus il
avait de raisons de demander son pardon. — Plus un homme se
sent vil et condamné, plus je m’empresse de le pousser vers Christ.
Comme ses ministres, ce que nous recherchons avant tout, c’est le
sentiment du péché. C’est à des pécheurs que nous prêchons, et si nous
rencontrons un homme qui se donne à lui-même le titre de pécheur,
aussitôt nous lui répondons : regarde à Jésus et sois sauvé !
Le Seigneur ne te demande absolument qu’un regard, et ce regard, Il te
le donnera Lui-même. Si tu regardes à toi-même, tu es perdu pour
l’éternité ; car dans ce cas, ô homme, tu es un mécréant et un
misérable, rempli de souillures et recouvert d’hypocrisie et d’orgueil.
La hideuse corruption de ton cœur se répand autour de toi comme une
odeur nauséabonde qui corrompt ce qui t’entoure. Or çà, viens ici,
malheureux ! Le vois-tu Celui qui pend à cette croix
ignominieuse ? Vois-tu sa tête se penchant lentement sur sa
poitrine ? Vois-tu ce visage agonisant et tout empreint de
douceur ? Et cette couronne d’épines, la vois-tu sur son front
auguste, tout sillonné de sang ? Et ses mains percées, et ses
pieds presque rompus en deux par les clous et par tout le poids de son
corps, les vois-tu ? Les vois-tu ? … Ô
pécheur ! Entends-tu ce cri d’une voix déchirante de
douleur : Eli, Eli, lamma sabachtani ! Et cette autre
parole : « Tout est accompli ! » est-elle descendue
jusque dans ton cœur ? Voici maintenant les ombres glacées de la
mort qui couvrent son divin visage ; voici sa tête innocente qui
se penche sur son sein pour la dernière fois. Un homme sans entrailles,
un infâme, vient de le percer au côté d’un coup de lance …
Maintenant, on le descend de la croix … Ah ! Viens ici,
malheureux ! C’est pour toi que ces mains oui été clouées au
bois ; c’est pour toi que ces caillots de sang ont découlé de ces
pieds ; ce côté qu’un fer de lance a entr’ouvert a été entr’ouvert
pour toi. Et si tu veux savoir maintenant comment tu peux obtenir
grâce, le voilà : « Regarde ! Regarde à
MOI ! » Ne regarde plus à Moïse, ne regarde plus vers le
Sinaï ; mais viens et regarde vers le Calvaire, regarde à la
victime du Calvaire, regarde dans le sépulcre neuf de Joseph
d’Arimathée. Puis enfin, lève les yeux là-haut, dans le ciel, et
regarde cet Homme assis à la droite du trône, à côté du Père et
couronné de lumière et d’immortalité. « Regarde à moi, ô
pécheur ! » te dit-il en ce moment ; « regarde à
moi, et sois sauvé !… »
Voilà la manière dont l’Éternel
nous enseigne que Lui seul est Dieu et qu’il n’y en a point d’autre. Il
nous l’enseigne en ceci qu’il nous invite à regarder à Lui seul et à
détourner nos regards de nous-mêmes.
2. Mais la seconde pensée que nous avons à considérer, c’est le moyen
qu’il nous indique pour trouver grâce ; savoir : Regardez à
moi, et soyez sauvés.
Vous avez dû remarquer plus d’une
fois que les hommes sont avides d’une religion difficile, d’un culte
compliqué ; plus ils éprouvent de difficultés à comprendre, plus
ils ont confiance dans l’efficace. Notre culte leur parait beaucoup
trop simple. Ils aiment à voir un homme tantôt dans certain costume,
tantôt dans un autre ; il leur faut un autel et bien d’autres
détails mystérieux. Ils aiment à considérer le ministre de Dieu comme
un être supérieur et, en somme, plus il y a de complications et de
difficultés à tout comprendre, plus ils en sont réjouis. Voilà le
monde ! Mais avez-vous remarqué combien est grande et vraiment
glorieuse la simplicité de la Bible ? Ce divin livre répudie
toutes ces folies et se contente de nous parler des choses les plus
simples dans le langage le plus simple :
« Regardez ! » Il n’est pas un seul homme inconverti qui
entende avec plaisir ces paroles : « Regardez à Christ, et
soyez sauvés ! » Au contraire, ils viennent tous à Christ
comme Naaman le Syrien venait auprès d’Élisée ; et quand on leur
dit : « Va et te lave dans le Jourdain », ils
répondent : « Je croyais en vérité qu’il viendrait et qu’il
placerait sa main sur la plaie, et qu’il invoquerait le nom de son
Dieu. Mais me dire d’aller me laver dans le Jourdain ? Quelle
parole ridicule ! Tout le monde aurait pu m’en dire autant. »
Si le prophète lui avait ordonné d’accomplir quelque chose de très
difficile, il l’aurait fait certainement ; et si je vous disais à
mon tour que quiconque marchera cent lieues nu-pieds, ou fera telle
autre chose impossible, sera sauvé, vous vous mettriez peut-être en
chemin dès demain, à la pointe du jour ! … Quand il me
faudrait sept années pour vous exposer le plan du salut, vous seriez
tous impatients, j’en suis sûr, de voir commencer cette exposition.
S’il n’y avait sur la terre qu’un seul docteur capable de montrer le
chemin du salut, oh ! Comme on courrait après lui de toutes
parts ! Et quand même il le ferait en vieux langage, avec par ci
par là quelques phrases latines ou quelques mots grecs, ce n’en serait
que meilleur.
Mais nous n’avons à vous annoncer
qu’un Évangile très simple, et toute notre prédication se résume en un
seul mot : Regardez ! — « Quoi ? »
vous écriez-vous, « n’est-ce que cela ? Ah ! Ça n’en
vaut pas la peine ! Et comment serait-il possible que Dieu vous
ait chargé de nous annoncer une chose aussi
simple ? » — Afin de confondre votre orgueil et de
vous enseigner que Lui seul est Dieu et qu’il n’y en a point
d’autre. — Ô chers auditeurs ! Admirez plutôt combien
est simple le moyen que le Seigneur emploie pour sauver : c’est le
regard ! Toujours le regard ! Rien que le regard !
« Regardez à moi, vous tous les bouts de la terre, et soyez
sauvés. » Tel théologien aura besoin d’un mois entier pour
expliquer clairement le plan du salut, mais le Saint-Esprit n’a besoin
pour le faire que d’un seul mot ; et non seulement ce moyen est
simple, mais calculez aussi combien il est prompt ! Il faut du
temps pour mouvoir sa main, tandis qu’on peut regarder instantanément.
Aussi, bien souvent, le pécheur croit-il instantanément, et au moment
même où il se confie en son Dieu Sauveur pour le pardon de ses péchés,
il reçoit son salut, un salut plein et entier, par le sang de
Jésus-Christ. Tel qui était entré ce matin en ce lieu non justifié peut
s’en retourner justifié plutôt que les autres. Tel qui, il y a un
instant, était encore un grand pécheur, peut en ce moment avoir déjà
reçu sa grâce. Il ne faut qu’un clin d’œil, un regard :
« Regardez ! » Moyen admirable ! Moyen universel
aussi ! Car, que je sois près ou que je sois loin, je puis
toujours « regarder ». Il n’est pas même exigé que celui qui
regarde voie ; pourvu qu’il regarde, c’est tout ce qu’on lui
demande. Quand nous regardons un objet dans l’obscurité, nous ne le
voyons pas ; mais si nous « regardons » nous obéissons
au commandement. Si donc un pécheur regarde à Jésus, même dans les
ténèbres, Jésus le sauvera, attendu que dans les ténèbres Il est le
même que dans la lumière, et que, soit vu, soit caché au regard, Il est
fidèle à sa promesse. Regardez seulement ! « Ah ! »
dira quelqu’un, « j’ai cherché à voir Jésus cette année, mais je
ne l’ai pas encore vu. » — Il ne vous est pas demandé de
le voir, mais simplement de regarder à Lui ; et ceux qui l’ont
regardé, est-il écrit, en ont été illuminés. Ne vous inquiétez donc pas
des obstacles qui sont encore entre Lui et vous et qui vous le
cachent ; regardez seulement de son côté, dans la direction de sa
croix ; c’est tout ce qu’il faut. Il ne s’agit pas tant de le
voir, comme de le désirer, de le chercher, d’avoir faim et soif de Lui,
de se confier en Lui, s’abandonner à Lui. Regardez donc, regardez
seulement, et soyez sauvés ! Ah ! Lorsque dans le désert les
malheureux qui avaient été mordus par les serpents tournaient leurs
pupilles agonisantes et déjà éteintes vers le serpent d’airain, sans
pouvoir le distinguer, ils n’en étaient pas moins rendus à la vie. Ce
qui sauve donc le pécheur, ce n’est pas la vue, mais le regard.
Quelle humiliante manière de se
sauver ! Je le répète. — Voici un homme qui se lève et
qui dit : « Bien ! S’il fallait donner 25 000
francs pour mon salut, je les aurais donnés sans
regret. » — Mais votre or et votre argent sont pourris,
ils ne sont bons à rien ! — « Vous voulez donc que
je sois sauvé de la même manière que ma
servante ? » — Précisément ! Car il n’y a pas
d’autre moyen de vous sauver. — Voilà qui sert à convaincre
l’homme que l’Éternel seul est Dieu et qu’il n’y en a point d’autre.
L’homme qui se pique de science
s’écrie à son tour : « S’il m’avait fallu résoudre quelque
problème inextricable ou découvrir quelque mystère étrange, je l’aurais
fait. Ne pouvez-vous me donner un Évangile plein de mystères ?
N’auriez-vous pas à me proposer une religion
obscure ? » — Non ; je n’ai à vous dire que ce
mot : « Regardez ! » — « Eh
quoi ! Voudriez-vous donc me faire entendre que je doive être
sauvé à la manière de ce pauvre écolier déguenillé qui connaît à peine
ses lettres ? » — Précisément ! À moins que
vous ne préfériez être perdu pour l’éternité …
Un autre me dit : « J’ai
mené une vie honnête et exempte de tout reproche ; toujours fidèle
à toutes les lois de mon pays, j’ai scrupuleusement rempli tous mes
devoirs, et s’il me reste encore quelque chose à faire, je suis prêt.
S’il faut jeûner, me priver de certaine nourriture, je m’en priverai,
si cela peut me sauver. » — Eh ! Non, Monsieur,
cela ne peut point vous sauver ; vos bonnes œuvres ne sont bonnes
à rien du tout. — « Eh quoi ! Entendriez-vous donc
que je sois sauvé de la même manière que cette femme de mauvaise vie,
ou que cet ivrogne éhonté ? » — Précisément !
Attendu qu’il n’y a qu’une seule manière d’être sauvé. Dieu a inclus
tous les hommes dans l’incrédulité, afin de pouvoir faire miséricorde à
tous. Il a prononcé la condamnation sur tous, afin que sa libre grâce
puisse descendre sur quiconque croit. « Regardez !
Regardez ! Regardez ! » Telle est l’unique méthode, tel
est l’unique moyen de salut : « Regardez à moi, vous tous les
bouts de la terre, et soyez sauvés ! »
III.
Voyez enfin comment Dieu a humilié l’orgueil de l’homme et s’est exalté
Lui-même par les personnes qu’il appelle à regarder :
« Regardez à moi, vous tous les bouts de la terre, et soyez
sauvés ! » Quand le Juif entendait sortir ces paroles de la
bouche d’Ésaïe, il s’écriait : « Tu aurais dû dire, ô
prophète : regarde à moi, Jérusalem, et sois sauvée ! De
cette façon, la parole aurait été bien dite. Mais est-ce que jamais ces
chiens de gentils pourraient regarder, eux aussi, et être
sauvés ? » — « Oui, dit l’Éternel, et je veux
vous montrer, ô enfants d’Israël, que quoique je vous aie accordé
beaucoup de privilèges, j’en exalterai d’autres encore plus que vous,
et que je suis maître de donner mes biens à qui je veux. » Et qui
sont ces bouts de la terre ? Il y a encore, à notre époque, des
nations païennes qu’on qualifie de primitives selon les normes de notre
civilisation ; mais si je pouvais traverser les mers, et
m’enfoncer dans les déserts, si je pouvais atteindre l’habitant
de Bushmah dans sa hutte, ou le cannibale dans sa retraite écartée, je
dirais à ces hommes : « Regardez à Jésus, vous tous les bouts
de la terre, et soyez sauvés ! » Il est quelques-uns de ces
« bouts de la terre » auxquels l’Évangile est prêché aussi
bien qu’aux Grecs, ce peuple si policé, aux Romains, ce peuple si
raffiné, ou aux Bretons, ce peuple si instruit. Mais il me semble que
ces mots désignent les peuples qui se sont éloignés le plus de
Jésus-Christ ; et je dis à l’ivrogne : c’est de toi qu’il
s’agit. Tu as chancelé et tu t’es traîné à terre jusqu’à atteindre aux
derniers bouts de la terre ; tu as subi jusqu’aux crise
d’épilepsie. Tu ne peux pas descendre plus bas, tu es bien à peu près
le dernier des hommes. Crois-tu qu’il y en ait un seul qui te surpasse
en dégradation ? Hé bien ! Pour humilier notre orgueil, Dieu
te dit, à toi, oui, à toi-même : « Regarde à moi, et sois
sauvé ! »
Voici une misérable femme qui
s’est vautrée dans toutes les souillures et les infamies de la
chair ; non seulement elle a consommé plus de mille fois sa ruine,
mais elle est tombée tellement au-dessous de toute dégradation connue,
que Satan lui-même semble l’avoir jetée au rebut ; mais Dieu lui
dit : « Regarde à moi, et sois
sauvée ! » — Eh quoi ! Il me semble entendre
une voix qui s’élève du milieu de vous, me disant :
« Ah ! Je n’ai pas été du nombre de ces créatures dont vous
parlez, mais j’ai été pire encore, car je suis entré souvent dans la
maison de Dieu, mais pour y repousser tous les appels, pour expulser de
ma pensée tout souvenir de Jésus, en sorte qu’il ne peut plus désormais
avoir aucune pitié pour moi ! » — Tu es, toi aussi,
l’un de ces bouts de la terre, et autant il s’en présentera à moi avec
de semblables sentiments, autant j’en convierai au salut.
« Mais, reprend un autre, mon
cas est tout spécial ; si je n’éprouvais pas les sentiments que
j’éprouve, encore passe ! Mais je suis une exception, un être à
part. » — Tant mieux ! Dieu aussi se forme un
peuple à part, et vous pouvez en faire partie.
« Mais, objecte un troisième,
il n’y a pas sur la terre deux hommes tels que moi ! Vous n’en
trouveriez pas un second qui ait reçu tous les appels qui m’ont été
adressés, et je les ai tous rejetés pour me vautrer dans le
péché ; bien plus ! J’ai commis des crimes que jamais je
n’oserai articuler. » — Encore un des bouts de la
terre ! Aussi ne puis-je que répéter les paroles de mon
Maître : « Regardez à moi, et soyez sauvé, car je suis Dieu
et il n’y en a point d’autre. » — « Mais le péché
de mon cœur m’empêche de regarder ! » — Et moi je
te dis qu’à l’instant où tu regarderas, ton péché aura
disparu. — « Mais je n’ose ; il va me condamner,
j’ai peur de regarder ! » — Combien plus terrible
sera ta condamnation si tu ne regardes pas ! Crains, oui ;
mais regarde ! Que ta crainte ne retienne pas tes
yeux. — « Mais il me
rejettera ! » — Essaie
toujours. — « Mais je ne puis le
voir. » — Je t’ai dit qu’il ne s’agit que de
regarder ! — « Mais mes yeux sont tellement
attachés à la terre, tellement charnels, tellement
souillés !... » — Ah ! Pauvre pécheur !
C’est Lui-même qui donne le pouvoir de regarder et de vivre. Il
dit : « Regardez à moi, vous tous les bouts de la terre, et
soyez sauvés ! » Recevez favorablement cette exhortation,
vous qui connaissez déjà le Seigneur, et vous aussi qui n’avez regardé
à Lui qu’aujourd’hui pour la première fois. Dans toutes tes
tribulations, souviens-toi, ô chrétien, de regarder à Dieu, et tu seras
délivré. Dans tes plus cruelles angoisses, ô âme pécheresse, qui
succombes sous le poids de la condamnation ; souviens-toi de
regarder à Jésus, et tu trouveras le pardon de tes iniquités.
En haut les regards ! En haut
les cœurs ! Souvenez-vous que par ce regard vous saisissez une
chaîne d’or dont l’autre extrémité est fixée dans le paradis de Dieu.
Regardez à Christ et ne craignez rien. Celui qui marche les regards
attachés sur Lui ne saurait jamais broncher. Celui qui regardait les
étoiles tomba dans le précipice, selon que le dit la fable ; mais
celui qui regarde au Seigneur sera préservé de toute chute. En haut
donc les regards et les cœurs ! « Regardez à Lui et soyez
sauvés ! » N’oubliez jamais que l’Éternel seul est Dieu et
qu’il n’y en a point d’autre.
Et toi, pauvre pécheur timide, qui
trembles, que dis-tu de tout ceci ? Veux-tu commencer dès
aujourd’hui à. regarder à Jésus ? Tu sens en ce moment combien tu
es pécheur devant sa face ; tu sens à quel point tu es souillé, et
cependant, avant même de quitter ton banc, tu peux être justifié au
même titre que les apôtres eux-mêmes ! Tu peux t’en retourner en
ce moment dans ta maison et remettre le pied sur le seuil de ta porte,
les épaules soulagées de l’écrasant fardeau sous lequel tu
succombes ! Tu peux t’en aller tout joyeux, en chantant dans ton
cœur : « Je suis pardonné, oui, pardonné ! Je suis un
miracle de la grâce ! C’est aujourd’hui le jour de ma naissance
spirituelle. » Oh ! Puisse ce jour être en vérité celui de
beaucoup de naissances semblables, et que je puisse me présenter devant
Dieu à mon tour, en m’écriant plein d’exaltation : « Me
voici, Seigneur, avec les enfants que tu m’as donnés ! »
Écoute cette parole de David, ô
pécheur convaincu de péché, de justice et de jugement : « Cet
affligé a crié à l’Éternel, et Il l’a délivré de toutes ses
détresses ! Ah ! Venez et goûtez combien l’Éternel est
bon ! » Aujourd’hui même, croyez en Lui ; aujourd’hui
même, remettez-vous en sa miséricorde pour le salut de votre âme
coupable ; aujourd’hui même, que votre âme noircie par tant de
souillures se lave et se purifie dans le sang de l’Agneau !
Présentez-vous devant sa majesté dépouillé de tout vêtement et de toute
ombre de justice. Venez prendre place, vous qui avez faim et soif de
Dieu, au merveilleux festin de tous ses biens les plus précieux.
Regardez, regardez à Lui, vous dis-je ; regardez en ce moment
même ! N’est-ce pas ? Cela vous paraît bien simple ; et
cependant c’est à quoi l’homme a le plus de peine à consentir. L’homme
refuse obstinément de regarder, jusqu’au moment où la Grâce
toute-puissante vient l’y incliner de sa main douce et irrésistible.
Contrains-les donc par ton amour, ô mon Dieu, et grave dans tous nos
cœurs cette parole : « Regardez à moi, vous tous les bouts de
la terre, et soyez sauvés ! » Amen.