157 - LE PREMIER ET GRAND COMMANDEMENT.
Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de
toute ta pensée et de toute ta force … C’est là le premier
et grand commandement (#Mr 12:30 ; #Mt 22:38).
Le Sauveur a dit en parlant de mon
texte : « C’est là le premier et grand commandement ».
Et en effet, il est « le premier », — le premier
tout d’abord par rang d’ancienneté, car il est antérieur aux dix
commandements de la loi écrite. Avant que l’Éternel eût dit :
« Tu ne commettras point adultère, tu ne déroberas point »,
les paroles de mon texte étaient une des lois qui régissaient
l’univers. Les intelligences célestes s’inclinaient déjà devant elle,
alors que l’homme n’avait pas encore été créé.
Il n’était pas nécessaire que Dieu
dise aux anges : « Vous ne tuerez point, vous ne déroberez
point », car le meurtre et le larcin étaient probablement
impossibles pour eux ; mais assurément il dut leur dire :
« Vous aimerez le Seigneur votre Dieu » ; et dès que
Gabriel, enfanté à l’existence par le souffle du Très-Haut, se fut
élancé hors du néant, le grand principe de l’amour de Dieu lui fut sans
nul doute inculqué. Ce commandement est donc « le premier »
par son ancienneté. Dans le jardin d’Éden, Adam y était soumis ;
même avant la création d’Ève sa femme, il lui avait été donné ; et
lorsque encore tout autre précepte eût été superflu, celui-ci était
gravé sur la table de son cœur : « Tu aimeras le Seigneur ton
Dieu ».
Mais le commandement qui nous
occupe n’est pas seulement « le premier » par son
antiquité : il l’est aussi par son importance. Un précepte qui
regarde directement le Dieu tout-puissant doit, sans contredit, avoir
la priorité sur tous les autres. La plupart des articles de la loi
morale traitent des rapports d’homme à homme ; mais ici, il ne
s’agit de rien moins que des rapports de l’homme avec son Créateur. Les
règlements de la loi cérémonielle n’entraînaient pour celui qui les
violait, que des conséquences d’une portée secondaire ; mais la
désobéissance à cet ordre fondamental provoque la colère de l’Éternel
et attire sa malédiction sur la tête du transgresseur. Celui qui tue ou
qui dérobe commet un forfait d’autant plus grave qu’en péchant contre
son prochain, il viole du même coup l’injonction de mon texte ;
mais en supposant que le vol ou l’homicide, ou tout autre péché
n’impliquât pas nécessairement la violation du premier commandement,
cette violation constituerait à elle seule la plus grave, la plus
énorme des offenses. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu c’est le prince
des commandements, le souverain de la loi ; à lui appartient la
préséance sur toutes ces règles augustes que Dieu jugea bon plus tard
de donner à ses créatures.
Observons encore que ce
commandement est « le premier » par sa justice. Si l’on ne
peut toujours saisir l’équité de ce précepte : « Tu aimeras
ton prochain comme toi-même » ; s’il m’est parfois malaisé de
comprendre pourquoi je suis tenu d’aimer l’homme qui me hait et qui
m’insulte, ici, nulle difficulté de ce genre ne saurait exister.
L’ordre d’aimer le Seigneur notre Dieu s’adresse à nous avec une
autorité si puissante ; il est tellement corroboré par les
instincts de la nature et par la voix de la conscience, qu’en vérité il
faut avoir perdu tout vestige de sens moral pour oser contester sa
parfaite justice. Souviens-toi donc, ô homme, que c’est ici le premier
commandement. À quelque loi que tu désobéisses, prends garde du moins
d’observer celle-ci. Si tu avais enfreint les ordonnances de la loi
cérémonielle, le sacrificateur aurait pu faire propitiation pour toi,
mais comment échapperas-tu si tu pèches contre ce premier
commandement ? L’ordre est formel, précis, inflexible. Tu peux
violer les lois humaines, quitte à subir la peine prononcée contre ceux
qui les violent, mais si tu foules aux pieds celle-ci, ta punition,
sache-le, sera trop lourde pour que ton âme puisse la porter. Elle te
précipitera, ô pécheur, elle te précipitera comme une meule de moulin,
jusques aux plus bas fonds des enfers ! Prends donc garde à ce
commandement plus qu’à tout autre ; tremble en sa présence, et
applique-toi à lui obéir, car c’est le premier de tous les
commandements.
Le Sauveur dit aussi que c’est le
grand commandement, et cela est vrai. Il est « grand » par
son étendue, ou, pour mieux dire, par son ampleur, car il renferme dans
ses entrailles tous les autres. Quand Dieu dit :
« Souviens-toi du jour du repos pour le sanctifier » ;
quand il dit : « Tu ne te feras point d’images taillées et tu
ne te prosterneras point devant elles », ou bien encore :
« Tu ne prendras point le nom de l’Éternel ton Dieu en
vain », il n’a fait que développer, à un point de vue particulier,
l’idée générale contenue dans mon texte. C’est le sommaire et la
substance de la loi. Il n’y a pas jusqu’au second commandement lui-même
qui ne se trouve comme enveloppé dans les vastes plis du premier. Qui
dit : « Tu aimeras ton prochain », sous-entend, par le
fait : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu », car l’amour
du prochain ne saurait exister sans l’amour de Dieu, et l’amour de Dieu
à son tour produit nécessairement l’amour du prochain.
De plus, le premier commandement
est « grand » par ses exigences : exigences parfaitement
justes, parfaitement légitimes, mais qui n’en sont pas moins d’une
rigidité effrayante. Que nous demande-t-il, en effet ? Il nous
demande nos pensées, notre force, notre cœur, notre vie ; en
d’autres termes, il exige que nous concentrions dans l’amour de Dieu
toutes les facultés de notre âme, toutes les puissances de notre
être ! — Et celui qui désobéira jusqu’à la fin à ce
commandement reconnaîtra, pour son éternel malheur, qu’il est
« grand » encore dans un autre sens : grand dans sa
puissance de condamnation, car il sera comme un glaive à deux
tranchants pour frapper le transgresseur, comme une foudre vengeresse
qui éclatera sur sa tête rebelle et qui le détruira entièrement.
Écoutez donc, ô vous Gentils, et vous aussi, ô maison d’Israël, écoutez
ce premier et grand commandement que je viens vous répéter de la part
de mon Maître : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur,
de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force.
Je diviserai mon discours en deux
parties, ou plutôt j’examinerai avec vous deux simples questions :
la première : QUE NOUS DIT CE COMMANDEMENT ? La
seconde : QU’AVONS-NOUS À LUI RÉPONDRE ?
I.
Et d’abord constatons que les premiers mots de mon texte nous imposent
un devoir, le devoir d’aimer Dieu : tu aimeras le Seigneur ton
Dieu. Il y a bien des manières de manquer à ce devoir. Il est une
classe d’hommes qui le méprisent sciemment et audacieusement, car ils
haïssent Dieu. Ici, c’est l’incrédule sans pudeur qui grince des dents
contre le Très-Haut ; là, c’est le sceptique plus raffiné qui
lance le venin de ses blasphèmes contre la personne de son Créateur. Il
ne manque pas de gens dans le monde qui se posent ouvertement en
athées, et quoique, au fond de leurs consciences, ils sachent très bien
qu’il y a un Dieu, néanmoins, de leurs lèvres, ils nient effrontément
son existence. De tels hommes nient qu’il y ait un Dieu, parce qu’ils
donneraient tout au monde pour qu’il n’y en eût point. La pensée est
fille du désir ; mais il faut que le cœur soit parvenu à la
dernière phase de l’endurcissement et de la corruption avant que cette
pensée n’ose se traduire par des paroles, avant surtout que le
malheureux qui prononce une impiété aussi monstrueuse, puisse le faire
sans un certain sentiment de honte et de remords. Ai-je besoin de le
dire ? Mon texte concerne en première ligne tous ceux qui
haïssent, qui méprisent, qui insultent l’Éternel leur Dieu, qui mettent
en doute son existence ou qui dénaturent son caractère. Oh !
Incrédule ! Dieu t’ordonne de l’aimer de tout ton cœur ; donc
puisque tu le hais, tu te places toi-même volontairement sous le coup
de la sentence de condamnation qui fondra au dernier jour sur les
transgresseurs de cette loi.
D’autres hommes savent qu’il y a
un Dieu, mais ils le négligent. Ils traversent la vie avec
indifférence, sans se mettre en peine des choses qui regardent
l’éternité. « Après tout, disent-ils (si ce n’est par leurs
paroles, du moins par leur conduite), après tout, peu nous importe
qu’il y ait un Dieu ou qu’il n’y en ait point. » Ils ne se
soucient nullement de connaître leur Créateur, et ses commandements ne
leur inspirent pas la dixième partie du respect qu’ils éprouveraient
pour une proclamation de leur souverain. Ils sont tout prêts à se
soumettre aux puissances établies (#Ro 13:5), mais quant à Celui par
qui ces puissances subsistent, ils le mettent de côté et ils
l’oublient. Trop prudents ou trop timides pour oser déclarer
ouvertement qu’ils ne croient pas en Dieu, ces hommes n’ont aucun
scrupule de vivre comme s’il n’y en avait pas. S’ils ne sont point
athées en théorie, ils le sont en pratique. Aucune place dans leurs
pensées n’est réservée au Seigneur. Ils se lèvent, le matin, sans
songer à fléchir le genou devant lui ; ils se couchent, le soir,
sans murmurer une prière. Jour après jour, semaine après semaine, ils
s’occupent des affaires de la vie sans jamais avoir l’idée d’élever
leurs âmes vers Dieu. Quelquefois, vous les entendrez parler de
« chance », de « hasard », de « bonne ou de
mauvaise fortune », étranges divinités conçues dans leur
cerveau ; mais Dieu, le Dieu tout-puissant, le Dieu de la
providence, le Dieu vivant et vrai, jamais ils ne parlent de lui, si ce
n’est quand ils prononcent son nom avec légèreté et inconvenance,
ajoutant ainsi un péché de plus à la masse de leurs
iniquités. — Ô vous, pécheurs, qui vivez ainsi dans l’oubli
de Dieu, qui n’avez pour lui qu’une froide et dédaigneuse indifférence,
sachez que ce commandement s’adresse aussi à vous : tu aimeras le
Seigneur ton Dieu de tout ton cœur et de toute ton âme.
Mais ici, j’entends quelqu’un me
dire : « Il est vrai, ministre de l’Évangile, que je n’ai
aucune prétention à la piété, mais, à mon sens, je n’en vaux pas moins
pour cela. Je suis tout aussi intègre, tout aussi moral, tout aussi
charitable que les soi-disant dévots. Rarement, j’en conviens, je
franchis le seuil d’un lieu de culte ; je ne pense pas que ce soit
là un devoir de la première importance ; mais, à tout prendre, je
le répète, je vaux autant que mes voisins : je suis un honnête
homme ; personne n’a rien à me reprocher. D’ailleurs, s’il faut le
dire, parmi vos gens d’église, il y a tant et tant d’hypocrites, que
franchement je n’ai aucune envie de devenir des leurs. »
Arrête, mon cher auditeur, et
permets-moi de te faire une simple observation. Que t’importe, je te
prie, ce que font les autres ? La religion est une affaire toute
personnelle, qui ne regarde que Dieu et toi. Or, ton Créateur t’a dit,
à toi individuellement : « Tu m’aimes de tout ton cœur, de
toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force ». Qu’as-tu
donc besoin de montrer du doigt tel pasteur dont la conduite n’honore
pas toujours sa profession, ou tel ancien de l’Église qui marche avec
la multitude pour mal faire, ou telle autre personne ayant l’apparence
de la piété, mais dont la vie est en contradiction avec les
principes ? Rien de tout cela ne te regarde. Quand ton Créateur te
donne un ordre, il entend que tu t’en fasses l’application, et si tu
lui objectais : « Seigneur, je ne veux pas t’aimer, parce
qu’il y a des hypocrites », est-ce que ta propre conscience,
quelque faussée qu’elle soit par le péché, ne protesterait pas contre
l’absurdité de ce raisonnement ? Est-ce que ton bon sens lui-même
ne te dirait pas, ô homme : « Puisqu’il y a tant
d’hypocrites, prends d’autant plus garde de n’en être pas un ; et
puisqu’il y a tant de prétendus chrétiens qui déshonorent la cause du
Seigneur par leur profession mensongère, à plus forte raison dois-tu
t’efforcer d’être vrai, sincère, loyal et en édification à
l’Église ? »
Mais, hélas, où sont-ils les
hommes qui se donnent la peine de réfléchir à ces
choses ? … L’oubli du Seigneur est général. Les
industriels de nos cités, les commerçants de nos rues, nos artisans et
nos ouvriers vivent pour la plupart sans Dieu dans le monde. Je ne
pense pas que la masse du peuple soit incrédule : je crois au
contraire que les athées, et même peut-être les déistes, sont plus
rares aujourd’hui qu’on ne pense. La grande plaie de notre époque,
c’est l’indifférence. On ne se soucie point de savoir si la religion
est vraie ou fausse. On est satisfait de rester dans le vague à cet
égard. On n’a pas le temps de s’occuper des intérêts de son âme, on
plaint la peine d’examiner où réside la vérité, et on ne songe même pas
à cet Être puissant et bon par qui l’on subsiste. Quant au premier et
grand commandement, on n’en tient absolument aucun compte, et ainsi on
frustre, le Seigneur de ce qui lui appartient. À vous donc, masses de
la population ; à vous, âmes immortelles qui vivez sans Dieu et
sans espérance, s’adresse la voix sévère et accusatrice de mon
texte : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur,
de toute ton âme, de toute la pensée et de toute ta force ».
Mais il y a une classe d’hommes
qu’il serait injuste de confondre avec la multitude d’esprits étroits
et vulgaires qui, absorbés par la recherche des jouissances sensuelles,
permettent aux mesquins intérêts de la vie présente de leur voiler les
sublimes profondeurs de la divinité. Oui, je me plais à le
reconnaître : il y a des hommes aux instincts plus nobles, aux
aspirations plus relevées. Ceux-là du moins n’oublient pas qu’il y a un
Dieu. Oh ! Non, loin de là. Peut-être sont-ils versés dans la
merveilleuse science de l’astronomie, et quand ils élèvent leurs
regards vers la voûte des cieux, quand ils contemplent les étoiles
semées dans l’étendue, ils admirent en eux-mêmes la majesté du
Créateur. Ou bien, ils fouillent dans les entrailles de la terre, et
ils sont frappés d’étonnement en voyant la magnificence des œuvres
anciennes de Dieu. Ou bien encore, ils examinent le corps de l’animal,
et ils rendent hommage à la suprême sagesse qui a présidé à sa
structure anatomique. Chaque fois qu’ils pensent à Dieu, ces hommes
sont pénétrés d’une solennelle admiration, d’une crainte respectueuse.
Jamais vous ne les entendrez blasphémer ou prononcer le nom du Seigneur
à la légère : il est aisé de voir que leurs âmes sont animées
d’une profonde vénération pour le Créateur de l’univers. C’est
beaucoup, sans doute, — mais, est-ce assez ? Non, mes
chers auditeurs, non, ce n’est point assez !
Le premier et grand commandement
demande autre chose. Dieu ne te dit point, ô homme : « Tu
admireras ma puissance, tu vénéreras ma grandeur ». Il exige plus
de toi ; il te dit : « Tu M’AIMERAS ! » Ô toi
qui suis du regard les globes célestes flottant dans l’immensité de
l’espace, c’est quelque chose assurément que tu t’écries dans un
transport d’enthousiasme : Oh ! Que tes cieux sont
grands ! Et que l’esprit de l’homme plie et tombe de haut, mon
Dieu, quand il te nomme ! … Oh ! Que suis-je,
Seigneur, devant tes cieux et toi ?
De ton immensité le poids pèse sur moi ;
Il m’égale au néant, il m’efface, il m’accable,
Et je m’estime moins qu’un de ces grains de sable !
(Lamartine)
Ces beaux vers rendent à peu près le sens des lignes de Milton citées dans l’original.
Oui, c’est quelque chose, ô mon
frère, que tu adores ainsi le puissant Créateur, mais cela ne suffit
point. Oh ! Plût à Dieu que tu pusses ajouter : « Celui
qui a créé l’armée des cieux, Celui qui appelle les étoiles par leur
nom, Celui-là est mon Père, et mon cœur bat d’affection pour
lui ! » Alors, mais alors seulement tu aurais obéi au
commandement de mon texte, car ce que Dieu demande de toi, ce n’est pas
ton admiration, mais ton amour : « Tu aimeras le Seigneur ton
Dieu de tout ton cœur ».
Enfin, il y a des hommes qui vont
encore plus loin. Non contents d’admirer Dieu dans ses œuvres, ils
prennent plaisir à s’élever vers lui par la contemplation. Ils croient
au Père, au Fils et au Saint-Esprit, ils croient qu’il n’y a qu’un seul
Dieu, et que ces trois personnes ne sont qu’un. Ils aiment à parcourir
les pages de la révélation, tout comme ils parcourent les pages de
l’histoire. La divinité est pour eux un sujet de curieuse étude,
d’intéressantes recherches. Ils prennent plaisir à méditer sur son
essence, sur ses attributs, sur ses perfections.
Ils pourraient sans fatigue
entendre exposer tout le jour les doctrines de sa Parole. Souvent même
ces hommes sont d’une orthodoxie irréprochable ; personne n’a un
credo plus pur que le leur, et en fait de matières religieuses, nul ne
pourrait leur en apprendre. Aussi bien que qui que ce soit, ils
défendraient au besoin telle vérité de l’Évangile, et entreraient avec
feu dans les discussions les plus approfondies sur les choses divines.
Mais, hélas ! Leur religion a un défaut : elle ressemble à un
poisson mort ; elle est froide et raide comme lui, et pour peu que
vous veniez en contact avec elle, vous sentez qu’elle n’a pas de vie.
Jamais les croyances de ces hommes ne les ont remués jusqu’au fond de
l’âme ; leurs cœurs y sont restés complètement étrangers. L’œil de
leur esprit peut contempler Dieu, mais ils sont incapables de
l’aimer ; ils peuvent méditer, mais non sentir ; penser à
Dieu, mais non se jeter dans le sein de sa miséricorde et le serrer
dans les bras d’une affection filiale. Ah ! Froids penseurs,
savants théoriciens à la vaste intelligence mais au cœur de glace, qui
discourez si bien sur votre Créateur, mais qui ne savez pas l’aimer,
puissiez-vous recevoir en ce jour instruction de mon texte :
« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu ! »
Mais il me semble voir un homme
qui se lève dans cette assemblée, et qui me dit d’un air
satisfait : « Quant à moi, ce commandement ne m’effraie
point, car je le mets en pratique. J’assiste au service divin deux fois
chaque dimanche ; je fais le culte domestique avec ma
famille ; j’ai soin, tous les matins en me levant, de répéter une
prière ; enfin, je lis ma Bible quelquefois et je souscris à
beaucoup d’œuvres de bienfaisance. » Ah ! Mon cher auditeur,
ne t’abuse point : tu peux faire tout cela, tu peux faire plus
encore, et pourtant ne pas aimer Dieu. Autre chose est de servir Dieu
comme un mercenaire, autre chose est de l’aimer comme un fils. Que de
personnes qui se rendent à leur lieu de culte à peu près avec le même
entrain que si elles marchaient au supplice ! C’est pour elles un
pénible devoir, une tâche mortellement ennuyeuse. Elles observent
extérieurement le sabbat, mais si elles l’osaient, elles
s’affranchiraient de cette obligation. Elles assistent aux saintes
assemblées, mais si ce n’était une affaire de convention, d’habitude ou
de bienséance, elles préféreraient mille fois être partout ailleurs que
dans la maison de Dieu. Pour ce qui est de la prière, il va sans dire
que ces personnes n’en font pas leurs délices : elles prient,
parce qu’elles croient ne pouvoir se dispenser de prier. Je ne sais
quel vague sentiment de devoir les contraint parfois à fléchir le genou
devant Dieu, mais elles n’y prennent aucun plaisir. Peut-être
parlent-elles de Dieu avec convenance, mais jamais avec amour :
jamais leurs cœurs ne bondissent à l’ouïe de son nom ; jamais
leurs yeux n’étincellent à la pensée de ses attributs ; jamais
leurs âmes ne tressaillent en méditant sur ses ouvrages, car la grâce
de Dieu ne les a point touchées. C’est pourquoi, tandis qu’elles
honorent Dieu de leurs lèvres, leur cœur est bien éloigné de lui, et
ainsi, malgré leur vain formalisme, elles désobéissent, tout comme les
incrédules, à ce commandement : « Tu aimeras le Seigneur ton
Dieu ».
Mes chers auditeurs,
comprenez-vous maintenant toute la portée de mon texte ?
Hélas ! Je crains que plusieurs d’entre vous ne cherchent encore
des faux-fuyants pour échapper à sa condamnation. Je crains que
beaucoup d’âmes ici présentes, au lieu de se reconnaître coupables, ne
s’efforcent de faire une brèche à cette divine muraille, qui enserre
dans ses vastes contours l’humanité tout entière. L’un de vous dit
peut-être : « Mais je ne fais rien pour offenser Dieu ».
Là n’est pas la question, mon ami. Il ne s’agit point de ce que tu ne
fais pas ; il s’agit simplement de ceci : aimes-tu
Dieu ? — « Mais, reprend un autre, j’observe
scrupuleusement tous les devoirs extérieurs de la religion. »
Soit ! Mais mon texte ne se contente pas de cela ; il dit
expressément : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu ».
« Mais, ajoute un troisième,
je fais beaucoup de choses pour le Seigneur ; je visite les
pauvres, je suis moniteur dans une école du dimanche, etc. » Je
t’en félicite, mon frère ; toutefois, j’en reviens à ma
question : aimes-tu Dieu ? C’est ton cœur que Dieu demande,
et sans ton cœur, il ne saurait être satisfait. Tu aimeras le Seigneur
ton Dieu. Voilà le commandement ; et bien qu’aucun homme depuis la
chute ne soit capable de l’observer, il n’est pas moins obligatoire
pour tous les enfants d’Adam que lorsque l’Éternel le prononça pour la
première fois, Mais ce commandement ne nous impose pas seulement le
devoir d’aimer Dieu, il nous dit encore qu’elle doit être la mesure de
cet amour. Combien dois-je aimer Dieu ? Où fixerai-je la limite le
mon affection pour lui ? Je dois aimer mon prochain comme
moi-même : dois-je aimer mon Dieu plus encore ? Oui, les
paroles de mon texte ne laissent aucun doute à cet égard :
« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton
âme, de toute ta pensée et de toute ta force ». Or, il ne nous est
commandé nulle part de nous aimer nous-mêmes ou d’aimer notre prochain
de cette manière ; donc, la mesure de l’amour que nous devons à
Dieu est infiniment supérieure à celle de tout amour humain.
De là, nous induisons tout
naturellement que Dieu veut être aimé par nous en première ligne. Mari,
tu dois aimer ta femme ; tu ne saurais trop l’aimer, sauf dans un
seul cas, — celui où tu l’aimerais plus que Dieu, où tu
chercherais à lui plaire plutôt qu’à ton Créateur, où tu lui
accorderais une préférence idolâtre. — Enfant, tu es tenu
d’aimer tes parents ; tu ne saurais trop aimer le père qui
t’engendra ou la mère qui te donna le jour ; toutefois, n’oublie
point que ton affection pour eux ne doit être que secondaire. Plus que
ton père ou ta mère, tu dois aimer le Seigneur ton Dieu. L’affection
qu’il réclame de toi est une affection suprême. Sans doute il nous est
permis d’aimer tous nos proches ; bien plus : cela nous est
expressément ordonné. Celui qui n’aime pas ceux de sa famille est pire
qu’un païen et qu’un péager : mais gardons-nous d’aimer autant que
Dieu ces chers objets de nos affections. Vous pouvez dresser de petits
trônes dans votre cœur pour les êtres chéris qui ont droit à votre
tendresse, mais le trône de Dieu doit dominer tous les autres. Vous
pouvez placer vos bien-aimés sur les degrés de l’autel, mais il faut
que le Seigneur soit assis sur l’autel lui-même. Il doit être le
monarque de vos affections, le souverain de votre
cœur. — Dis, ô mon frère, as-tu observé ce
commandement ? Pour ma part, je sais que je ne l’ai point
fait ; je me reconnais coupable devant Dieu ; je ne puis que
me jeter à ses pieds et confesser mes transgressions … Quoi
qu’il en soit, le commandement subsiste dans toute son inflexible
rigueur : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur,
c’est-à-dire, tu l’aimeras en première ligne ». — Une
seconde induction qui découle de mon texte, est que nous devons aimer
Dieu cordialement. Oui, il doit y avoir dans nos rapports avec Dieu
cette chaleur, cette vie, cette puissance de sentiment qui sont les
caractères de toute véritable affection. Il faut que nous nous donnions
à lui tout entier et de tout cœur. Oh ! De grâce, n’aimons pas
Dieu comme beaucoup de gens aiment leur prochain, de cette étrange
espèce d’amour qui fait bien dire à l’occasion : « Allez en
paix, chauffez-vous et soyez rassasiés », mais qui à ces froides
paroles n’ajoute rien. Non, le Seigneur ne veut pas d’un amour de ce
genre. Il faut que toutes les fibres de notre cœur palpitent
d’affection pour lui, que nous nous absorbions pour ainsi dire en Dieu,
en sorte qu’il devienne le grand objet de notre existence, le glorieux
centre de notre tendresse. Le don libre et volontaire de nous mêmes, le
joyeux élan de toutes nos facultés aimantes vers un but suprême, voilà
ce que doit être notre amour pour Dieu. « Tu aimeras le Seigneur
ton Dieu de tout ton cœur. »
Mais ce n’est pas tout : Nous
devons aussi aimer Dieu de toute notre âme, ou plutôt de toute notre
vie, car c’est là le véritable sens de cette expression. En d’autres
termes, nous devons aimer Dieu jusqu’à la mort. Si nous sommes appelés
à verser notre sang pour la cause de notre Maître, il faut que, sans
hésiter, nous lui sacrifiions notre vie. Nous n’atteindrons jamais la
plénitude de l’obéissance à ce commandement, à moins que, comme les
martyrs, nous ne soyons prêts à nous laisser jeter dans les bûchers ou
dévorer par les bêtes féroces plutôt que de désobéir à Dieu. Patrie,
famille, liberté, fortune, bien-être, joie et vie, le chrétien doit
tout sacrifier au moindre appel de son Maître, sans quoi il n’accomplit
point les paroles de mon texte : « Tu aimeras le Seigneur ton
Dieu de toute ton âme ».
Il y a plus encore : nous
devons aimer Dieu de toute notre pensée. Notre intelligence doit aimer
Dieu. Beaucoup de gens croient à l’existence du Créateur, mais sans
aimer cette croyance. Ils savent qu’il y a un Dieu, mais ils voudraient
de tout leur cœur qu’il n’y en eût point. S’ils pouvaient réussir à se
persuader que Dieu est une vaine imagination, oh ! Comme ils
tressailleraient de joie ! Alors ils pourraient, sans scrupule,
marcher comme leur cœur les mène ; ils pourraient sans trouble et
sans remords se plonger dans toute sorte de débordements. Oui, ce
serait pour bien des âmes la meilleure, la plus réjouissante des
nouvelles, si on venait leur annoncer aujourd’hui que l’Éternel Dieu
avait cessé d’exister. Quelle différence avec les sentiments du
chrétien ! La pensée qu’il y a un Dieu est comme le soleil de sa
vie. Son intelligence s’incline devant le Très-Haut, non comme
l’esclave qui courbe le front devant son maître parce qu’il ne peut
faire autrement, mais comme l’ange qui se prosterne devant son Créateur
parce qu’il se plait à lui rendre hommage. « Oh ! Mon Dieu,
s’écrie l’âme croyante dans un transport d’adoration, oh ! Mon
Dieu, je te rends grâces de ce que tu existes ; car tu es mon plus
précieux trésor, ma plus riche et ma plus douce joie ! Je t’aime
de toutes les puissances de mon esprit, de toutes les facultés de mon
intelligence : raison, pensée, jugement, imagination, je dépose
tout à tes pieds et le consacre à ta gloire. »
Enfin, l’amour que Dieu nous
demande doit être caractérisé par l’activité ; car si nous devons
l’aimer de tout notre cœur, c’est-à-dire cordialement, de toute notre
âme, c’est-à-dire jusqu’à la mort, de toute notre pensée, c’est-à-dire
avec nos facultés intellectuelles, nous devons aussi l’aimer de toute
notre force, c’est-à-dire d’un amour actif et dévoué. Je dois mettre au
service de mon Dieu tout ce que mon corps et mon âme renferment de
forces vives. Je ne dois lui refuser ni une seule heure de mon temps,
ni un seul denier de ma fortune, ni un seul talent de mon esprit, ni un
seul atome de mon activité physique ou de mon énergie morale. En un
mot, je dois l’aimer de toute ma force, Mes chers auditeurs, je le
demande, quel est l’homme qui ait obéi à l’ordre de mon texte ?
Assurément, il n’en est aucun, et il ne saurait jamais y en avoir. De
là résulte donc la nécessité d’un Sauveur. Oh ! Si cette loi
divine pouvait en ce jour nous faire tomber la face contre terre comme
de misérables pécheurs ! Si notre propre justice pouvait être mise
en pièces par ce puissant marteau qui a nom « le premier et grand
commandement ! », et surtout, oh ! Surtout si nous
pouvions parvenir à l’observer désormais ! L’homme qui ne
violerait en aucune manière, ce commandement, jouirait sur la terre
d’un ciel anticipé, car les plus heureuses des créatures sont celles
qui sont les plus saintes, et les plus saintes sont celles qui aiment
Dieu de l’amour le plus pur.
Mais mon texte ouvre encore devant
nous un autre ordre d’idées que je tiens à vous indiquer. Non seulement
il dit à l’homme qu’il doit aimer Dieu et comment il doit l’aimer, mais
il énumère pour ainsi dire les titres du Créateur à l’amour de sa
créature. « Tu l’aimeras de tout ton cœur de toute ton âme, de
toute ta pensée et de toute ta force » ; et pourquoi ?
D’abord, parce qu’il est le Seigneur, — c’est-à-dire
l’Éternel, le Tout-Puissant, Jéhovah, — et ensuite parce
qu’il est ton Dieu.
Ô homme, créature d’un jour, tu
dois aimer Jéhovah, par cela seul qu’il est Jéhovah. Transporte-toi par
la pensée en présence de l’Être insondable qui échappe à ton regard.
Élève tes yeux jusqu’au septième ciel. Vois-le, Celui dont la
redoutable majesté, dont la splendeur sans égale force les anges
eux-mêmes à se voiler la face, de peur qu’éblouis par tant d’éclat, ils
ne soient frappés d’une cécité éternelle. Contemple-le, Celui qui a
étendu les cieux comme un pavillon et qui a brodé sur leurs riches
tentures, avec une aiguille d’or, les étoiles sans nombre qui
scintillent dans les ténèbres. Considère-le, Celui qui fit sortir la
terre du néant et qui créa l’homme pour y habiter. Et écoute ce qu’il
est. Il est JÉHOVAH, l’Être des êtres, incréé, éternel, immuable, tout
sage, tout puissant. Il sait tout, il voit tout, il suffit à tout.
Comment donc lui refuserais-tu ton hommage ? Comment ne te
prosternerais-tu pas devant lui ? Il est bon, il est plein
d’amour, il est miséricordieux, il est pitoyable. Vois les richesses de
sa Providence ; admire la plénitude de sa grâce. Ô homme !
Comment n’aimerais-tu point Jéhovah, parce qu’il est Jéhovah ?
Mais il y a plus : tu dois
l’aimer aussi et surtout parce qu’il est ton Dieu. Et d’abord, il est
ton Dieu par droit de création. C’est lui qui t’a fait ; tu ne
t’es point fait toi-même. Quoiqu’il lui eût été facile de se servir
d’intermédiaire, le Dieu tout-puissant voulut être le seul Créateur du
premier homme, et maintenant même qu’il lui plaît de nous appeler à
l’existence par le moyen de nos parents, il n’est pas moins notre
Créateur qu’il ne fut le Créateur d’Adam, alors qu’il le forma du limon
de la terre et qu’il souffla en lui une âme vivante. Et observe, je te
prie, ô homme, la merveilleuse structure de ton corps. Considère
l’ingénieux agencement de tes os que Dieu a placés de la manière la
plus propre à ce qu’ils te rendent le plus de services possible. Vois
comment il a étendu tes nerfs et fait circuler ton sang dans des
vaisseaux. Admire l’étonnant mécanisme qu’il a mis en jeu pour te
conserver la vie. Ô dis, vermisseau d’un jour, ne veux-tu point aimer
Celui qui te créa ? Serait-il possible que tu n’éprouvasses ni
reconnaissance ni amour à la pensée du grand Être qui te forma de sa
main et qui te façonna par sa volonté ?
Et Dieu n’est pas seulement ton
Créateur ; il est aussi ton conservateur, et à ce titre encore, on
peut dire qu’il est ton Dieu. Chaque jour ta table est dressée devant
toi : or, qui est-ce qui la dresse, si ce n’est Dieu ? L’air
que tu respires, est un don de sa charité ; les vêtements qui te
couvrent sont des gages de sa munificence ; la santé dont tu jouis
est un bienfait de son amour ; ta vie dépend entièrement de lui.
Je te vois devant moi plein de force et de vigueur, mais un simple vœu
de sa volonté souveraine aurait suffi pour te coucher depuis longtemps
dans le sépulcre et pour livrer ton corps à la corruption.
La trame de tes jours est entre
ses mains. Tu peux mourir sur-le-champ, ici même ; et si
aujourd’hui tu n’es pas en enfer, si à l’instant où je te parle tu n’es
point à te débattre dans les flammes éternelles, sache, ô homme, que
c’est uniquement par un effet de sa pure miséricorde.
Oui, tu as beau t’insurger contre
la Providence, tu as beau haïr ton Sauveur et mépriser sa croix, Dieu
n’en est pas moins ton Dieu, à ce double titre : qu’il t’a donné
la vie et qu’il te la conserve. Et n’est-ce pas en vérité un prodige de
condescendance que Dieu daigne te bénir, tandis que toi tu refuses de
l’aimer ?
Garderais-tu dans ta maison un
cheval qui ne te serait bon à rien ? Retiendrais-tu à ton service
un mercenaire qui t’insulterait sans cesse ?
Continuerais-tu à fournir le pain et le
vêtement à ton serviteur, si au lieu de faire ta volonté et d’obéir à
tes ordres, il se posait en maître et contrariait tes désirs ?
Oh ! Non sûrement, tu ne le ferais point ! Et cependant,
pécheur, c’est là ce que Dieu fait pour toi. Il te nourrit, il te
protège, et tu te révoltes contre lui. Cette bouche impie, qui vient
peut-être d’outrager le Créateur, est alimentée par sa main
bienfaisante. Il n’est pas jusqu’à ces poumons dont tu te sers pour
exhaler ta haine contre lui, qui ne reçoivent de sa bonté le souffle de
vie nécessaire à ton existence. Ô étranges contradictions du cœur
humain, que nous mangions ainsi le pain de Dieu, et puis que nous
levions le talon contre lui ! Ô comble de l’ingratitude, que nous
nous asseyions au banquet de sa Providence, que nous nous parions de la
livrée de sa libéralité, et en même temps que nous nous retournions
pour insulter le ciel et pour menacer de notre faible main notre
suprême bienfaiteur !
Ah ! Si au lieu d’avoir
affaire à notre bon Dieu, nous avions affaire à une créature telle que
nous, n’est-il pas vrai, mes chers auditeurs, qu’en moins d’une heure
nous lasserions sa patience ? Pour ma part, lorsque je réfléchis à
ces choses, je suis confondu de la longanimité de mon Dieu. Quoi ?
Voici un blasphémateur qui, dans son cynisme, maudit ouvertement celui
qui le créa. Et tu le supportes, ô Seigneur ! Et tu ne réduis pas
en poussière l’insolent vermisseau qui te brave ! Mais si un
moucheron m’importunait, ne l’écraserais-je pas en un moment ? Or,
qu’est-ce que l’homme auprès de toi, mon Dieu ? N’est-il pas
infiniment plus petit, comparé à ta grandeur, que ne l’est le plus
chétif insecte comparé à l’homme ? Oh ! Mes frères, mes chers
frères, nous avons véritablement lieu de nous étonner que Dieu use
encore de compassion envers nous après nos révoltes sans nombre, après
nos violations sans cesse réitérées du premier et grand commandement.
Et pourtant ne croyons pas que ce commandement soit une lettre
morte ; il fait partie de cette divine Parole qui ne passera
point, et nul ne l’enfreindra impunément. C’est pourquoi, je viens
encore une fois, moi le serviteur de Dieu, réclamer solennellement pour
mon Maître, de chacun de vous comme de moi-même, les affections de nos
cœurs, l’obéissance de nos âmes, l’adhésion de nos esprits et la
consécration de nos forces.
Ah peuple de Dieu, ai-je besoin de
m’adresser à vous ? Vous savez que le Seigneur est votre Dieu dans
un sens spécial ; c’est pourquoi vous lui devez un amour spécial.
Vous savez qu’il est votre Père en Jésus ; c’est pourquoi vous
devez l’aimer comme des fils et des filles.
II.
Voilà, mes chers auditeurs, ce que nous disent les paroles de mon
texte. Voyons maintenant, très brièvement, CE QUE NOUS AVONS À LEUR
DIRE.
Parle, Ô homme, mon frère !
Qu’as-tu à dire en face de ce commandement ? Y a-t-il ici quelque
pauvre âme assez abusée, assez aveuglée par sa propre justice, pour me
répondre : « J’ai la ferme intention de l’accomplir ; je
me sens capable de le faire, et je crois que par mon obéissance
j’arriverai au ciel ». Oh ! Que tu es à plaindre, pauvre
âme ! Ou bien ton esprit lui même est encore plongé dans une nuit
profonde, ou bien tu te complais dans ton ignorance, car pour peu que
tu connusses ton propre cœur et que tu comprisses ce commandement, tu
l’écrierais bien plutôt avec désespoir : « Misérable que je
suis ! Jamais je ne pourrai obéir pleinement à ces paroles !
Jamais une créature aussi souillée que moi ne pourra aimer Dieu comme
il veut être aimé ! » Autant vaudrait-il, en vérité, que tu
essayasses de t’élever jusques au ciel par les montagnes de la terre et
que tu prisses les cimes de l’Himalaya pour ton premier échelon, que de
chercher à parvenir au bonheur éternel par l’obéissance à ce premier et
grand commandement. Et quand même tu réussirais à escalader les sommets
les plus inaccessibles, encore devrais-tu désespérer, ô homme, de
jamais t’élever à la hauteur infinie de ces simples paroles : tu
aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de
toute ta pensée et de toute ta force. Or, souviens-toi que jamais tu ne
seras sauvé par tes propres mérites, si tu n’as tout d’abord obéi à
cette loi fondamentale qui est à la base de toutes les autres, et si tu
n’y as obéi complètement, constamment, parfaitement.
« Mais sûrement, dit un
autre, si je fais mon possible pour observer ce commandement, cela
suffira… » Non, pécheur, non ! Cela ne suffira point. Dieu
t’ordonne de l’aimer d’un amour parfait, et si tu ne l’aimes pas ainsi,
il te condamnera. « Mais alors, t’écries-tu, qui peut donc être
sauvé ? » Ah ! Voilà justement, mes chers auditeurs, la
conclusion à laquelle je voulais vous amener. Et en effet, qui pourrait
être sauvé par ce commandement ? Personne au monde, c’est de toute
évidence. Le salut par les œuvres de la loi est, et sera toujours pour
l’homme, une impossibilité absolue. Qu’aucun de vous ne dise donc plus
qu’il s’efforcera d’accomplir cette loi, afin d’être sauvé par elle,
car une telle prétention est à la fois une folie et un mensonge.
Et que dit le chrétien, le
meilleur, le plus fidèle des chrétiens en face des paroles de mon
texte ? Écoutez les plaintes et les gémissements qui s’échappent
de ses lèvres. « Ô mon Dieu, soupire-t-il dans la tristesse de son
âme, ô mon Dieu, je suis coupable, je le sais, et si tu me précipitais
en enfer, ce ne serait que justice ! J’ai violé ton premier et
grand commandement dès ma jeunesse ; je l’ai violé même depuis ma
conversion ; je le viole encore tous les jours. Je reconnais que
si tu entrais en compte avec moi, que si tu voulais mettre le jugement
à l’équerre et la justice au niveau (#Esa 28:17), je ne saurais
subsister un seul instant devant ta face. Seigneur, je ne place aucune
confiance dans la loi, car je sais que par elle je ne serais point
justifié auprès de toi ni admis en ta présence. »
Mais écoutez, encore !
J’entends le chrétien dire autre chose. Je l’entends s’écrier en
s’adressant à mon texte : « Commandement ! Je ne puis
t’observer, mais mon Sauveur t’a observé dans ta plénitude, et ce que
mon Sauveur a fait, il l’a fait pour tous ceux qui croient en lui.
Ainsi donc, ô loi, ce que Jésus a fait est à moi. Que pourrais-tu
exiger encore ? Tu me demandes une obéissance parfaite : or,
mon Sauveur a parfaitement obéi pour moi ; il est mon
représentant, mon substitut ; ce que je n’ai point fait moi-même,
il l’a fait à ma place. Et tu ne peux pas rejeter l’œuvre de mon
substitut, car Dieu l’a solennellement reconnu comme tel le jour où il
le ressuscita des morts. N’essaie donc plus de me troubler, ô
commandement ! Jamais tu ne pourras me condamner. Quoique je t’aie
transgressé mille fois, je me confie simplement et uniquement en Jésus.
Sa justice est la mienne, et avec elle, je puis solder ma dette et
satisfaire toutes tes exigences. »
Voilà le langage triomphant que
peut tenir tout racheté de Jésus. — « Ah, s’écrie peut
être quelqu’un dans cette assemblée, plût à Dieu que je pusse le tenir,
moi aussi ! Plût à Dieu que je pusse échapper à la juste colère de
la loi ! Plût à Dieu que Christ voulût être mon
substitut ! » Si tu es sincère dans ton désir, mon cher
auditeur, écoute-moi. Te sens-tu en cet instant misérable, perdu,
condamné ? Reconnais-tu avec larmes que Jésus peut seul te
sauver ? Es-tu prêt à renoncer à toute confiance terrestre et à te
jeter aux pieds de Celui qui est mort sur la croix ? Élèves-tu un
regard de foi vers le Calvaire, et là, en présence du divin Crucifié,
en face de son corps meurtri et de ses plaies sanglantes, t’écries-tu
avec componction :
Tel que je suis, sans aucune défense,
N’espérant qu’en ton sang versé pour mon offense,
Vaincu par tes appels, qui font mon assurance,
Agneau de Dieu, je viens !
Peux-tu dire cela, mon
frère ? Alors ne crains point ; Jésus a accompli la loi à ta
place, et la loi ne peut condamner une âme que Christ a absoute. Si
donc la loi te crie d’une voix menaçante : « Tu seras damné
parce que tu as violé mes préceptes ! », dis-lui qu’elle n’a
pas le droit de toucher un cheveu de ta tête, car si tu ne lui as pas
obéi, Christ l’a fait, et l’obéissance de Christ est à toi. Dis-lui que
l’œuvre de Christ est ta rançon, que cette rançon, lui-même en a frappé
la monnaie, et qu’ainsi, puisque tu lui paies ce qu’elle exigeait de
toi, elle n’a plus rien à te réclamer. Tu es libre, car Christ a
satisfait la loi.
Mais après cela, ô enfant de
Dieu, — après que tu auras contemplé Jésus subissant, lui
juste, la peine due aux transgresseurs de la loi, n’ajouteras-tu
rien ? Oh ! Si, je sais ce que tu ajouteras. Tu tomberas à
genoux et tu diras du fond du cœur : « Seigneur, je te rends
grâces de ce que je suis affranchi de la condamnation de la loi, car je
crois en Jésus. Mais désormais, Seigneur, aide-moi à accomplir cette
loi sainte, juste et bonne ; aide-moi en particulier à accomplir
ton premier et grand commandement. Seigneur ! Donne-moi un cœur
nouveau, car ce vieux cœur de pierre ne saurait jamais t’aimer.
Seigneur ! Donne-moi une vie nouvelle, car ma vie passée est trop
vile. Seigneur ! Donne-moi une nouvelle intelligence ; lave
mon entendement dans l’eau pure de ton Esprit ; viens habiter dans
ma raison, dans ma mémoire, dans ma pensée. Enfin, mon Dieu, donne-moi
une force nouvelle, la force de ton Esprit ; et alors toutes les
puissances de mon nouveau cœur, de ma nouvelle vie, de mon intelligence
renouvelée, de ma force spirituelle seront consacrées à t’aimer, dès
maintenant et à toujours ! »
Mes chers auditeurs, puisse le
Seigneur vous convaincre de péché, par l’énergie de son divin Esprit,
et puisse-toi bénir ce simple discours pour l’amour de Jésus !
Amen !