161 - L’ADMIRABLE !
On appellera son nom : l’Admirable !
(Ésaïe 9:5).
Il y a quelques jours à peine, je
me rendis au bord de la mer. C’était le soir, et la tempête mugissait
avec furie. La voix de l’Éternel était sur les eaux ; et qui
étais-je pour rester tranquillement chez moi, quand la voix de mon
Maître m’appelait au dehors ? Je sortis donc, et, debout sur le
rivage, je me tins en présence du Créateur, contemplant les sinistres
lueurs de ses éclairs, et admirant la magnificence de son tonnerre.
L’océan et la foudre semblaient se disputer la prééminence :
celui-là essayait, par ses clameurs infinies, de dominer les éclats
retentissants du tonnerre ; mais bien au-dessus du mugissement des
vagues, cette voix de Dieu se faisait entendre, parlant avec des
flammes de feu et ouvrant les fontaines de l’étendue.
La nuit était sombre ; de
lourds nuages couvraient le ciel, et c’est à peine si l’on voyait
poindre çà et là, dans les trouées que la tempête laissait sur son
passage, la timide lueur d’une étoile. Je contemplais depuis quelque
temps ce magnifique spectacle, quand tout à coup j’aperçus bien loin à
l’horizon une vive lumière, brillante comme de l’or. C’était la lune,
qui, voilée pour nous par les nuages, laissait tomber ses rayons sur un
point de la vaste mer où aucun obstacle n’interceptait sa douce clarté.
En relisant hier soir le 9e chapitre d’Ésaïe, j’ai pensé à cette nuit
d’orage. Tout autour de lui et jusque dans les profondeurs de l’avenir,
le regard inspiré de l’homme de Dieu ne rencontrait qu’obscurs nuages.
Il entendait les grondements des tonnerres prophétiques ; il
voyait briller par avance les éclairs menaçants de la colère divine.
L’histoire de l’humanité, pendant une longue suite de siècles, se
déroulait devant lui, pleine de troubles et de ténèbres. Mais soudain,
au fond des âges, il découvre un point lumineux, un point tout
resplendissant d’une clarté qui vient du ciel.
Alors il s’assied et il écrit ces
mots triomphants : le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu
une grande lumière, et la lumière a lui sur ceux qui habitaient dans le
pays de l’ombre de la mort (#Esa 9:1).
Et quoique des scènes d’oppression
et de violence, de tumulte et de carnage (#Esa 9:3,4) se pressent
confusément sous les yeux du prophète, il n’en tient pas moins son
regard fixé avec espérance sur ce point brillant qui illumine l’avenir,
et il annonce qu’une ère de paix, de prospérité et de bénédictions se
lèvera enfin sur le monde, « Car l’enfant nous est né,
s’écrie-t-il, le Fils nous a été donné, et l’empire a été posé sur son
épaule, et on appellera son nom l’Admirable ! »
Mes chers auditeurs, nous vivons
aujourd’hui sur les confins de ce point lumineux. Le monde a traversé
de sombres tempêtes, de profondes obscurités ; maintenant la
lumière commence à poindre, comme paraissent au matin les premières
lueurs de l’aurore. Nous marchons vers des temps plus beaux, et, sur le
soir, il y aura de lumière (#Za 14:7). Les ombres et les ténèbres
seront roulées comme un manteau dont on n’a plus besoin, et Dieu
apparaîtra dans sa gloire pour régner sur son peuple. Mais,
remarquez-le, mes, frères, le brillant avenir qu’entrevoyait Ésaïe
devait être la conséquence du grand événement qu’il nous annonce par
ces paroles : l’enfant nous est né, le Fils nous a été
donné ; et si nous-mêmes nous discernons quelque lumière, soit
dans nos propres cœurs, soit dans l’histoire de l’humanité,
souvenons-nous que cette lumière ne procède que de Celui-là seul dont
le nom est l’Admirable, le Conseiller, le Dieu fort et puissant.
La personne dont il est parlé dans
notre texte est sans nul doute le Seigneur Jésus-Christ. Au point de
vue de son humaine nature, il est bien, en effet, cet enfant qui nous
est né ; il est né de la vierge Marie. Évidemment l’essence divine
qui habitait en lui, ne pouvait pas naître d’une femme, car cette
essence est éternelle ; mais comme enfant, il naquit, comme fils
de l’homme, il fut donné. — L’empire a été posé sur son
épaule et on appellera son nom l’Admirable. Il y a dans le monde une
infinité de personnes et de choses qui ne mérite pas le nom qu’elles
portent ; mais Jésus-Christ n’est point dans ce cas. Mon texte ne
renferme ni panégyrique ni flatterie. Si Christ est appelé l’Admirable,
c’est parce qu’il l’est, Dieu le Père ne aurait jamais donné à son Fils
un nom auquel il n’aurait point eu droit. C’est simplement le titre,
que Jésus mérite, et ceux qui le connaissent le mieux seront les
premiers à proclamer que, bien loin d’exagérer sa valeur, ce titre,
emprunté à notre pauvre langage humain, reste infiniment au-dessous de
la glorieuse réalité. Et observez, je vous prie, mes chers auditeurs,
qu’il n’est pas dit seulement que le Père lui ait décerné le nom
d’Admirable ; sans doute cette idée est sous-entendue dans mon
texte ; mais, de plus, il est affirmé qu’il sera appelé de ce nom,
c’est-à-dire qu’il le sera de siècle en siècle et de génération en
génération. Aujourd’hui il est appelé l’Admirable par son peuple
croyant, il l’a été dans le passé, et tant que le soleil et la lune
dureront (#Ps 72:5), il y aura des hommes, des anges et des esprits
glorifiés qui réaliseront la prédiction du prophète : on appellera
son nom l’Admirable.
Avant d’aller plus loin, je dois
dire que le mot hébreu qu’on a traduit par admirable est susceptible de
diverses interprétations. Dans d’autres passages de l’Écriture, ce même
mot a quelquefois été traduit par étonnant ou merveilleux ; un
savant critique allemand lui donne même le sens de miraculeux. Christ
est, en effet, la merveille des merveilles, le prodige des prodiges.
« Il sera appelé le Miraculeux » car il est le suprême
miracle de Dieu son Père. Grand est le mystère de piété ! Dieu
manifesté en chair (#1Ti 3:16)… — On peut aussi donner à ce
mot le sens de séparé, mis à part. Et Jésus-Christ occupe bien, en
effet, un rang à part au milieu de l’humanité. De même que Saül
dépassait de la tête tous les guerriers d’Israël (#1S 10:23), de même
Christ dominent infiniment tous les enfants d’Adam. Il a été oint d’une
huile de joie au-dessus de tous ses semblables ; il est plus beau
qu’aucun des fils des hommes ; la grâce est répandue sur ses
lèvres ; c’est pourquoi « on appellera son nom le Séparé,
l’Unique, l’Incomparable ».
Tout en reconnaissant la valeur de
ces diverses interprétations, je prends mon texte tel qu’il se trouve
dans nos versions les plus répandues (la version anglaise porte
l’Étonnant au lieu de l’Admirable, ce qui nous a obligé de modifier
légèrement certains passages de ce discours — note du
traducteur), et je vais essayer de vous démontrer, mes chers auditeurs,
que Jésus-Christ est véritablement L’ADMIRABLE, dans le sens le plus
absolu du mot. Pour cela, je n’aurai recours à aucun argument de la
sagesse humaine ; je me bornerai à vous rappeler très rapidement
d’abord, CE QUE JÉSUS A ÉTÉ DANS LE PASSÉ ; en second lieu, CE
QU’IL EST DANS LE PRÉSENT, et enfin CE QU’IL SERA DANS L’ AVENIR.
I.
CE QUE JÉSUS À ÉTÉ DANS LE PASSÉ : tel est donc le premier point
sur lequel je vous invite à fixer votre attention. Recueillez vos
souvenirs, mes bien-aimés, et concentrez-les un moment sur la glorieuse
personne de Christ. Considérez, avant tout, son existence éternelle.
« Engendré du Père avant tous les siècles, engendré et non pas
créé, Dieu venu de Dieu, vrai Dieu issu du vrai Dieu, il est d’une même
substance que le Père » (Symbole de Nicée), son égal en toutes
choses. Rappelez-vous que le faible enfant qui naquit à Bethléem
n’était autre que le Roi des siècles, le Père d’éternité, qui était au
commencement et qui sera jusqu’à la fin. Quel mystère, quel admirable
mystère que cette éternelle existence de
Christ ! — Quand nous rencontrons un vieillard chargé
d’années, n’est-il pas vrai que nous éprouvons un mélange de respect,
de curiosité et de surprise, en songeant à la longue carrière qu’il a
fournie ? Et s’il ouvre devant nous le riche trésor de ses
souvenirs, avec quel intérêt nous l’écoutons ! — Mais
qu’est-ce, après tout, que la vie du vieillard comparée à la vie du
chêne séculaire qui lui prête son ombrage ? Longtemps avant que
cet homme, aujourd’hui courbé par l’âge, eût ouvert les yeux à la
lumière, l’arbre étalait au loin ses verdoyants rameaux. Combien
d’orages n’a-t-il pas essuyés ! Combien de rois ont paru et
disparu, combien d’empires se sont écroulés depuis le temps où ce vieux
chêne sommeillait encore dans le gland qui lui servit de
berceau ? — Mais qu’est-ce que l’arbre lui-même comparé
au sol sur lequel il croît ?
Quelle longue, quelle intéressante
histoire ce coin de terre pourrait nous dire ? Combien de
vicissitudes n’a-t-il pas subies durant ces périodes diverses qui se
sont succédées depuis le jour où Dieu créa les cieux et la terre ?
À chaque atome de ce riche terroir, qui fournit au chêne sa nourriture,
est lié peut-être quelque étonnant souvenir. — Mais qu’est-ce
que l’histoire du sol, comparée — à celle de la couche de
granit sur laquelle il repose, du rocher qui la soutient ?
Oh ! Qui dira les révélations que le roc pourrait nous faire, les
secrets cachés dans ses entrailles ? Il existait déjà sans doute à
cette époque mystérieuse où la terre était sans forme et vide, et où
les ténèbres étaient sur la face de l’abîme. Peut-être a-t-il assisté à
ce matin et à ce soir qui furent le premier jour, et pourrait-il nous
expliquer par quelles voies inconnues le Créateur accomplit ce grand,
ce sublime miracle que nous appelons le monde. — Mais
qu’est-ce que l’histoire du rocher, comparée à celle de la mer qui
baigne sa base, de cet océan aux impénétrables profondeurs, que tant de
navires ont sillonné depuis des siècles sans laisser une seule ride sur
son front d’azur ? — Mais qu’est-ce que l’histoire de la
mer elle-même comparée à celle de ce radieux firmament, étendu, comme
un pavillon, au-dessus des eaux profondes ? Quelle histoire que
celle de l’armée des cieux, des éternelles évolutions du soleil, de la
lune et des étoiles ! Qui racontera leur genèse ? Qui écrira
leur biographie ? — Mais qu’est-ce encore que l’histoire
du firmament comparée à celle des anges, de ces esprits célestes qui
entourent le trône de Dieu ? Quel passé que le leur et quelles
annales que les annales gravées dans leurs souvenirs ! Ils
pourraient sans doute nous parler du jour où notre jeune terre leur
apparut enveloppée dans des langes de brouillards ; de ce jour à
jamais mémorable où les étoiles du matin poussèrent ensemble des cris
de joie, et où tous les enfants de Dieu chantèrent en triomphe (#Job
38:7), parce qu’un nouveau monde venait de naître à
l’Éternel. — Mais qu’est-ce que l’histoire même des anges
puissants en force, comparée à l’histoire de notre Seigneur
Jésus-Christ ? L’ange n’est que d’hier et il ne sait rien ;
Christ, le Verbe éternel, fait des anges ses ministres et reçoit leur
adoration. Oh ! Chrétiens, approchez-vous donc avec respect et un
saint tremblement du trône de votre grand Rédempteur ; et vous
souvenant qu’il existait avant toutes choses, que toutes choses ont été
faites par lui et que rien de ce qui a été fait n’a été, fait sans lui
(#Jn 1:3), écriez-vous avec le prophète : on appellera son nom
l’Admirable !
En second lieu, mes frères,
considérez le grand fait de l’incarnation, et dites-nous si, à ce point
de vue également, Christ n’a pas droit à toute notre admiration. Ô
prodiges inouïs ! Quel spectacle s’offre à mes regards ?
L’Éternel, le Dieu des siècles, l’Ancien des jours, Celui dont les
cheveux sont blancs comme de la laine blanche et comme la neige
(Apocalypse l : 14) devient un petit enfant ! Est-il bien
vrai ? Anges du ciel, n’êtes-vous point confondus ?
Quoi ! Cet enfant qui repose sur le sein d’une vierge, et qui se
nourrit de son lait, c’est le Fils de Dieu ? Oh ! Crèche de
Bethléem, tu renfermes le miracle des miracles ! Quand je t’ai
contemplée, rien ne peut plus me surprendre. Parlez-moi du soleil et
des grands phénomènes dont il est la source ; décrivez-moi les
cieux, l’ouvrage du Très-Haut, la lune et les étoiles qu’il a
agencées : toutes les merveilles de la nature m’apparaissent comme
rien, lorsque je les compare au mystère auguste de l’incarnation de
notre Seigneur Jésus-Christ. Assurément ce fut un grand spectacle que
celui de Josué ordonnant au soleil de s’arrêter sur Gabaon (#Jos
10:12) ; mais combien plus grand encore est le spectacle que nous
présente le Fils de Dieu, paraissant s’arrêter, lui aussi, dans sa
marche éternelle à travers les siècles, et voilant sa splendeur divine
sous le nuage de notre pauvre humanité ! Il y a, dans les divers
domaines de la science, de ces faits étranges et inexplicables dont les
meilleurs esprits sont obligés de dire, après des années de
méditation : « Ce sont les hauteurs des cieux, nous ne
saurions y atteindre ; ce sont les profondeurs des abîmes, nous ne
saurions les sonder ».
Mais tous ces problèmes, je le
demande, ne ressemblent-ils pas à des jeux d’enfant, quand on les
compare à la venue en chair du Fils de Dieu ? Les anges eux-mêmes
ne se lasseront jamais de se pencher avec extase sur cet ineffable
mystère, et de redire, avec une admiration toujours croissante, la
merveilleuse histoire du Fils de Dieu, qui naquit de la vierge Marie et
devint le fils de l’homme. Ô Jésus, toi notre Dieu et notre frère, oui,
tu es l’Admirable, et tu le seras jusqu’à la fin ! Tout ensemble
Créateur et créature, Être infini et faible enfant, disposant de la
toute-puissance et suspendu au sein d’une femme, soutenant le monde par
ta force souveraine, et ayant besoin d’être soutenu par la main de ta
mère ; Roi des anges et fils méprisé de Marie, héritier de toutes
choses et humble charpentier, ta grande figure m’apparaît environnée
d’une éblouissante, d’une inimitable auréole ! On appellera ton
nom l’Admirable !
Mais suivez le Sauveur dans sa vie
terrestre, et vous verrez combien, dans les diverses phases de cette
vie de douleur, il justifie le nom que le prophète lui décerne.
N’est-il pas admirable, en effet, quand il se soumet aux dédains et aux
injures de ses ennemis ? Admirable quand, jour après jour, il
permet aux taureaux de Basçan de l’environner, et à l’assemblée des
gens malins de le poursuivre de leur rage ? Admirable quand, aux
blasphèmes dirigés contre Sa personne sacrée, il n’oppose qu’une douce
et grave sérénité ? Mes frères, si vous ou moi avions possédé sa
toute-puissance, n’est-il pas vrai que nous eussions mille fois
pulvérisé nos ennemis ? Au lieu d’endurer en silence leurs
insultes et leurs crachats, quel regard foudroyant n’eussions-nous pas
laissé tomber sur eux, regard qui eût précipité leurs âmes dans les
tourments éternels ! Mais lui, il entend tout, il sait tout, et il
reste maître de lui-même. À la fois digne et humble, courageux et
débonnaire, lion de la tribu de Juda, et agneau muet devant celui qui
le tond, il réunit dans son individualité les traits en apparence les
plus opposés. Je crois de toute la puissance de mon âme que Jésus de
Nazareth est le Roi du ciel, et que pourtant il fut un homme sujet aux
mêmes infirmités que moi, un homme pauvre, méprisé, persécuté,
calomnié. Je ne puis comprendre ce mystère, mais je le crois ; ma
raison est confondue, mais je bénis mon Sauveur, je l’aime, je l’adore
à cause de sa condescendance infinie ; je désire exalter à jamais
son amour ; je désire répéter avec le prophète, jusque dans les
profondeurs de l’éternité : on appellera son nom l’Admirable.
Mais voyez-le mourir …
Venez, ô mes frères ! Enfants de Dieu, assemblez-vous autour de la
croix. Voyez votre Maître. Il est là suspendu au bois
maudit. — Comprenez-vous cette étonnante énigme :
« Dieu a été manifesté en chair et crucifié par les
hommes » ? Mon Maître, mon adorable Maître, non, je ne puis
comprendre comment tu courbes ta tête auguste sous le poids d’un tel
supplice ! Je ne puis comprendre comment tu as consenti à échanger
le diadème d’étoiles qui, de toute éternité, ceignait ton front
puissant contre la couronne d’épines ! Je ne puis comprendre
comment tu as pu te résoudre à déposer le manteau de ta gloire, le
sceptre de ton empire, et surtout, oh ! Surtout, comment tu as
souffert qu’on te revêtît de la pourpre dérisoire, puis qu’on te
dépouillât de tes vêtements, comme un vil esclave ! Mais si tu es
incompréhensible pour ma raison, tu es admirable pour mon cœur. Plus
grand mille fois que l’amour des femmes (#2S 1:26) est l’amour dont tu
m’as aimé. N’y eut-il jamais un amour comme ton amour, une douleur
comme ta douleur, un dévouement comme ton dévouement ? En toi, ô
mon Sauveur crucifié, je vois tout ensemble une incomparable charité
qui te porta à mourir pour moi, une incomparable puissance qui te
rendit capable de soutenir le poids de la colère divine, une
incomparable justice qui te fit acquiescer à la volonté du Père et
satisfaire pleinement à toutes les exigences de la loi, une
incomparable miséricorde qui s’étend même aux plus grands des pécheurs.
On appellera son nom l’Admirable.
Mais il est mort ! Il est
mort ! Les filles de Jérusalem pleurent au pied de la croix
sanglante où vient d’expirer le Fils de l’homme. Joseph d’Arimathée
reçoit son corps inanimé. On l’emporte au sépulcre ; on
l’ensevelit dans un jardin. Qui oserait encore l’appeler
Admirable ? Est-ce donc là le Sauveur dès longtemps promis, le
Sauveur dont les prophètes ont salué la venue avec tant de joie ?
Et il est mort ! Soulevez ses mains : elles retombent inertes
à ses côtés. Regardez ses pieds : n’y voyez-vous pas la marque des
clous ? — « Où est maintenant votre prétendu
Messie ? » s’écrie le Juif d’un ton insultant ;
« où est celui que vous nommiez pompeusement l’Admirable, le
Conseiller, le Dieu fort et puissant ? La mort en a fait sa
proie ; dans quelques jours, il sentira la corruption.
Sentinelle ! Sois vigilante, de peur que ses disciples n’enlèvent
son corps. » — Mais attendons. Quoi qu’en dise le Juif,
Dieu ne laissera point l’âme de son Fils dans le sépulcre, et il ne
permettra point que son Saint sente la corruption. Oui, Jésus est
admirable jusque dans sa mort. Ce cadavre glacé est admirable. Que le
Prince de la vie, le vainqueur de Satan et de l’enfer se soit laissé
lier pour un peu de temps par les cordeaux du sépulcre, c’est là
peut-être, dans l’histoire de Christ, ce qui confond le plus mon
intelligence. Mais voici le grand, le suprême miracle qui devait
couronner tous les autres. Le triomphe de la mort ne fut que passager.
Ces chaînes fatales qui retiennent captifs dans la tombe des milliers
innombrables de fils et de filles d’Adam, et que nul être humain n’a
jamais brisées, si ce n’est par une intervention surnaturelle de la
puissance divine, ces chaînes furent pour Jésus comme des liens
d’étoupes. La mort croyait avoir terrassé notre Samson.
Elle disait : « Je le
tiens en ma puissance ; je lui ai coupé les tresses de sa
force ; sa gloire s’est évanouie ; maintenant il est à
moi ». Mais le Sauveur s’est ri du roi des épouvantements.
Le troisième jour, il se dégage de
son étreinte et sort victorieux du sépulcre, pour s’élever ensuite,
triomphant et plein de gloire, vers le ciel, menant après lui une
multitude de captifs et distribuant des dons aux hommes (#Ep
4:8). — Ô Sauveur tout-puissant, Agneau de Dieu vivant aux
siècles des siècles, je t’admire dans ta mort, je t’admire dans ta
résurrection, je t’admire dans ton ascension ! Oui, toujours et
partout, tu es digne d’être appelé l’Admirable !
Mais arrêtons-nous un moment, mes
chers auditeurs, et recueillons nos pensées. La rapide esquisse que je
viens de faire passer sous vos yeux est bien pâle, il est vrai, et bien
imparfaite ; mais ne sentez-vous pas cependant qu’il y a en elle
quelque chose de souverainement admirable ? Quelles merveilles
pourriez-vous comparer à celles-ci ? Peut-être vous est-il parfois
arrivé, lorsque vous contempliez avec ravissement quelque grand
phénomène de la nature, d’entendre quelqu’un s’écrier à vos
côtés : « Ceci vous étonne-t-il ? J’ai vu des choses
bien autrement surprenantes. » Ou, quand après une longue et
pénible ascension, vous étiez enfin parvenus au sommet de l’un de ces
pics sublimes qui semblent se perdre dans les nuages, et que regardant
à vos pieds, vous laissiez éclater votre enthousiasme, peut-être l’un
de vos compagnons a-t-il murmuré à votre oreille : « J’ai vu
de plus beaux spectacles que celui-ci ; des panoramas autrement
vastes, autrement grandioses, sont déroulés sous mes yeux ». Mais
lorsque nous parlons de Christ, nul n’a le droit de tenir un langage de
ce genre. La personne et la vie de Jésus constituent, passez-moi
l’expression, le point culminant de tout ce qui se peut admirer. Il n’y
a point de mystère égal à ce mystère point de prodige égal à ce
prodige, point d’admiration égale à l’admiration que toute âme humaine
devrait ressentir en contemplant notre Seigneur Jésus-Christ, tel qu’il
nous apparaît, environné des gloires du passé.
Mais il y a plus. En général,
l’admiration s’use vite : c’est un sentiment fugitif et
passager ; c’est une fleur qui ne vit qu’un jour. Mais celle qui a
Christ pour objet se distingue au contraire par son caractère
permanent. Vous pouvez admirer Christ pendant soixante, ou
quatre-vingts années ; mais au terme de cette longue période, vous
l’admirerez plus qu’au commencement. Mieux on connaît Christ, plus on
l’admire. Abraham l’admira sans nul doute, quand il vit son jour à
travers les voiles de l’avenir ; mais je ne pense pas qu’Abraham
lui même pût l’admirer autant que le fait aujourd’hui le plus petit
dans le royaume des cieux. Et cela parce que le moindre croyant de la
nouvelle alliance connaît mieux le Sauveur que ne le connaissait le
patriarche, et que l’admiration pour Christ grandit en raison de la
connaissance qu’on a de lui.
Observez encore, mes chers
auditeurs, que l’admiration à laquelle Jésus a droit est une admiration
sans réserve. Ici-bas, vous le savez, il n’est rien qui ne présente un
côté faible, vulgaire, défectueux ; les plus nobles âmes, comme
les plus belles productions des arts ou des sciences, ont leurs
imperfections et leurs taches. Mais en Christ, tout est grand, tout est
parfait, tout commande l’étonnement et l’admiration. Sous quelque
aspect qu’on l’envisage, il est l’Admirable, et il l’est dans un sens
unique, exceptionnel, absolu.
De plus, on peut dire de
l’admiration dont Jésus est l’objet qu’elle est universelle, en ce sens
qu’elle n’est circonscrite à aucune classe, aucune catégorie de
personnes. On nous répète souvent, il est vrai, que la religion de
Christ n’est bonne que pour les vieilles femmes et pour les ignorants.
Je reçus un jour un singulier compliment au sujet de mon genre de
prédication. On me dit (avec une intention peu bienveillante, cela va
sans dire) que mes sermons conviendraient parfaitement à une assemblée
de noirs. — « Dans ce cas, répondis-je, je ne doute pas
qu’ils ne conviennent aussi aux blancs ; car entre les blancs et
les noirs il n’y a qu’une différence de peau ; or, je ne prêche
pas à la peau des gens, mais à leurs cœurs. » Et ce que je disais
de moi-même, je puis le dire avec bien plus de raison de mon adorable
Maître : il s’adresse à tous indistinctement, parce qu’il
s’adresse avant tout au cœur. Qu’on ne nous dise donc plus que
Jésus-Christ n’est admiré que par les femmes, les petits esprits et les
moribonds : les plus nobles intelligences, les plus grands génies
eux-mêmes se sont inclinés devant lui. Au pied de sa croix, les Locke
et les Newton ont reconnu qu’ils n’étaient que des enfants. Il est
certaines natures qu’il est fort difficile d’émouvoir. Les profonds
penseurs et les rigides mathématiciens sont de ce nombre ; ils ne
se laissent pas souvent dominer par l’étonnement ou l’enthousiasme. Et
pourtant on a vu de tels hommes se prosterner jusque dans la poussière,
en confessant que la grande figure de Christ les avait plongés dans une
religieuse extase, dans une solennelle admiration. On appellera son nom
l’Admirable.
II.
Mais j’ai hâte d’arriver à mon second point. Si Jésus-Christ, comme
nous venons de le voir justifie le titre d’Admirable parce qu’il a été
dans le passé, le justifie-t-il par ce QU’IL EST DANS LE PRÉSENT ?
Telle est la question que nous allons examiner. Seulement, comme ce
sujet est aussi complexe qu’immense, je ne l’aborderai que, sous une
seule de ses faces, et me plaçant sur le terrain de l’expérience
personnelle, je me bornerai à demander à chacun de vous mes
bien-aimés : « Jésus est-il Admirable pour votre
âme ? »
À ce sujet, souffrez que je vous
raconte une page de ma vie intime, et, en décrivant ce qui s’est passé
en moi, je suis assuré que je décrirai aussi en quelque mesure, ce
qu’ont éprouvé tous les enfants de Dieu. Il fut un temps où je
n’admirais pas Christ. J’entendais louer ses charmes, mais je ne les
avais point vus ; j’entendais exalter sa puissance, mais je ne la
connaissais point ; tout ce qu’on me disait de lui était pour moi
comme le récit de ce qui se serait passé dans un pays éloigné je n’y
prenais aucun plaisir. Mais voici qu’un jour un personnage à l’aspect
sinistre et menaçant frappa à ma porte. Je m’empressai d’en tirer les
verrous, puis je la tins de toutes mes forces. Peines inutiles !
L’étranger frappe à coups redoublés jusqu’à ce qu’enfin la porte cède.
Il entre, et m’appelant d’une voix sévère, il me dit : « Je
suis porteur d’un message pour toi de la part de Dieu ; je viens
te dire : tu es condamné à cause de tes péchés ». Je le
regardai avec étonnement et lui demandai son nom. « Je m’appelle
La Loi », me répondit-il ; ce qu’ayant ouï, je tombai à ses
pieds, comme mort. Quand j’étais sans la loi, je vivais, mais quand le
commandement est venu, le péché a commencé à revivre, et moi je suis
mort (#Ro 7:9). Mon sombre visiteur commença alors à me frapper. Il me
frappa si impitoyablement, que tous mes os en furent meurtris. Mon cœur
se fondit comme de la cire ; il me sembla que j’étais étendu sur
un chevalet, qu’on me brisait tous les membres, qu’on me labourait les
chairs avec un fer rouge. Une inexprimable angoisse régnait au-dedans
de moi. Je n’osais lever les yeux ; cependant, je me disais :
« Tout espoir n’est pas perdu. Le Dieu que j’ai offensé se
laissera peut-être fléchir par mes larmes et mes bonnes
résolutions ». Mais chaque fois que cette pensée traversait mon
esprit, les coups de mon ennemi redoublaient de violence. Enfin mes
souffrances devinrent intolérables, et le désespoir, s’empara de mon
âme.
Il me sembla que d’épaisses
ténèbres m’enveloppaient de leurs ombres et que des voix lugubres, des
pleurs et des grincements de dents parvenaient à mon oreille.
« C’en est fait ! » pensai-je alors ; « le
Seigneur m’a rejeté pour toujours ; je suis en abomination, devant
ses yeux ; il m’a foulé de pieds dans sa juste colère… » Mais
soudain une autre figure m’apparut, figure triste et douloureuse, mais
où se peignait une tendre compassion. Je la vis se pencher sur moi, et
j’entendis ces douces paroles : « Réveille-toi, toi qui dors,
et relève-toi d’entre les morts, et Christ t’éclairera » (#Ep
5:14). Je me levai tout surpris ; alors, me prenant par la main,
l’inconnu me mena dans un lieu sombre, où s’élevait une croix ;
puis il disparut de devant mes yeux. Mais, ô surprise ! Je le
revis un instant après, je le revis, attaché à la croix ! Oui,
c’était bien lui dont le sang ruisselait sur l’arbre
maudit … Il fixa sur moi un regard si plein d’un ineffable
amour, que mon cœur en fut comme transpercé. Je le regardai à mon tour,
et au même moment toutes les plaies de mon âme furent guéries. Mes
blessures furent cicatrisées, les os brisés se réjouirent ; les
haillons dont j’étais couvert furent enlevés ; mon âme devint
aussi pure que les neiges immaculées des lointaines régions du
Nord ; mon esprit éclatait en chants de louange, car j’étais lavé,
purifié, pardonné, sauvé ! Oh ! Combien j’admirai l’amour de
Celui qui s’était ainsi immolé pour les pauvres pécheurs ! Combien
sa grâce me parut merveilleuse ! Et ce qui me confondait plus que
tout le reste, c’est que cette grâce se fût étendue jusqu’à moi. C’est
que mon céleste Ami eût été capable d’effacer des péchés aussi
nombreux, des crimes aussi noirs que les miens ; c’est qu’aux
orages d’une conscience accusatrice il eût fait succéder dans mon sein
une paix sans mélange, et que mon âme, troublée jusque-là comme une mer
en tourmente, fût devenue tout à coup aussi tranquille que la surface
d’un lac, dont aucun souffle ne vient rider le limpide
miroir. — Ce fut alors que pour la première fois Jésus
m’apparut comme l’Admirable. — Frères et sœurs qui m’écoutez,
vous qui avez éprouvé quelque chose de pareil à ce que je viens de
décrire, rappelez vos souvenirs et dites si, à cette heure bénie où
Jésus vous fit entendre une parole de pardon, vos cœurs ne furent pas,
comme le mien, transportés d’étonnement et d’un saint
enthousiasme ?
Et depuis lors, mes bien-aimés,
que de fois votre Sauveur ne s’est-il pas montré admirable envers
vous ? Vous avez eu à traverser des jours de tristesse, de maladie
et de deuil ; mais vos souffrances ont été légères, car Jésus
s’est tenu au chevet de votre lit de douleur ; vos soucis ont été
calmés, car vous avez pu vous en décharger sur lui. L’épreuve qui
menaçait de vous accabler n’a servi qu’à vous rapprocher du ciel, et
vous vous êtes écriés : « Qu’il est admirable Celui qui a pu
répandre dans mon cœur une telle paix, une telle joie, de telles
consolations ! » Permettez-moi de vous faire part encore de
mes expériences personnelles. Il y a quelques années, je fus appelé à
boire une coupe plus amère que je ne saurais dire. Le seul souvenir des
angoisses intérieures auxquelles je fus alors en butte me glace
d’épouvante … Jamais personne ne vit peut-être d’aussi près
que moi la brûlante fournaise de la démence sans y laisser sa
raison … Il me semblait que je marchais au milieu des
flammes. Une multitude de pensées affreuses torturait mon cerveau. Je
n’osais regarder vers Dieu, car la prière, qui jusque-là avait été mon
refuge dans la détresse, ne faisait qu’augmenter ma souffrance. Jamais
je n’oublierai le moment où la paix me fut rendue. Je me promenais,
rêveur et solitaire, dans le jardin d’un ami, méditant tristement sur
mes douleurs, et me disant que mon fardeau était plus lourd que je ne
pouvais le porter, quand tout d’un coup le nom de Jésus traversa mon
esprit. Je m’arrêtai. La personne de Christ se présenta vivante aux
yeux de ma foi. Au même instant, les torrents de lave qui
bouillonnaient dans mon âme se refroidirent. Mes angoisses furent
apaisées. Je me prosternai dans la poussière, et ce jardin qui m’avait
paru un Gethsémané devint pour moi un paradis. Je ne pouvais me lasser
d’admirer la puissance du nom de Jésus. Deux choses me surprenaient
surtout : la première, c’était la miséricorde de mon Maître envers
moi, la seconde, mon ingratitude envers lui.
Aussi puis-je dire qu’à dater de
ce jour j’ai mieux compris tout ce qu’il y a en lui d’admirable, et je
suis heureux de déclarer publiquement ce qu’il a fait pour mon âme.
Et à vous de même, frères et
sœurs, n’en doutez pas, Jésus se manifestera comme l’Admirable, aux
jours de vos tribulations et de vos douleurs. Pareilles à la sombre
feuille de métal que le joaillier place sous le diamant afin d’en
rehausser l’éclat, vos épreuves sont destinées par le Seigneur à faire
ressortir le glorieux éclat de son nom. Vous ne connaîtriez jamais les
choses magnifiques de Dieu, si vous ne descendiez dans les bas-fonds de
l’adversité.
Vous vous souvenez des paroles du
psalmiste : Ceux qui descendent dans la mer, sur les navires, et
qui font commerce sur les grandes eaux, voient les œuvres de l’Éternel
et ses merveilles dans les lieux profonds (#Ps 107:23,24). Ces paroles
sont aussi vraies ; dans un sens spirituel que dans le sens
littéral.
Oui, c’est dans les lieux profonds
que nous voyons le mieux les trésors de la sagesse et de l’amour
divin ; c’est dans les grandes eaux de la souffrance que le fidèle
reconnaît combien Jésus est admirable et puissant à sauver.
Un mot encore avant de quitter
cette partie de mon sujet. — Il est des moments où l’enfant
de Dieu peut s’écrier avec ravissement : « Oui, le nom de
Jésus est admirable, car ce nom m’a transporté, pour ainsi dire, au
milieu des réalités du monde invisible » (je vous plains, mes
bien-aimés, si vous ne connaissez rien de ces joies extatiques que je
vais essayer de décrire). Il est des moments où il semble au chrétien
que les mille charmes de la vie présente n’exercent plus aucun empire
sur lui : libre et heureux, il déploie ses ailes et prend son
essor vers les cieux. Il monte, il monte toujours, et bientôt les
douleurs de la terre ne lui apparaissent plus que comme un point à
l’horizon. Il monte encore, et les joies de la terre s’évanouissent à
leur tour à ses regards ; il plane au-dessus d’elles, comme
l’aigle qui vole à la rencontre du soleil plane au-dessus des plus
hautes cimes. L’image de son Sauveur brille devant ses yeux, et vers
cette vision ineffable tendent tous ses désirs. Jésus remplit son cœur
tout entier ; son âme le contemple, et le nuage qui voilait pour
lui la face de son Maître semble dissipé. Alors le chrétien peut
s’écrier avec saint Paul : « Si c’est en mon corps ou sans
mon corps, je ne sais, Dieu le sait ! Mais je suis ravi jusqu’au
troisième ciel » (#2Co 12:2-4). Et qu’est-ce qui a produit ce
ravissement ? Est-ce le son de la flûte, de la harpe, de la
sambuque, du psaltérion et de toute sorte de musique ? (#Da 3:5,
etc.). Non. Qu’est-ce donc ? Seraient-ce les richesses, la
renommée, les honneurs, les enivrements de la prospérité ? Pas
davantage. Serait-ce une brillante intelligence, une imagination
vive ? Non plus. Ces heures d’extase ont été causées uniquement
par le nom de Jésus. Ce seul nom a la vertu de transporter l’âme
chrétienne à des hauteurs de béatitude, voisines de ces régions
fortunées où les anges jouissent d’une félicité sans nuage.
III.
On appellera son nom l’Admirable. Quel thème inépuisable que ces
paroles du prophète ! Mais le temps me presse, et je dois, ayant
de terminer, considérer mon texte sur un troisième point de vue. CHRIST
SERA APPELÉ L’ADMIRABLE DANS L’AVENIR : telle est, mes chers
auditeurs, la solennelle vérité sur laquelle je désire appeler, pendant
quelques instants, votre attention.
Le grand jour est venu, le jour de
la colère, le jour de la justice. Le temps n’est plus. Le dernier
siècle, comme la dernière colonne d’un temple qui s’écroule, vient de
tomber avec fracas. L’horloge de l’humanité va frapper son dernier
coup … C’en est fait ! L’heure est venue où les choses
visibles doivent disparaître. Je vois les entrailles de la terre qui
s’ébranlent. Les terres des cimetières rendent les morts, qui
sommeillaient sous leur gazon. Les champs de bataille, engraissés par
le sang humain, ne sont plus revêtus, d’opulentes moissons ; une
moisson d’un autre genre les couvre : une grande multitude
s’élance de leur sein. L’océan lui-même, semblable à une mère féconde,
enfante à une nouvelle vie ceux qu’il avait engloutis dans ses flots.
L’humanité tout entière est debout devant Dieu. Pécheurs ! Vous
êtes sortis de vos tombeaux. Les piliers des cieux chancellent ;
le firmament s’affaisse ; le soleil, cet œil de l’univers, roule
dans son orbite comme l’œil d’un insensé, et ne jette plus que de
sinistres lueurs ; la lune est changée en sang.
Des signes et des prodiges, tels
que l’imagination ne peut les concevoir, frappent d’épouvante le cœur
des hommes. Soudain, sur une nuée, apparaît quelqu’un semblable au Fils
de l’homme. Pécheurs ! Essayez de vous représenter votre
consternation à cette vue. Où es-tu, Voltaire ? Tu as dit :
« Écrasons l’infâme ! » Viens et écrase-le, maintenant.
« Ah ! » répond Voltaire, « je ne savais pas qui
j’insultais » … Et toi, Judas, avance donc !
Viens imprimer sur sa joue un baiser de traître.
« Ah ! » répond Judas, « je ne savais pas qui je
baisais. Je pensais baiser le fils de Marie et non le Fils du Dieu
tout-puissant. » — Approchez, aussi, ô vous, princes et
rois de la terre, qui avez consulté ensemble contre l’Éternel et contre
son Oint, disant : « Rompons leurs liens et jetons loin de
nous leurs cordes » (#Ps 2:3). Consultez-vous maintenant contre
lui et foulez, aux pieds ses lois ! … Oh ! Mes
chers auditeurs, essayez de vous représenter l’indicible, mélange
d’admiration de surprise et d’effroi qui saisira les incrédules, les
sociniens, les indifférents, les formalistes, quand ils verront Jésus
de leurs yeux, quand ils seront témoins de sa gloire.
« Tu es véritablement,
l’Admirable ! » s’écrieront ils en se frappant la
poitrine ; « honte à nous qui t’avons méconnu. Rochers !
Tombez sur nous et cachez-nous de devant la face de l’Agneau. »
Mais Jésus leur dira : « Vous avez cru que j’étais semblable
à l’un de vous et vous n’avez pas voulu me recevoir comme votre
Roi ; maintenant, je suis venu dans la gloire de mon Père, pour
juger les vivants et les morts ».
Un jour, Pharaon conduisit son
armée au milieu de la mer Rouge. Le chemin était sec, et des deux côtés
s’élevaient, ainsi qu’une paroi d’albâtre, les eaux claires et
étincelantes. On eût dit, qu’un souffle glacial, passant sur la mer, en
avait cristallisé la surface. L’armée de Pharaon s’avance dans cet
étrange défilé ; mais qui dira la stupeur et l’épouvante de cette
multitude, lorsqu’elle vit ces murailles d’eau s’abattre sur elle pour
l’engloutir ? Tel, et plus grand encore, sera votre désespoir, ô
pécheurs, lorsque ce Christ que vous méprisez aujourd’hui, ce Christ
que vous repoussez comme Sauveur, ce Christ dont vous ne lisez point la
Parole, dont vous profanez les sabbats, dont vous rejetez l’Évangile,
lorsque ce Christ apparaîtra dans la gloire de son Père et tous ses
saints anges avec lui. Alors vous reconnaîtrez qu’il est
l’Admirable ; mais vous le reconnaîtrez en pâlissant d’effroi,
vous le reconnaîtrez à votre éternelle confusion.
Mais il y aura peut-être, au jour
du jugement, quelque chose de plus étonnant encore que la condamnation
des pécheurs. Regardez là-bas. Tout est paisible, calme, serein. Quel
contraste avec les scènes lugubres que nous venons de contempler !
Au lieu de gémissements, de lamentations, de cris de terreur, nous
entendons une suave harmonie. Quelle est cette multitude que personne
ne saurait compter ? Ce sont les rachetés de l’Agneau.
Voyez-les : ils s’assemblent autour du trône. Ce même trône qui
vomit la mort et la destruction sur les impies devient le centre de la
lumière et du bonheur des élus. Des chants de triomphe et non des cris
d’épouvante sortent de leurs bouches. La joie et non la terreur se
peint sur leurs visages. Les voyez-vous qui s’avancent, vêtus de
longues robes blanches et portant des palmes à la main ? Les
entendez-vous qui s’écrient : « Saint, saint, saint est
l’Éternel, Dieu des armées ! Seigneur, tu es digne de recevoir la
gloire, l’honneur et la puissance, car tu as été immolé et tu nous as
rachetés à Dieu par ton sang » (#Ap 4; 5) ? Ah ! Pour
eux aussi, pour eux surtout, Jésus est l’Admirable ; mais c’est
avec transport, avec extase, avec amour, qu’ils le proclament tel, et
non point comme les autres avec regret et avec effroi. Saints du
Seigneur ! Vous connaîtrez pleinement les merveilles de son nom,
quand vous le verrez tel qu’il est et que vous serez rendus semblables
à lui, au jour de son avènement. Ô mon âme, réjouis-toi d’une
allégresse éternelle, car le triomphe de ton Rédempteur sera aussi le
tien. Je suis indigne, il est vrai ; je suis le premier des
pécheurs et le moindre de tous les saints ; toutefois, mon œil le
verra et non point un autre. Je sais que mon Rédempteur est vivant, et
qu’il demeurera le dernier sur la terre, et qu’après que ma peau aura
été détruite, je verrai Dieu de ma chair ! (#Job 19:25-27).
Ô vous tous, enfants de Dieu,
tressaillez de joie, car votre délivrance approche. Vierges, tenez vous
prêtes ! Que vos reins soient ceints et vos lampes allumées. Voici
l’Époux qui vient ; sortez au-devant de lui. Il
vient, — Il vient, Il vient ! Et tout œil le
verra ; et lorsque vous irez à sa rencontre, vous répéterez avec
transport : « Oui, Seigneur Jésus, tu es l’ADMIRABLE, et tu
le seras d’éternité en éternité. Alléluia ! Alléluia !
Alléluia ! »