162 - QU’AI-JE FAIT ?
« Qu’ai-je fait ? »
(Jérémie 8:6).
Il n’est pas d’image qui nous
représente Dieu d’une manière plus saisissante et qui nous fasse mieux
comprendre sa miséricorde, que ces figures de langage qui nous le
montrent se penchant vers nous du haut de son trône, et descendant
jusqu’à nous pour répondre aux cris de détresse de l’humanité
souffrante et pour contempler ses douleurs. — Comment ne pas
ressentir de l’amour pour ce Dieu qui, alors que Sodome et Gomorrhe
souillaient la terre de leur iniquité, ne voulut pourtant pas détruire
ces cités coupables, quoi qu’il ait connu toute l’étendue de leurs
crimes, avant de les avoir visitées et d’avoir séjourné quelque temps
dans leurs murs ! Nous ne saurions, il me semble, nous empêcher,
dans un sentiment de profonde gratitude, d’ouvrir et de répandre nos
cœurs devant ce Dieu qui, du sein de sa gloire, incline son oreille sur
les créatures les plus abjectes et les plus méprisées, pour faire
naître en elles ce bon désir qu’il se propose d’exaucer. Comment ne pas
l’aimer quand nous apprenons que son attention est fixée sur tout ce
qui nous concerne, qu’il compte jusqu’aux cheveux de notre tête, qu’il
ordonne à ses anges de guider nos pas, de peur que nous nous heurtions
contre la pierre, et qu’il nous marque d’avance notre sentier et
chacune des empreintes de nos pas ! Enfin comment ne serions-nous
pas émus surtout quand nous considérons à quel point ce Dieu plein de
tendresse est attentif non seulement aux intérêts temporels de ses
créatures, mais aussi à leurs intérêts spirituels ? L’Écriture
nous représente l’Éternel comme attendant le moment où Il pourra faire
grâce, et où, suivant le langage de la parabole, semblable à ce père
qui aperçoit son enfant prodigue tandis qu’il est encore éloigné, Il
pourra s’élancer à la rencontre du pécheur, le presser sur son cœur et
lui donner le saint baiser de paix. Il est tellement attentif à tout ce
qui est bon, même dans un cœur souillé par le péché, qu’un soupir est
pour Lui la plus douce des mélodies, et une larme, le plus précieux des
trésors.
Dans le verset que je viens de
lire, Dieu se montre à nous comme se penchant sur le cœur de l’homme et
prêtant l’oreille, dans l’espoir de découvrir peut-être quelque
symptôme heureux. « Je me suis rendu attentif et j’ai
écouté. » Et puis, spectacle bien plus touchant encore ! Le
voici qui se détourne en quelque sorte avec douleur, en
s’écriant : « Je me suis rendu attentif et j’ai écouté, mais
nul ne parle selon la justice ; il n’y a personne qui se repente
de son péché et qui dise : Qu’ai-je
fait ? » — Ah ! Mon cher auditeur, il n’est
aucune de vos aspirations vers Dieu qui n’attire aussitôt sa suprême
attention et son espérance. Chaque prière qui s’échappe de ton cœur lui
est chère, et quoique tes prières n’aient été trop souvent que
passagères comme les vapeurs du matin ou comme la rosée de l’aurore,
elles ont toujours ému les entrailles de l’Éternel, car Il n’a cessé de
prêter l’oreille à tes cris et de surveiller les pulsations de ton
cœur. Tu as tout oublié, toi ; tu n’y as pas pris garde ;
mais Il se souvient de tout cela, et le souvenir en est maintenant
encore gravé dans son immuable mémoire. Et toi qui, en ce jour,
peut-être, cherches ton Sauveur, sache que ses yeux sont déjà sur toi.
Celui que tu cherches n’est point aveugle. Tu cherches ton Père, et ton
Père te voit déjà, quoique tu sois encore éloigné. Tout ton repentir
n’a encore pu arracher qu’une seule larme peut-être à ton cœur de
pierre ; mais cette larme, Il l’a vue et l’a saluée comme un signe
de bon augure. Tu n’as pu jusqu’ici pousser qu’un seul sanglot,
peut-être, à la pensée de tes péchés, mais ce sanglot ne lui a pas
échappé, et Il s’en est réjoui dans son amour comme d’une preuve que tu
n’étais pas encore entièrement endurci par l’iniquité et abandonné par
la miséricorde.
Notre texte est :
« Qu’ai-je fait ? » Je me propose d’en commencer
l’exposition par quelques paroles persuasives et pressantes, dans le
but de vous décider à vous poser vous-mêmes cette question ;
ensuite j’essaierai de vous aider à y répondre, et enfin je terminerai
par de solennels avertissements adressés à ceux qui, par cette réponse,
ont été forcés de se condamner eux-mêmes.
I.
Commençons donc par quelques paroles pressantes, afin que tous, et plus
particulièrement ceux qui sont encore inconvertis, consentent à se
poser solennellement cette question : « Qu’ai-je
fait ? »
Peu de personnes trouvent du
plaisir à faire la revue de leur vie passée ; la plupart se
sentent, à cet égard, si proche d’une complète banqueroute, qu’elles
n’osent pas jeter leurs yeux sur leurs comptes. La grande majorité des
hommes partagent le ridicule instinct de l’autruche, qui, se voyant
poursuivie, cache sa tête dans le sable et ferme les yeux, croyant que
puisqu’elle ne voit plus ceux qui la poursuivent, elle est hors de
danger. La très grande majorité des hommes, je le répète, ont honte de
jeter leurs regards sur leur biographie, et si la conscience et la
mémoire pouvaient devenir les historiographes de chacun, elles
n’auraient rien de plus pressé que d’acheter et fixer au volume
d’énormes fermoirs, munis d’un bon cadenas, afin de ne plus relire
cette terrible histoire. Chacun sait que ce livre de sa vie passée est
tellement plein de lamentations et de malheur qu’il n’ose pas le lire,
et néanmoins chacun continue à marcher dans son train d’iniquité. Ma
tâche est donc bien ardue et difficile, si je veux vous amener tous,
qui que vous soyez, à ouvrir ce livre, et, que les pages en soient
nombreuses ou non, qu’elles en soient noires ou blanches, il me sera
bien malaisé de vous les faire lire jusqu’au bout. Que l’Esprit-Saint
veuille donc vous persuader en ce moment de répondre à cette
question : « Qu’ai-je fait ? » Soyez sûrs que
pareille enquête sur votre passé ne pourra jamais vous causer le
moindre préjudice. Jamais négociant ne s’est trouvé appauvri de la plus
petite somme pour avoir soigneusement examiné ses livres. Il a pu
découvrir qu’il était plus pauvre qu’il ne le croyait d’abord, mais ce
n’est pas cette inspection de ses livres qui a causé sa pauvreté. Ce
qui l’a appauvri, ce sont les spéculations qu’il a accomplies. Il vaut
mieux, après tout, connaître à fond ce passé, pendant que vous pouvez
encore y porter remède, que de poursuivre votre route tête baissée,
espérant rencontrer la porte de l’éternel paradis, et ne vous
apercevant de votre erreur, hélas, que lorsqu’elle sera irréparable et
que cette porte vous sera à jamais fermée ! Il n’y a rien à perdre
à faire son inventaire, et un peu d’examen de vous-même ne peut
aucunement vous nuire. Voilà déjà, je pense, une excellente raison pour
vous soumettre à faire cet examen.
Mais, prenez-y garde ! Si,
d’une part, il ne peut en résulter pour vous aucun mal, il pourrait en
résulter un très grand bien. En effet, supposons que vos affaires avec
Dieu soient bien réglées, vous ne pourrez que vous en réjouir et vous
encourager, car quiconque est en règle avec Dieu n’a aucune raison de
s’affliger. Cependant ne vous faites pas illusion ! Il y a cent à
parier contre un que vous êtes loin d’être en règle. Il y en a tant
dans le monde qui se trompent eux-mêmes que vous courez de grandes
chances d’être du nombre. Vous pourriez avoir la réputation d’être
vivants, et être morts ; vous pourriez bien ressembler à cet arbre
de Bunyan qui était beau à voir et recouvert d’une luxuriante verdure,
mais qui au dedans était pourri ! … Vous pourriez être
ici, en présence de vos semblables, proprement vêtus et parés de toute
sorte de gracieux atours, et être tels que ces pharisiens auxquels
Jésus disait : « Sépulcres blanchis ! Car en dedans vous
êtes, comme eux, pleins de pourriture et d’ossements humains. »
Tenez ! Vous avez beau vouloir conserver vos illusions ;
quant à moi, j’aimerais cent mille fois mieux connaître à fond mon
véritable état devant Dieu, que de me bercer des plus riantes pensées
et d’avoir à découvrir ensuite ma funeste erreur. Que de fois cette
prière est sortie de mes lèvres : « Seigneur, fais que je me
connaisse moi-même sous mon jour le plus défavorable, et si je suis
encore un apostat, un homme sans Dieu et sans Christ, fais qu’au moins
je sois sincère vis-à-vis de moi-même et que je me voie tel que je suis
»!
N’oublie pas, mon cher auditeur,
que le temps que tu as pour cet examen de toi-même est très court.
Bientôt le grand secret de cette affaire te sera révélé. Je puis
manquer aujourd’hui de paroles assez rudes pour déchirer le masque qui
recouvre ton visage, mais bientôt s’en présentera un autre qu’on
appelle la Mort ! Et celui-là te parlera avec bien autrement de
dureté et de sans façon. Aujourd’hui, tu peux encore te déguiser en
enfant de lumière, mais la mort t’aura bientôt arraché ce vêtement
usurpé, bientôt elle t’aura placé, nu comme la main, en présence de
l’auguste tribunal de Dieu, et là on verra à découvert soit ton crime,
soit ton innocence. N’oublie pas, enfin, que si tu peux te tromper
toi-même, tu ne pourras jamais tromper Dieu. Tu peux te servir du faux
poids en te pesant toi-même, et la balance peut être inexacte ;
mais quand Dieu te pèsera, la balance de sa justice sera sans nuance
aucune d’erreur. Quand Il aura mis sa loi dans l’un des bassins, et
qu’il te saisira pour te déposer dans l’autre, ah ! Malheureuse
créature, quel tremblement terrible s’emparera de toi ! À moins
que Jésus ne soit alors ton Sauveur, tu seras trouvé trop léger et tu
seras rejeté pour jamais loin de sa face.
Oh ! Quel langage
emploierai-je pour vous décider tous à vous examiner vous-mêmes ?
Je connais d’avance les diverses excuses que vous essaierez de
m’opposer. Les uns m’objecteront qu’ils sont membres d’une église et
que par conséquent ils sont en règle. — Vous me regardez
peut-être depuis cette tribune, et vous me dites : « Monsieur
Spurgeon, vous m’avez admis au nombre des membres de votre église, et
vous m’avez souvent présenté le pain et la coupe de la sainte
cène ». — Eh ! Oui, mon cher auditeur, je le sais,
et je crains bien d’en avoir admis dans le sein de l’Église visible
plusieurs que Dieu n’a jamais admis dans celle qui est invisible. Si
Jésus a rencontré un hypocrite parmi les douze disciples qu’il avait
choisis, combien pensez-vous qu’il puisse y avoir d’hypocrites dans ces
douze cents membres qui m’entourent ? Ah ! Il est bien
aisé, en nos jours, de faire profession de christianisme, et un homme
peut bien facilement passer pour chrétien, et néanmoins se trouver en
définitive classé parmi les apostats et les réprouvés ! Que cela
ne vous autorise donc pas à éluder la question, et surtout ne dites pas
que vous êtes trop occupé pour vous consacrer à vos affaires
spirituelles, et que vous en aurez bien le temps plus tard. Combien qui
ont dit cela et qui, avant d’avoir trouvé le temps, se sont trouvés
lancés en dehors du temps dans l’éternité ! Ô toi qui prétends
avoir « le temps », si tu savais combien la mort est proche
de toi ! Il en est ici qui ne verront pas le premier jour de
l’année prochaine ; il en est même un grand nombre qui, selon
toutes probabilités, ont moins d’une année à vivre. Oh ! Que le
Seigneur Dieu veuille nous préparer tous pour la mort et pour le
jugement, en nous apprenant à nous poser cette question :
« Qu’ai-je fait ? »
II.
Et maintenant, ma tâche est de vous aider à y répondre.
Chrétien, chrétien de cœur !
J’ai peu de choses à te dire aujourd’hui. Je ne veux pas allonger mon
discours, et je préfère déposer cette question sur ta conscience :
« Qu’as-tu fait ? » — J’entends ta
réponse : « Je n’ai rien fait pour mon propre salut, car dans
son éternel amour Dieu a tout fait pour moi. Je n’ai rien fait pour me
revêtir de justice devant Dieu, car Jésus a dit : tout est
accompli ! Je n’ai rien fait pour gagner le ciel par mes mérites,
car Jésus me l’avait mérité par sa mort avant que je vienne au
monde. » — Mais, dis-moi maintenant, mon frère, ce que
tu as fait pour Celui qui est mort pour le salut de ton âme ?
Qu’as-tu fait pour son Église ? Qu’as-tu fait pour le salut de
ceux qui périssent ? Qu’as-tu fait pour grandir spirituellement
toi-même dans la grâce ? — Ah ! Je pourrais ici
vous tancer bien rudement, vous, chrétiens de cœur ; mais je vous
laisse en présence de votre Dieu. Il n’appartient qu’au Seigneur de
châtier ses enfants. Je veux cependant vous adresser une
question : n’y a-t-il pas ici beaucoup de chrétiens qui ne
sauraient dire s’ils ont été l’instrument de la conversion d’une seule
âme pendant cette année ? Voyons, répondez ! Avez-vous
quelque raison d’espérer que vous ayez été, directement ou
indirectement, le moyen d’amener une seule âme à
Jésus-Christ ? — Je vais plus loin. Je vois parmi vous
de vieux chrétiens et je tiens à leur adresser aussi une
question : avez-vous quelque raison d’espérer que depuis le moment
de votre conversion vous ayez contribué en quelque manière à la
conversion d’une seule âme ? … En Orient, au temps des
patriarches, on regardait comme un opprobre qu’une femme demeure sans
enfants ; mais combien est plus grand l’opprobre d’une âme
chrétienne qui est demeurée sans enfants spirituels, qui n’a jamais été
en travail d’enfantement pour engendrer une âme au Seigneur ! Et
cependant il en est plusieurs parmi vous qui sont demeurés
spirituellement stériles, parce qu’ils n’ont jamais contribué au salut
de personne, et qui ne porteront dans le ciel qu’une couronne sans
étoiles.
Il me semble voir encore le regard
radieux de bonheur qu’une fille du Seigneur fixait sur moi il y a
quelques jours, tandis qu’on nous apprenait qu’une âme avait été
convertie par son moyen. Je lui pris les mains, en lui disant :
« Hé bien ! Vous avez de quoi bénir Dieu
maintenant ». — « Oh ! oui, me dit-elle, c’est
une grande joie et un grand honneur pour moi. Jamais, que je sache, je
n’avais servi d’instrument pour conduire une âme au Seigneur. » Et
l’humble femme était si heureuse, que ses larmes coulaient en
abondance. — Et vous, combien d’âmes avez-vous gagnées à
Christ pendant cette année ? Voyons, chrétien, qu’as-tu
fait ? Hélas ! Hélas ! Tu n’as pas été précisément comme
le figuier stérile, mais bien peu s’en faut, car tes fruits ne se
voient point. Un grand nombre d’entre vous ont reçu la vie de Dieu, et
sont restés stériles. Serviteurs inutiles et paresseux !
Serviteurs coupables !
Et ne croyez pas qu’en vous
reprenant d’une façon aussi sévère, j’entende échapper moi-même à ce
reproche. Non, non ! Cette terrible question, je me la pose
aussi : « Qu’ai-je fait ? » Et quand je songe à
l’activité d’un Whitefield et au zèle dévorant d’une foule de ces
grands évangélisateurs de jadis, je demeure comme foudroyé en me voyant
si loin de les égaler et je me demande : « Qu’ai-je
fait ? » À cette question, je ne puis répondre qu’avec
rougeur et confusion de face. Ô chers auditeurs ! Combien de fois
ne vous ai-je pas prêché la Parole de Dieu, et combien peu de fois
ai-je pleuré sur votre endurcissement, comme doit le faire tout
pasteur ! Combien de fois ne vous ai-je pas avertis de la colère à
venir sans y avoir apporté toute la sollicitude et toute l’angoisse que
j’aurais dû ! Ah ! Je crains que le sang de plusieurs ne se
trouve dans les pans de ma robe, au jour où je serai jugé de mon Dieu.
Je vous en supplie, priez pour votre pasteur en ce qui concerne cette
affaire, et demandez au Seigneur de lui pardonner s’il a manqué de
zèle, d’énergie ou d’esprit de prière. Priez surtout pour qu’à l’avenir
il lui soit donné de prêcher comme pour la dernière
fois, — comme un mourant à des mourants.
Tandis que je questionnais le
chrétien tout à l’heure, il me semblait entendre l’homme moral me
répondre : « Ce que j’ai fait ? Moi ?
Mais … tout ce que j’avais à faire. Il vous est loisible à
vous, Monsieur le prédicateur, de monter dans votre chaire et de
m’entretenir de péché et du reste. Mais je vous répète que j’ai fait
tout ce qu’il était de mon devoir de faire. Je me suis rendu à mon
église ou à ma chapelle aussi régulièrement qu’il est possible à une
âme vivante. Je n’ai jamais omis de lire la Parole de Dieu à mon culte
de famille, ni de faire mes prières le soir en me couchant et le matin
en me levant. Je ne dois rien à personne, que je sache, et je n’ai
jamais agi durement envers qui que ce soit. J’ai toujours fait une
large part aux pauvres, et, si les bonnes œuvres ont quelque valeur aux
yeux de Dieu, j’estime avoir fait beaucoup. » — Très
bien ! Mon ami ; à merveille, si les bonnes œuvres ont
quelque valeur aux yeux de Dieu ; mais le malheur, c’est
précisément qu’elles n’en ont aucune ; car, dès que nos bonnes
œuvres sont faites pour nous sauver, elles ont exactement la même
valeur que nos péchés.
Prétendre gagner le ciel par des
bonnes œuvres, autant vaudrait prétendre l’obtenir à force de jurements
et de blasphèmes ; car, quoiqu’au point de vue de la morale les
bonnes œuvres soient infiniment préférables aux jurements et aux
blasphèmes, et quoiqu’il y ait aux yeux de Dieu infiniment moins de
péché dans celles-là que dans ceux-ci, ces bonnes œuvres n’en sont pas
moins tout aussi dépourvues de mérite devant Dieu que les jurements et
les blasphèmes. Veuillez donc vous bien mettre dans l’esprit que tout
ce que vous avez accompli pendant tant d’années et jusqu’à ce jour ne
vous sert absolument de rien. — « Mais, Monsieur, je me
suis aussi confié en Christ. » — Halte-là ! Mon
ami. Entendez-vous dire que vous vous êtes confié en partie sur Christ
et en partie sur vos bonnes œuvres ? — « Mais, oui
Monsieur. » — Hé bien ! Permettez-moi de vous
apprendre que le Seigneur Jésus-Christ ne consent pas à jouer le rôle
de supplément. Il vous faut accepter Christ pleinement ou vous résigner
à vous passer de Lui, car Il ne consentira jamais à partager avec vous
la gloire de vous sauver. Ainsi donc, je vous le répète, tout ce que
vous avez fait jusqu’ici est de nulle valeur. Vous avez bâti un édifice
fondé sur le sable — véritable maison de
cartes — dont les vents et l’ouragan feront disparaître
jusqu’à la trace. Écoutez donc la Parole du Seigneur :
« Personne ne sera justifié par les œuvres de la
loi ». — « Maudit est quiconque ne persévère dans
toutes les choses qui sont écrites au livre de la loi, pour les
faire. » Et par cela seul que vous n’avez pas persévéré dans
l’accomplissement de toutes ces choses, vous êtes transgresseurs de la
loi, vous êtes sous la malédiction, et cette loi n’a qu’un mot à vous
dire en réponse à toutes vos allégations : « Maudit !
Maudit ! Maudit ! » Votre moralité ne vous sera d’aucun
secours pour votre salut éternel.
Mais deux mots aussi à vous qui me
dites : « Hé bien, soit ! Je ne mets aucune confiance
dans ma moralité, ni en quoique ce soit ; je m’écrie :
laissez-moi, sombres pensées ! Qu’ai-je à m’inquiéter de
l’éternité comme vous m’y invitez ? — Mais, Monsieur, je
ne suis pas le moins du monde un méchant homme ; si j’ai pu
faillir, ce n’est qu’en fort peu de chose : une petite peccadille
par ci, par là, à peine une petite folie par hasard ; mais rien,
absolument rien qui puisse m’être reproché par mes concitoyens ou mes
amis, ni même par ma conscience. Je ne suis pas, il est vrai, de vos
saints ; je ne prétends nullement à pareille perfection. J’ai été
quelquefois un peu trop loin peut-être, mais ce n’est qu’un peu, et je
suis assuré que tout cela pourra se régler à l’amiable avant que la fin
vienne. » — Très bien ! Monsieur ; mais
j’aurais désiré que vous vous soyez posé la question de mon
texte : « Qu’ai-je fait ? » Je suis persuadé que si
chacun de vous tous voulait arracher ce voile qui recouvre son cœur et
sa vie tout entière, vous apercevriez au-dessous de vos œuvres une
hideuse lèpre qui vous ronge.
« Oh ! La belle affaire,
en vérité ! » s’écrie quelqu’un. « Parce que j’aurai
peut-être pris, à l’occasion, un ou deux verres de trop ! Hé
bien ! Après ! » — Un moment, Monsieur !
Comment nommez-vous cela ? … Vous avez beau ouvrir de
grands yeux étonnés ; voyons, parlez ! Comment cela
s’appelle-t-il ? — « Oh ! Ce n’est qu’un peu
de gaîté, Monsieur. » — Non, articulez-moi, vous dis-je,
le véritable nom de cette chose-là. Comment l’appelez-vous quand vous
l’observez chez quelqu’autre ? Ivrognerie, je pense. Bien !
Et d’une.
Et vous, n’avez-vous rien fait non
plus ? — « J’ai parlé un peu légèrement,
parfois. » — Et qu’est-ce que
cela ? — « Ce n’est qu’un mot de
plaisanterie. » — À la bonne heure ! Mais ayez la
bonté de l’appeler comme cela doit être appelé : conversation
obscène. Prenez-en note. — « Oh ! Non, Monsieur,
cela devient trop sérieux. » — En effet, Monsieur ;
mais cela ne devient pas plus sérieux que ce ne l’est en réalité.
Dites-moi encore :
n’êtes-vous jamais allé en course de plaisir le
dimanche ? — « Oh ! Oui, mais seulement de
temps à autre, quelques fois à peine. » — Comme vous
voudrez ; seulement notons encore ce point, je vous prie, et nous
examinerons ensuite la liste. Comment cela s’appelle-t-il ?
Violation du dimanche, n’est-ce pas ? — « Arrêtez,
Monsieur, vous écriez-vous, je n’ai pas été plus loin ;
certainement, je ne suis jamais allé plus
loin ! » — Permettez : j’imagine, que dans le
cours de votre vie dans telle ou telle occasion, vous vous êtes permis
quelquefois de citer dans vos conversations des textes de l’Écriture en
plaisantant ; n’est-il pas vrai ? Dans d’autres
circonstances, où quelque chose vous étonnait, vous vous êtes
écrié : « Dieu me pardonne ! » ou l’équivalent. Je
ne veux pas supposer que vous prononciez des jurements ; mais il
est aussi certaines manières chrétiennes de jurer que certaines gens
adoptent dans la persuasion que ces jurements ne sont pas précisément
des jurements. Or, comme personne ne saurait de quel autre nom les
désigner, nous les inscrirons :
Jurements. — « Mais, Monsieur, ce n’était que lorsque
quelqu’un me marchait sur le pied, ou dans un mouvement de
colère. » — N’importe ! Notez-le sous son véritable
nom. Vous allez voir la belle liste de péchés que nous aurons à vous
présenter dans quelques instants !
M’assurez-vous que dans votre
commerce vous ne frelatez jamais vos
marchandises ? — « Ah ! Pour cela, Monsieur,
c’est affaire de commerce, et vous n’avez rien à y
voir. » — Cependant j’ai envie de m’en mêler, et, s’il
vous plaît, nous le noterons aussi sous son titre légitime : vol.
Je présume que vous ne vous êtes
jamais montré impitoyable envers un débiteur. Vous n’avez jamais
regretté votre pauvreté, ni même désiré (ou presque désiré) que votre
voisin de boutique perde la moitié de sa clientèle pour qu’elle vienne
à vous ? Vous ne répondez pas … Hé bien ! Nous le
noterons encore en l’appelant par son nom : c’est de la
convoitise, qui est une idolâtrie.
La liste me paraît déjà bien
noire, en vérité ! … Voyons encore : comment
avez-vous passé cette année ? Vous prétendez avoir dit vos
prières, mais je vous demande si vous avez réellement prié ? Vous
avez quelquefois lu votre Bible et suivi les prédications ; mais,
en définitive, n’avez-vous pas laissé tout cela s’évanouir ? En ce
cas, je vous demande si cela ne s’appelle pas mépriser Dieu, et sous
quel autre nom nous pourrions le noter ?
Bientôt, nous ne pourrons guère
aller plus loin, car notre liste offre déjà une somme de péchés
effrayante, et bien peu d’entre nous pourront échapper à d’aussi graves
reproches, pour peu que nos consciences soient éveillées. Mais voici un
homme âgé devenu entièrement indifférent à tout ce qui est
moralité ; il se lève et me dit d’un air moqueur :
« Ah ! Jeune homme, vous voulez savoir tout ce que j’ai fait
pendant cette année ? Je vais vous
instruire. » — Pardon, Monsieur, je devine déjà
suffisamment, et pour le moment je préfère n’en pas savoir davantage.
Vous pourrez vous le raconter à vous-même en rentrant dans votre
maison. Nous avons autour de nous des jeunes gens, et le récit que vous
alliez faire ne serait peut-être pas propre à les édifier. Certaines
gens disent de vous que vous n’êtes pas pire que d’autres, ce qui
signifie que vous êtes déjà assez mauvais pour qu’ils préfèrent ne pas
dire ce que vous êtes. — Croyez-vous donc que dans cette
enceinte nous n’ayons jamais de débauchés et de malheureux qui
s’adonnent à toutes les plus viles luxures de la chair ? Il me
semble voir voler en ce moment les anges du Seigneur au milieu de cette
assemblée et poser leur main sur la conscience de plusieurs pour leur
révéler les iniquités dans lesquelles ils se sont plongés jusqu’ici.
Ah ! Puisse cette simple allusion à ce genre de crimes suffire,
par la grâce de Dieu, pour vous réveiller en sursaut. Oui ! Ces
crimes, vous pouvez les cacher, vous pouvez les enfouir dans les
épaisses ténèbres du passé et vous rassurer par la pensée qu’on ne les
retrouvera jamais ; mais sachez bien qu’au jour des grandes
rétributions finales tout ce qu’il y a de plus secret sera proclamé en
plein soleil, à la face des hommes et des anges !
Et maintenant je voudrais
m’adresser plus spécialement à l’homme inconverti et l’aider à répondre
à cette question sous un autre point de vue : « Qu’ai-je
fait ? » Ô homme, qui vis dans le péché, qui aimes le plaisir
bien plus que ton Dieu, qu’as-tu fait ? Sais-tu bien ou bien
aurais-tu oublié que pour damner une âme il suffit d’un seul
péché ? N’as-tu jamais lu dans l’Écriture que maudit est quiconque
pèche, ne serait-ce qu’une fois ? À quel degré de damnation
n’es-tu donc pas descendu par suite de tous les péchés que tu as
accomplis dans ta vie ? Rappelle-toi, je t’en supplie, ces
myriades de transgressions de ta jeunesse et ces autres myriades de ta
puberté et de ton âge mur ; et si une seule transgression pouvait
déjà ruiner ton âme, quelle ruine que la tienne en ce moment ! Ô
homme ! Si une seule vague pouvait t’engloutir pour jamais, que
deviendras-tu au milieu de cet océan d’iniquités ? Il suffit d’un
témoin pour te condamner en cette affaire… : contemple les nuées
de crimes qui sont déjà rassemblées contre toi autour du trône du
jugement et qui sont allées t’y attendre ! Quand Dieu te sommera
de comparaître à ton tour, comment échapperas-tu à leur témoignage
accusateur ? — Qu’as tu fait ? Ô homme !
Réponds à cette question terrible. Ton péché a engendré une foule de
conséquences, et pour répondre convenablement à cette question, il te
faut y répondre sur chacune de ces conséquences. Qu’as-tu fait à ton
âme ? Tu l’as détruite ; tu as fait tout ce qu’il fallait
pour la ruiner éternellement ; tu lui as creusé une prison dont
elle ne pourra plus sortir ; tu lui as préparé un bûcher
ardent ; tu lui as forgé des chaînes de fer, des chaînes, dis-je,
pour la lier éternellement sur ce bûcher et un bûcher pour la brûler
aux siècles des siècles !
Souviens-toi que les péchés sont
comme la semence qui prépare la moisson : quelle moisson que celle
que tu as préparée à ta pauvre âme ! Tu as semé le vent et tu
récolteras le tourbillon ; tu as semé l’iniquité et tu récolteras
la damnation. — Et puis, qu’as-tu fait contre
l’Évangile ? … Combien de fois ne l’as-tu pas entendu
prêcher pendant ta vie ! Hélas, depuis ton enfance, c’est par
centaines que l’on peut compter les sermons vainement prêchés à tes
oreilles. Pendant ta jeunesse, tes parents ont prié pour toi ; ils
t’ont fait instruire jusqu’à ta puberté : depuis lors, que de
larmes tu as fait verser à ton pasteur ! Que d’appels pressants
ont été enfoncés comme autant de dards dans ta conscience ! Mais
tu as toujours retiré le fer. Les ministres du Seigneur ont été rongés
d’angoisse au sujet de ton salut, tandis que toi-même tu ne t’en
inquiétais nullement. — Qu’as-tu fait contre
Christ ? … Christ, ne l’oublie pas, a été ici pour nous
un doux et tendre Sauveur, et, de même que l’huile, cette plus douce
des substances, est celle aussi qui brûle le mieux, de même aussi
personne ne sera plus enflammé de sainte colère que l’Homme doux et
humble de cœur, alors qu’il viendra pour te juger. L’amour qui a été
méprisé est plus terrible que le lion qui fond sur sa proie. Si tu as
méprisé Jésus sur sa croix, attends-toi à un jugement terrible de la
part de Jésus sur son trône.
Encore un mot. Qu’avez-vous fait
pour vos enfants ? … Oh ! Il y en a plus d’un ici
qui ont fait tout ce qu’il était possible de faire pour perdre l’âme de
leurs enfants ! Qu’elle est grande et solennelle la responsabilité
qui pèse sur chaque père ! Et que dire de la responsabilité d’un
père qui se livre à l’ivrognerie ? D’un père qui, par son exemple,
enseigne à ses enfants à s’enivrer ? — Jureurs et
blasphémateurs, qu’avez-vous fait pour votre famille ? N’avez-vous
pas, vous aussi, tordu les cordages qui les entraîneront dans
l’éternelle destruction ? N’est-il pas à craindre qu’ils ne
suivent votre exemple ? — Mère de famille, tu as
plusieurs enfants, et tu n’as encore prié pour aucun d’eux ! Tu ne
les as jamais entourés de tes bras, le soir, lorsqu’à genoux, devant
leur petite chaise, ils disaient : « Notre Père, qui es aux
cieux ! » Tu ne leur as jamais parlé de Jésus qui aime tant
les petits enfants, et qui autrefois s’est fait petit enfant, semblable
à eux. Vous avez donc aussi négligé vos enfants ! … Je
me souviens d’une humble mère qui se convertit au Seigneur dans sa
vieillesse et qui me disait d’un accent que je n’oublierai
jamais : « Dieu m’a pardonnée, mais jamais je ne me
pardonnerai moi-même, car j’ai nourri et élevé des enfants, mais sans
leur inspirer jamais le respect de la
religion. » — Puis, éclatant en sanglots, elle
ajoutait : « J’ai été une mère cruelle, Monsieur ; j’ai
été un monstre, et non une mère ! » — Mais, lui
dis-je, vous les avez élevés cependant. — « Oui,
reprit-elle, mon mari mourut alors qu’ils étaient encore bien jeunes,
et il m’en laissait six à soigner. Ces mains ont suffi à tous leurs
besoins ; ils ont eu du pain et des vêtements ; personne ne
peut dire que je ne les aie point aimés sous ce rapport ; mais,
voici le crime, voici où a été ma cruauté : j’ai nourri leur corps
et n’ai rien fait pour la vie de leur âme ! »
Mais n’y en a-t-il pas ici de plus
coupables encore ? Ah ! Jeune homme, non seulement tu as fait
jusqu’ici tout ce que tu pouvais pour damner ton âme, mais tu as fait
de plus tous tes efforts pour damner celle de bien d’autres !
Souviens-toi de ce jeune garçon que tu conduisis, pour la première
fois, il n’y a pas longtemps, dans un cabaret, te moquant de ses
scrupules de novice (comme tu les appelais) et l’invitant à boire
hardiment comme toi. Souviens-toi de cette nuit où, à la faveur des
ténèbres, tu te fis l’instrument du démon pour faire succomber à la
tentation cet autre jeune homme, dont la vie jusqu’alors avait été
exempte de souillure et qui apprit de toi à connaître la fornication.
Tu lui disais : « Viens avec moi, et je te montrerai comment
on vit en homme fait ; je te ferai goûter des plaisirs
inconnus ». Avant cette funeste rencontre, ce jeune homme allait
le dimanche dans la maison de Dieu et semblait prendre le chemin du
ciel ; et maintenant tu te vantes d’avoir chassé de son cœur toute
pensée sérieuse à force de sarcasmes et de moqueries ! Tu te fais
gloire de ce qu’il ne va plus à aucune maison de prière le dimanche,
excepté par plaisanterie, et tu dis : « Aujourd’hui il est
aussi gai que qui ce soit de nous tous ! » Malheureux !
Malheureux ! Pour toi, l’enfer sera doublement ardent ; tu
auras à subir ses tourments et les tiens. À travers les flammes livides
du grand abîme, il regardera vers toi et te criera d’une voix
stridente : « Qui sait ! Sans toi, je ne serais pas
ici ! » Malheureux ! Au milieu des horreurs de la
géhenne, subir un pareil regard ! — le regard d’une
victime de tes séductions ! — Oh ! Supplice
effroyable et qui confond toute pensée ! Ces deux yeux fixés sur
toi, comme deux étoiles flamboyantes et dont le funèbre éclat ne fera
que grandir toujours ; ces deux yeux dardant la rage et jetant
l’épouvante dans ton âme ne seront-ils pas déjà à eux seuls pour toi un
double enfer ? — Ah ! Vous qui en avez fait tomber
d’autres dans le péché, écoutez et tremblez ! … Moi qui
vous parle, j’ai tremblé aussi lorsque pour la première fois je connus
le Sauveur, et j’ai prié mon Dieu de m’aider à ramener à Lui ceux que
j’en avais éloignés en quelque manière que ce soit. Cela me rappelle
que dans sa première prière George Whitefield demanda aussi à Dieu de
convertir tous ceux avec lesquels il avait précédemment violé le sabbat
en jouant aux cartes. « Et, béni soit Dieu, dit-il, je les ai tous
retrouvés et ramenés. »
Ô mon Dieu ! Ne puis-je
découvrir sur quelques-uns des visages qui m’entourent l’expression de
la terreur et de l’épouvante ? Est-ce que vos genoux ne
s’entrechoquent pas ? Est-ce que votre cœur ne défaille point en
vous à la pensée de votre iniquité ? Assurément cela est
impossible, à moins que vos cœurs ne soient de bronze et vos entrailles
du fer le plus dur. Ah ! S’il en était ainsi, c’est bien alors que
se trouverait vérifiée cette parole de Dieu : « La cigogne a
connu dans les cieux ses saisons ; la tourterelle, l’hirondelle et
la grue ont pris garde au temps qu’elles doivent venir, mais mon peuple
n’a point connu le droit de l’Éternel » ; — et
cette autre parole tirée d’un autre prophète : « Le bœuf
connaît son possesseur et l’âne connaît la crèche de son maître ;
mais mon peuple n’a point de connaissance ; Israël n’a point
d’intelligence. » — Oh ! Seriez-vous donc descendus
aussi près de la brute que de laisser de pareilles réflexions passer
sur vous sans être glacés d’effroi ? Notre tâche à nous qui
sentons nos iniquités est bien certainement alors de plier le genou
devant Dieu pour vous, et de le supplier de vous amener à vous
connaître vous-mêmes ; car, vivant comme vous vivez et mourant
dans de telles dispositions, votre sort ne peut qu’être affreux au-delà
de toute conception humaine ! …
Oh ! Que je serais heureux si
je pouvais penser que la plupart d’entre vous consentiront à me suivre
dans cette humble confession de notre foi ! Que je puisse parler
en votre nom, à tous ! Libre à vous d’accepter ou de rejeter ce
que je vais dire ; mais j’espère que le plus grand nombre répétera
mes paroles en son cœur : « Ô Seigneur ! Je te confesse
en ce jour que mes péchés sont trop lourds, sont plus que je ne puis
porter. J’ai encouru ta souveraine et éternelle réprobation, ta colère
la plus terrible, et c’est à peine si j’ose croire que tu puisses
jamais me pardonner ; mais, puisque tu as livré ton Fils unique à
la mort de la croix pour les pécheurs, et puisque tu as dit :
regardez à moi, vous tous les bouts de la terre, et soyez sauvés,
Seigneur, en ce moment, je regarde à Toi. Jusqu’ici je n’ai point voulu
regarder à Toi, mais je regarde à Toi aujourd’hui. Jusqu’ici j’ai été
l’esclave du péché, mais aujourd’hui, Seigneur, daigne m’accepter
malgré mon péché, à cause du sang que ton Fils Jésus a versé sur la
croix. Ô Père ! Ne me regarde pas dans ta juste indignation,
quoique tu aies pleinement le droit de le faire, mais permets-moi
d’évoquer devant ta face cette promesse : je ne mettrai dehors
aucun de ceux qui viendront à moi. » Seigneur, je viens
« Tel que je suis, sans autre titre
Que le sang qui fut versé pour moi
Et ton ordre qui m’invite à venir.
Ô Agneau de Dieu, je viens ! »
(chant chrétien)
« Seigneur,
pardonne-moi ! Seigneur, accepte-moi ! Prends-moi tel que je
suis, afin que dès maintenant je sois ton serviteur tant que je vivrai,
et afin que je sois compté parmi tes rachetés, au jour de ma
mort ! »
Pouvez-vous dire ces
paroles ? Est-ce que bien des cœurs ne les ont pas dites avec
moi ? N’ai-je pas entendu plus d’une bouche les répéter à
demi-voix ? Bon courage, mon frère ! Bon courage, ma
sœur ! Si c’est du fond du cœur que vous avez parlé, vous êtes
aussi en sûreté que les anges du ciel, car vous êtes enfants de Dieu et
vous ne périrez jamais !
III.
Je n’ai plus à vous adresser que quelques mots de solennel avertissement, et j’aurai fini.
Que de réflexions sérieuses
surgissent en nous quand nous considérons combien le temps passe
vite ! L’année actuelle est de toutes celles que j’ai vécu la plus
courte, et plus j’avance dans la vie, plus les années me semblent se
raccourcir. Et vous, vieillards, qui embrassez d’un seul regard vos
soixante ou soixante et dix ans, vous me dites sans doute :
« Bientôt, bientôt, l’année vous paraîtra plus courte
encore ! » — Oui, je vous crois. Ô Dieu !
Enseigne-nous donc à tellement compter nos jours, que nous sachions
appliquer nos cœurs à la sagesse. Mais n’est-ce pas une chose bien
sérieuse que de penser qu’une autre année va bientôt disparaître, et
qu’un grand nombre d’entre vous ne sont pas encore sauvés ! Vous
êtes exactement au même point que l’année passée, à pareille époque. Je
me trompe : vous êtes plus près de la mort, et, à moins que vous
ne vous repentiez, plus près de l’enfer. Qui sait même si ce que je
vous ai dit aujourd’hui ne vous laissera pas insensibles ? Vous
n’êtes cependant pas encore entièrement endurcis, car vous avez pleuré
bien des fois à l’ouie de la prédication, et cependant tout cela n’a
encore rien produit ; vous êtes restés tels quels. Je vous en
prie, répondez à cette question : « Qu’ai-je
fait ? » Ah ! Prenez garde ! Un temps vient où l’on
se posera cette question, mais où il sera trop tard. — Quel
temps, pensez-vous ? — Le lit de
mort ? — Non ; au lit de mort il est encore temps.
« Tant que la lampe jette quelque lumière,
Le plus grand pécheur peut se tourner vers Dieu. »
Mais lorsque le dernier souffle de
vie aura quitté votre corps alors il sera trop tard pour vous
demander : « Qu’ai-je fait ? » — Voici un
homme qui veut se détruire, il gravit précipitamment l’escalier d’une
tour élevée, avec le projet arrêté de se précipiter du haut en bas. Le
voici parvenu au faîte … Croyez-vous qu’après s’être élancé
dans l’espace il se demandera : « Qu’ai-je fait ? »
Il me semble que quelque esprit invisible lui répondrait en
murmurant : « Ce que tu as fait ? Hélas ! Tu as
fait ce que tu ne pourras plus défaire ! Tu es
perdu — perdu, — PERDU ! » Hé
bien ! Souvenez-vous que vous tous qui vivez sans Christ vous
gravissez en ce moment cette haute tour. Demain peut-être vous vous
trouverez en présence de la mort, au faîte de votre édifice, et quand
la mort vous aura étreints de sa main de fer ; quand, du haut de
cette tour, vous vous serez précipités dans l’abîme du désespoir, cette
question : « Qu’ai-je fait ? » se présentera à vous
dans toute son horreur. Quelle réponse faire alors ? Et à quoi
servira-t-il d’y répondre, excepté pour augmenter l’horreur de votre
situation ? — Il me semble voir une de ces âmes lancées
ainsi dans l’éternité ; je l’entends se demander à
elle-même : « Qu’ai-je fait ? » Elle voit s’ouvrir
devant elle cette éternité qui n’aura jamais de fin, et elle se demande
encore : « Qu’ai-je fait ? » Et voici retentir dans
les airs la terrible réponse : « Tout ceci n’est que ton
ouvrage ! Tu connaissais ton devoir, mais tu ne l’as pas
accompli ; tu as été avertie, mais tu as méprisé les
avertissements ! » — Entendez, oh ! Entendez
le lamentable soliloque de l’âme réprouvée ! Voici : le grand
et dernier jour est venu ; le trône du jugement se dresse au
milieu des éclairs, et les livres sont ouverts. J’entends frémir les
feuillets dans la main qui les tourne, et ce frémissement résonne
jusqu’au fond de mes entrailles comme un glas funèbre. Sur un signe du
Suprême Juge, je vois les âmes s’en aller les unes à la droite et les
autres à la gauche, suivant la teneur du livre. — Ah !
Qu’ai-je fait ? Je sais d’avance que mon péché va être cause de
mon éternelle condamnation, car je n’ai jamais cherché le
Sauveur … Que vois-je ? Le Juge fixe ses regards sur
moi. Mon tour est venu ! … Va-t-il me dire aussi :
« Retire-toi de moi, maudit ! » Oh ! Plutôt que
d’entendre cette parole, que ne puis-je être écrasé, anéanti pour
toujours ! — Un grand silence se fait … Son
doigt s’est levé ! … Je me sens arraché du milieu de la
foule par une force irrésistible qui me traîne jusqu’à la barre. Me
voilà tout seul devant Lui. Il ouvre la page de ma vie, et avant qu’il
l’ait lue je me sens défaillir de terreur. « Tout y est
encore », dit-il. « Rien n’a été effacé par mon sang. Tu as
méprisé les appels de mon amour ; tu t’es moqué de mon peuple, tu
as méprisé ma miséricorde, tu as préféré recevoir le salaire de tes
iniquités ; eh bien ! Tu l’auras. Le salaire du péché, c’est
la mort. » — Ah ! Malheur ! … Et
va-t-il donc me dire : « Va-t-en, maudit !… »
Oui ! D’une voix plus forte que dix mille tonnerres, il prononce
ces paroles : « Va-t-en, maudit, au feu éternel préparé pour
le diable et pour ses anges ! » — Oh !
Horreur ! Horreur ! C’était donc vrai ! Je souriais
quand le ministre de Dieu parlait de l’enfer, et maintenant j’y suis
moi-même ! Je m’étonnais qu’il essaye de m’épouvanter par ces
peintures horribles, et la réalité est maintenant devant moi, plus
terrible et plus épouvantable que toute peinture
possible ! … Ah ! N’aurait-il pu m’effrayer ou me
glacer de terreur au point de m’arracher à un sort si affreux ?
Mais maintenant me voilà perdu et perdu sans espoir ! Me voilà
plongé dans des ténèbres si profondes, que jamais, jamais un seul rayon
de lumière ne parviendra plus jusqu’à moi. Je suis dans une prison si
étroite et si bien fermée, que jamais, jamais un seul des mille verrous
qui la ferment ne sortira de sa place. Oh ! Horreur !
Horreur ! Damné ! … et pour
l’éternité ! …
Quel terrible soliloque ! Je
ne puis vous le redire en entier. Ah ! Si vous pouviez y être
vous-mêmes pendant un instant ; si vous pouviez éprouver ce que
cette âme éprouve et comprendre tout ce qu’elle souffre, alors vous ne
vous étonneriez plus de ce que je désire vous faire pleurer ; mais
vous vous étonneriez, au contraire, que je ne vous prêche pas
l’Évangile avec plus de ferveur et que je ne pleure pas davantage
moi-même sur vos âmes. Ah ! Chers auditeurs, aussi vrai que
l’Éternel mon Dieu, devant lequel je me tiens, est vivant, aussi vrai
que je comparaîtrai un jour devant vous là-haut, — et votre
conscience me rendra ce témoignage que je vous ai fidèlement annoncé
tout le conseil de Dieu, — vous tous qui avez entendu mes
paroles aujourd’hui, vous serez sans excuse au dernier jour, si vous ne
vous convertissez pas. Vous êtes avertis ; je vous ai avertis avec
tout le sérieux dont je suis capable ; tout ce que j’ai de
puissance, d’art ou de tendresse pour persuader, je l’ai dépensé pour
vous aujourd’hui, et je ne puis ajouter qu’un cri suppliant :
Oh ! Réfugiez-vous en Christ ! Je vous en conjure, âmes
immortelles, qui êtes destinées ou à une félicité ou à un malheur
infini et sans terme, réfugiez-vous en Christ ! Votre pardon est
dans sa main ; confiez-vous en Lui et soyez
sauvées ! — Si vous rejetez cette supplication, c’est à
votre péril. Si vous me rejetez, sachez que ce n’est pas moi que vous
rejetez, mais bien Celui qui m’a envoyé. Si vous me méprisez, ce n’est
pas moi que vous méprisez, mais bien Celui qui est plus grand que
Moïse, savoir : Jésus-Christ, le Seigneur ; et si vous
comparaissez devant son tribunal sans vous être rendus à ses appels,
ah ! Qu’elle sera terrible sa voix, qu’elles seront effrayantes
ses paroles, lorsqu’il vous condamnera pour
toujours ! … pour toujours ! … pour
toujours ! — Que Dieu nous délivre d’un sort si affreux,
par Jésus-Christ ! Amen.