160 - ON NE SE JOUE POINT DE CHRIST.
Mais eux, n’en tenant compte, s’en allèrent, l’un à sa métairie et l’autre à son trafic
(#Mt 22:5); lisez toute la parabole des noces : #Mt 22:1-14).
L’homme n’a point changé depuis
les jours d’Adam. Dans sa conformation physique, il est absolument le
même, comme le prouvent les squelettes humains qu’on retrouve après des
siècles et qui offrent une identité parfaite avec ceux de notre époque.
Son être moral n’a subi non plus que de très légères modifications, en
sorte que ce qui est écrit de l’homme dans les annales du passé
pourrait s’écrire de l’homme d’aujourd’hui. Il n’y a rien de nouveau
sous le soleil. À part quelques différences extérieures et
superficielles, on retrouve les mêmes types, les mêmes caractères que
ceux qui existaient dans les âges les plus reculés. C’est ainsi qu’il a
encore des hommes exactement semblables à ceux dont le Sauveur nous a
tracé le portrait dans les paroles de mon texte : ils s’en vont,
l’un à sa métairie et l’autre à son trafic, ne tenant aucun compte des
glorieuses réalités de l’Évangile. C’est de ce grave sujet, mes
bien-aimés, que j’ai à cœur de vous entretenir aujourd’hui. À mon avis,
l’indifférence pour les choses spirituelles, le mépris de Christ et de
son œuvre, constitue le péché le plus énorme dont l’âme humaine puisse
se rendre coupable. C’est pourquoi, dussé-je être accusé par ceux qui
veulent être plus sages que la Parole écrite, d’exalter outre mesure la
liberté de l’homme et de me placer sur le terrain de la légalité, je
désire vous mettre en garde contre ce péché et vous avertir, avec toute
l’énergie dont je suis capable, que nul ne saurait impunément se jouer
de Christ et de sa grâce.
J’ai devant moi en cet instant, je
n’en saurais, douter, beaucoup d’âmes auxquelles s’appliquent les
paroles de mon texte : puissé-je m’adresser, à elles d’une manière
incisive et pénétrante ! Et vous tous, mes frères en Jésus, qui
connaissez l’art céleste de la prière, joignez-vous à moi, je vous en
supplie, pour demander au Seigneur de donner efficacité à mes paroles,
en sorte qu’elles puissent porter des fruits de justice, pour le salut
de beaucoup d’âmes.
Relisons notre texte : Mais
eux, n’en tenant compte, s’en allèrent, l’un à sa métairie, et l’autre
à son trafic.
I.
Et d’abord, demandons-nous : DE QUOI LE PÉCHEUR NE TIENT PAS COMPTE ?
Les sujets du roi ne tinrent
compte ni de la gracieuse invitation de leur souverain, ni du festin
qu’il avait préparé en l’honneur des noces de son fils, ni des mets
délicats qui leur étaient offerts, et dont ils se privaient
volontairement. Le sens spirituel de cette parabole est aisé à
découvrir. Les âmes qui ne répondent pas aux appels de Christ, qui ne
profitent pas du salut accompli par lui, méprisent ouvertement le
glorieux banquet de la grâce auquel le Père céleste les convie. Nous
touchons, je le sais, à des questions brûlantes : puisse le
Saint-Esprit être lui-même notre Guide !
Prenant la parabole pour base de
nos remarques, observons en premier lieu que les pécheurs ne tiennent
pas compte du messager qui vient leur dire de la part de son
Maître : « Venez, car tout est prêt ». Ceux qui avaient
été conviés aux noces méprisèrent les serviteurs du Roi, puisque au
lieu de les suivre avec empressement, ils s’en allèrent l’un à sa
métairie, et l’autre à son trafic. De même, tout homme qui néglige le
grand salut apporté au monde par Jésus-Christ, méprise le ministre de
l’Évangile chargé de lui annoncer ce salut : or, mes chers
auditeurs, ce n’est pas là, sachez-le, une légère offense aux yeux de
Dieu. Notre grande nation se considérerait à bon droit comme insulté
si, l’on manquait de déférence envers l’un de ses ambassadeurs ;
et de même, soyez-en sûrs, le Roi du ciel se tient pour insulté chaque
fois que vous traitez avec dédain les ambassadeurs qu’il vous envoie.
Mais, après tout, ceci est comparativement de peu d’importance. Les
ambassadeurs sont des hommes comme vous, et si vos dédains et vos
injures n’atteignaient que leurs personnes, ils vous pardonneraient de
grand cœur, et le mal ne serait pas grand.
Mais les invités de notre parabole
méprisèrent aussi le festin. Quelques-uns s’imaginèrent apparemment que
les bêtes grasses et les autres mets de la table royale ne seraient pas
meilleurs que les provisions qu’ils avaient chez eux. « Bien
insensés serions-nous, se dirent-ils sans doute, si, pour un souper,
nous suspendions les affaires de notre négoce ou les travaux de nos
champs ! » Et toi, pécheur, quand tu négliges le grand salut
de Dieu, sais-tu bien ce que tu fais ? Tu outrages l’Évangile du
salut, tu tiens pour une chose vaine la foi qui justifie, tu foules aux
pieds le sang de Jésus, tu repousses le Saint-Esprit, tu te détournes
du chemin du ciel. Promesses de l’alliance éternelle, douceurs de la
communion de Christ, bien ineffables que Dieu a préparés pour ceux qui
l’aiment, rassasiements de joie réservés à ceux qui, seront venus au
banquet des noces de l’Agneau, rien de tout cela ne vaut dans ton
estime un seul désir, un seul effort, un seul renoncement !
Ah ! C’est une chose grave, c’est une chose sérieuse que de se
jouer ainsi de l’Évangile ; car dans cette bonne Nouvelle, dans ce
Testament de Dieu est concentré tout ce dont la nature humaine a
besoin, tout ce que les âmes glorifiées elles-mêmes sont susceptibles
de recevoir. Eh quoi ? Mépriser le saint Évangile de notre grand
Dieu : quelle aberration ! Quel acte de démence !
Méprise les étoiles que la main de l’Éternel a semées dans l’espace, et
je plaindrai ta folie. Méprise cette terre, que Dieu a créée, ses
belles montagnes, ses limpides ruisseaux, ses prairies verdoyantes, et
je t’appellerai un pauvre insensé. Mais si tu méprises l’Évangile de
Christ, si tu ne tiens aucun compte des invitations de la grâce, en
vérité, je te le dis, tu es mille fois plus insensé que celui qui ne
saurait voir aucun éclat dans le soleil, aucun charme dans l’astre des
nuits, aucune splendeur dans le firmament étoilé. Oui, foule aux pieds,
si tu le veux, les magnificences de la création ; mais
souviens-toi, je t’en conjure, qu’en méprisant le salut de l’Évangile
tu méprises le chef-d’œuvre du Créateur : ce qui a coûté plus de
travail à son âme que de créer des myriades de mondes, ce qu’il n’a pu
accomplir qu’au prix du sang de son Fils !
Mais il y a plus. Les invités de
la parabole ne tinrent pas compte du Fils du Roi. C’étaient ses noces
qu’on célébrait, et leur refus de participer au souper était une injure
adressée à celui en l’honneur duquel le souper était préparé. Ils
n’eurent ni égard ni respect pour le Fils bien aimé du Père. Et toi,
pécheur, en repoussant l’Évangile, tu te joues également du Fils du
Roi. Tu te joues de Christ, de ce Christ devant qui les chérubins se
prosternent avec adoration, — de ce Christ aux pieds duquel
l’archange lui-même considère comme un honneur de jeter sa
couronne, — de ce Christ dont les louanges font retentir
continuellement les voûtes des cieux, de ce Christ que son Père honore
au-dessus de toute créature puisque Il l’appelle Dieu sur toutes
choses, béni éternellement. Ah ! Si c’est une chose sérieuse que
de se jouer de l’Évangile, c’est une chose terrible que de se jouer de
Christ ! Outrage le fils d’un monarque de la terre, et tu sentiras
les effets de la colère du roi ; outrage le Fils du Monarque du
ciel, et le Père saura bien venger sur un vermisseau tel que toi
l’insulte faite à son Fils. Pour ma part, mes chers auditeurs, il me
semble que c’est un péché, non pas irrémissible sans doute, mais plus
monstrueux qu’on ne saurait dire, de traiter le Seigneur Jésus-Christ
avec une dédaigneuse indifférence. Jésus ! Cher Sauveur de mon
âme, lorsque je te vois luttant en Gethsémané, suant des grumeaux de
sang, je me prosterne et je m’écrie : « Ô divin Rédempteur,
navré pour nos forfaits, se peut-il bien qu’il y ait au monde un
pécheur assez vil pour ne pas tenir compte de toi ? » Quand
je te contemple, meurtri et sanglant, sous les fouets maudits des
soldats de Pilate, je me demande : « Est-il une âme assez
endurcie pour mépriser un tel Sauveur ? » Et lorsque tu
m’apparais sur le Calvaire, cloué au bois, mourant dans les tortures et
poussant ce cri lugubre : « Eloi, Eloi, lamma
sabachtani ! », je me dis encore : « Est-il
possible, ô sainte victime, de se jouer de ta croix !… »
Hélas ! Oui, cela est possible ; mais malheur à ceux qui
méprisent ainsi le Prince de Paix, le Fils du Roi de gloire ! Oui,
malheur à eux : car n’eussent-ils commis d’autre crime que
celui-là, il suffirait, à lui seul, pour attirer sur leurs têtes la
condamnation éternelle. Ô toi qui méprise Jésus, considère tes voies,
je t’en supplie, songe que tu insultes le seul Être qui puisse te
sauver, le seul qui puisse te soutenir au milieu des flots du Jourdain,
le seul qui puisse ouvrir devant toi les portes du paradis et
t’accueillir dans son ciel.
Que nul prédicateur complaisant,
que nul diseur de choses agréables ne te persuade qu’on peut sans crime
se jouer de Christ. Tremble, pécheur, tremble, te dis-je ! Car, si
tu ne te repens, tu seras enveloppé dans la terrible destruction
réservée aux ennemis du Fils unique de Dieu.
Mais il y a plus encore. Les
invités de la parabole ne tinrent pas compte du Roi qui les conviait au
souper. Et toi, pécheur, quand tu refuses les invitations de la grâce,
sache que tu fais injure à Dieu lui-même. Il y a dans le monde beaucoup
de gens qui disent : « Nous ne croyons pas en Christ, mais
nous vénérons le Dieu créateur et conservateur de l’humanité. Nous
faisons peu de cas de l’Évangile. Nous ne tenons pas, il est vrai, à
être lavés dans le sang de Jésus, ni sauvés à la façon des disciples de
la grâce ; mais nous sommes loin de mépriser Dieu. Nous sommes
déistes : notre religion est la religion naturelle. » Ma
réponse à ces hommes est celle-ci : en tant que vous niez le Fils,
vous insultez le Père. Qui méprise l’enfant, méprise celui dont il est
issu : qui méprise le Fils unique de Dieu, méprise l’Éternel
lui-même. Hors de Christ, il n’y a point de religion digne de ce nom.
Votre prétendue religion naturelle est une illusion et un mensonge.
C’est le refuge de l’homme qui n’est pas assez loyal pour avouer qu’il
hait Dieu ; mais c’est un refuge de néant, car celui qui ne
reconnaît pas en Christ le Fils de Dieu et le Sauveur des hommes,
insulte le Très-Haut et se ferme la porte du ciel. On ne peut aimer le
Père que par le Fils, et on ne peut rendre au Père un culte qui lui
soit agréable, si ce n’est par Jésus-Christ, le grand Médiateur de la
nouvelle Alliance. Vous donc qui avez méprisé l’Évangile, vous avez
méprisé du même coup le Dieu de l’Évangile. Vous qui vous êtes raillés
des doctrines de la Révélation, vous avez raillé l’Auteur de cette
Révélation. Vous qui avez dénigré le message du salut, vous vous êtes
insurgés, contre le Roi du ciel. Vos blasphèmes et vos sarcasmes ne
sont pas tombés seulement sur l’Église de Christ : ils sont tombés
sur Dieu lui-même. Oh ! Souvenez vous, pauvres insensés,
souvenez-vous que Dieu est un Dieu puissant, que Dieu est un Dieu
jaloux ! Il peut punir, il veut punir ses adversaires. Ne pas
tenir compte de lui, c’est être le meurtrier de sa propre âme, c’est
signer son arrêt de mort, c’est se précipiter tête baissée vers la
perdition … Ô déplorable aveuglement des âmes qui vivent et
meurent sans tenir compte de Dieu, et qui préfèrent leur métairie et
leur trafic aux trésors de l’Évangile !
Songe aussi, je te prie, mon
malheureux auditeur, qu’en ne tenant compte ni de Dieu, ni de Christ,
ni de l’Évangile, tu prouves, par cela même, que les solennelles
réalités du monde à venir sont pour toi comme si elles n’existaient
pas. Celui qui se joue de Christ se joue de l’enfer : il croit que
ses flammes ne sont qu’un mot, et ses tourments qu’une métaphore. Il se
rit des larmes brûlantes qui sillonnent à jamais le visage des
réprouvés ; il se moque des cris et des malédictions, des pleurs
et des grincements de dents : lugubre et dissonante harmonie,
seule musique des âmes perdues … Ne pas tenir compte de
l’enfer ? Oh ! N’est-ce pas le comble de la folie en même
temps que le comble de l’endurcissement ?
De plus, considère, pauvre
pécheur, qu’en fermant l’oreille aux appels divins tu méprises le
ciel : le ciel, objet des aspirations des enfants de Dieu, le ciel
où règnent une gloire que n’obscurcit aucun nuage et un bonheur que ne
trouble aucun soupir ! Tu repousses avec dédain la couronne de
vie ; tu foules d’un pied profane les palmes du triomphe ; tu
tiens peu à être sauvé, peu à être glorifié. Ah ! Quand tu seras
en enfer, et que les verrous d’une inflexible destinée auront été tirés
sur toi, alors tu trouveras qu’il n’est pas si facile de rire des
peines éternelles. Et quand tu auras perdu le ciel et sa félicité,
quand les chants des bienheureux, comme un écho affaibli et lointain,
parviendront à ton oreille, augmentant s’il est possible ton désespoir,
alors tu reconnaîtras, mais trop tard, que le ciel vaut la peine qu’on
y pense … Voilà ce dont il ne tient pas compte, l’homme qui
méprise la religion de l’Évangile ; il méconnaît la valeur de son
âme et l’importance de sa destinée éternelle.
« Mais, diront peut-être
quelques-uns, prédicateur, tu nous fais injure ! Nous ne sommes
point hostiles à la religion de Christ ; nous ne blasphémons point
contre Dieu ; nous respectons ses ministres ; nous observons
ses sabbats. » C’est possible, mes amis ; je veux croire
qu’il en est ainsi ; mais, au nom de mon Maître, je ne vous en
accuse pas moins d’avoir commis le grand péché que nous venons
d’étudier ensemble, c’est-à-dire de n’avoir tenu compte ni de Christ ni
de son Évangile. Écoutez !
II.
COMMENT TÉMOIGNE-T-ON QU’ON NE TIENT PAS COMPTE DE CHRIST ?
On peut le faire de bien des manières.
En premier lieu, et dans le sens
le plus simple, on ne tient pas compte des choses du salut quand on
assiste à la prédication de l’Évangile, mais qu’on ne l’écoute pas. Que
de gens qui semblent fréquenter nos temples et nos chapelles dans le
seul but de se livrer aux douceurs d’une agréable sieste ! Quelle
insulte envers le Roi des rois ! Oseraient-ils entrer dans, le
palais d’un monarque terrestre, lui demander une audience, et puis
s’endormir en sa présence ? Et ce qu’ils rougiraient de faire à
l’égard d’un roi de la terre, ils le font, sans le moindre scrupule,
quand il s’agit du Roi du ciel ! D’autres ne dorment point, il est
vrai, mais ils ne font pas mieux, car ils écoutent le serviteur de Dieu
avec distraction et indifférence, comme si ses paroles ne les
concernaient en rien. Ce qui frappe leurs oreilles n’atteint point
leurs consciences ; ce qui pénètre dans leur cerveau n’arrive
point jusqu’à leur cœur. Chaque fois que vous écoutez l’Évangile sans
attention et sans recueillement, dites-vous bien, mes chers auditeurs,
que vous vous jouez de Christ. Hélas ! Que ne donneraient pas les
âmes perdues pour entendre une fois encore les appels de la miséricorde
divine ! Que ne donnerait pas ce moribond, parvenu au bord du
sépulcre, pour voir luire de nouveau un de ces dimanches dont il
faisait autrefois un si mauvais usage ! Que ne donnerais-tu pas
toi-même, pauvre pécheur, quand tu seras sur le bord du Jourdain, pour
recevoir encore une invitation de la grâce, pour entendre une dernière
fois le ministre de Dieu te parler d’espérance et de
pardon ! …
Mais quelques-uns diront peut-être
qu’ils écoutent avec sérieux, quelque fois même avec émotion. Je
l’admets ; mais autre chose est de prêter une certaine attention à
l’Évangile, autre chose est d’en tenir réellement compte. J’ai vu des
hommes trembler à l’ouïe d’une puissante prédication, comme si les
foudres du Sinaï eussent grondé à leurs oreilles ; j’ai vu les
larmes se succéder rapides et abondantes sur leurs visages :
larmes bénies qui trahissaient les vives émotions de leurs cœurs.
Alors, tout étonné, je me suis dit
à moi-même : « Ô merveilleux effet de la Parole de Dieu sur
les âmes ! » Mais il est une chose qui m’a souvent étonné
plus encore que de voir pleurer mes auditeurs, c’est de voir avec
quelle promptitude le plus grand nombre sèchent leurs larmes et les
oublient … Si donc, mon frère, tu étouffes les solennelles
impressions que tu peux avoir reçues dans la maison de Dieu, sache que
tu te joues de Christ et de son Évangile, tout autant que le moqueur et
que l’impie. Songes-y, je t’en conjure, de peur que tes propres
vêtements ne soient teints du sang de ton âme, et qu’au dernier jour il
ne soit dit à ton sujet : « Tu t’es perdu toi-même, ô
Israël ! »
Mais il y a des personnes qui
écoutent la parole ; elles paraissent même la recevoir ; mais
hélas ! Leur cœur est partagé. Or, quiconque ne place pas Christ
au centre même de son cœur, témoigne évidemment, qu’il ne tient pas
compte de lui. Celui qui ne donne à Christ qu’un petite partie de ses
affections, le méprise et l’offense, car Christ veut tout ou rien.
Celui qui partage son cœur entre Christ et le monde, insulte Christ de
la manière la plus grave, car il prouve qu’à son avis, Christ n’est pas
digne d’avoir le tout. Ô toi, homme charnel, toi qui es à moitié
religieux et à moitié profane ; toi qui es quelquefois sérieux,
mais plus souvent frivole, qui parais quelquefois pieux, mais plus
souvent mondain, homme charnel, je te le dis, tu te joues de
Christ ! Et toi, qui pleures le dimanche, et qui le lundi
retournes à tes péchés ; toi qui fais passer le monde et ses
plaisirs avant Christ et sa loi sainte, que fais-tu, je te le demande,
si ce n’est outrager le Seigneur de gloire ? Mes chers auditeurs,
j’adjure en cet instant chacun de vous de se demander comme en présence
de Dieu : « Ne suis-je point cet homme-là ? Ai-je tenu
compte de Christ ? » — Quant à l’homme à propre
justice, qui prétend se mettre de compte à demi avec le Seigneur dans
la grande affaire du salut, je n’en dirai qu’un mot. Malgré toutes ses
vertus de clinquant, malgré tous ses oripeaux de bonnes œuvres, je le
regarde comme le dénigreur par excellence de l’Évangile, et je dis à
tous ceux qui lui ressemblent : tremblez ! Car Dieu ne
tiendra point pour innocent celui qui aura tenté d’amoindrir l’œuvre de
son Fils.
On ne tient pas compte non plus du
Seigneur Jésus quand on fait profession de piété, et que par sa
conduite on déshonore cette profession. Membres de nos Églises, vous
avez grand besoin d’être criblés comme on crible le blé, car il y a
beaucoup de balle parmi vous. Que dis-je ? Il y a pis que cela, et
en vérité l’on ferait trop d’honneur à certains membres de nos Églises
en les comparant à de la balle, car ils n’ont jamais eu rien de commun
avec le froment : ils ne sont autre chose que de l’ivraie. Ils
font partie d’une assemblée chrétienne comme ils feraient partie d’une
association commerciale, parce qu’ils espèrent en retirer quelque
profit. Ils s’acquittent avec zèle des devoirs extérieurs de la
religion afin d’être vus des hommes. Ils communient afin de gagner la
considération générale. Ils paraissent suivre Jésus-Christ, mais en
réalité ils n’ont en vue que les pains et les poissons. Ah !
Hypocrite, tu te joues de Christ si tu ne vois en lui qu’un moyen de
t’élever dans le monde. Tu te séduis étrangement si tu t’imagines
pouvoir te servir du Fils de Dieu comme d’un instrument pour améliorer
ta position ou arriver à la fortune. Christ ne s’est jamais chargé de
faire parvenir ses disciples ailleurs qu’au ciel. La religion est
destinée à nous procurer le bonheur, non pour le temps, mais pour
l’éternité ; à faire du bien, non au corps, mais à l’âme. Tous
ceux donc qui veulent s’en servir dans des vues charnelles et
utilitaires, ravalent honteusement l’œuvre de Christ. Aussi, quand au
dernier jour le Roi du ciel enverra ses armées pour punir ses ennemis,
qui ont foulé aux pieds son autorité souveraine, seront-ils mis en
pièces comme les autres.
III.
Mais il est temps, mes chers auditeurs, que nous nous posions une
troisième question : POURQUOI LES INVITÉS DE LA PARABOLE NE
TINRENT-ILS AUCUN COMPTE DU MESSAGE DU ROI ?
Ils agirent ainsi par divers motifs.
Les uns le firent par ignorance.
Ils ignoraient combien le souper était exquis ; ils ignoraient
combien le roi était affable et le prince bienveillant ;
l’eussent-ils su, leur conduite eût peut-être été différente. De même,
il est dans le monde, il est sans doute dans cet auditoire une foule
d’âmes qui ne tiennent pas compte de l’Évangile parce qu’elles ne le
comprennent point. Beaucoup de gens se moquent de la religion, mais
demandez à la plupart des moqueurs ce qu’est cette religion, et vous
vous apercevrez bientôt qu’ils ne savent guère plus sur la matière que
l’animal qui broute dans nos champs. Ils tournent l’Évangile en
ridicule simplement parce qu’ils n’en connaissent pas le premier
mot : c’est un sujet au-dessus de leur portée. — J’ai
entendu parler d’un sot qui, chaque fois qu’on lisait du latin devant
lui, riait de tout son cœur, prétendant que c’était un badinage, et que
des sons aussi étranges ne pouvaient avoir aucun sens. C’est ainsi
qu’agissent beaucoup d’hommes à l’égard de l’Évangile ; ils ne le
comprennent point, c’est pourquoi ils en rient. « Les chrétiens
sont des fous ». disent-ils. Des fous ? Pourquoi, cela, je
vous prie ?
Serait-ce parce que vous ne les
comprenez pas ? Seriez-vous donc assez infatués de votre propre
mérite pour croire qu’en dehors de vous il ne peut y avoir ni sagesse,
ni science ? Prenez garde ! La folie pourrait bien être de
votre côté. Que si, au contraire, vous me dites comme Festus à
Paul : « Ton grand savoir te met hors de sens », je vous
ferai remarquer qu’il est tout aussi facile d’être hors de sens en ne
sachant rien qu’en sachant beaucoup. Je le répète : l’ignorance en
matière religieuse est une des causes principales de ce mépris pour
l’Évangile qui ne règne que trop dans les masses. Oh ! Chers amis,
si vous saviez quel bon Maître est Jésus ; si vous saviez quelle
douce chose est l’Évangile ; si vous compreniez que notre Dieu est
un Dieu d’amour ; si vous pouviez goûter, ne fut-ce que pendant
une heure, les ineffables jouissances de la vie chrétienne ; si
une seule des promesses divines était appliquée à votre cœur par le
Saint-Esprit, oh ! Alors, je l’affirme, vous tiendriez compte de
l’Évangile que nous prêchons ! Vous ne l’aimez pas,
dites-vous ; mais ne l’avez-vous jamais goûté ? Est-il
raisonnable de mépriser le breuvage dans lequel on n’a jamais trempé
ses lèvres ? Il peut être plus doux qu’on ne pense. Oh !
Goûtez et voyez que l’Éternel est bon ! Goûtez et aussi vrai que
vous goûterez, aussi vrai vous savourerez d’inexprimables
délices ! Pour ma part, j’espère beaucoup de ces pauvres âmes qui
ne tiennent pas compte de l’Évangile, simplement à cause de leur
ignorance. Oui, j’espère que lorsque la vérité leur sera clairement
annoncée, le Seigneur daignera dans son amour se révéler à elles. Mes
bien-aimés, fuyez l’ignorance, recherchez l’instruction ;
souvenez-vous qu’une âme sans prudence n’est pas un bien (#Pr 19:2).
Appliquez-vous à connaître Celui qui est la vie éternelle, et quand
vous le connaîtrez, bien loin de le traiter avec indifférence ou
dédain, vous le serrerez dans votre cœur comme votre plus cher trésor.
Mais probablement il y eut aussi
des invités qui refusèrent de se rendre à l’appel du Roi par orgueil.
« Qu’avons-nous besoin du souper de ton Maître ? »
dirent-ils avec hauteur au messager. « Entre dans nos maisons et
nous te ferons voir que la bonne chère ne nous manque pas. Regarde nos
tables sont aussi bien servies que celles de qui que ce soit. N’en
déplaise à Sa Majesté, elle ne saurait nous offrir des mets plus
savoureux que les nôtres. Pourquoi donc irions-nous chercher au dehors
ce que nous avons chez nous ? » Ainsi l’orgueil les empêcha
d’accepter l’invitation royale. Il en est de même de quelques-uns
d’entre vous. Quoi ! Aller à Dieu pour être lavés de vos
péchés ? Mais vous n’avez jamais été souillés, dites-vous.
Quoi ! Accepter des offres de pardon ? Mais vous n’avez rien
à vous faire pardonner. Quoi ! Rechercher la grâce de Dieu ?
Mais n’est-ce pas une insulte que de parler de grâce à des hommes tels
que vous ?
À vous en croire, vous êtes doués
d’une excellence si extraordinaire, qu’en vérité l’ange Gabriel
lui-même aurait lieu de rougir en votre présence. « Allez vers
l’intempérant ! Vous écriez-vous avec dédain ; allez vers la
femme de mauvaise vie ! Qu’ils acceptent un salut gratuit, rien de
mieux : ils en ont grand besoin ; mais, pour moi, je suis un
homme juste intègre, honorable. Je suis riche, je n’ai besoin, de rien
(#Ap 3:17). Je m’acquitte scrupuleusement de mes devoirs religieux.
Parfois, il est vrai, je me permets quelques écarts, mais j’ai soin de
les réparer aussitôt. Parfois mon zèle se ralentit, mais je regagne le
lendemain le terrain que j’ai perdu la veille. À tout prendre, je n’ai
rien à me reprocher ; aussi, n’ai-je pas de doute que la porte du
ciel ne soit grande ouverte pour me recevoir. » En vérité, mon
cher auditeur, je ne m’étonne pas que tu méprises l’Évangile, car ses
doctrines sont en complet désaccord avec les pensées de ton cœur.
L’Évangile t’enseigne que tu es entièrement perdu, que tes justices
mêmes ne sont que souillure, en sorte qu’il te serait tout aussi
impossible de parvenir au ciel à l’aide de tes mérites que de traverser
l’océan sur une feuille desséchée. Quant à te faire de tes bonnes
œuvres un vêtement avec lequel tu puisses comparaître devant Dieu,
autant vaudrait-il que tu te présentasses à la cour drapé dans une
toile d’araignée. Pauvre âme ! Je te le dis, c’est ton orgueil,
ton déplorable orgueil qui fait que tu te joues de Christ. Puisse le
Seigneur t’en dépouiller lui-même ! Autrement, cet orgueil,
sache-le, deviendra le brandon fatal qui allumera pour toi le feu qui
ne s’éteint point. Prends donc garde à l’orgueil, déteste-le,
repousse-le de toutes tes forces. Par l’orgueil tombèrent les
anges ; par l’orgueil l’homme, créé à l’image de Dieu, tombera
aussi dans l’abîme de perdition, réservé à ceux qui auront méprisé le
Fils du Roi.
Une autre cause qui empêcha sans
doute bon nombre des invités de la parabole de tenir compte du message
de leur Souverain, ce fut leur incrédulité. — « Que
penser de tout ceci ? » se demandèrent-ils les uns aux
autres. « Quoi ! Le Roi a préparé un grand souper ?
Franchement, c’est bien étrange. Quoi ! Le jeune Prince se
marie ? La chose est fort douteuse. Quoi ! Nous sommes tous
conviés à ses noces ? Messager tu te moques de nous : ton
histoire est incroyable ! » C’est ainsi que trop d’âmes
accueillent la bonne nouvelle de la grâce de Dieu.
« Quoi ! » s’écrient-ils à leur tour,
« Jésus-Christ est mort pour expier les péchés des hommes ?
Nous ne le croyons pas. Quoi ! Un ciel ? Qui l’a jamais
vu ? Un enfer ? Qui peut être sûr de son existence ? Une
éternité ? Quelle âme ne revint jamais du monde des esprits ?
Quoi ! La religion serait la source du bonheur ? Nous
affirmons, au contraire, qu’elle rend triste et morose. Quoi ! Les
promesses de Dieu sont pleines de douceur ? » Vaines paroles
que tout cela !
« Nous croyons aux joies du
monde : nous ne croyons point à celles que vous prétendez puiser
aux sources de l’Évangile. » Et de la sorte, les hommes repoussent
dédaigneusement le salut de Dieu à cause de leur incrédulité. S’ils
ajoutaient la moindre foi aux vérités que l’Écriture nous révèle,
évidemment leur conduite serait tout autre. Du moment où je serai
persuadé dans mon cœur que si je meurs inconvertis je tomberai
infailliblement dans l’abîme de la perdition, croyez-vous que je ne
tremblerai pas et que je ne serai pas éperdu ? Dès le jour où je
croirai de toute mon âme qu’il y a un ciel préparé pour ceux qui aiment
le Seigneur Jésus, pensez-vous que je pourrai donner du sommeil à mes
yeux et du repos à mes paupières jusqu’à ce que j’aie pleuré parce que
ce ciel n’est pas à moi ? Oh ! Mes amis, l’incrédulité peut
vous empêcher maintenant de tenir compte de Christ, mais bientôt elle
ne le pourra plus. En enfer il n’y a plus d’incrédules : il n’y a
que des croyants. Beaucoup de réprouvés furent des incrédules pendant
leur vie terrestre, mais ils ne le sont plus à présent. Le feu de
l’enfer est trop ardent pour qu’on puisse mettre en doute sa réalité.
Il serait difficile à un homme tourmenté par les flammes de nier
l’existence du feu. Il serait malaisé pour le sceptique qui tremble
sous le regard consumant de Jéhovah de ne pas croire enfin qu’il y a un
Dieu. Incrédules, convertissez-vous ! Où plutôt, Dieu veuille
lui-même chasser l’incrédulité de votre cœur, car c’est elle qui vous
fait mépriser Christ ; et qui méprise Christ perd son âme.
Une autre classe d’invités (et
c’était peut-être la plus nombreuse), ne tint pas compte du souper
royal, parce qu’ils étaient trop absorbés par leurs affaires. Au lieu
de suivre le messager, ils s’en allèrent, qui à sa métairie et qui à
son trafic. Il en est de même aujourd’hui à l’égard de
l’Évangile. — On me parlait dernièrement d’un riche armateur
qui reçut la visite d’un homme pieux. « Eh bien ! Mon ami,
lui dit celui-ci, où en êtes-vous quant à votre
âme ? » — « Mon âme, vraiment ! »
S’écria l’armateur, « comme si j’avais le temps de penser à mon
âme ! J’ai bien assez à faire de penser à mes
vaisseaux ! » Une semaine environ après cet entretien,
l’homme riche dut trouver le temps de mourir. Le Seigneur l’appela à
comparaître devant lui, et le malheureux, nous le craignons, entendit
ces solennelles paroles : « Insensé, cette même nuit ton âme
te sera redemandée ; et ce que tu as amassé, pour qui ce
sera-t-il ? » (#Lu 12:20). Ô commerçants, gens d’affaires,
riches de ce monde ! Combien parmi vous qui sont penchés jour
après jour sur leur grand livre, et qui ne lisent jamais la
Bible ? On dit que le Dieu de l’Amérique est « le
tout-puissant Dollar ». Je ne sais si je me trompe, mais je crois
que de ce côté de l’Atlantique, les adorateurs de Mammon ne sont pas
plus rares ; et que beaucoup de gens rendent un culte assidu au
tout-puissant billet de banque. Le livre qu’ils portent si
religieusement à la main est, non leur livre de prières, mais leur
livre de comptes. Même le dimanche, il est tel de mes auditeurs, dont
la piété passe cependant pour exemplaire, qui, au lieu de se rendre
dans la maison de Dieu, emploient volontiers leur matinée à calculer
leurs bénéfices de la semaine ou à vaquer à leurs affaires.
« Prier ? » disent-ils, sinon tout haut du moins en
eux-mêmes ; « prier ? Nous n’en avons pas le
temps : il faut gagner avant tout. Quoi ! Lire la
Bible ? Non, c’est impossible : je dois vérifier ma caisse,
examiner mes livres, aller à la Bourse. Je lis le journal, il est
vrai ; mais lire la Bible, je ne le puis. » — Il
est vraiment bien dommage, mes chers, amis, que cet hôte inattendu
qu’on appelle la mort puisse venir d’un moment à l’autre déranger tous
vos calculs et tous vos projets. Si vous aviez passé un bail pour votre
vie ; si Dieu s’était engagé, par exemple, à vous laisser sur la
terre 98 ans à partir de tel jour, vous seriez déjà fort répréhensibles
de passer la moitié de ce temps sans songer à votre âme.
Mais, considérant que vous pouvez,
chaque jour et à chaque heure du jour, recevoir l’ordre de partir, et
que la durée de votre vie dépend entièrement du bon plaisir de Celui
qui vous l’a donnée, n’est-ce pas, je vous le demande, faire preuve
d’une inqualifiable ineptie, d’une folie sans pareille que de vivre
uniquement en vue des misérables intérêts de la terre ? Qui
pourrait dire le nombre d’âmes que le démon de la mondanité a
tuées ? Dieu veuille que nous ne périssions point par notre
mondanité !
Il est une autre classe
d’auditeurs de l’Évangile que je ne saurais mieux caractériser que par
ces mots : ils sont la légèreté même. Si vous leur demandez ce
qu’ils pensent de la religion, vous n’aurez pas de peine à reconnaître
qu’ils n’y pensent pas du tout. Ils ne sont point hostiles à la vérité,
ils ne s’en moquent pas ; mais jamais il ne leur vient à l’esprit
de la prendre au sérieux. Mobiles et inconstants comme le papillon, ils
consument leur vie à voleter ici et là, effleurant toutes choses, ne
s’arrêtant à aucune, ne faisant jamais rien ni pour eux-mêmes ni pour
les autres : leur existence est une sorte de tourbillon perpétuel.
Et ces personnes, il faut en convenir, sont en général d’un aimable
naturel ; elles souscrivent de bonne grâce aux œuvres de
bienfaisance ; et soit qu’on leur demande pour la construction
d’une église ou pour une fête mondaine ; elles donneront
volontiers leur pièce d’or. — Pour ma part, je n’hésite pas à
le dire si je devais recommencer la vie, et qu’il me fût permis de
choisir le caractère avec lequel je voudrais naître, le dernier que je
choisirais serait celui que je viens de décrire. Je crois fermement que
les natures légères et irréfléchies sont celles qui, humainement
parlant, ont le moins de chances d’être sauvées. Il ne me déplaît
point, je l’avoue, d’avoir affaire de temps à autre à un audacieux
ennemi de l’Évangile, car son cœur est dur comme un caillou, et je sais
qu’au premier choc, le puissant marteau de la Parole de Dieu peut faire
voler ce caillou en éclats. Mais les personnes dont je parle semblent,
en vérité, avoir un cœur de gomme élastique. Vous les touchez, et elles
cèdent ; vous les touchez de nouveau, et elles cèdent
encore : impossible de produire sur elles la moindre impression
durable. Sont-elles malades, et allez-vous les visiter ? Elles
répondent : « Oui » à toutes vos exhortations.
Cherchez-vous à leur faire sentir l’importance de la piété ? Elles
disent : « Oui. » Leur parlez-vous de l’enfer qui les
menace, du ciel qui leur est offert ? Elles disent :
« Oui. » Lorsqu’elles sont mieux, les engagez-vous à se
souvenir des bonnes résolutions qu’elles peuvent avoir prises sur leur
lit de maladie ? Elles disent : « Oui »,
toujours : « Oui ». Quoi qu’on dise et quoi qu’on fasse,
leur réponse est invariablement la même. Elles écoutent le ministre de
l’Évangile avec politesse et convenance, mais aussitôt ses paroles
glissent sur leur cœur sans y laisser de trace. Essaie-t-il d’appeler
leur attention sur leur propre travers, sur leurs péchés particuliers,
elles acquiescent à tout, mais ne s’appliquent rien, approuvent tout,
mais restent insensibles. Ah ! Je tremble pour de telles âmes. Je
tremble plus pour elles, je le répète, que pour les incrédules déclarés
eux-mêmes. Voici, par exemple, un rude matelot qui, de retour de ses
lointains voyages, entre par curiosité dans un lieu de culte. Il a été
jusqu’à présent un jureur, un blasphémateur, un impie, mais à peine
l’amour de Christ lui a-t-il été annoncé, que le cœur de cet homme se
réveille et se brise sous l’action puissante de l’Esprit de Dieu. À
côté de lui, se trouve peut-être un jeune homme qui fréquente
régulièrement le culte. Il passe pour religieux ; sa conduite est
honnête, mais il dit en lui même : « Je sais à l’avance tout
ce que le ministre va nous dire. Ma mère m’a instruit, et mon vieux
père m’a fait apprendre la moitié de la Bible par cœur. Si je viens
ici, je l’avoue, c’est uniquement par respect pour leurs désirs ou leur
mémoire. Sans doute, la religion est bonne : elle est bonne pour
les malades, les mourants et les vieilles femmes ; elle est bonne
pour les jours d’épreuves et les années de choléra ; mais à mon
âge, on ne peut s’en occuper. J’ai du temps devant moi, plus tard j’y
songerai… » Malheur à vous, âmes frivoles et si insouciantes, car
les incrédules et les péagers vous devancent au royaume des
cieux ! Je vous compare dans mon esprit à la réserve de l’armée de
Satan ; vous êtes ses troupes d’élite, ses soldats de
prédilection. Il vous ménage, il vous garde autour de sa personne. Il
ne vous envoie pas, comme le blasphémateur, au fort, de la
bataille ; il vous dit : « Restez auprès de moi, et si
l’ennemi vous menace, je vous revêtirai d’une impénétrable
armure ». Aussi, les traits de l’Évangile ont beau siffler à vos
oreilles ; ils ont beau vous heurter et vous atteindre :
aucun ne pénètre la cuirasse de votre indifférence. Votre cœur est
invulnérable … ou plutôt, il est absent. Vous ressemblez à
une chrysalide que l’insecte a désertée ; et quand vous venez dans
la maison de Dieu, quand les sons de la Bonne Nouvelle frappent les
oreilles de votre corps, vous n’en tenez aucun compte, car votre esprit
est trop léger pour tenir compte de rien.
Il faut aussi que je dise quelques
mots d’une autre classe de personnes, non moins insensées que les
précédentes. Il y a des hommes qui se jouent de l’Évangile, par esprit
de bravade, par pure témérité. Ils ressemblent, non à l’homme bien
avisé dont parle Salomon, qui sait que le mal se tient caché, mais aux
malavisés qui passent outre, et en souffrent le dommage (#Pr 22:3). Ils
marchent dans une voie périlleuse et obscure ; ils le savent, mais
ils avancent toujours … Ici, leur pied pourra peut-être se
poser : ils le posent.
Là, le terrain leur paraît
sûr : ils s’y hasardent. Plus loin un gouffre ténébreux s’ouvre
devant eux : n’importe, ils font encore un pas. Et comme après ce
pas ils se trouvent sains et saufs, ils ne voient pas pourquoi ils n’en
tenteraient point un autre. Et comme leur sécurité a duré de longues
années, ils supposent qu’elle durera toujours. Et parce qu’ils vivent
encore, ils se flattent qu’ils ne mourront jamais. C’est ainsi que par
une témérité qui tient du vertige, croyant tous les hommes mortels
excepté eux-mêmes, ils continuent de jour en jour, d’année en année, à
jouer avec le péril et à repousser les invitations de la grâce.
Tremblez, âmes présomptueuses ! Car le jour vient où vous
recueillerez les fruits de votre folie.
Enfin (chose étrange !), il
est des gens qui n’apprécient pas l’Évangile, parce qu’il est à la
portée de tout le monde. Il est prêché à peu près en tous lieux. Les
occasions de l’entendre ne manquent pas. De nos jours, la Bible est
largement répandue ; chacun peut la lire dans sa maison ; et
c’est justement parce qu’elle est à leur portée que plusieurs ne s’en
soucient pas. S’il n’existait qu’un seul exemplaire de la Bible au
monde, n’est-il pas vrai, mes chers amis, que vous seriez curieux de le
lire ? Et s’il n’y avait dans le pays que vous habitez qu’un seul
ministre de l’Évangile, n’est-il pas vrai que ce ministre n’aurait pas
une sinécure, et qu’il devrait, du matin au soir, annoncer le salut à
des foules avides de l’entendre ? Mais (ô inconséquence de
l’esprit humain !), parce que vous avez des bibles en abondance
vous négligez de les lire ; parce que les traités religieux sont
si communs, vous n’en faites aucun cas ; parce qu’on prêche
l’Évangile de toutes parts, vous n’écoutez plus les sermons. Hé
quoi ! Appréciez-vous moins le soleil, parce qu’il répand au loin
ses rayons ? Ou le pain, parce que c’est la nourriture que Dieu
donne à tous ses enfants ? Ou l’eau, parce que chaque source vous
procure l’onde fraîche qui vous désaltère ? Ah ! Si vous
aviez soif de Christ, vous vous réjouiriez de ce que son Nom est
proclamé par toute la terre, et bien loin de le mépriser à cause de
cela, vous l’en aimeriez davantage.
Mais eux, n’en tenant compte, s’en allèrent l’un à sa métairie et l’autre à son trafic.
Combien d’âmes ai-je en cet
instant devant moi qui agissent comme les invités de la parabole ?
Hélas ! Leur nombre est grand, sans nul doute. Avant de nous
séparer, qu’elles me permettent de leur adresser un dernier
avertissement.
Pécheur, qui te joues de Christ,
l’heure approche, sache-le, où tu maudiras ta folie. Quand tu seras sur
ton lit de mort, quand le roi des épouvantements t’aura saisi de sa
main glacée et te traînera près du sombre fleuve, que deviendras-tu, je
te le demande ? Quand les fibres de tes yeux se briseront, quand
les sueurs de la mort couvriront ton visage, que feras-tu ?
Souviens-toi de ta dernière maladie : comme tu tremblais alors à
l’idée de comparaître devant Dieu ! Et lors du dernier orage, quel
trouble, quelle terreur secrète agitait ton âme, tandis qu’éclair après
éclair illuminait ta chambre, et que la grande voix de Dieu
retentissait dans l’espace ! Ah ! Pauvre âme, si tu as
tremblé pour si peu, que sera-ce de toi quand tu verras la mort se
dresser à ton chevet, quand tu sentiras que tu ne saurais échapper à
son étreinte ? Que sera-ce de toi, si tu n’as point de refuge pour
t’abriter, point de Sauveur pour te protéger, point de sang expiatoire
pour laver ton âme impure ? … De plus, songe, je te
prie, qu’après la mort suit le jugement. Heure solennelle que celle-là,
heure redoutable entre toutes, pour quiconque s’est joué de
Christ ! — Vois cet ange qui vole d’un bout du ciel à
l’autre : ses ailes sont de flamme, et dans sa main il porte une
épée à deux tranchants. Dis, esprit céleste, où se dirige ton vol
rapide ? …
Écoutez ! … Un son
se fait entendre, son plus éclatant et plus terrible que la langue
humaine ne peut l’exprimer. C’est le son de la dernière
trompette ! Voyez ! Les morts s’élancent hors de leurs
sépulcres. Sur les nuées, apparaît un char de triomphe, traîné par des
chérubins ; et sur ce char est assis le Prince, le
Roi … Dis, ange du ciel, que deviendra en ce jour terrible
l’homme qui s’est joué de Christ, qui n’a point tenu compte de ses
appels ? … Regardez : l’ange lève sa menaçante
épée. « Comme la faucille coupe l’ivraie avec le froment,
s’écrie-t-il, ainsi cette vaillante épée retranchera tous les ennemis
de Christ. Et comme le moissonneur amasse l’ivraie et la lie en
faisceaux pour être brûlée, ainsi ce bras robuste précipitera les
dénigreurs de l’Évangile dans ce lieu de ténèbres éternelles où le ver
ne meurt point, et où le feu ne s’éteint point ! »
Mes bien-aimés, je vous en
supplie, prenez enfin ces choses au sérieux. Peut-être allez-vous, en
sortant de ce temple, vous moquer des paroles du serviteur de Dieu, ou
tout au moins les oublier … Hélas ! Qu’y puis-je, si ce
n’est, vous avertir encore de votre danger ? Pécheur, je te le
demande une dernière fois, que feras-tu au jour du jugement si tu es
trouvé au nombre de ceux qui se seront joués de Christ ? Que
feras-tu si le juste Juge t’adresse cette terrible sentence :
« Retirez-vous, maudits ? » Que feras-tu si l’abîme du
désespoir se referme sur ton âme, et que tu doives mêler tes
gémissements aux épouvantables lamentations de la multitude des
réprouvés ? Ô pensées accablantes ! Se trouver en enfer et
savoir que l’on y est pour l’éternité ! …
Pécheur ! En ce moment encore, je viens t’annoncer l’Évangile du
salut. Je viens t’inviter, de la part de mon Maître, au banquet d’amour
qu’il a préparé pour les fils des hommes. Entends son appel, et Dieu
veuille t’accorder la grâce de le recevoir, en sorte que tu sois
sauvé ! Il est écrit : celui qui croira … (qui se
confiera en Jésus) — et qui sera baptisé sera sauvé ;
celui qui ne croira point sera condamné (#Mr 16:16). Oh !
Puisses-tu ne jamais connaître par expérience le sens de ce dernier
mot : CONDAMNÉ !