159 - CE QUE L’ON DOIT HAÏR.
Vous qui aimez l’Éternel, haïssez le mal (Psaume 97:10).
La religion chrétienne est une
chaîne d’or qui enlace le cœur de l’homme et le rend inaccessible à la
haine. L’esprit de Christ est un esprit d’amour. Partout où Christ
règne, là règne aussi l’amour. Il n’est permis au chrétien de ne haïr
personne. « Vous avez entendu qu’il a été dit aux anciens :
tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Mais moi je vous
dis : aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous
maudissent, et priez pour ceux qui vous persécutent. » Tel est le
langage du Maître. À moins qu’il ne soit pris dans un sens unique, dans
le sens que lui donnent les paroles de mon texte, le mot haïr doit être
rayé du vocabulaire chrétien. Tu n’as pas le droit, ô disciple de
Christ, de tolérer dans ton sein aucun sentiment d’inimitié, de
rancune, de malice, d’aigreur ou de malveillance envers aucune créature
que la main de Dieu a formée. Tout en haïssant les péchés d’un homme,
souviens-toi que tu ne dois point le haïr lui-même ; mais que
comme Christ a aimé les pécheurs, ainsi tu dois les aimer. Tout en
détestant les fausses doctrines, souviens-toi que tu dois aimer celui
qui les professe ; bien plus, tu es tenu de haïr l’hérésie par
amour pour l’âme de l’hérétique, et avec l’ardent désir qu’il revienne
de son égarement. Non, tu n’as le droit de haïr personne, pas même les
êtres les plus dégradés et les plus avilis, pas même ceux qui irritent
ton humeur, nuisent à ta fortune ou portent atteinte à ta réputation.
Et pourtant la haine, on ne saurait le nier, est une puissance de l’âme
humaine ; or, pour ma part, je crois fermement que toutes les
puissances de nos âmes nous ont été données par le Créateur, afin que
nous les exercions, et qu’il n’en est aucune dont nous ne puissions
faire un légitime usage. Il est possible de se mettre en colère, et
cependant de ne point pécher (#Ep 4:26) ; il est possible
également d’éprouver de la haine, non seulement sans offenser Dieu,
mais en accomplissant un devoir positif. Oui, tu peux haïr, ô chrétien,
à condition que ta haine se concentre sur un seul objet ; alors,
bien loin d’être répréhensible, elle sera, au contraire, digne de
louange : vous qui aimez l’Éternel, haïssez LE MAL. Autant le
vindicatif hait son ennemi, autant tu peux haïr la corruption de ton
cœur. Autant de cruels despotes en guerre l’un contre l’autre se
haïssent mutuellement, autant tu peux abhorrer tes ennemis spirituels.
Autant l’enfer hait le ciel, et le ciel, l’enfer, autant il t’est
permis de détester le mal. Cette passion de la haine, qui, dans son
état de nature, ressemble à un lion furieux altéré de sang, tu dois la
dompter et t’en rendre maître, jusqu’à ce qu’elle devienne à l’égard de
tes semblables, comme un noble lion qui a perdu ses instincts
féroces ; mais tu peux et tu dois la laisser assouvir toute sa
fureur sur le grand ennemi de l’Éternel ton Dieu, c’est-à-dire, sur le
péché. Montrez-moi un homme qui ne se mette jamais en colère : cet
homme, je vous l’affirme, n’est point animé d’un zèle véritable pour le
Seigneur. Il est bon que nous soyons parfois en colère contre le péché.
Quand nous nous trouvons en présence du vice, nous devons être irrités
contre lui, quoique pleins de charité envers ceux qui le commettent.
L’iniquité, sous toutes ses formes, doit toujours nous être odieuse.
David ne s’écrie-t-il point, après avoir énuméré les crimes qu’il
voyait autour de lui : « Je les ai haïs d’une parfaite
haine ; je les tiens pour mes ennemis » (#Ps 139:22) ?
Nous devons aimer nos propres ennemis, mais haïr les ennemis de
Dieu ; aimer l’âme pécheresse, mais haïr son péché. Autant qu’il
est en la puissance de l’homme de haïr, ainsi devons-nous haïr le mal,
quel qu’il soit et sous quelque aspect qu’il se présente à nous.
Ceci nous amène à observer le
caractère absolu de mon texte. Il s’adresse à tous les enfants de Dieu,
et il embrasse, non tels ou tels péchés particuliers, mais le mal dans
son ensemble. On a dit, vous le savez, de certains prétendus dévots
« qu’ils rachetaient leurs propres faiblesses en condamnant sans
miséricorde celles du prochain ». Cela est vrai pour beaucoup de
gens. Plus d’un de mes auditeurs, je n’en doute pas, considère les
autres comme très coupables, parce qu’ils commettent des péchés que
lui-même ne se soucie pas de commettre, tandis qu’il se montre plein
d’indulgence à l’endroit de ses propres défauts.
Ô chrétien, souviens-toi que nul
mauvais penchant, nulle habitude coupable ne doit trouver grâce devant
tes yeux. Ne tends jamais au mal une main bienveillante ; ne le
touche qu’avec un gantelet d’acier. Ne parle jamais de lui avec
ménagement, mais hais-le partout et toujours. S’il vient à toi comme un
petit renard, tiens-toi sur tes gardes, autrement il gâtera tes
raisins. S’il fond sur toi comme un lion rugissant, cherchant à te
dévorer, ou s’il avance traîtreusement comme l’ours, feignant de
vouloir t’embrasser, frappe-le, car son attouchement est la mort, et
son étreinte la destruction. Tu dois combattre indistinctement tout
péché de langue, de main ou de cœur. Qu’il soit doré par l’intérêt et
le gain, ou voilé sous un semblant de moralité ; qu’il soit adulé
par les grands ou encensé par la foule, le mal doit toujours être de ta
part l’objet d’une haine implacable, d’une haine de tous les instants
et de tous les lieux. Oui, guerre à outrance, guerre à mort contre le
péché ! À toutes tes légions, ô enfer ! À tous tes rejetons,
ô Satan ! Nous devons jurer une inimitié éternelle ! Pas une
seule convoitise ne doit être épargnée, mais contre le mal tout entier,
nous devons poursuivre une guerre sans relâche, une guerre
d’extermination. Vous qui aimez l’Éternel, haïssez le mal !
En essayant de traiter ce sujet,
mes chers auditeurs, je me propose de diviser mes exhortations en deux
parties. Premièrement, je vous dirai : HAÏSSEZ LE MAL EN
VOUS-MÊMES ; et en second lieu : HAÏSSEZ LE MAL CHEZ AUTRUI.
I.
Et d’abord, occupons-nous de ce qui nous touche de plus près. Chrétien, ai-je dit, TU DOIS HAÏR LE MAL EN TOI-MÊME.
Et en vérité, tu as de bonnes
raisons pour le haïr, — des raisons bien autrement puissantes
que celles dont jamais opprimé n’a pu se servir pour excuser sa haine
contre son oppresseur. Considère quel immense préjudice le péché t’a
déjà causé. Oh ! Quel monde de misères n’a-t-il pas créé dans ton
cœur ! C’est le péché qui avait plâtré tes yeux, en sorte que tu
ne pouvais voir la beauté de ton Sauveur ; c’est lui qui avait
bouché tes oreilles, en sorte que tu ne pouvais entendre les douces
invitations de Jésus.
C’est le péché qui a guidé tes pas
dans le sentier du mal et qui a rempli tes mains de souillures ;
c’est lui qui a empoisonné la source même de ta vie, qui a vicié ton
cœur, et l’a rendu rusé et désespérément malin par-dessus toutes
choses. Ô croyant, songe à ce que tu étais, alors que le péché régnait
sur toi et que la grâce de Dieu ne t’avait pas encore renouvelé. Tu
étais un enfant de colère comme les autres ; tu courais avec la
multitude pour mal faire ; ta bouche était un sépulcre ouvert, tu
flattais de ta langue, et tout ce qu’on peut dire aujourd’hui de tes
semblables qui vivent loin de Dieu, s’appliquait autrefois à toi.
Chrétiens, mes frères en la foi, j’en appelle à votre expérience :
n’est-il pas vrai que vous ne différiez en rien du reste des
hommes ? Mais vous avez été lavés, mais vous avez été sanctifiés,
mais vous avez été justifiés, au nom du Seigneur Jésus et par l’Esprit
de notre Dieu (#1Co 6:11). Oh ! Que de sujets n’avez-vous pas de
haïr le mal, pour peu, que vous regardiez au rocher duquel vous avez
été taillés et au creux de la carrière dont vous avez été tirés !
(#Esa 51:1). Si grands étaient les ravages que le péché avait faits
dans vos âmes, que ces âmes eussent été éternellement perdues si un
tout-puissant amour n’était intervenu pour les racheter. Enfants de
Dieu, haïssez donc le mal. Il a été votre meurtrier ; il a plongé
le poignard dans votre cœur ; il a mis du poison dans votre
bouche ; il a tout fait pour vous précipiter en enfer ; il
vous a causé un tel dommage, qu’une ruine éternelle en eût été
l’inévitable conséquence sans la grâce du Seigneur Jésus. Voilà une
première raison qui doit vous porter à haïr le mal.
Vous devez encore le haïr, ô
disciples de Christ, vu le rang élevé que vous occupez dans le monde.
Dans les veines d’un chrétien coule le sang royal de l’univers. Que les
fils de mendiants errent çà et là, déguenillés et les cheveux en
désordre, à la bonne heure ; mais convient-il à des princes du
sang de courir les rues comme de jeunes vagabonds ? Ne serait-ce
pas, je le demande, un spectacle de la plus haute inconvenance que de
voir les enfants d’un monarque vêtus de haillons et se vautrant dans la
boue ? Et toi, chrétien, tu fais partie de l’aristocratie du
ciel ; tu es un prince de sang royal, ami des anges que
dis-je ? Ami de Dieu lui-même ! Par respect pour ta haute
position, aie donc le mal en horreur. Souviens-toi que noblesse oblige,
tu es un nazaréen consacré à Dieu, mis à part pour son service. Or, tu
sais que la loi de Moïse défendait au nazaréen, sous peine d’être tenu
pour souillé, non seulement de boire aucune liqueur faite avec du
raisin, mais même de goûter à rien de tout ce que la vigne rapporte,
depuis les pépins jusqu’à l’écorce (voir #No 6). Ainsi dois-tu agir à
l’égard du péché.
Tu es le nazaréen du
Seigneur : c’est pourquoi, balaie soigneusement le chemin de tes
pieds. Évite jusqu’à l’apparence du mal. Détourne-toi de tout sentier
oblique : ce serait déroger à ta propre dignité que de marcher
comme le commun des hommes. Tu n’es pas tel que les autres ; tu es
de plus noble race. Ta généalogie remonte en ligne directe au Fils de
Dieu, car celui-là même qui est le Prince de paix est ton Père de toute
éternité. Je t’en conjure, ne déshonore donc pas le nom illustre que tu
portes, et conduis-toi d’une manière digne de ta royale filiation. Tu
fais partie de la race élue, du peuple acquis, de la nation
sainte : comment pourrais-tu donc souiller tes vêtements dans la
fange de ce monde ? Vous qui aimez l’Éternel, haïssez le
mal !
Un autre motif qui doit porter le
croyant à haïr le péché, c’est que le péché l’affaiblit. En voulez-vous
des preuves ? Allez, quand vous avez commis quelque acte de
désobéissance envers Dieu, allez dans votre cabinet, et mettez-vous à
genoux. Avant d’avoir péché, votre prière s’élevait, joyeuse et facile,
vers le Seigneur, et les bénédictions que vous lui demandiez
descendaient sur vous, rapides comme l’éclair. Mais maintenant vos
genoux sont relâchés et vos mains sont languissantes ; votre cœur
est impuissant à désirer et votre langue se refuse à exprimer les
faibles désirs que vous essayez de former. Vous cherchez la face de
Dieu, mais en vain ; vous gémissez, mais le ciel semble fermé à
votre cri ; vous pleurez, mais vous sentez que vos larmes ne
tombent point sur le sein de Dieu. Vous portez vos besoins devant le
Trône de Grâce, mais, hélas, vous les remportez avec vous. Au lieu
d’être pour vous le plus excellent, le plus doux des privilèges, la
prière devient un pénible devoir. Tel est le résultat du péché. De deux
choses l’une : ou le péché vous fera abandonner la prière, ou la
prière vous fera abandonner le péché. Jamais, non jamais, ô croyant, tu
ne pourras être à la fois vaillant dans la prière et vaillant dans le
péché. Aussi longtemps que tu caresseras un mauvais penchant, un
interdit, une convoitise quelconque, la puissance de la prière te sera
ôtée, et quand tu chercheras à t’approcher de Dieu, tes lèvres seront
fermées. — Il en est de même pour l’activité extérieure.
Après que tu as volontairement offensé ton Père céleste, va au milieu
du monde et essaie de faire du bien. Tu n’en feras aucun, absolument
aucun, te dis-je ! Tu as perdu tout pouvoir d’aider les autres à
se purifier, étant toi-même impur.
Eh quoi ? Je pourrais, avec
des doigts souillés, laver le visage de mon prochain ? J’irais
labourer le champ d’autrui, tandis que le mien est en jachères, et que
les chardons et les ronces le couvrent ? Non, c’est
impossible ! La première condition pour faire du bien aux autres,
c’est de ne pas souffrir de mal en soi. Un pasteur peu diligent à
travailler à sa propre sanctification, sera toujours un pasteur peu
béni dans son ministère, et un chrétien infidèle sera toujours un
chrétien stérile. C’est pourquoi, mon cher auditeur, à moins que tu ne
souhaites que tes nerfs ne se relâchent et que la moelle de tes os ne
se dessèche au dedans de toi ; à moins que tu ne désires que la
sève de ta vie spirituelle ne tarisse dans sa source, je t’en supplie,
hais le péché,car le péché peut tellement te détruireet t’affaiblir,
que ton âme deviendra un vrai squelette spirituel, et qu’elle traînera
une misérable existence, au lieu de fleurir, joyeuse et prospère,dans
les sentiers du Seigneur. Vous qui aimez l’Éternel, haïssez le mal.
Haïssez-le encore, par la raison
que si vous vous y complaisez, vous aurez à en porter la peine. Jamais
Dieu ne mettra à mort ses enfants ; il a déposé pour toujours, en
ce qui les concerne, l’épée de sa justice, depuis l’heure mémorable où
cette épée vengeresse s’enfonça tout entière dans le sein de Jésus.
Mais Dieu a une verge, et il frappe de cette verge ses enfants
rebelles, tellement que parfois les oreilles leur en tintent. Le
Seigneur ne sera jamais courroucé contre ses élus au point de les
rejeter, mais il peut l’être assez pour qu’ils aient lieu de s’écrier,
tout éperdus : « Guéris-moi, ô Éternel ! Et que les os
que tu as brisés se réjouissent ». Ah ! Vous connaissez
sûrement la verge du Seigneur, chrétiens déchus, chrétiens si infidèles
qui m’écoutez ; car lorsque les brebis de Christ s’enfuient loin
du berger, le berger ne les laisse point périr, mais il permet à
l’épreuve et à la douleur de fondre sur elles, afin que, meurtries et
haletantes, elles retournent se réfugier dans son sein. Un véritable
croyant, je le répète, ne sera jamais détruit, mais il peut tomber si
bas qu’il se croira lui-même aux portes de l’enfer. La vie divine ne
s’éteindra jamais complètement dans son âme, mais il peut se sentir
tellement brisé et défaillant, qu’il saura à peine s’il respire encore.
Oh ! Chrétien, je te le dis, à moins que tu ne recherches
l’affliction, hais le mal. Si tu veux semer de ronces ton sentier et
garnir d’épines ton lit de mort, alors, vis dans le péché ; mais
si, au contraire, tu désires que ton âme habite dès ici-bas les lieux
célestes et que ton cœur retentisse par avance des mélodies éternelles
du paradis, alors marche jusqu’à la fin dans les voies de la
sainteté. — Oui, chrétiens, mes frères, dans votre propre
intérêt, haïssez le mal.
Mais jusqu’à présent je ne vous ai
présenté, pour ainsi dire, que des considérations égoïstes.
Je vous ai exhortés à haïr le
péché en vous signalant quelques-unes des funestes conséquences
pour vous si vous ne les haïssiez. Maintenant j’arrive à un argument
d’un ordre plus élevé. Chrétiens, vous dirai-je, haïssez le mal ;
haïssez-le en vous-mêmes, parce qu’il fait du mal aux autres. Et
d’abord, il en fait aux enfants de Dieu. Les infidélités d’un seul
croyant nuisent à tout le corps de Christ. Les douleurs les plus
cruelles qui aient assailli l’Église de Dieu lui sont venues de ses
propres enfants. Je la vois, l’Épouse de l’Agneau, je la vois qui
s’avance, couverte de boue et les vêtements déchirés. Ses mains sont
ensanglantées et ses épaules couvertes de cicatrices. Ô Église du Dieu
vivant, toi la plus belle des femmes, comment t’es-tu réduite à un si
triste état ? D’où te viennent ces blessures ? Qui t’a fait
subir ces indignes traitements ? Est-ce l’incrédule qui t’a craché
au visage ? Est-ce l’Arien qui a lacéré ta robe ? Est-ce le
Socinien qui a souillé de fange la blancheur de tes vêlements ?
Sûrement c’est l’impie ou le profane qui a ainsi meurtri tes
mains ? J’entends ta réponse. « Non, ces blessures m’ont été
faites dans la maison de mes amis. Une secrète armure me met à l’abri
des coups de mes adversaires, mais contre mes amis, je suis sans
défense ; leurs traits pénètrent jusqu’à mon cœur… »
Ah ! Malheur à vous, prétendus chefs des armées de l’Éternel,
indignes pasteurs des troupeaux de Christ, disciples infidèles du
Rédempteur ! Malheur à vous, car vous faites plus de mal à
l’Église que ne lui en ont jamais fait ses ennemis déclarés ! Si
le christianisme n’était point une religion divine, protégée par la
puissance de Dieu, sans contredit, il aurait cessé d’exister,
simplement à cause des misères et des inconséquences de ceux qui se
réclament de son nom. Je ne m’étonne nullement, pour ma part, que
l’Église de Dieu ait survécue à la persécution et au martyre ;
mais ce qui m’étonne, je l’avoue, c’est qu’elle ait survécu aux
criantes infidélités, aux chutes scandaleuses de ses fils et de ses
filles. Oh ! Chrétiens, vous ne savez pas combien le nom de Dieu
est blasphémé, combien vous affligez son corps et déshonorez son
étendard, lorsque vous commettez l’iniquité ! Vous qui aimez
l’Éternel, haïssez donc le mal !
Mais ne le haïssez pas seulement par
amour pour l’Église, haïssez-le aussi par amour pour les pauvres
pécheurs. Hélas ! Qui pourrait dire combien d’âmes inconverties
sont éloignées chaque année de toute pensée sérieuse par la conduite
des chrétiens ? Et n’avez-vous pas remarqué, mes chers auditeurs,
quelle vive jouissance le monde éprouve à enregistrer les manquements
de ceux qui font profession de piété ? Pas plus tard qu’hier je
lisais sur un journal quelques lignes relatives à un misérable, traduit
devant les tribunaux pour cause d’adultère, et le rédacteur de
l’article remarquait plaisamment que cet homme « avait un air de
haute sainteté ». Voilà bien, pensai-je, un de ces coups détournés
que la presse incrédule aime tant à nous lancer. Je ne sais trop, soit
dit en passant, si, en matière de sainteté, l’opinion des journalistes
mérite une grande confiance. En tous cas, j’imagine que ces messieurs
auraient longtemps à chercher dans leurs rangs avant de pouvoir nous
montrer un saint … Quoi qu’il en soit, au dire de l’un
d’entre eux, le vil criminel dont je viens de parler, avait « un
air de haute sainteté », et il va sans dire que ces paroles
étaient un trait dirigé contre tous les chrétiens, puisqu’elles
semblaient donner à entendre que cet homme était un des leurs. Mais
tout en protestant contre de semblables attaques, nous devons
reconnaître, mes chers amis, que le monde a bien des sujets de mal
parler de nous. Que de chrétiens de profession ne voit-on pas, en
effet, tous les jours, déshonorer le christianisme de la manière la
plus grave ? Il s’accomplit des choses au nom de Jésus-Christ
qu’il serait honteux de faire, je ne crains pas de le dire, au nom de
Belzébul ; il y a des actes si abominables commis par des gens,
qui se disent membres de l’Église de Dieu, qu’en vérité je me demande
si les démons eux-mêmes n’en rougiraient point ! Oui, les gens du
dehors ont eu de graves motifs pour attaquer l’Église. Enfants de Dieu,
soyez donc sur vos gardes. Le monde a un œil de lynx. Quoi que vous
fassiez, il apercevra vos chutes, bien plus, il les grossira, et s’il
ne peut vous surprendre en faute, il aura recours, à la calomnie. Mais
puisque vous ne pouvez espérer d’échapper à sa malice, efforcez-vous du
moins de ne point y donner prise. Que vos vêtements soient blancs en
tout temps (#Ec 9:8). Marchez dans la crainte de l’Éternel, et que la
prière du psalmiste devienne votre prière de chaque jour :
« Soutiens-moi, et je serai en sûreté » (#Ps 119:117).
Enfin, j’ai à vous présenter un
dernier argument, qui ne peut manquer, ce me semble, de toucher vos
cœurs et de vous inspirer une haine profonde à l’égard du péché. Vous
avez un ami, le meilleur ami que vous n’ayez jamais eu. Je le connais,
je l’ai aimé et il m’a aimé. Un jour que j’errais, seul et pensif, dans
la campagne, je me trouvai tout à coup dans un endroit qui restera pour
toujours gravé dans mon souvenir, car là, je vis cet
ami — mon meilleur, mon unique ami — étendu mort à
mes pieds ! Le cœur plein d’un douloureux effroi, je me baissai et
le regardai … Il avait été lâchement assassiné !
Je vis que ses mains et ses pieds
avaient été percés de clous. Sur son visage glacé par la mort, était
empreinte une angoisse si terrible, que je pouvais à peine en supporter
la vue. Son corps était amaigri par le jeûne, son dos était sillonné de
plaies sanglantes. Une ligne de blessures ceignait son front :
évidemment de cruelles épines l’avaient meurtri. Je frémis
d’indignation, car je savais tout ce que valait cet ami. Jamais il ne
s’était trouvé aucun mal en lui. Il était pur parmi les purs, saint
parmi les saints. Qui donc avait osé lever la main sur lui ? Il
n’avait jamais nui à personne. Pendant toute sa vie il était allé de
lieu en lieu en faisant le bien ; il avait guéri les malades,
rassasié les affamés, ressuscité les morts : pour laquelle de ces
œuvres lui avait-on ôté la vie ? Son existence tout entière
n’avait été qu’amour. Et tout en considérant ce pâle et morne visage,
si plein à la fois de poignante douleur et d’ineffable amour, je me
demandais avec étonnement quels pouvaient être les misérables assez
vils pour avoir osé le frapper ? « Où demeurent ces
traîtres ? » m’écriai-je ; « qui me dira où je
pourrai les trouver ? Où se cachent-ils les infâmes qui ont percé
les mains d’un être tel que celui-là ? Eussent-ils mis à mort un
tyran, on aurait pu leur pardonner. Eussent-ils tué un de ces êtres
dégradés qui se plongent dans le vice et l’infamie, on aurait pu avoir
quelque indulgence pour leur forfait. Eussent-ils choisi pour leur
victime un meurtrier, un rebelle, un conspirateur, on aurait pu
dire : « Enterrez son corps : justice a été
faite ! » Mais lorsque tu fus mis à mort, toi, mon plus cher,
mon unique ami, oh ! Quel attentat ! Quel crime sans
pareil ! … Où sont-ils les monstres qui ont fait couler
ton sang ? Que ne puis-je m’emparer d’eux et leur faire expier
leur forfait ! » Oh ! Quelle jalousie, quelle
indignation, quelle colère je ressentais ! Mais voici, comme je me
penchais de nouveau sur ce corps inanimé, un bruit de pas frappe mon
oreille. Étonné, je me relève, j’écoute : le même bruit se fait
entendre … Plus de doute, le meurtrier est près !
J’avançai en tâtonnant (car il faisait sombre), espérant à tout moment
mettre la main sur le traître. Mais, chose étrange ! Quoique je
distinguasse toujours le son des pas, de quelque côté que j’étendisse
la main, je ne rencontrais que le vide … . Alors la vérité se
fit jour dans mon âme ; mes yeux s’ouvrirent, et plaçant la main
sur ma propre poitrine, « Ah ! Je te tiens
enfin ! » M’écriai-je avec amertume, car je venais de
découvrir, hélas, que le meurtrier était dans mon cœur, qu’il habitait
les replis les plus secrets de mon être ! … Oh !
Alors, comme je pleurai ! Comme je me frappai la poitrine en
contemplant les restes sanglants de mon Maître et en songeant que son
bourreau c’était moi, c’était mon péché ! Quels remords, quelle
profonde componction n’éprouvai-je pas lorsque, agenouillé près de son
corps, je chantai cet hymne plaintif :
« Ô Jésus, mon ami fidèle,
C’est moi qui te brisai le cœur !
C’est moi qui d’une main cruelle
Perçai la main de mon Sauveur !… »
Vengeance ! Vengeance !
Ô vous tous qui craignez l’Éternel et qui aimez son nom, vengez-vous du
péché et haïssez le mal !
Et maintenant, mes chers
auditeurs, je désire vous donner quelques avis relativement à cette
lutte constante que le chrétien est appelé à soutenir contre le mal. Il
s’agit, vous le savez, de faire mourir en nous le vieil homme et ses
convoitises : mais quel moyen employer pour atteindre ce
but ? Voici le glaive de la loi : aurons-nous recours à
lui ?
Hélas ! Les coups de Moïse
seront toujours impuissants pour mettre à mort le péché. La loi et ses
terreurs, bien loin d’amollir l’âme ne font, en général, que
l’endurcir. J’ai souvent essayé, pour ma part, de triompher du péché en
pensant au châtiment qui en est la suite ; mais je déclare que
cette considération n’a pu que très rarement m’arrêter dans la voie du
mal. Je suis persuadé que les menaces de la loi, toutes formidables,
qu’elles soient, ne possèdent que fort peu de puissance pour dompter,
le cœur et le faire renoncer à ses convoitises. Il y a plus :
j’affirme que trop souvent ces menaces ont pour effet de cautériser la
conscience, et que le pécheur finit par trouver je ne sais quelle âpre
volupté à braver le châtiment. Aussi, ne conseillerai-je jamais à une
âme qui désire être délivrée de ses péchés, de méditer continuellement
sur la peine qui l’attend.Qu’elle essaie plutôt d’une autre, méthode.
Qu’elle aille s’asseoir au pied de la croix et qu’elle puise dans la
contemplation du sacrifice expiatoire que Christ a accompli pour elle
une repentance selon l’Évangile. Je ne connais point d’autre remède
contre le péché qu’une communion habituelle avec Jésus. Vivez avec lui,
et il vous sera impossible de vivre avec le mal.
Quoi ! Mon Seigneur Jésus, se
pourrait-il que je me prosternasse au pied de l’arbre maudit, que je
visse ton sang couler goutte à goutte pour expier mes transgressions,
et qu’ensuite j’allasse de nouveau me plonger dans l’iniquité ?
Hélas ! Oui, cela se
pourrait, car il n’est aucune énormité dont une créature aussi vile que
moi ne soit capable ; toutefois, s’il est un moyen par lequel je
puisse arriver à surmonter les tentations, s’il est une entrave que je
puisse opposer efficacement dans mon âme au courant fatal du péché,
c’est de me nourrir constamment de cette pensée : Jésus a vécu et
il est mort pour moi.
Un second avis que je vous
donnerai, est celui-ci : si vous voulez combattre victorieusement
le péché, ne craignez point que le grand jour règne dans votre cœur.
Quand la ménagère nettoie sa maison, si les rideaux sont baissés elle
croit que tout est propre autour d’elle ; mais si elle entrouvre
la fenêtre et qu’un rayon de soleil se glisse dans la chambre, aussitôt
elle voit dix mille grains de poussière tourbillonner çà et là.
« Ah ! », pense alors la maîtresse du logis, « ma
chambre n’est point aussi propre que je l’imaginais ; voici de la
poussière que je n’avais pas vue » ; et elle se remet au
travail avec une nouvelle ardeur. Faites de même, mes bien-aimés. Ne
vous contentez pas d’être éclairés par le misérable lumignon de votre
propre jugement, mais ouvrez votre cœur ; au brillant soleil du
Saint-Esprit, afin qu’à sa vive lumière vous puissiez découvrir tous
vos péchés. Souvenez-vous qu’un péché connu est un péché à moitié
vaincu. Recherchez donc le grand jour, et faites en sorte qu’aucune des
taches de votre âme ne reste dans l’ombre.
Observons, en outre, que celui qui
désire être débarrassé du mal, ne doit pas se borner à le contenir dans
certaines limites, mais qu’il doit aspirer à ce que le Saint-Esprit
l’extirpe entièrement de son cœur. Vous savez, que les simples
moralistes s’efforcent de réprimer leurs passions, absolument comme on
interrompt le cours d’une rivière à l’aide de digues et de
chaussées ; l’eau est en effetrefoulée pendant quelque temps, il
est vrai, mais elle grossit, grossit toujours jusqu’à ce qu’enfin elle
déborde avec furie. Je le répète, ne vous bornez pas à comprimer votre
corruption naturelle, car, quoique vaincue en apparence, elle pourrait
tout à coup éclater avec une nouvelle force ; mais plutôt demandez
à Dieu de la tarir dans sa source. Et quoique, hélas, de ce côté-ci de
la tombe, le lit de ce torrent dévastateur qui a nom péché restera
toujours ; creusé dans votre âme, cependant le torrent lui-même
peut être desséché, comme les eaux de l’Euphrate, devant la face de
l’Éternel notre Dieu.
Un autre conseil. Lorsque vous
avez commis une faute quelconque, confessez-la à Dieu tout
d’abord ; puis, que cette faute vous porte à vous examiner
vous-mêmes et à rechercher tous vos autres manquements. Jamais David
n’écrivit une confession aussi humble et aussi complète de ses
transgressions qu’après sa lourde et mémorable chute (#Ps 51). Ce fut
pour lui une occasion de sonder son cœur, et ayant reconnu à quel point
ce cœur était vil, corrompu, misérable, il exhalât des sentiments
d’humiliation en faisant un aveu général de ses iniquités. Quand tu
découvres un péché en toi, mon cher auditeur, sois sûr que d’autres ne
sont pas loin, car Satan n’envoie jamais ses émissaires que par bandes.
Quand donc tu t’approcheras de Dieu pour lui confesser un péché
spécial, n’oublie point de dérouler en même temps devant lui toutes les
misères de ton âme, et tandis que tu regardes principalement à
celui-ci, aie soin d’avoir aussi l’œil ouvert sur celles-là. Ne te
contente pas de terrasser une convoitise ou une tentation, mais
efforce-toi de blesser mortellement tous tes péchés et de les mettre en
déroute.
C’est ici le lieu d’observer qu’il
est certains péchés par lesquels le chrétien se laissera sûrement
séduire, à moins qu’il n’ait le soin de les dépouiller de leurs
déguisements. Quelquefois, le mal se présentera à vous enveloppé dans
une robe de Scinhar, comme le lingot d’or dérobé par Achan :
déployez cette riche enveloppe, et vous verrez l’interdit qui y était
caché (#Jos 7:1). D’autres fois, comme dans le cas du roi Saül, il se
déguisera habilement en respect pour le Seigneur et en zèle pour son
service ; mais arrachez-lui son masque, et vous reconnaîtrez
qu’aux yeux de Dieu la résistance est autant que les idoles, et la
rébellion autant que le sortilège (#1S 15). Le péché fait comme
Jézabel : il oint sa tête et farde son visage, afin de trouver
grâce auprès de nous. Que dis-je ? Il se déguise parfois en ange
de lumière. Chrétien, ne te laisse point prendre à ses artifices.
Démasque-le, vois sa laideur, contemple sa difformité, méprise le
salaire que peut-être il fait briller à tes yeux, dépouille-le de ses
appas trompeurs, et lorsqu’il t’apparaîtra dans toute sa hideuse
nudité, tu auras moins de peine à te défendre contre lui.
Un mot encore à mes frères en la
foi. Dans vos moments de plus haute spiritualité, de plus intime
communion avec Dieu, leur dirai-je, essayez de vous faire une juste
idée de toute l’énormité du péché. Ce n’est point lorsque vous êtes
dans un état de relâchement et d’infidélité que vous pouvez juger
sainement le mal. Un plongeur pourrait avoir mille tonnes d’eau
au-dessus de sa tête qu’il n’en sentirait pas le poids, parce que l’eau
l’environne ; mais qu’il revienne à terre et qu’on lui mette
seulement quelques seaux d’eau sur les épaules, et il en sera écrasé.
De même, si vous êtes, pour ainsi dire, plongés dans le péché, vous ne
sauriez en sentir le poids ; mais quand vous serez sortis de cet
élément impur, que le sang de l’aspersion aura purifié votre âme, et
que l’Esprit de sainteté vous, aura relevés de votre chute, alors
efforcez-vous de réaliser le poids énorme de votre culpabilité. Cela
vous aidera à haïr et à surmonter le mal.
À l’égard de péchés d’une certaine
nature, le meilleur conseil que je puisse vous donner, est
celui-ci : si vous voulez les vaincre, fuyez-les. Les convoitises
de la chair, entre autres, ne doivent jamais être combattues, si ce
n’est à la manière de Joseph ; or, vous savez ce que fit Joseph,
il s’enfuit. Un célèbre philosophe met dans la bouche de Mentor ces
mots bien connus : « Fuis, fuis, Télémaque ! Tu n’as
d’autre salut que dans la fuite ! » À mon tour, je te dirai,
mon cher auditeur : fuis ! Car dans le cas particulier qui
nous occupe, la fuite est le premier des devoirs. Les vrais soldats de
la croix lutteront corps à corps avec tout autre péché ; mais, en
présence de celui-ci, ils tournent le dos et s’enfuient, en sorte
qu’ils sont plus que vainqueurs. FUYEZ la fornication (#1Co 6:18) dit
la sagesse divine. Si donc une tentation de ce genre t’assaille ;
ferme tes yeux ; bouche tes, oreilles, et enfuis-toi au plus
vite ; car tu ne seras en sûreté que lorsque tu seras loin.
Enfin, vous qui aimez l’Éternel,
si vous désirez être victorieux du mal, recherchez sans cesse une
nouvelle onction du Saint-Esprit. Qu’un seul jour ne se passe pas, sans
que, vous alliez puiser à la source des eaux vives la nouvelle mesure
de grâces dont vous aurez besoin pour accomplir les devoirs de la vie
active. Nous ne sommes jamais en sûreté qu’entre les mains du Seigneur.
Il n’est pas un seul chrétien — si avancé qu’il soit dans la
piété, ou si renommé qu’il puisse être par sa vigilance et son esprit
de prière — non, je l’affirme, il n’est pas un seul chrétien
dans le monde qui puisse subsister un seul jour sans faire de lourdes
chutes, à moins que l’Esprit de Dieu ne soit son protecteur. Un ancien
écrivain a dit excellemment : « Ferme ton cœur tous les
matins par la prière et remets-en la clef à ton Père céleste, en sorte
que rien n’y puisse entrer ; puis, le soir venu, ouvre-le, et il
s’en exhalera un doux parfum d’amour, de joie et de sainteté ».
Croyant, retiens, bien ceci :
ce n’est que par l’Esprit de Dieu que tu peux triompher du péché.
Une dernière remarque. Évitez les
prédicateurs qui s’efforceraient en quelque manière d’excuser ou de
pallier le mal. Évitez soigneusement aussi toute conversation et toute
lecture qui tendrait à vous présenter les péchés des enfants de Dieu
comme étant de peu d’importance. Je connais de soi-disant chrétiens qui
parlent de leurs chutes, de leurs infidélités, de leurs transgressions
comme s’ils en étaient fiers, et qui semblent en vérité les considérer
comme leurs expériences les plus bénies. Semblables à ce chien de la
fable, auquel on avait mis une cloche au cou parce, qu’il était
dangereux et qui paraissait en tirer vanité, ces personnes
s’enorgueillissent de ce qui est leur confusion. Les orties sont de
trop partout, mais nulle part elles ne sont plus mal placées qu’au
milieu d’un parterre ; de même, le péché est odieux partout, mais
nulle part autant que chez le chrétien. Si, en rentrant aujourd’hui
dans vos demeures, vous voyiez un enfant qui s’amusât à casser les
vitres à coups de pierre, assurément vous lui adresseriez des
remontrances ; mais si le jeune coupable était votre propre fils,
n’est-il pas vrai que vous le châtieriez sévèrement, justement parce
qu’il est votre fils ? Ainsi agit le Seigneur à l’égard de son
peuple. Quand les mondains font le mal, il les reprend ; mais
quand ses enfants pèchent, il les frappe. Il ne fermera jamais les yeux
sur les fautes de sa propre famille ; il ne les laissera point
impunies. Ô vous qui craignez l’Éternel, gardez-vous de tolérer le
péché en vous-mêmes, car Dieu, lui, ne le tolérera point. Haïssez le
mal, car il le hait, lui, d’une parfaite haine.
II.
J’arrive à la seconde partie de mon sujet. Si le chrétien doit haïr le
péché en lui-même, il doit aussi, avons-nous dit, le haïr CHEZ LES
AUTRES. Notez bien que je ne vous dis pas de haïr les autres, mais de
haïr leurs péchés, ce qui est tout différent. Comme je me suis
longuement étendu sur le premier point, je dois me borner à vous
présenter sur celui-ci deux ou trois réflexions pratiques.
Et d’abord, si vous haïssez le mal
chez autrui, vous ne devez jamais le traiter légèrement, encore moins
avoir l’air de l’approuver. Souvent un chrétien fait plus de mal qu’il
ne pense par un simple sourire. Un jeune homme a peut-être raconté
devant vous quelques incidents plus ou moins scandaleux de sa vie. Vous
étiez en chemin de fer ou dans un lieu public par conséquent vous ne
pouviez éviter de l’entendre. Il a été fort spirituel, et vous avez
souri à ses traits d’esprit. Ce jeune homme vous connaît ; il sait
que vous faites profession de piété ; aussi pense-t-il avoir
obtenu un beau triomphe : n’a-t-il pas réussi à faire rire un
chrétien en lui parlant du péché ? — Ou bien, vous avez
entendu des incrédules tenir des propos malséants, libres, profanes.
Dans le secret de votre cœur, vous en avez été révolté ; ces
discours ont blessé vos oreilles, mais vous êtes resté tranquillement à
votre place, et les personnes présentes se sont dit entre elles :
« Ah ! Voilà bien ces prétendus dévots ! Avez-vous vu
comme il écoutait ? Il ne perdait pas un mot de la conversation.
Évidemment, il y prenait plaisir. » Et, sur-le-champ, on place ces
entretiens malhonnêtes sous le sceau de votre approbation …
Oh ! Mes frères bien-aimés, je vous en supplie, veillez sur
vous-mêmes à cet égard. Où que vous soyez, conduisez-vous de manière à
faire comprendre à tous que non seulement vous n’aimez pas le péché,
mais que vous l’avez en horreur. Que les mondains ne disent pas
simplement à votre sujet : « Ils semblent ne pas avoir de
goût pour nos entretiens et nos plaisirs ». Mais qu’ils sachent
positivement que vous les détestez, que vous les haïssez, que vous
n’avez ni sourire, ni indulgence pour le mal, mais seulement de
l’indignation. Au siècle dernier, il était de bon ton de se livrer à
certains vices qu’aujourd’hui nous regardons avec dégoût, et dans cent
ans, je l’espère des actes dont on n’a pas honte aujourd’hui seront
flétris par l’opinion publique comme étant souverainement odieux et
méprisables. Mais, en attendant, montrez que vous du moins, enfants de
Dieu, vous n’excusez aucun péché et que vous ne traitez légèrement
aucune violation de la loi divine.
Mais là ne se borne pas votre
devoir. Lorsque vous y serez appelés (et cela peut arriver très
souvent), ne manquez pas de protester ouvertement contre le mal. Un
silence coupable vous fait participer en quelque mesure aux mauvaises
actions des pécheurs. Si un soir, en rentrant chez moi, je voyais un
malfaiteur forcer votre maison, et qu’au lieu de donner l’alarme, je
m’esquivasse tout doucement, laissant le voleur exécuter en paix ses
coupables desseins, ne serais-je point, en quelque sorte, complice de
son crime ? … De même, si vous trouvant dans une
société où il se tient de mauvais discours et où l’on blasphème le nom
de Christ, vous ne dites pas un mot en faveur de votre Maître, je vous
le demande, ne commettez-vous pas un péché des plus graves, et par
votre silence, ne devenez-vous pas en réalité complices des
blasphémateurs ? Croyants, qu’une telle lâcheté ne soit point la
vôtre. Parlez hardiment pour votre Seigneur et Maître. Peut-être le
monde vous traitera-t-il de puritains ? … Mais
qu’importe, je vous prie ? C’est un grand et beau nom que
celui-là : honneur à ceux qui le méritent ! — Peut
être dira-t-on que votre piété est trop rigide ? Et qu’importe
encore ? Il est fort heureux, en vérité, qu’il y ait des chrétiens
trop rigides, quand il y en a tant de trop relâchés. — Il se
peut aussi que les mondains ne vous reçoivent plus dans leur
société ; mais tout bien compté, au lieu d’être une perte, ne
serait-ce pas un grand gain pour vous ? Et quand même on vous
calomnierait, mes bien-aimés, quand même on vous abreuverait d’injures
et d’outrages, ne savez-vous pas que nous devons nous réjouir et
tressaillir de joie lorsqu’on dira faussement contre nous toute sorte
de mal, à cause du Fils de l’Homme ? (#Mt 5:11,12). Arrière donc
toute lâche timidité !
Quand nous devons parler, parlons
hardiment, et forçons le péché à rougir en notre présence.
Mais cette protestation ouverte et
publique ne suffit pas ; nous devons aussi, quand l’occasion s’en
présente, avertir en particulier le pécheur.
On m’a raconté dernièrement un
fait bien digne de l’imitation de tous les chrétiens. Un homme pieux
qui se trouvait dans un établissement public, entendit un étranger
prendre le nom de Dieu en vain. Aussitôt il va l’accoster et lui
demande poliment s’il pourrait lui dire quelques mots en particulier.
« Certainement, répond l’étranger, passons dans cette
salle. » Dès qu’ils furent seuls, l’homme pieux dit à
l’autre : « J’ai remarqué avec peine, cher monsieur, que vous
prenez le saint nom de Dieu en vain. Je suis assuré à l’avance que vous
excuserez mes remarques sur ce sujet. Je n’ai pas voulu les faire en
présence de témoins, mais je tiens à vous dire que c’est un grand péché
de prononcer ainsi le nom du Seigneur à la légère et que certainement
il ne peut vous en arriver que du mal. Ne pourriez-vous pas dorénavant
renoncer à cette coupable habitude ? » L’avertissement fut
reçu avec reconnaissance. L’étranger remercia son interlocuteur, parla
de sa première éducation qui avait été fort défectueuse, et exprima
l’espoir que cette leçon lui serait utile. — Ne pensez-vous
pas, mes frères, que si nous agissions tous comme le digne chrétien
dont je viens de parler, nous pourrions faire beaucoup de bien ?
Et, ne croyez-vous pas qu’en négligeant le devoir de la répréhension
individuelle, nous laissons échapper de précieuses occasions de
témoigner notre haine contre le péché ? Ah ! Si nous étions
plus fidèles, Satan trouverait en nous de plus rudes adversaires, et
partout où nous le découvririons, nous serions trop heureux de
l’assaillir de nos traits.
Mais avant tout, mes chers amis,
n’oubliez pas, comme je vous l’ai déjà dit dans une autre partie de ce
discours, que si vous haïssez le mal chez les autres, vous devez
prendre garde de ne point le chérir en vous-mêmes ; car à quoi
bon, je le demande, signaler au prochain la paille qui est dans son
œil, tandis qu’on a soi-même une poutre dans le sien ? Vous
connaissez le vieux proverbe : « Médecin, guéris-toi
toi-même ».
Commencez tout d’abord par vous
guérir de vos propres infirmités, après quoi vous pourrez chercher,
tant qu’il vous plaira, à guérir les infirmités d’autrui. Reprenez
votre prochain, rien de mieux ; mais efforcez-vous auparavant de
régler votre conduite d’après la loi de l’Évangile.
Et maintenant, mes frères
bien-aimés, vous tous qui aimez le Sauveur, laissez-moi vous exhorter
en terminant à former contre le mal une sainte alliance et à travailler
d’un commun accord au renversement de son empire. Pour cela,
joignez-vous de cœur et de main à tout homme (sous quelque dénomination
qu’il se range) qui hait et combat le péché. Encouragez toute société
qui, d’une manière ou d’une autre, s’efforce de faire du bien. Que ce
programme soit le vôtre : « Ne rien élever que Christ, ne
rien abaisser que le mal ». Aidez tous ceux qui cherchent à
étendre le royaume du Rédempteur. Le meilleur moyen de renverser le mal
est de le remplacer par le bien : si donc vous haïssez réellement
le mal, prouvez-le par votre activité à faire du bien. Aidez le
ministre de l’Évangile ; priez pour lui ; soutenez ses mains
défaillantes, cherchez à le fortifier. Quant à vous-mêmes, devenez
évangélistes, distributeurs de traités, ou moniteurs dans une école de
dimanche. Répandez largement la Parole de Dieu au près comme au loin.
Envoyez des missionnaires chez les païens, envoyez-en aussi dans les
faubourgs et les ruelles de nos cités. Allez au milieu des haillons et
de la misère de nos grandes villes et cherchez à relever quelque pauvre
âme, précieux joyau du Seigneur, cachée peut-être dans la fange de la
corruption et du vice. C’est ainsi que par votre moyen Christ
triomphera, tandis que Satan sera confus. Et comment ce glorieux, ce
magnifique résultat serait-il définitivement obtenu, si ce n’est par
les efforts combinés de toute l’Église du Seigneur Jésus ?
Aujourd’hui, grâce à Dieu, nous ne manquons pas d’hommes en état de
combattre pour le nom de Christ … Si seulement ils voulaient
combattre ! Nos Églises augmentent dans une proportion
considérable. Il y a en ce moment un nombre immense de chrétiens
répandus sur tout le globe ; mais pour ma part, je crois en vérité
que les cent vingt disciples, réunis dans la chambre haute de Jérusalem
le jour de la première Pentecôte, valaient plus, à eux seuls, que la
totalité des chrétiens de nos jours ! Oui, je dis ceci très
sérieusement, je crois que dans ces cent vingt personnes, il y avait
plus de sang divin et d’ardeur chrétienne, qu’il n’y en a chez cent
vingt millions de pauvres créatures lâches et dégénérées, telles que
nous. Ah ! Qui nous rendra les jours bénis de la primitive
Église ? Alors chaque chrétien était un missionnaire. Les femmes
ne prêchaient pas, il est vrai, mais elles faisaient mieux : elles
vivaient l’Évangile. Les hommes, eux, l’annonçaient
continuellement. Ils ne se déchargeaient pas, comme vous, de ce soin
sur leur conducteur spirituel, et ne se bornaient pas à servir Dieu par
procuration. Ils n’établissaient pas des diacres, afin de leur laisser
faire toute l’œuvre de Dieu pendant qu’eux-mêmes se croisaient les
bras. Ils ne choisissaient point dans leur nombre (comme cela se
pratique aujourd’hui) un ou deux combattants qu’ils plaçaient au plus
fort de la mêlée, laissant les autres se reposer pendant la lutte, et
puis se partager les dépouilles. Oh ! Non ; tous les soldats
de Christ marchaient au combat ; chacun faisait son devoir, et
grande était la victoire. À l’œuvre donc, chrétiens, mes frères
bien-aimés ! À l’œuvre en tout temps ! À l’œuvre jusqu’au
dernier ! Ô Esprit du Dieu vivant ! Viens embraser les cœurs,
en sorte que tous les soldats de la croix, pleins d’un saint zèle pour
ton service, s’élancent à la victoire ! Quand les enfants de Sion
sentiront la responsabilité qui pèse sur chacun d’eux, alors viendra
pour elle le jour du triomphe. Alors les murs de Jéricho s’écrouleront
et à tout soldat du Dieu vivant sera donnée la couronne des vainqueurs.
Ô vous qui aimez l’Éternel, haïssez le mal, dès maintenant et à
jamais !