156 - TEL MAÎTRE, TELS DISCIPLES.
Eux, voyant la hardiesse de Pierre et de Jean, et sachant que c’étaient
des hommes sans lettres et du commun peuple, ils étaient dans
l’étonnement, et ils reconnaissaient qu’ils avaient été avec Jésus
(Actes 4:13).
Admirez, mes frères, la puissance
de la grâce divine. Quelle merveilleuse et rapide transformation
n’accomplit-elle pas dans l’homme ! Ce même Pierre, qui, hier
encore, suivait son Maître de loin et niait avec imprécations de le
connaître, nous le voyons aujourd’hui déclarant hardiment, de concert
avec le disciple bien-aimé, que le nom de Jésus est le seul nom par
lequel les hommes puissent être sauvés, et prêchant la résurrection des
morts par le sacrifice de son Seigneur crucifié. Comme on devait s’y
attendre, les scribes et les pharisiens ne tardèrent pas à se demander
d’où leur venait cette mâle assurance. Évidemment elle ne prenait sa
source ni dans le prestige de la science, ni dans celui du génie, car
Pierre et Jean étaient des hommes sans lettres. Élevés au rude métier
de pécheurs, leur unique étude avait été celle de la mer, et le seul
art qu’ils eussent cultivé, était celui de jeter ou de retirer leurs
filets ; à cela se bornait tout leur savoir : on ne pouvait
donc attribuer au sentiment de leur valeur personnelle la hardiesse
dont ils faisaient preuve.
La position qu’ils occupaient dans
le monde n’était pas de nature non plus à expliquer celle hardiesse. En
général le rang confère à l’homme une sorte de dignité native, et alors
même qu’il est dépourvu de tout mérite propre, il lui communique un
certain ton d’autorité qui en impose à bien des gens. Mais les
disciples de Jésus n’étaient point dans ce cas. C’étaient, au
contraire, nous dit notre texte, des hommes du commun peuple ;
leur naissance était humble, leur condition obscure ; ils
n’étaient revêtus d’aucunes fonctions propres à les mettre en évidence.
Or, les scribes et les pharisiens savaient tout cela ; aussi
éprouvèrent-ils d’abord un profond étonnement en voyant la conduite des
apôtres ; mais bientôt ils furent obligés d’arriver à la seule
conclusion qui pût jeter du jour sur ce mystère : ils reconnurent
qu’ils avaient été avec Jésus. Tel était, en effet, le secret de la
manière d’être des apôtres. Le saint et doux commerce qu’ils avaient
entretenu avec le Prince de lumière et de gloire, fécondé, si je
puis dire, par l’influence de l’Esprit du Dieu vivant, sans
laquelle ce parfait exemple lui-même aurait été vain, les avait remplis
d’élan, d’ardeur et de courage pour la cause de leur Maître.
Oh ! Mes frères en
Jésus-Christ, plussent à Dieu que ce beau témoignage rendu aux apôtres
par la bouche même de leurs ennemis, pût être rendu à chacun de
nous ! Ah ! Si nous vivions comme Pierre et Jean ; si
notre conduite était comme la leur, une épître vivante, lue et connue
de tous les hommes, si, en nous voyant agir, le monde était forcé de
reconnaître que nous avons été avec Jésus, quel bonheur pour nous-mêmes
et quelle bénédiction pour nos alentours !
C’est sur ce sujet que j’ai à
cœur, mes bien-aimés, de vous parler aujourd’hui. Selon la grâce que
Dieu me donnera, je chercherai à réveiller, par mes avertissements, les
sentiments purs que vous avez, exhortant chacun de vous à imiter
Jésus-Christ, le divin Modèle, de telle sorte que tous ceux qui vous
voient discernent en vous les vrais disciples du Fils adorable de Dieu.
Avant tout, j’exposerai CE QU’UN
CHRÉTIEN DOIT ÊTRE. Ensuite je rechercherai successivement QUAND ET
POURQUOI IL DOIT ÊTRE TEL ; en fin je dirai COMMENT IL PEUT
DEVENIR TEL.
I.
Et d’abord : QU’EST CE QU’UN CHRÉTIEN DOIT ÊTRE ?
À cette question, je
réponds : tout chrétien doit être une fidèle reproduction de
Jésus-Christ. Vous avez souvent lu, je n’en doute pas, des récits
éloquents de la vie de Jésus et vous avez admiré le talent des pieux
auteurs qui les ont écrits ; mais la meilleure vue de Jésus c’est
sa vivante biographie, écrite dans les paroles et les actions de son
peuple. Oui, mes chers amis, si nous étions en réalité ce que nous
sommes en apparence ; si l’Esprit du Seigneur remplissait le cœur
de tous ses enfants, et si l’Église, au lieu de compter, parmi ses
membres, tant de formalistes, ne se composait que d’âmes vraiment
animées de la vie de Dieu, tous, tant que nous sommes, nous
refléterions la glorieuse image de notre Maître. Nous serions des
portraits de Christ, et des portraits tellement conformes à l’original,
que pour saisir la ressemblance, le monde n’aurait pas besoin de nous
considérer longtemps et attentivement, mais qu’au premier coup d’œil
jeté sur nous, il serait contraint de s’écrier : « Cet homme
a été avec Jésus ! Il lui ressemble ; c’est un de ses
disciples ; dans ses actes de tous les jours, dans sa vie tout
entière, on reconnaît les traits divins du saint Homme de
Nazareth. »
Mais avant d’aller plus loin, je
crois utile de présenter une observation. En exposant ce que l’homme
est appelé à devenir, je m’adresse spécialement aux enfants de Dieu.
Non pas que je désire leur faire entendre le langage de la légalité.
Grâces à Dieu, nous ne sommes pas sous la loi, mais sous la grâce. Les
vrais chrétiens se considèrent comme moralement obligés d’observer les
préceptes du Seigneur ; toutefois, ce n’est point parce que la loi
les tient courbés sous son joug de fer : c’est parce que l’amour
de Christ les presse. Ils estiment qu’ayant été rachetés par un sang
divin, ayant été acquis par Jésus-Christ, ils sont tenus de garder ses
commandements infiniment plus qu’ils ne le seraient, s’ils étaient
encore sous la loi. Ils se considèrent comme redevables à Dieu, dix
mille fois autant qu’ils n’auraient jamais pu l’être sous la
dispensation mosaïque. Non point par force ou par nécessité, ou par
crainte du fouet, ou dans un esprit de servile obéissance, mais par
amour et par gratitude envers son Père céleste, le racheté de Jésus
s’offre à lui tout entier, heureux de se dépenser à son service et de
travailler sans relâche à devenir un véritable Israélite, en qui il n’y
a point de fraude. — J’ai tenu à m’expliquer nettement sur ce
point, afin que personne ne puisse s’imaginer que je prêche les œuvres,
comme moyen de salut. Nous sommes sauvés par grâce, par la foi, ce
n’est point par les œuvres, afin que personne ne se glorifie (#Ep
2:8,9) : voilà ce que je maintiendrai toujours, envers et contre
tous. Mais d’un autre côté, il est de mon devoir d’enseigner, avec non
moins de force, que la grâce reçue dans le cœur doit nécessairement
produire la sainteté dans la vie. Nous sommes tenus, mes bien-aimés,
moi, de vous exhorter incessamment aux bonnes œuvres, et vous, de vous
y appliquer pour les usages nécessaires (#Tit 3:14).
Encore un mot d’explication.
Lorsque je dis que l’enfant de Dieu doit être une copie frappante de
Jésus, je ne prétends pas assurément qu’il puisse parfaitement
reproduire tous les traits de notre Seigneur et Sauveur. Néanmoins, de
ce que la perfection est au-dessus de notre portée, s’ensuit-il que
nous devions y tendre avec moins d’ardeur ? À Dieu ne
plaise ! Sans doute, quand il peint, l’artiste n’ignore pas qu’il
ne deviendra jamais un Appelles ; mais cela le
décourage-t-il ? Nullement. Il manie le pinceau avec d’autant plus
de soins, afin de parvenir à ressembler au grand maître dans quelque
humble mesure. Il en est de même du sculpteur. Quoique certain à
l’avance qu’il n’éclipsera jamais Praxitèle, abandonnera-t-il pour cela
le ciseau ? Non ; il taillera le marbre avec toujours plus
d’ardeur, cherchant à se rapprocher autant que possible du sublime
modèle qu’il a devant lui. Ainsi doit-il en être du chrétien. Quoiqu’il
ne sente que trop bien, hélas, qu’il ne saurait s’élever jusqu’aux
hauteurs d’une excellence accomplie, et que sur cette terre il
n’offrira jamais qu’une bien faible copie de son Maître, cependant, il
doit tenir ses yeux constamment fixés sur cette grande image, et
mesurer ses propres imperfections par la distance qui le sépare de
Jésus. « Excelsior ! (Plus haut) en avant ! » Telle
est la devise qui convient au chrétien ; et oubliant, comme saint
Paul, les choses qui sont derrière lui, il doit s’avancer vers le but,
jaloux d’être transformé de plus en plus à la glorieuse ressemblance de
son Seigneur.
En premier lieu, le chrétien doit
s’efforcer de ressembler à Christ, dans sa hardiesse. Il faut le dire,
la hardiesse est une vertu fort peu goûtée de nos jours. On la flétrit
volontiers du nom d’intolérance, d’opiniâtreté, de fanatisme. Mais
quelle que soit le nom qu’on lui donne, cette vertu n’en est pas moins
précieuse. Si les scribes avaient dû définir ce qu’étaient Pierre et
Jean, nul doute qu’ils ne les eussent qualifiés d’audacieux
fanatiques …
Quoi qu’il en soit, Jésus-Christ
et ses disciples étaient remarquables par leur courage. Voyant la
hardiesse de Pierre et de Jean, les juifs reconnaissaient qu’ils
avaient été avec Jésus, dit mon texte. Jésus ne courtisa jamais le
riche ; jamais il ne courba le front devant les grands ou les
nobles de la terre. Vrai homme aussi bien que vrai Dieu, il marcha au
milieu de ses semblables la tête haute, dans le sentiment de sa dignité
d’homme : prophète envoyé de Dieu, il dit librement et hardiment
ce qu’il avait à dire. N’avez-vous jamais admiré, mes frères, le beau
trait de courage par lequel le Sauveur commença son ministère ? Il
se trouvait dans la ville où il avait été élevé. Il entre dans la
synagogue ; le livre de la loi est mis entre ses mains ; il
sait que nul prophète n’est honoré dans son pays, mais que lui
importe ? Il déroule sans crainte le volume sacré, il lit, puis il
explique ce qu’il a lu. Et quelle est la doctrine que Jésus expose
ainsi en pleine synagogue, devant un auditoire composé en grande partie
de scribes et de pharisiens, tout pleins de leur propre justice et tout
fiers de pouvoir se dire « les enfants d’Abraham ? »
Sûrement, il a choisi un sujet adapté au goût de ses compatriotes, un
sujet qui lui fournira l’occasion de se concilier leur bienveillance.
Non, tout au contraire. Jésus prêche une doctrine qui de tout temps a
été méprisée et haïe : la doctrine de l’élection.
Écoutez-le : je vous dis, en vérité, qu’il y avait plusieurs
veuves en Israël au temps d’Élie, lorsque le ciel fut fermé trois ans
et six mois, tellement qu’il y eut une grande famine par tout le pays,
néanmoins Élie ne fut envoyé chez aucune d’elles, mais chez une femme
veuve de SAREPTA, dans le pays de Sidon. Il y avait aussi plusieurs
lépreux en Israël, au temps d’Élisée le prophète, toutefois aucun d’eux
ne fut guéri ; seul Naman qui était syrien le fut (#Lu 4:25-27).
En d’autres termes, Jésus déclare ouvertement que Dieu fait miséricorde
à qui il veut, et sauve qui il lui plaît. Ah ! Comme ses auditeurs
grincèrent des dents contre lui ! Avec quelle fureur ils le
traînèrent hors de la ville pour le précipiter du sommet de la
montagne ! N’admirez-vous pas son héroïsme ?
Il sait que leurs cœurs sont
pleins de haine ; il entend leurs menaces ; il voit leurs
bouches écumant de rage, mais il ne les craint point ; il se tient
au milieu d’eux, calme et ferme, comme l’ange qui ferma la gueule du
lion. Il annonce fidèlement ce qu’il sait être la vérité de Dieu, et en
dépit de leurs colères, leur fait entendre cette vérité jusqu’au
bout. — Tel fut Jésus durant toute sa vie. Voit-il un scribe
ou un pharisien dans la foule ? Il ne se laisse point intimider
par leur présence, mais les montrant du doigt, il s’écrie :
« Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! »
Et lorsqu’un docteur de la loi l’interrompt en disant :
« Maître, en disant ces choses, tu nous outrages aussi », il
se retourne et ajoute avec une nouvelle énergie : « Malheur
aussi à vous, docteurs de la loi ! Parce que vous chargez les
hommes de fardeaux qu’ils ne peuvent porter, et vous-mêmes n’y touchez
pas d’un de vos doigts » (#Lu 11:44-47). Oui, en toutes occasions,
Jésus agit avec droiture et courage. Jamais il ne connut la crainte de
l’homme ; jamais il ne trembla devant personne. Insoucieux de
gagner l’estime du monde, il traversa la vie comme l’élu de Dieu, comme
Celui que le Père avait oint au-dessus de tous ses semblables. Mes
chers amis, imitez Christ sous ce rapport. Tel fut le Maître, tels
doivent être les disciples. Ne vous contentez pas, je vous en supplie,
de cette religion si fort en vogue aujourd’hui, qui se modifie suivant
les circonstances, qui a besoin pour s’épanouir d’une atmosphère de
serre chaude, qui s’étale complaisamment dans les salons évangéliques,
mais dont on ne soupçonne pas même l’existence en dehors d’une certaine
société. Non, si vous êtes des serviteurs de Dieu, soyez comme
Jésus-Christ : pleins d’une sainte audace pour la cause de votre
Maître. Ne rougissez point de confesser votre foi. Jamais le nom de
chrétien ne vous déshonorera : prenez garde de ne point déshonorer
ce nom. L’amour de Christ n’a jamais nui à personne ; il peut, il
est vrai, vous attirer quelques froissements temporaires de la part de
vos amis et quelques propos calomnieux de la part de vos ennemis ;
mais prenez patience, et vous triompherez de tout. Prenez
patience ; car au jour où votre Maître apparaîtra dans la gloire
de ses anges, pour être admiré de tous ceux qui l’aiment, vous aussi
vous serez glorifiés, et ceux-là même qui vous auront méprisés, haïs,
insultés ici-bas, seront contraints de vous rendre hommage. Soyez donc
comme Jésus, mes bien-aimés, sans peur et sans reproche, vaillants pour
votre Dieu, en sorte que, voyant votre hardiesse, le monde soit forcé
de dire : « Ils ont été avec Jésus ».
Mais de même qu’un seul trait ne
rend pas la physionomie d’un homme, de même la seule vertu du courage
ne vous fera pas ressembler à Christ. Il y a eu des chrétiens qui ont
été de nobles cœurs, de grands caractères, mais qui ont porté la
hardiesse à l’excès : ils ont été, non le portrait de Christ, mais
sa caricature. À notre courage, il faut que nous amalgamions, pour
ainsi dire, la douceur de Jésus. Que le courage soit l’airain, que
l’amour soit l’or ; et du mélange de ces deux éléments sortira un
riche métal, digne de servir à la construction du temple de Dieu. Que
la douceur et la hardiesse soient fondues ensemble dans votre cœur. Le
chrétien courageux peut assurément accomplir des merveilles. John Knox
(célèbre réformateur écossais, ami de Calvin, remarquable surtout par
la fermeté de ses principes, par l’austérité de son caractère et par
son courage à toute épreuve) fit beaucoup pour la cause de son Maître,
mais peut-être aurait-il fait davantage si, à son admirable
intrépidité, il avait joint un peu plus d’amour. Luther fut un
conquérant — honneur à sa mémoire et paix à ses
cendres ! … Toutefois, il semble, à nous qui le
contemplons d’une certaine distance, que s’il avait parfois mêlé un peu
d’aménité à son indomptable énergie, que si, tout en poursuivant
l’erreur jusque dans ses derniers retranchements, il avait parlé avec
un peu plus de mesure, il semble, dis-je, que Luther lui-même aurait pu
faire plus encore qu’il n’a fait. Appliquons-nous donc, mes bien-aimés,
à imiter Jésus, non seulement dans son courage, mais aussi dans son
aimable douceur. Voyez-le pendant son séjour sur la terre. Un enfant
vient-il à lui ? Il le prend dans ses bras en disant :
« Laissez venir à moi les petits enfants et ne les empêchez
point ». Une veuve qui a perdu son fils unique se trouve-t-elle
sur son passage ? Il la regarde avec une tendre sympathie, lui
dit : « Ne pleure point » et d’un mot lui rend son
enfant. Rencontre-t-il un aveugle, un lépreux, un paralytique ? Il
leur parle avec bonté, les touches et les guérit. Il vécut pour les
autres, non pour lui-même. Ses travaux incessants n’avaient qu’un
but : le bien de ceux qui l’entouraient. Et pour couronner sa vie
de dévouement, vous savez l’étonnant sacrifice qu’il daigna offrir à
son Père. Ô prodige de miséricorde ! Il donna sa vie pour l’homme
coupable. Sur l’arbre de la croix, au milieu des angoisses d’une lente
agonie, en proie à des souffrances indicibles, il consentit à mourir à
notre place, ainsi, mes bien-aimés, imitez Christ dans sa bonté, dans
son abnégation, dans son amour. Qu’il n’y ait en vous ni aigreur ni
rudesse.
Parlez avec bonté, agissez avec
bonté, conduisez-vous avec bonté. Alors le monde pourra dire de vous ce
que les Juifs disaient autrefois des apôtres : « Ils ont été
avec Jésus ! »
Un autre grand trait du caractère
de Jésus, c’était sa profonde et sincère humilité. À cet égard aussi,
soyons tels que notre Maître. À Dieu ne plaise que nous soyons ou
rampants ou serviles ! Loin de là ; nous sommes libres ;
la vérité nous a affranchis ; nous sommes donc égaux à tous,
inférieurs à personne. Toutefois nous devons être humbles de cœur,
comme Jésus. Ô toi, chrétien orgueilleux, — (car, quelque
paradoxal que cela puisse paraître, il y a des chrétiens de cette
espèce, on n’en saurait douter : je ne suis pas assez peu
charitable pour refuser absolument le titre de frère à tout homme qui
est entaché d’orgueil) — ô toi, dis-je, chrétien orgueilleux,
regarde à ton Maître, je t’en supplie. Vois-le se dépouillant de la
majesté divine et daignant converser avec le genre humain ;
vois-le parlant à des enfants, habitant au milieu des paysans de la
Galilée, et enfin — ô profondeur incomparable de
condescendance ! — lavant les pieds de ses disciples et
les essuyant avec un linge. Voilà, ô chrétiens, le Maître que vous
prétendez servir ! Voilà le Seigneur que vous faites profession
d’adorer ! Et cependant, j’en appelle à vos consciences, combien
parmi vous qui rougiraient de tendre la main à un de leurs semblables,
vêtu autrement qu’eux-mêmes ou moins favorisé en biens de ce
monde ? … On l’a dit avec raison : dans la société
actuelle, l’or ne fraternise que difficilement avec l’argent, et
l’argent à son tour regarde la monnaie de cuivre du haut de sa
grandeur ; mais dans l’Église il n’en doit pas être ainsi. En
devenant membres de la grande famille de Christ, il faut que nous nous
dépouillions de ces préjugés de caste, de rang et de fortune.
Rappelle-toi, croyant, quel était ton Maître. Enfant de la pauvreté, il
naquit, il vécut au milieu des pauvres, il mangea avec eux. Et tu
oserais, toi, vermisseau d’un jour, marcher l’air hautain et le regard
superbe, te détournant avec mépris des vermisseaux, tes frères, qui
marchent à tes côtés ? …
Qu’es-tu donc toi-même, je te le
demande, qu’es-tu, si ce n’est le plus misérable d’entre eux, puisque
ton or, ou ton élévation, ou tes vêtements somptueux te rendent
vain ? Va, pauvre âme, tu es bien petite aux yeux de Dieu !
Christ était humble ; il
n’avait ni fierté ni arrogance ; il savait s’abaisser pour servir
les autres ; il n’avait point égard à l’apparence des personnes.
Ami des péagers et des gens de mauvaise vie, il ne rougissait point
d’être vu avec eux. Chrétien, sois tel que ton Maître. Comme lui sache
t’abaisser. Bien plus : sois une de ces âmes qui estimant les
autres comme plus excellentes qu’elles-mêmes, ne croient pas s’abaisser
en se mettant toujours au dernier rang, qui considèrent comme un
honneur de s’asseoir avec les plus chétifs des enfants de Dieu, et qui
disent dans la sincérité de leur cœur : « Si mon nom est
seulement écrit à la dernière page du livre de vie, c’en est assez pour
une créature aussi indigne que moi ». Oui, applique-toi, ô mon
frère, à ressembler à Christ par ton humilité.
Je pourrais continuer ainsi, mes
chers amis, passant pour ainsi dire en revue les divers traits qui
caractérisent la sainte et parfaite figure du Fils de Dieu ;
toutefois, je crois inutile de poursuivre cette étude, car chacun de
vous peut la faire aussi bien que moi. Pour cela, il lui suffira de
contempler l’image du Sauveur telle qu’elle est peinte d’après nature
dans son Évangile. D’ailleurs, le temps me manquerait si je voulais
vous présenter une esquisse tant soit peu complète du caractère de
Jésus. Je n’ajouterai donc qu’un seul mot : imitez Christ dans sa
sainteté. Était-il dévoré de zèle pour le service de son Maître !
Soyez-le vous aussi. Allez de lieu en lieu en faisant le bien. Ne
gaspillez point votre temps : il est trop précieux pour le
perdre. — Jésus était-il animé d’un esprit de renoncement, ne
recherchant jamais son propre intérêt, mais ayant égard à celui des
autres ? Comme lui, renoncez à vous-mêmes. — Était-il
fervent d’esprit ? Comme lui, priez sans
cesse. — Avait-il une déférence sans bornes pour la volonté
de son Père ? Comme lui, soumettez-vous sans
murmure. — Était-il patient ? Comme lui, apprenez à
souffrir. — Par-dessus tout, ô croyant, pardonne à tes
ennemis comme Christ pardonna aux siens. Que cette sublime, parole de
ton Maître : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce
qu’ils font ! » retentisse toujours à tes oreilles. Quand tu
es disposé à te venger toi-même, quand tu sens l’indignation
bouillonner dans ton cœur, mets de suite un frein au fougueux coursier
de la colère et ne permets pas qu’il t’emporte dans son impétueux élan.
Souviens-toi que l’emportement n’est autre chose qu’une folie
temporaire. Pardonne comme tu espères être pardonné. Amasse des
charbons de feu sur la tête de ton ennemi par ta bonté à son égard. Qui
rend le bien pour le mal ressemble à Dieu : cherche donc à
ressembler à ce Dieu d’amour et en toutes choses efforce-toi, de te
conduire de telle manière que tes ennemis eux-mêmes soient contraints
de dire : « Cet homme a été avec Jésus ».
II.
Mais il ne suffit pas de savoir ce que le chrétien doit être ; il faut encore savoir QUAND IL DOIT ÊTRE TEL.
Dans le monde on pense
généralement qu’il est très convenable d’être pieux le dimanche, mais
qu’il importe peu ce qu’on est le lundi. Que de soi-disant ministres de
l’Évangile sont de très fervents prédicateurs le jour du sabbat,
et des prédicateurs d’impiété pendant le reste de la semaine ! Que
de personnes qui se rendent à la maison de Dieu, l’air solennel, le
maintien grave, qui se joignent au chant et font semblant de prier,
mais qui en réalité n’ont point de part ni rien à prétendre en cette
affaire, étant encore dans un fiel très amer et dans les liens de
l’iniquité ! Posons-nous donc sérieusement cette question, mes
chers auditeurs : quand est ce que le chrétien doit, ressembler à
son Maître ? Y a-t-il un temps, où le soldat de Christ puisse
dépouiller son uniforme, déboucler son armure et devenir semblable aux
autres hommes ? Oh ! Non, mille fois non ! En tous temps
et en tous lieux, il faut que le chrétien soit en réalité ce qu’il fait
profession d’être. Je me souviens d’une conversation que j’ai eue il y
a quelque temps avec une personne du monde. « Je n’aime pas, me
disait-elle, que mes visiteurs abordent des sujets religieux ;
sans doute la religion est bonne le dimanche et lorsqu’on est dans la
maison de Dieu ; mais dans un salon, je la trouve fort
déplacée. » À cela je répondis que si la religion devait être
bannie de partout à l’exception des lieux de culte, nos temples et nos
chapelles se trouveraient bientôt transformés en vastes dortoirs.
« Pourquoi cela ? » demanda mon interlocuteur avec
surprise. « Eh ! C’est bien simple », répliquai-je.
« Tous, nous aurons besoin de la religion pour mourir : or,
comme la mort peut nous surprendre d’un instant à l’autre, qui voudrait
s’éloigner du seul lieu où la religion serait admise ?… »
Oui, à l’heure suprême, chacun de nous aura besoin des consolations de
l’Évangile ; mais comment pourrions-nous espérer d’en jouir, si,
pendant notre vie, nous n’obéissons point aux préceptes de ce même
Évangile ? Imitez donc Christ en tout temps, mes bien-aimés.
Imitez-le dans votre vie publique. Plusieurs d’entre nous sont
peut-être appelés à vivre dans une sorte de monde officiel ; le
rang que nous occupons, les fonctions dont nous sommes investis, nous
donnent peut-être quelque relief sur nos semblables. Oh ! S’il en
est ainsi, prenons garde. Nous sommes épiés ; n’en doutons pas.
Nos paroles sont relevées, nos actes commentés ; notre conduite
tout entière est examinée, analysée, mise en pièces. Le monde, au
regard d’aigle, aux yeux d’Argus, le monde ne nous perd pas de
vue ; il nous surveille, nous observe et de sévères critiques sont
toujours prêtes à fondre sur nous. Voulons-nous, mes chers amis,
réduire au silence nos adversaires ? Efforçons-nous de vivre de la
vie de Christ dans nos relations avec les hommes. Appliquons-nous à
copier si fidèlement notre Maître dans notre conduite publique que nous
puissions toujours dire : « Ce n’est plus moi qui vit, c’est
Christ qui vit en moi ». — Et vous, en particulier,
membres de nos Églises, qui êtes appelés à les diriger, à veiller à
leurs intérêts, à délibérer sur leurs affaires, soyez animés de ce même
esprit, je vous en supplie. Combien parmi vous qui, semblables à
Diotrèphe, aiment à être les premiers ! (#3Jn 1:9). Combien qui
aspirent à primer et à dominer sur ceux qui les entourent, oubliant
que, d’après l’Évangile, tous les chrétiens sont égaux devant Dieu,
qu’ils sont tous frères, et que, par conséquent, ils ont tous droit aux
mêmes privilèges ! Je vous le dis donc : cherchez à vous
pénétrer de l’esprit de votre Maître dans vos rapports avec vos Églises
respectives, en sorte que les membres de ces Églises puissent vous
rendre d’un commun accord ce beau témoignage : « Ils ont été
avec Jésus ».
Mais par-dessus tout, ressemblez à
Christ dans vos maisons. Une maison où l’on respire une atmosphère
chrétienne est la meilleure preuve d’une piété vivante. Pour savoir ce
que je suis, ce n’est point dans mon lieu de culte qu’il faut aller,
mais dans mon intérieur ; ce n’est point mon pasteur qu’il faut
consulter ; c’est la personne qui me voit de plus près. C’est la
servante, l’enfant, l’épouse, l’ami qui peuvent le mieux juger de ce
que vaut mon christianisme. Un homme pieux doit nécessairement exercer
une bonne influence sur ses alentours. « Jamais je ne croirai
qu’un homme soit un vrai chrétien, disait un prédicateur célèbre
(Rowland Hill), si sa femme, ses enfants, ses domestiques, voire même
le chien qui vit sous son toit, ne ressentent les heureux effets de sa
piété. »
Telle est la religion de la Bible.
Ce n’est point au langage, ce n’est point aux dehors, c’est à la vie
qu’on reconnaît l’enfant de Dieu. Si votre entourage ne gagne rien à
votre christianisme, si en vous voyant au milieu de votre famille, les
mondains ne sont pas contraints de dire : « Voilà une maison
mieux dirigée, mieux gouvernée que les nôtres », — ne
vous y trompez point : vous êtes encore étrangers à la piété seule
digne de ce nom. Que vos serviteurs, en vous quittant, ne puissent pas
dire : « Singuliers chrétiens que ceux-là, vraiment !
Point de culte le matin, point de culte le soir. Le dimanche, il est
vrai, ils allaient à la maison de Dieu ; ils y entendaient
annoncer le saint Évangile ; mais quant à moi, on me laissait
travailler tout le jour ; ou si, par extraordinaire, on me
permettait de sortir, ce n’était que le soir, à la hâte, lorsque
j’étais exténué de fatigue. » Non, mes frères, qu’on ne puisse pas
dire ces choses de vous. Que votre piété influe au contraire jusque sur
les moindres détails de votre vie domestique. Montrez à tous ceux qui
vous entourent que votre religion est avant tout une religion pratique.
Qu’elle soit lue et connue dans votre cercle intime aussi bien et mieux
encore que dans le monde. Je dis : mieux encore, car ce que vous
êtes chez vous, vous l’êtes en réalité. Trop souvent notre vie
extérieure n’est qu’un rôle d’emprunt, et tous nous sommes plus ou
moins des acteurs ; mais dans la vie privée, le masque tombe, et
nous nous montrons tels que nous sommes. Prenons donc garde de ne pas
négliger la piété du chez soi, les devoirs de tous les jours. Imitons
Christ dans nos maisons.
Enfin, mes bien-aimés, avant de
quitter cette partie de mon sujet, je vous dirai encore : imitez
Jésus en secret. Oui, quand aucun œil ne vous voit, si ce n’est l’œil
de Dieu ; quand les ténèbres vous enveloppent, quand vous n’êtes
pas exposés à l’observation de vos semblables, même alors, soyez tels
que Jésus-Christ. Rappelez-vous son ardente piété sa dévotion
intérieure. Rappelez-vous comment, après avoir laborieusement instruit
la multitude pendant le jour, il se retirait au milieu des ombres de la
nuit pour implorer le secours de son Père. Rappelez-vous comment la vie
de son âme fut sans cesse alimentée par de nouvelles communions du
Saint-Esprit qu’il puisait dans la prière. Chrétiens, à cet égard comme
à tous les autres, suivez l’exemple de votre Sauveur. Ayez toujours
l’œil ouvert sur votre vie secrète : que cette vie soit telle que
vous n’ayez pas honte de la lire devant tous au grand jour du jugement.
Ah ! Si les secrets des cœurs étaient dévoilés en ce moment afin
que nous pussions être sauvés. Christ est l’amour incarné. En lui nous
voyons la plus touchante, la plus parfaite personnification de la
bienveillance et de la charité. Comme Dieu est amour, Christ est amour.
Ô chrétiens ! Soyez donc amour, vous aussi. Que votre bon vouloir,
votre compassion, votre bienfaisance rayonne sur tout ce qui vous
entoure. Ne dites pas à ceux qui souffrent : « Allez en paix,
chauffez-vous et rassasiez-vous », mais faites part de votre pain
à sept et même à huit (#Ja 2:16 ; #Ec 11:2). Si vous ne pouvez
imiter Howard (philanthrope anglais du siècle dernier, bien connu par
son dévouement à visiter les prisons, non seulement dans sa patrie,
mais dans toute l’Europe) et comme lui ouvrir les portes des cachots
pour faire entendre aux prisonniers un message d’espérance ; si
vous ne pouvez pénétrer dans les tristes demeures de la misère et du
vice, faites du moins ce que vous pouvez, chacun dans la sphère qui lui
est propre. Que vos paroles, que vos actions respirent l’amour.
Que Christ revive pour ainsi dire
en vous, par la douceur et la bonté. S’il est une vertu qui, plus que
toute autre, convient au disciple de Jésus, assurément c’est cet esprit
de mansuétude et de bienveillance, cet esprit qui le porte à aimer le
peuple de Dieu, à aimer l’Église, à aimer le monde, à aimer tous les
hommes. Et pourtant que de chrétiens, à l’humeur difficile et chagrine,
n’y a-t-il pas dans nos Églises, qui semblent avoir dans leurs
tempéraments une si forte mesure de vinaigre et de fiel, qu’en vérité
c’est à peine si l’on peut obtenir d’eux une bonne parole ! Ils
s’imaginent qu’il n’est possible de défendre la religion autrement que
par des paroles acerbes ; aussi ne plaident-ils jamais la cause de
leur Maître sans se laisser aller à des accès d’emportement, et si dans
leur famille, dans l’Église ou ailleurs tout ne marche pas au gré de
leurs désirs, ils considèrent comme un devoir de rendre leur face
semblable à un caillou (#Esa 50:7) et de défier tout le genre humain.
De tels chrétiens ressemblent à des glaçons isolés ; personne ne
se soucie de s’approcher d’eux ; on les évite, on redoute leur
contact. Solitaires et oubliés, ils flottent sur les vagues de la vie,
jusqu’à ce que le courant les ait emportés. Et quoique sans doute, les
chères âmes, nous serons fort heureux de les rencontrer dans le ciel,
leurs esprits ont toujours été si mal tournés, que franchement nous ne
sommes pas fâchés de vivre loin d’eux sur la terre … Ne
soyez point comme ils le seront au dernier jour, on verrait, hélas, que
la vie intérieure du plus grand nombre n’est pas une vie, mais une
mort. Il est même de vrais chrétiens dont on peut dire que leur vie est
à peine une vie. C’est une sorte de demi-existence. Ils se traînent
péniblement dans le chemin du ciel. Une ou deux fois par jour, ils
élèvent en hâte vers Dieu une prière, une aspiration, un soupir tout
juste ce qu’il faut pour conserver dans leur âme une étincelle de vie,
mais rien de plus. Oh ! Mes frères en Christ, je vous en supplie,
ne vous contentez point d’un aussi déplorable état. Faites tous vos
efforts pour ressembler davantage à Jésus dans votre vie intime.
Surtout, vaquez avec soin à vos dévotions particulières. Vous le
dirai-je ? Je crains que même parmi ceux d’entre vous qui sont le
plus avancés dans la piété, la prière individuelle ne soit trop négligé
(nous avons cru devoir supprimer ici quelques détails se rapportant
exclusivement à M. Spurgeon et à son troupeau, et donner à ce passage
une application plus étendue, tout en ne nous écartant pas de la pensée
de l’auteur — note du traducteur).
Et pourtant, le Seigneur ne vous
a-t-il pas encouragés de toutes manières à lui exposer vos
besoins ? N’a-t-il pas répondu mille et mille fois à vos
supplications ? Voudriez-vous donc vous ralentir dans vos
prières ? Voudriez-vous cesser de crier au Seigneur ?
Oh ! Non, mes bien-aimés,
qu’il n’en soit point ainsi. Allez dans vos maisons, tombez à genoux,
intercédez avec une nouvelle ardeur auprès de votre Père céleste, lui
demandant ses bénédictions et pour vous-mêmes, et pour vos amis, et
pour le monde entier. Souvenez-vous spécialement de vos pasteurs, afin
qu’ils soient soutenus dans l’œuvre si difficile de leur ministère.
Suppliez Dieu de vous rendre capables de tenir vos mains élevées en
haut, comme autrefois Moïse sur la montagne, afin que les Josué qui
sont dans la plaine puissent combattre et vaincre les Amalécites (#Ex
17:8-13). C’est maintenant le moment décisif : perdrons-nous la
bataille par notre faute ? C’est ici l’heure de la marée
montante : n’en profiterons-nous pas pour entrer dans le
port ? Hâtons-nous donc ! Faisons force de rames, déployons
les voiles de la prière et supplions le Seigneur de les enfler lui-même
par le souffle puissant de son Esprit. Oui, vous tous qui aimez
l’Éternel, de tout pays et de toute dénomination, unissez-vous tous
ensemble pour demander à Dieu de répandre cet Esprit par toute la
terre, de nous accorder un temps de nouvelle Pentecôte, de ranimer,
pour l’amour de son Fils, sa faible et languissante Église. Oh !
Mes chers amis, si nous faisions ainsi ; si, comme un seul homme,
nous tombions aux pieds de notre Père céleste, c’est alors que le monde
reconnaîtrait que véritablement nous avons été avec Jésus !
III.
Mais une autre question se présente : POURQUOI LES CHRÉTIENS DOIVENT-ILS IMITER CHRIST ?
La réponse est facile. En premier
lieu, ils doivent le faire dans leur propre intérêt. S’ils tiennent à
leur honneur et à l’estime de leurs semblables, qu’ils se conduisent de
manière à ne pas être trouvés menteurs devant Dieu et devant les
hommes. S’ils tiennent à la santé de leurs âmes, s’ils désirent être
préservés de chutes et se maintenir dans le droit chemin, qu’ils
s’appliquent à ressembler toujours plus à Jésus. S’ils tiennent à leur
bonheur personnel ; s’ils veulent que leurs âmes soient nourries
de choses grasses et de vins bien purifiés (#Esa 25:6) ; s’ils
souhaitent jouir d’une sainte et douce communion avec Jésus, et pouvoir
planer au-dessus des peines et des soucis de la vie, qu’ils marchent
sur les traces de leur Maître. Oui, croyez-le, mes chers auditeurs,
rien n’est plus à votre avantage ; rien ne vous procurera tant de
prospérité, tant de paix, tant de force ; rien ne vous aidera si
efficacement à avancer vers le ciel, à traverser la vie, le front
serein et les yeux brillants de gloire ; en un mot, rien ne
contribuera davantage à vos jouissances spirituelles que de vivre dans
une constante imitation de Jésus. C’est lorsque vous serez rendus
capables, par la puissance du Saint-Esprit, de placer, pour ainsi dire,
vos pas dans l’empreinte de ses pas, que vous serez le plus heureux.
C’est alors aussi qu’on reconnaîtra en vous de véritables, de sincères
enfants de Dieu. Ô chrétiens, je vous le dis encore : dans votre
propre intérêt, imitez Christ.
Imitez-le aussi dans l’intérêt de
la religion. Ah ! Pauvre religion, tu as été assaillie par de
cruels adversaires ; mais que sont les blessures qu’ils t’ont
faites, comparées à celles que tu as reçues de la main de tes prétendus
amis ? Personne, ô Évangile de Christ, ne t’a causé tant de
dommage que ceux qui font profession d’être tes disciples !
Personne, ô sainte et aimable piété, ne t’a porté de plus rudes coups
que le soi-disant chrétien qui vit d’une manière indigne de sa
vocation, que l’homme à double face, qui s’introduit dans la bergerie
de l’Église, comme un loup en habits de brebis ! Plus que le
moqueur, plus que l’incrédule, plus que le sceptique, ils font tort à
la cause de Christ, tous ceux qui prétendent la servir, mais dont les
actes démentent les paroles. Chrétien, aimes-tu cette cause ?
Voudrais-tu voir l’Évangile apprécié, honoré, glorifié ? Le nom du
cher Rédempteur est-il précieux à ton âme ? Soupires-tu après le
temps où les royaumes de la terre seront soumis au Seigneur et à son
Christ ? Désires-tu voir les forteresses renversées, et toute
hauteur qui s’élève contre la connaissance de Dieu détruite ? La
vue des pécheurs qui périssent autour de toi te pénètre-t-elle de
douleur, et brûles-tu de les gagner à Jésus, de sauver leurs âmes du
feu éternel ? Voudrais-tu les empêcher à tout prix de tomber dans
les demeures des réprouvés ? Ton cœur est-il ému de compassion à
cause de tes compagnons d’immortalité ? Souhaites-tu ardemment que
Christ jouisse enfin du travail de son âme et qu’il en soit
rassasié ? S’il en est ainsi, ô mon frère, que ta vie soit en
accord avec tes principes. Marche devant Dieu dans la terre des
vivants. Conduis-toi en toute rencontre comme il convient à un élu.
Souviens-toi quels nous devons être par une sainte conduite et par des
œuvres de piété. Voilà le meilleur moyen de travailler à la conversion
du monde. Oui, j’en suis convaincu, une telle conduite ferait plus pour
l’évangélisation de la société que tous les efforts des œuvres de
missions, quelques excellentes que soient ces œuvres. Montrons aux
incrédules que notre vie est supérieure à la leur : alors, ils ne
pourront se refuser à croire que la religion est une réalité. Mais
s’ils nous voient agir dans un sens et parler dans un autre, savez-vous
ce qu’ils diront ? Ils diront : « Ces gens soi-disant
pieux ne valent pas mieux que le commun des hommes ! Pourquoi donc
deviendrions-nous des leurs ! Pourquoi renoncerions-nous à nos
habitudes ? » Et en parlant ainsi, le monde serait dans son
droit ; son langage serait celui du plus simple bon sens. C’est
pourquoi, mes chers amis, je vous en conjure, si vous aimez la
religion, par égard pour elle, au nom de ses intérêts les plus sacrés,
soyez conséquents avec vous-mêmes. Vivez dans la sainteté ; ayez
en horreur le mal et attachez-vous fortement au bien. En un mot, imitez
le Seigneur Jésus.
Mais l’argument le plus fort, le
plus puissant qu’il me soit possible de vous présenter est
celui-ci : Pour l’amour de Christ, efforcez-vous de lui
ressembler. Oh ! Que ne puis-je, mes bien-aimés, dresser en cet
instant devant vous la croix de mon Sauveur, vous placer en présence de
Jésus mourant pour vos péchés, et lui laisser le soin de plaider sa
propre cause ! Je sens que ma langue est comme attachée à mon
palais ; les paroles me manquent ; je suis incapable de
toucher vos cœurs ; mais ses plaies, ses blessures, son côté percé
trouveraient des accents capables de vous émouvoir. Pauvres lèvres
muettes et sanglantes, avec quelle éloquence ne nous parleriez-vous
pas ! « Mes amis, nous dirait Jésus de sa douce voix, en nous
montrant ses mains meurtries, mes amis, voyez mes mains : elles
ont été percées à cause de vous. Voyez mon côté : il a été ouvert
pour être la source de votre salut. Voyez mes pieds : là est la
marque des clous. Chacun de ces membres a été rompu pour vous. De ces
yeux se sont échappés des torrents de larmes. Ce front fut couronné
d’épines. Ce visage a reçu des soufflets, ces cheveux ont été
arrachés ; mon corps tout entier est devenu un foyer
d’inexprimables souffrances. Pendant de longues heures, je suis resté
suspendu au bois, exposé aux ardeurs d’un soleil brûlant — et
tout cela, ô mes disciples, je l’ai enduré pour l’amour de vous !
Ne voulez-vous donc pas m’aimer à votre tour ? Ce que je vous
commande, c’est de suivre mes traces, y a-t-il aucun crime, aucun
défaut en moi ? Oh non ! Vous le savez, je suis plus beau que
les plus beaux d’entre les fils des hommes, plus aimable que les plus
aimables. Dites, mes amis : vous ai-je fait quelque tort ?
N’ai-je pas au contraire tout fait pour votre salut ? Et à présent
encore, ne suis-je pas assis à la droite de mon Père afin d’intercéder
pour vous ? Maintenant donc, ô mes disciples, si vous
m’aimez … (Chrétien ! Sois attentif. Que ces douces
paroles de ton Sauveur retentissent toujours à tes oreilles comme la
lointaine harmonie de clochettes d’argent … ) si vous
m’aimez, dit Jésus, gardez mes commandements. » Oh !
Chrétien, puissent ces mots pénétrer jusqu’au fond de ton cœur !
« Si vous m’aimez, si vous
m’aimez, » Mais ai-je bien entendu ? Glorieux
Rédempteur ! Pour quoi dis-tu : Si ? Cher Agneau de
Dieu, immolé pour nos offenses, se pourrait-il donc qu’il y eût un si à
notre amour pour toi ? Quoi ? Lorsque je suis témoin de tes
souffrances, lorsque je vois ton sang couler goutte à goutte pour le
salut de mon âme, serait-il possible que je ne t’aimasse point ?
Et cependant, hélas, je l’avoue en gémissant, trop souvent tu as sujet
de douter de mon amour. Trop souvent mes pensées, ou mes paroles, ou ma
conduite te donnent le droit de me dire : « Si vous
m’aimez ! » Toutefois, malgré mes chutes et ma tiédeur, il me
semble, ô mon Sauveur, que mon amour pour toi est une réalité. Il me
semble que tu es plus précieux à mon âme que la lumière du jour ne
l’est à mes yeux, Oui, je t’aime — je sens que je
t’aime ! Seigneur, tu sais toutes choses, tu sais que je
t’aime ! — Voilà le langage que peut tenir du fond du
cœur tout véritable croyant ; et à celui qui lui parle de la
sorte, Jésus répond, en abaissant vers lui un regard de tendre
approbation : « Puisque tu m’aimes, ô mon disciple, puisque
tu m’aimes, garde mes commandements ». Oh ! Mes bien-aimés,
je vous le demande, quel motif plus puissant que celui là pourrais-je
invoquer pour vous porter à imiter Jésus ? Où trouver un argument
plus irrésistible que celui de l’affection et de l’amour ? La
gratitude produit l’obéissance : soyez donc tels que votre
Maître ; et ainsi le monde connaîtra que vous avez été avec Jésus.
IV.
Mais vous êtes émus, vous pleurez peut-être, et vous vous demandez avec
anxiété : « Comment pouvons-nous imiter Celui qui est mort
pour nous ? » Je vais, pour finir, m’efforcer de répondre à
cette question ; en d’autres termes je vais vous dire COMMENT
L’HOMME PEUT DEVENIR SEMBLABLE À CHRIST et être transformé à son Image.
Et d’abord, mes chers amis, je
vous dirai ceci : il faut que vous connaissiez Christ comme votre
Rédempteur, avant que vous puissiez le suivre comme votre modèle. On
parle beaucoup aujourd’hui de l’exemple de Jésus, et c’est à peine si
l’on trouverait une personne dans le monde qui ne fût disposée à
reconnaître la beauté morale et l’excellence incomparable de son
caractère. Toutefois, je vous le dis, quelque excellent que soit
l’exemple de Christ, il eût été absolument impossible à aucun enfant
d’Adam de suivre cet exemple, si, en même temps qu’il était notre
Modèle, Jésus n’avait été aussi notre sacrifice. Croyez-vous donc, mes
chers auditeurs, que son sang a été répandu pour vous ?
Pouvez-vous vous associer à ces paroles d’un cantique :
Tu m’as aimé, moi, vile créature,
Jusqu’à t’offrir en victime pour moi ;
Ton propre sang a lavé ma souillure,
Et par ta mort, je suis vivant pour toi ?
(Chants chrétiens)
S’il en est ainsi, vous êtes en
bonne voie de devenir conformes à l’image de Christ. Mais aussi
longtemps que vous n’avez pas été baignés dans cette Source abondante
qu’Emmanuel remplit de son sang précieux, il est inutile que vous
cherchiez à lui ressembler. Vous perdriez votre temps, croyez-le. Vos
passions sont trop fortes, vos âmes trop corrompues et vous
construiriez un édifice qui, dépourvu de fondement, aurait à peu près
la solidité d’un rêve. Je le répète : vous ne pouvez mouler votre
vie sur celle de Christ, tant que vous n’aurez pas reçu son pardon et
revêtu sa justice.
« Grâces à Dieu, diront
quelques uns, nous en sommes arrivés là ; nous savons que nous
avons part au salut, mais, hélas ! Nous savons aussi qu’il existe
en nous des imperfections en grand nombre. Nous voudrions ressembler à
Christ, mais nous ne pouvons y par venir. Que nous faut-il donc
faire ? » À ceux-là, je réponds : mes chers amis,
étudiez attentivement le caractère de Jésus. C’est une chose triste à
dire, mais c’est un fait : aujourd’hui la Bible est traitée, en
quelque sorte, comme un livre suranné, même par beaucoup de chrétiens.
Il y a tant de feuilles religieuses, de publications périodiques et
autres productions éphémères, qu’en vérité, le devoir de sonder les
Écritures est en danger d’être négligé. Chrétien, veux-tu ressembler à
ton Maître ? Contemple-le. Il y a dans la personne de Christ une
merveilleuse puissance qui fait que plus on le contemple plus on lui
devient conforme. Je me regarde dans un miroir, puis je m’en vais, et
j’oublie aussitôt ce que je suis. Mais quand je contemple Christ, je
deviens tel que Christ. Regarde donc à lui, ô croyant. Étudie son image
dans les Évangiles ; pénètre-toi bien de ses traits augustes.
« Mais, dites-vous peut-être
encore, nous avons souvent contemplé notre divin Modèle et pourtant
nous ne voyons pas que nous ayons fait de grands progrès. » Eh
bien, mes amis, savez-vous ce qu’il vous faut faire encore ? Il
faut corriger chaque jour votre pâle et faible copie. Le soir repassez
dans votre souvenir les actions des vingt-quatre heures qui viennent de
s’écouler et examinez les scrupuleusement devant Dieu. Lorsqu’on me
soumet les épreuves de quelques-uns de mes ouvrages, je dois marquer à
la marge les corrections à faire. J’aurai beau lire et relire une
épreuve, que si je n’indiquais pas les fautes qui s’y trouvent,
l’imprimeur les laisserait toutes subsister. Ainsi devez-vous faire,
mes bien-aimés. Marquez le soir, à la marge de votre journée, les
fautes que vous avez commises, afin de vous les rappeler et de n’y
point retomber le lendemain. Faites cela, jour après jour, avec
simplicité, avec persévérance, notant vos manquements un à un, afin que
vous puissiez les éviter à l’avenir. Certains philosophes de
l’antiquité ont dit qu’il est du devoir de l’homme de rentrer en
lui-même trois fois le jour et d’examiner ses actes. Cette maxime est
excellente : suivons-la. Ne soyons point légers et oublieux, mais
plutôt éprouvons-nous soigneusement nous-mêmes ; constatons nos
chutes, et nos misères, et travaillons ainsi à sanctifier notre vie.
Enfin (et c’est le meilleur
conseil que je puisse vous donner), — si vous voulez
ressembler à Christ, recherchez une mesure toujours plus abondante de
l’Esprit de Dieu. Vains sont tous vos efforts pour imiter Jésus, si
vous ne recherchez pas son Esprit. Prenez un morceau de fer, essayez de
le courber, vous n’y réussirez jamais.
Placez-le sur l’enclume saisissez
le marteau du forgeron, frappez à coups redoublés, et vous n’aurez rien
fait. Tordez-le, tournez-le en tous sens, ayez recours à toute sorte
d’engins, vous ne le façonnerez jamais à votre guise. Mais placez-le
dans le feu, qu’il se ramollisse et devienne malléable ; puis
mettez-le sur l’enclume et chacun de vos coups aura un si puissant
effet que vous pourrez lui donner la forme qui vous convient. Il en est
de même du cœur de l’homme. Ne cherchez pas à façonner votre cœur,
froid et dur comme il l’est par nature, mais plongez- le tout d’abord
dans la fournaise de la grâce divine ; là laissez-le s’échauffer
et se fondre ; après quoi il sera comme de la cire molle et pourra
reproduire fidèlement l’empreinte du Seigneur Jésus.
Oh ! Mes frères,
qu’ajouterai-je pour vous porter à donner à ce sujet toute votre
attention ? Pensez, oh ! Pensez, je vous en supplie, que si
vous ressemblez à Christ sur la terre, vous lui ressemblerez dans le
ciel ; que si, par la puissance de l’Esprit, vous devenez des
disciples de Jésus ici-bas, vous deviendrez ci-après participants de sa
gloire ! À la porte du paradis se tient un ange, qui n’admet dans
le séjour de délices que ceux-là seuls dont les traits présentent une
frappante analogie avec ceux de notre adorable Rédempteur. Voici un
homme qui s’avance, le front ceint d’une couronne royale. « Tu as
une couronne, il est vrai, dit l’ange, mais ici, les couronnes ne
servent de rien. » Un autre approche revêtu des insignes du
pouvoir ou des robes de la science. « Tout cela était bon en son
temps, dit l’ange, mais ni les honneurs ni la science ne donnent accès
au ciel. » Un troisième paraît, rayonnant de jeunesse, de charmes
et de grâce. « Tu pouvais plaire sur la terre, dit l’ange, mais
dans la nouvelle Jérusalem, la beauté extérieure n’a aucun prix. »
Un autre encore avance, ayant pour héraut la renommée, et pour
avant-coureur les applaudissements du genre humain, mais l’ange le
repousse lui aussi, en disant : « Toutes les gloires humaines
sont ici de nulle valeur ». Enfin, un autre se présente :
peut-être a-t-il été pauvre, ignorant, méprisé des hommes ;
n’importe ! En le regardant l’ange sourit : « Voici une
image du Seigneur Jésus, s’écrie-t-il avec joie, un reflet de sa
sainteté, une empreinte de sa personne ! C’est le Seigneur
lui-même qui vient sous la forme d’un de ses disciples. Sois le
bienvenu, ô racheté ! Tu as été avec Jésus, tu as été fait
semblable à lui, la gloire éternelle l’appartient ; entre dans la
joie de ton Seigneur. »
Mes frères, mes chers frères, pour
l’amour de vos âmes, réfléchissez à ces choses. Qui est tel que Christ
entrera dans le ciel, mais qui n’est pas tel que Christ sera précipité
en enfer !
Le jour vient où les choses de
même espèce seront rassemblées et liées ensemble : l’ivraie avec
l’ivraie ; le froment avec le froment. Si vous êtes tombés avec
Adam et que vous quittiez la vie étant morts dans vos fautes et dans
vos péchés, votre portion pour l’éternité sera avec ceux qui sont morts
spirituellement ; mais si dès ici-bas vous ressuscitez avec Christ
en nouveauté de vie, alors vous régnerez avec lui aux siècles des
siècles. Le froment avec le froment, l’ivraie avec l’ivraie. Ne vous
abusez point : on ne se joue point de Dieu ; ce que l’homme
aura semé, c’est ce qu’il moissonnera aussi. Emportez donc cette pensée
dans vos cœurs, mes bien-aimés, que vous pouvez juger de votre état
spirituel en vous comparant à Christ. Si vous êtes tels que votre
Maître, si, malgré vos misères et vos infidélités, vous lui ressemblez
en quelque mesure par votre courage, votre douceur, votre humilité,
votre amour, alors vous êtes à Christ et vous serez pour toujours avec
lui, Si au contraire vous n’êtes pas conformes à la glorieuse image de
Christ, vous n’avez aucune part ni rien à prétendre au salut qui est en
lui.
Puissent mes faibles paroles
contribuer à nettoyer l’aire de l’Église de la balle qui
l’encombre ! Puissent-elles surtout conduire plusieurs âmes à
chercher à devenir participantes de l’héritage des saints dans la
lumière, par la foi en Jésus-Christ, à la louange de sa grâce !
Qu’à lui soit rendu tout honneur, dès maintenant et à jamais !
Amen.