152 - CONVERSION OU PERDITION.

S’il ne se convertit pas, Dieu aiguisera son épée ; il a tendu son arc et il le tient prêt. (#Ps 7:13)

       Si le méchant ne se convertit pas, Dieu aiguisera son épée. Il est donc vrai : Dieu a une épée, et il punira l’homme à cause de ses transgressions. En vain cette génération incrédule et perverse voudrait enlever au Très-Haut le glaive de sa justice ; en vain cherche-t-elle à se persuader que l’Éternel tiendra le coupable pour innocent, et qu’il ne tirera aucune vengeance de l’iniquité, du crime et du péché : la déclaration de mon texte est aussi nette qu’immuable : Dieu aiguisera son épée. Il y a deux siècles, le ton habituel de la prédication était celui de la menace ; nouveau Sinaï, la chaire chrétienne retentissait incessamment des foudres de la colère divine, et des lèvres inspirées d’un Baxter ou d’un Bunyan tombaient de ces brûlants appels qui électrisaient le pécheur, et déroulaient devant sa conscience alarmée les terreurs du jugement à venir. Il est possible que ces austères et vénérés puritains, emportés par leur fidélité, ont accordé aux frayeurs de la loi une trop large place dans leurs prédications ; mais s’ils sont tombés dans l’extrême à cet égard, le siècle actuel, il faut le dire, est tombé dans l’extrême opposé. Aujourd’hui, en effet, on veut à tout prix voiler le côté sombre de la religion ; et pour peu qu’un ministre de la Parole n’ose déclarer aux pécheurs que Dieu les punira ; pour peu qu’il avertisse franchement et fidèlement ses auditeurs que l’iniquité sera suivie d’une perdition certaine, il est aussitôt accusé de vouloir exercer sur les âmes une sorte de pression morale, et de faire appel au sentiment le plus vil du cœur humain : la peur. Mais pour ma part, je le dis hautement, peu m’importe le jugement du monde.

       Quand les hommes pèchent, je sens qu’il est de mon devoir de les reprendre, et avec l’aide de Dieu, aussi longtemps qu’ils ne renonceront pas à leur mauvais train, je ne cesserai de les avertir que le péché ne demeurera point impuni.

       « Mais Dieu est tout bon, Dieu est amour », crie-t-on de toutes parts, Sans doute, et qui le conteste ? Mais si Dieu est bon, n’oubliez pas qu’il est juste aussi, — sévèrement, inflexiblement juste. Sans justice, Dieu ne serait point Dieu ; bien plus : sans justice, il ne serait point amour, car son amour envers ceux qui le servent exige qu’il punisse ceux qui le méprisent.

       Non, mes chers auditeurs, ne vous y trompez point, la justice de Dieu n’est point un vain mot ! Et ce n’est pas pour rien qu’il est écrit dans la Parole inspirée : L’Éternel sonde le juste et le méchant, et son âme hait celui qui aime la violence. Il fera pleuvoir sur les méchants du feu et du soufre, et un vent de tempête sera la portion de leur breuvage ; le Dieu fort s’irrite tous les jours contre le méchant ; s’il ne se convertit pas, Dieu aiguisera son épée ; il a tendu son arc et il le tient prêt ; il lui prépare des armes mortelles ; il tirera contre lui des flèches ardentes (#Ps 11:5,6; 7:12-14). En vérité l’on dirait que parce que cette génération est particulièrement perverse, il faudrait que l’enfer n’existât plus pour elle, et que parce que ce siècle est avant tout le siècle de la dissimulation et du mensonge, un châtiment simulé est le seul qui doive l’atteindre ! Et faut-il le dire ? Si répandue est l’erreur dont je parle, que les ministres de l’Évangile eux-mêmes hésitent à annoncer le jour de la colère. Qu’ils sont rares, en effet, ceux qui parmi nous parlent solennellement à leurs auditeurs du jugement à venir ! On prêche volontiers sur l’amour de Dieu, sur sa bonté infinie — (et en cela on a raison, car on obéit au commandement du Maître),  —  mais à quoi bon, je le demande, annoncer les miséricordes du Très-Haut, si l’on n’annonce en même temps les rigueurs de sa justice ? Et comment pourrait-on espérer de prêcher avec fruit tant que l’on n’avertira point le méchant que s’il ne se convertit, Dieu aiguisera son épée ? — Tu le sais, il est de mode aujourd’hui dans bien des lieux de rejeter la doctrine des peines éternelles, et de s’en moquer comme d’une imagination et d’une chimère ; mais le jour vient où les moqueurs reconnaîtront à leurs dépens son effroyable réalité. Le roi Achab riait lui aussi du prophète Michée, quand celui-ci lui déclarait, de la part du Seigneur, qu’il ne retournerait pas vivant dans sa maison. Les hommes du temps de Noé riaient, eux aussi, de l’inepte et crédule vieillard (comme ils qualifiaient sans doute le patriarche), qui les exhortait à s’amender, leur annonçant que le monde allait être submergé. Mais lorsque un dard ennemi eut transpercé le cœur d’Achab et qu’il dit à son serviteur : « Mène-moi hors du camp, car on m’a fort blessé », croyez-vous qu’il pensât encore que Michée eût prononcé un mensonge ? Et lorsque les hommes du déluge, poursuivis par les flots envahissants, se réfugiaient jusque sur la cime des arbres, croyez-vous qu’ils fussent encore disposés à se moquer de Noé et de ses prophéties ? Il en sera de même des hommes de cette génération. Quand nous vous avertissons du jugement qui approche, vous répondez avec dédain que nous avançons des fables ; mais en ce jour où votre péché vous trouvera, où la destruction vous enveloppera comme un filet, direz-vous encore que nous avons été des prédicateurs de mensonge ? Continuerez-vous à nous couvrir de vos railleries et à rire de nos menaces ? Ah ! Tout au contraire, mes chers amis, et au jour des rétributions la plus grande mesure d’honneur sera décernée à celui qui aura le plus fidèlement pressé les âmes de fuir la colère à venir. Souvent, en réfléchissant à la lourde responsabilité qui pèse sur moi en ma qualité de ministre de la Parole, je me demande avec effroi ce que serait notre rencontre dans le monde des esprits si j’étais trouvé, au dernier jour, avoir été infidèle envers vos âmes. Oh ! Qui pourrait dire les poignants remords auxquels je serais en proie si je vous entendais vous écrier en face du tribunal de Dieu : « Ministre de l’Évangile ! Tu nous as flattés ; tu ne nous as point parlé des solennelles réalités de l’éternité ; tu ne t’es pas étendu comme il le fallait sur les terreurs de la colère divine ; tu nous as avertis faiblement, mollement, lâchement : on eût dit que tu avais peur de nous. Tu savais que la pensée des éternels tourments nous était odieuse, c’est pourquoi tu as tenu ce sujet à l’écart, tu t’es renfermé dans un coupable silence. » Ah ! Si j’avais mérité ces sanglants reproches, il me semble, mes frères, que vous me maudiriez pendant toute l’éternité !

       Mais, avec l’aide de mon Maître, jamais il n’en sera ainsi. Vienne la bonne ou la mauvaise renommée, j’espère pouvoir lui dire, quand il me rappellera à lui : « Je suis net du sang des âmes que tu m’avais confiées ! » Tout ce que je connais de la vérité de Dieu, je veux le proclamer hardiment ; et quoique sur ma tête l’injure et le mépris puissent être déversés avec une fureur toujours croissante, je n’en tiendrai aucun compte et même je supporterai tous les opprobres avec joie, pourvu que je sois trouvé fidèle envers cette génération rebelle, fidèle à Dieu et fidèle à ma propre conscience. — Je vais donc m’efforcer en ce moment, mes chers auditeurs — (et je prie Dieu de me donner de remplir celle tâche avec solennité et avec amour),  —  je vais, dis-je, m’efforcer de m’adresser à ceux d’entre vous qui sont encore dans leurs péchés, les conjurant de se souvenir du sort qui les attend s’ils meurent dans cet état : si le méchant ne se convertit pas Dieu aiguisera son épée.

       En premier lieu, je dirai CE QU’EST CETTE CONVERSION dont il est parlé dans mon texte ; en second lieu, j’établirai que LE CHÂTIMENT DES INCONVERTIS EST CERTAIN ET NÉCESSAIRE ; enfin j’indiquerai LE GRAND MOYEN PAR LEQUEL L’HOMME, DE SA NATURE COUPABLE ET VENDU AU PÉCHÉ, PEUT SE CONVERTIR À DIEU ET RENONCER ENTIÈREMENT À SES MAUVAISES VOIES.

I.

Et d’abord, mes chers auditeurs, permettez-moi de vous expliquer CE QU’EST CETTE CONVERSION que le psalmiste a en vue quand il dit : si le méchant ne se convertit pas Dieu aiguisera son épée.

       Dans son sens propre, vous le savez, le mot convertir signifie tourner ou changer une chose en une autre. Cela seul nous fait comprendre qu’il s’agit dans mon texte d’un grand revirement, d’une complète transformation de l’être moral. Et en effet, la conversion, dans le sens scripturaire du mot, n’est pas autre chose. C’est l’acte par lequel un pécheur se tourne sincèrement vers Dieu et abandonne ses mauvaises voies pour suivre une voie toute opposée.

       Mais il y a une fausse conversion et une vraie conversion. Indiquons rapidement quelques traits auxquels on peut les distinguer l’une de l’autre.

       En premier lieu, toute vraie conversion doit être une conversion de fait et non pas seulement de paroles ; une conversion qui agisse sur les actes de notre vie journalière, et qui ne se borne pas à des vœux et à des promesses. Ainsi, par exemple, supposons que l’un de vous se dise en ce moment : « Voilà, je me tourne vers Dieu ! Dès cette heure je ne pècherai plus, j’essaierai de marcher dans la sainteté ; mes vices, je les foulerai aux pieds ; mes passions, je les jetterai au vent ; du fond de mon cœur je me convertis au Seigneur ». Mais si demain ce même homme a oublié ces bonnes résolutions ; si lui, qui aujourd’hui pleure peut-être en écoutant la Parole de Dieu, n’a plus demain ni larme sur sa joue, ni repentir dans son cœur, la conversion d’un tel homme est-elle vraie ? Évidemment non ! Ah ! Mon cher auditeur, méfie-toi, je t’en conjure, d’une telle conversion. Prends garde de ne pas ressembler à un homme qui regarderait dans un miroir son visage naturel, et qui, après s’être regardé, s’en irait et oublierait aussitôt quel il est (#Ja 1:23,24). Mets-toi bien dans l’esprit que ce n’est pas l’intention de te convertir qui te sauvera ; ni tes promesses, ni tes solennelles résolutions, ni les impressions fugitives de ton cœur, ni cette larme qui sèche hélas au bord de ta paupière, plus vite que la goutte de rosée ne sèche au soleil, ne constituent à elles seules la véritable conversion. Un abandon sincère du péché, un élan de l’âme vers la sainteté, se manifestant jusque dans les plus petits détails de la vie ordinaire : voilà ce que tu dois posséder. Ainsi, mon frère, point d’illusion. Dis-tu que tu gémis sur tes péchés, que tu te tournes vers Dieu, et en même temps continues-tu de jour en jour à marcher comme tu l’as toujours fait ? Courbes-tu la tête, en murmurant avec l’accent de la contrition : « Seigneur, je me repens ! » et tout à l’heure, retomberas-tu dans tes fautes habituelles ? S’il en est ainsi, sache-le, ta prétendue repentance vaut moins que rien ; elle ne servira qu’à aggraver ta condamnation ; car celui qui ayant fait un vœu à son Créateur, ne l’accomplit pas, ajoute à ses péchés un péché nouveau, puisqu’il a cherché à tromper le Tout-Puissant et à se jouer du Dieu qui lui a donné la vie. Pour être vraie, je le répète, pour être conforme à l’esprit de l’Évangile, il faut que la conversion exerce une influence visible et bénie sur notre conduite extérieure tout entière.

       D’autre part, il faut que la conversion soit complète, c’est-à-dire qu’on tourne le dos à tous ses péchés. Combien de gens dans le monde qui seraient disposés à dire : « Je renonce à ce vice, et encore à cet autre ; mais quant à certaines convoitises favorites, à aucun prix je ne puis m’en séparer ». Ah ! Sans doute, il te serait fort commode, ô pécheur, de pouvoir faire de telles réserves ; mais je te déclare au nom de mon Dieu, que la conversion qu’il demande de toi, ne consiste pas à abandonner un, vingt, ou même cinquante péchés ; mais qu’elle doit être un solennel dépouillement de tout péché. Tant que tu caresses dans ton cœur une seule de ces vipères maudites, qui s’appellent passions ou mauvais penchants, ta conversion n’est que mensonge !

       Tant que tu gardes par devers toi une seule convoitise impure, cette seule convoitise, pareille à une voie d’eau dans un navire, coulera ton âme jusques en enfer ! Ne te persuade donc pas que pour te convertir à Dieu, il ne s’agit que de te défaire de quelques vices extérieurs, de retrancher de ta vie les péchés les plus criants : c’est tout ou rien que Dieu demande de nous. Il méprise les réformes partielles. « Repentez-vous, convertissez-vous ! » nous dit-il dans sa Parole ; et si notre repentance ne s’étend pas à tous nos péchés, sans exception, il ne la tient point pour sérieuse et sincère. L’âme vraiment pénitente hait le péché et non pas un péché ; elle hait le mal dans sa nature, et non pas simplement dans telle ou telle de ses manifestations. Elle dit : « Tu as beau te farder, ô péché ! Tu m’inspireras toujours une invincible horreur. Oui, cache-toi sous les plaisirs les plus enivrants ; comme le serpent aux écailles d’azur, revêts-toi des plus brillantes couleurs : ô péché ! Je te haïrai encore, et je m’enfuirai à ton approche, car je connais ton venin et j’ai peur de ta morsure ! »

       Mes chers amis, j’insiste sur ce point, car je le crois d’une extrême importance. Aucun péché ne doit trouver grâce devant vous, sans quoi vous n’aurez jamais de part en Christ ; aucune iniquité ne doit être épargnée, sans quoi les portes du ciel seront fermées pour vous : en un mot, pour qu’une conversion soit réelle, il faut qu’elle soit pleine et entière.

       Mais il y a plus. Quand l’Écriture nous dit : si le méchant ne se convertit pas, Dieu aiguisera son épée, elle veut parler d’une repentance immédiate. Vous pensez peut-être : « Quand nous approcherons des dernières limites de la vie terrestre, quand nous serons sur les extrêmes confins de l’impénétrable éternité, alors nous changerons nos voies ». Ah ! Mes chers auditeurs, je vous en supplie, ne vous bercez point d’aussi folles pensées ! Bien rares sont ceux qui se convertissent sur un lit de douleurs, après une longue vie de péchés. Un mort changerait-il sa peau et un léopard ses taches ? Et comment donc celui qui a vieilli dans le mal, pourrait-il se tourner vers le bien ? Malheur à l’homme qui se flatte de se convertir sur son lit de mort !

       Quand on ne s’est pas converti dans les jours de santé, il y a dix mille chances contre une que l’on ne se convertira pas non plus à l’heure de la maladie. D’ailleurs, que d’âmes qui s’étaient promis, avant de quitter le monde, un temps de recueillement et de silence, un temps où elles pourraient, comme autrefois Ézéchias, tourner leurs visages contre la muraille pour confesser leurs péchés, et qui ont été amèrement déçues dans leur attente ! Ne voit-on pas presque journellement des hommes tomber morts dans nos rues, sur nos places, ou jusque dans la maison de Dieu ? N’en voit-on pas qui, sont soudainement retranchés au milieu de leurs projets, de leurs préoccupations, de leurs affaires ? Et lors même que la vie s’éteint plus lentement, lors même que la mort est, pour ainsi dire, graduelle, est-ce bien le moment de se convertir ? Demandez-le à ces chrétiens de tout rang et de tout âge, qui se sont écriés à l’approche de la mort : « Ah ! Dieu soit béni de ce que je n’ai pas attendu jusqu’à ce jour pour rechercher ton pardon et pour implorer ta grâce ! Que deviendrais-je, hélas ! Si à ces angoisses physiques venaient se joindre les angoisses de la repentance, et si mon âme était bourrelée par le remords en même temps que mon corps est déchiré par la souffrance ? » Pécheurs ! Dieu vous dit dans sa Parole : si vous entendez aujourd’hui ma voix, n’endurcissez point votre cœur. Profitez donc de ce conseil divin. Peut-être ce jour est-il le dernier qui vous sera donné pour vous repentir. C’est pourquoi la voix de l’éternelle sagesse crie à chacun de vous : « Aujourd’hui, aujourd’hui ! » Parmi les sentences des rabbins juifs, on remarque celle-ci : « Que chacun se repente la veille de sa mort. Or, tu peux mourir demain : hâte-toi donc de te repentir aujourd’hui ».

       Ainsi vous disons-nous, ô pécheurs ! Une conversion immédiate : voilà ce que le Seigneur demande de vous. Quand Dieu le Saint-Esprit a convaincu une âme de péché, cette âme ne parle plus de délais et d’ajournements ; car elle sait que l’heure présente est la seule sur laquelle elle puisse compter pour se réconcilier avec Dieu.

       En outre, la conversion dont mon texte parle, comme étant absolument nécessaire, est une conversion ou une repentance de cœur. Il ne s’agit pas de verser une larme menteuse, tandis que le sourire est sur les lèvres ; il ne s’agit pas d’étendre en quelque sorte, sur son âme, les insignes du deuil et de la pénitence, tandis qu’à l’intérieur tout est illuminé comme en un jour de fête : c’est l’absence de toute lumière, de toute joie dans le cœur, c’est une douleur profonde et intime qui caractérise les commencements de la vraie conversion. Un homme peut renoncer à tous ses péchés extérieurs et pour autant ne pas se repentir réellement. La conversion véritable est une transformation du cœur, non moins qu’un amendement de la vie ; c’est le don de notre être tout entier au Seigneur pour lui appartenir en propre à tout jamais ; c’est la renonciation aux péchés secrets, aussi bien qu’aux vices apparents. Ah ! Mes chers auditeurs, je vous en supplie, examinez-vous avec soin à cet égard. Prenez garde de ne pas prendre, pour l’opération de l’Esprit, ce qui n’est que le travail de la pauvre nature humaine. Prenez garde de vous persuader que vous vous êtes sérieusement tournés vers Dieu, alors que peut-être vous ne vous êtes tournés que vers vous-mêmes. Souvenez-vous que l’œuvre de la conversion ne consiste pas simplement à se détourner du vice et à pratiquer la vertu, mais qu’elle doit réagir sur tout l’ensemble de notre être moral, en sorte que le vieil homme devienne une nouvelle créature en Jésus-Christ. Si donc, mes chers amis, vous n’avez pas éprouvé une transformation pareille, je dois vous dire que vous n’avez point répondu à ce que mon texte demande de vous : vous ne vous êtes point convertis à Dieu.

       Enfin, pour être digne de ce nom, la conversion doit être perpétuelle. Parce que je me tourne aujourd’hui vers Dieu, il ne s’ensuit pas que je sois réellement converti. Il faut que pendant toute ma vie et jusqu’à ce que je descende dans le sépulcre, je lutte contre le péché, sans quoi ma conversion est plus que douteuse. Le fait que vous ayez marché pendant une semaine dans les voies de la justice, ne prouve pas le moins du monde que vous soyez en état de grâce : pour être en droit d’arriver à cette conclusion, il faut que vous ayez une haine constante contre le péché. Le changement que Dieu accomplit dans les âmes, n’est ni superficiel ni transitoire ; il ne se borne pas à couper le sommet de la plante vénéneuse que tout enfant d’Adam porte au-dedans de lui, mais il en extirpe toutes les racines ; il ne se contente pas de balayer la poussière d’un jour, mais il enlève le fond d’impuretés qui est la cause première de cette poussière. Anciennement, lorsque de riches et généreux seigneurs visitaient les villes de leurs États, ils ordonnaient que les fontaines publiques jetassent du lait et du vin ; mais les fontaines étaient-elles pour cela changées ? Non, assurément ; aussi, dès le lendemain, l’eau en jaillissait comme auparavant. De même, mes chers amis, vous pouvez aujourd’hui, en rentrant chez vous, faire semblant de prier ; vous pouvez demain paraître sérieux, le jour suivant intègre, un autre jour faire profession de piété. Cependant, si vous revenez à vos péchés, si, pour parler le langage de l’Écriture, vous faites comme le chien qui retourne à ce qu’il avait vomi, et comme la truie qui, après avoir été lavée, se vautre de nouveau dans le bourbier (#2P 2:22), votre prétendue conversion, sachez-le, bien loin d’être une preuve de l’action de la grâce divine sur vos cœurs, ne servira qu’à vous précipiter plus sûrement dans l’abîme de l’éternelle perdition.

       Je dois le dire : souvent il est très difficile de distinguer entre une conversion que j’appellerai légale, parce qu’elle est toute de formes et d’apparence, et la conversion évangélique ; toutefois il y a certaines marques à l’aide desquelles on peut les reconnaître : je vais vous en indiquer brièvement quelques-unes, mes chers amis, et Dieu veuille se servir de mes paroles pour vous aider à discerner quel est le véritable état de vos âmes !

       La conversion légale craint l’enfer, la conversion évangélique craint le péché. La conversion légale redoute les effets de la colère de Dieu ; la conversion évangélique redoute la cause de cette colère, savoir, le mal. Quand une âme se repent de cette repentance qui conduit au salut, que le Saint-Esprit peut seul produire et qui n’est autre chose que la vraie conversion, cette âme gémit, non à cause du châtiment attaché à l’offense, mais à cause de l’offense elle-même ; et elle sent qu’alors même que l’enfer ne serait qu’un vain mot, alors même qu’il n’existerait ni ver qui ne meurt point, ni feu qui ne s’éteint point, sa haine pour le péché serait toujours aussi vive. La fausse repentance, au contraire, n’est que le fruit de la peur. Ainsi, parce qu’à l’approche de la mort vous tremblerez à l’idée du jugement de Dieu, est-ce à dire que vous serez convertis ? Nullement : vous pourrez craindre le châtiment bien qu’aimant encore le péché. Tout voleur craint la prison, mais s’il est libre demain, il est plus que probable qu’il volera encore, Tout assassin tremble à la vue de la potence ou de l’échafaud, mais combien qui attenteraient de nouveau à la vie de leurs semblables si la leur était épargnée !

       Je le répète, le trait distinctif de la repentance évangélique est, non la crainte du châtiment, mais la haine du péché, tel est, mes chers auditeurs, le grand travail qui doit s’accomplir en chacun de vous, sans quoi vous serez infailliblement perdus, sentez-vous que ce travail vous est encore complètement étranger ? S’il en est ainsi, je ne puis que vous adresser de nouveau les foudroyantes paroles de mon texte : si le méchant ne se convertit pas, Dieu aiguisera son épée !

       Une dernière remarque sur ce sujet. Quand une âme possède la repentance qui sauve, en d’autres termes, quand elle s’est convertie à Dieu, son péché lui inspire une horreur si invétérée et si profonde qu’elle désespère de jamais se laver par elle-même de ses souillures, et qu’elle reconnaît qu’il ne faut rien moins pour la purifier, qu’un acte de la souveraine grâce de Dieu. Si donc il se trouvait ici quelqu’un qui, tout en se flattant de s’être repenti, se persuade qu’il peut, par une sainte conduite, effacer en quelque mesure ses iniquités ; si, dis-je, il supposait qu’en vivant à l’avenir dans la piété, il peut annihiler ses transgressions passées, que cet homme sache bien qu’il est encore le jouet d’une fatale illusion ; car toute âme qui s’est véritablement tournée vers Dieu, bien loin de compter à quelque degré sur elle même, sera toujours prête à s’écrier :

« Éternel, ô mon Dieu, j’implore ta clémence !
Indigne de pardon, devant ta sainteté, Je n’ai droit, je le sens, qu’à ta juste vengeance.
Car ton œil est trop pur pour voir l’iniquité ! »
(Chants chrétiens).

Ces dispositions sont-elles les tiennes, mon cher auditeur ? Sens-tu que le pêché est mort en toi ? Le hais-tu comme un foyer de corruption et de souillure que tu voudrais à tout prix ôter de devant tes yeux ? Mais en même temps reconnais-tu que jamais ce corps de mort ne sera enseveli, à moins que Christ lui-même ne le dépose dans le sépulcre ? Dans ce cas, ô mon frère, ne crains rien : ta conversion vient de Dieu, Oui, c’est là un dernier trait, un trait essentiel de toute vraie conversion : nous devons humblement reconnaître que nous méritons la colère de Dieu, que nous ne pouvons nous y soustraire ni par nos efforts, ni par les meilleures de nos actions, et que notre seul espoir de salut est uniquement et entièrement dans le sang et les mérites de Jésus-Christ. Si vous ne vous êtes point convertis de cette manière, encore une fois mon devoir est de vous crier  les paroles de David : si le méchant ne se convertit pas, Dieu aiguisera son épée !
II.

Passons maintenant au second point de notre sujet. C’est une terrible tâche que d’avoir à l’aborder, et si je ne consultais que mes propres inclinations, Dieu sait que je ne l’entreprendrais jamais. Mais tout ministre de l’Évangile est médecin des âmes ; et, pas plus qu’un médecin du corps, il ne doit obéir à ses inclinations. Sous peine de faillir à son devoir, il doit faire usage du couteau, quand il sait que la mortification est imminente, et pratiquer de profondes incisions dans les consciences, avec l’espoir que le Saint-Esprit se servira de ce moyen pour opérer leur guérison. Au nom de mon Maître, j’affirme donc, de la manière la plus solennelle, que LE CHÂTIMENT DES INCONVERTIS EST CERTAIN ET NÉCESSAIRE. Le fidèle prédicateur Baxter avait coutume de s’écrier avec sa rude énergie : « Pécheur ! CONVERSION ou PERDITION : c’est ta seule alternative ! CONVERSION ou PERDITION : fais ton choix ! » C’est là aussi ce que je viens vous dire, mes chers auditeurs, et j’espère vous prouver aisément que si le méchant refuse de se convertir, Dieu se doit à lui-même de le faire périr.

       Et d’abord comment supposer, je le demande, que le Dieu de la Bible puisse laisser le péché impuni ? Quelques hommes, il est vrai, ont osé avancer une pareille énormité ; assoupie par je ne sais quelles vapeurs narcotiques, leur intelligence a pu rêver un Dieu sans justice ; mais je soutiens qu’une telle conception n’entrera jamais dans l’esprit d’un homme dont le sens est droit et le jugement sain. Quoi ? Un prince injuste serait l’objet du mépris de tous ; un gouvernement qui n’aurait point la justice pour base serait flétri par l’opinion publique ; et Dieu, le juge suprême, le roi de toute la terre, serait privé de ce glorieux attribut ? En vérité, cette supposition est aussi absurde qu’elle est impie ! Enlever à Dieu sa justice sous prétexte qu’il est tout amour, c’est par le fait attenter à sa divinité et vouloir lui ravir son titre de Dieu. Le bras du Tout-Puissant serait incapable de gouverner le monde si son cœur ne renfermait pas la justice. Au reste, il y a dans l’homme un instinct naturel qui lui dit que s’il existe un Dieu, il doit être juste. Quant à moi, je puis à peine comprendre qu’on croie à l’existence de Dieu sans croire aussi au châtiment du péché. Comment supposer, en effet, que Celui qui est haut élevé au-dessus de ses créatures, qui contemple les moindres de leurs actions, regarde avec la même impassible sérénité les bons et les méchants, et réserve aux uns et aux autres la même louange et le même honneur ? À mon sens, l’idée de Dieu est inséparablement liée à l’idée de justice, de telle sorte que qui dit « Dieu » dit aussi « justice ».

       Mais d’ailleurs, soutenir qu’il n’y a point de châtiment éternel et que l’homme peut être sauvé sans conversion, n’est-ce pas donner le démenti à toutes les Écritures ? Quoi ! Les annales de l’histoire divine ne sont-elles donc rien ? Et si elles sont quelque chose, le Seigneur n’est-il pas étrangement changé s’il ne punit plus le péché ? Quoi l’Éternel a jadis flétri Éden et chassé nos premiers parents de ce jardin de délices, en punition de ce que les hommes appelleraient une légère offense ; quoi ! Il a submergé le monde par le déluge et inondé la création des eaux qui dormaient ensevelies dans les entrailles de la terre : et il ne punirait plus le péché ? Que la grêle de feu qui tomba sur Sodome vous dise si Dieu est juste ! Que le gouffre béant qui engloutit Coré, Dathan et Abiram, vous apprenne si le Seigneur épargne le coupable ! Que les jugements éclatants qu’il fit tomber sur Pharaon, que ses exploits magnifiques dans la mer Rouge, que la destruction merveilleuse de Sanchérib et de son armée, que toutes ces choses prennent une voix pour vous instruire !

       Et si je ne craignais de sortir de mon sujet, ne pourrais-je point parler de terribles jugements qui ont fondu sur ce siècle même ? Sans doute, ce monde n’est pas le lieu des rétributions ; et pour ma part, je ne suis point de ceux qui voient dans toute catastrophe un châtiment du ciel. C’est ainsi, par exemple, que je ne puis regarder les accidents qui surviennent parfois dans les théâtres comme une marque de la désapprobation divine, attendu que des accidents analogues se sont produits dans des lieux de culte. C’est ainsi également que, parce qu’un bateau aura chaviré le dimanche, je ne pense pas avoir le droit de conclure que la main de Dieu ait voulu punir les violateurs du sabbat qui s’y trouvaient : je conviens assurément que les victimes du sinistre commettaient un péché en passant le dimanche en partie de plaisir, mais ce que je n’oserais affirmer, c’est que Dieu les ait fait périr à cause de ce péché. Je crois que, dans un sens absolu, la justice rétributive n’aura son cours que dans le monde à venir ; et en vérité, je ne saurais comprendre la Providence, si je croyais que, dès ici-bas, Dieu rend à chacun selon ses œuvres. Pensez-vous que ces dix-huit personnes sur qui la tour de Siloé est tombée et qu’elle a tuées, fussent plus coupables que tous les habitants de Jérusalem ? Non, vous dis-je, mais si vous ne vous amendez, vous périrez tous aussi bien qu’eux (#Lu 13:4,5) : telle est la déclaration du Maître.

       Certains chrétiens ont fait beaucoup de tort à la religion en relevant tous les évènements d’une nature fâcheuse et en les représentant comme autant de manifestations de la vengeance divine. Je le répète, en thèse générale, il est incontestable que le Seigneur réserve le châtiment du péché pour la dispensation future ; néanmoins, ce principe posé, je dis qu’il est des faits tellement remarquables que le chrétien ne peut qu’y voir la main de la Providence rendant au méchant selon son mauvais train. Je me souviens d’un fait de ce genre que j’ose à peine vous raconter, tant il est terrible. J’ai vu de mes yeux l’infortuné dont il s’agit. Il n’avait pas craint d’appeler sur sa tête les plus horribles malédictions que la langue humaine puisse prononcer. Dans sa rage et sa furie, il exprima le vœu aussi étrange qu’épouvantable, que « son cou fût tordu, que ses yeux fussent éteints, et que sa bouche refusât de s’ouvrir ». À peine le malheureux avait-il proféré cette imprécation, que le bout de son fouet, dont il venait de se servir pour maltraiter son cheval de la manière la plus cruelle, entra dans son œil. Une inflammation s’ensuivit ; puis, un resserrement des mâchoires ; et quand je le vis, son état était précisément celui qu’il avait osé désirer : par suite d’affreuses convulsions, sa tête était complètement retournée ; il avait perdu la vue, et ses dents serrées ne laissaient échapper que des sons indistincts ! … 

       Et combien de cas du même genre ne pourrais-je pas vous citer ? Je pourrais, par exemple, vous rappeler l’histoire de cette femme qui, ayant pris Dieu à témoin qu’elle venait de payer un sac de farine, tandis qu’elle en tenait le prix dans sa main, tomba morte à l’instant même sur la place du marché (Ce fait remarquable a eu lieu en présence de nombreux témoins, à Devizes, ville d’Angleterre. Une colonne a été élevée sur la place du marché, afin d’en perpétuer le souvenir.).

       On me dira peut-être que ce sont là de singulières coïncidences, de simples effets du hasard et rien de plus ; mais je l’avoue, je ne suis pas assez crédule pour me contenter de ces explications. Je crois fermement, au contraire, que de tels faits sont, d’une manière toute spéciale, ordonnés de Dieu ; ils m’apparaissent comme autant de démonstrations anticipées de l’éternelle justice, et ils me disent que si les torrents de la colère divine ne fondent point sur l’homme en ce monde, il en tombe pourtant çà et là quelques gouttes, afin de nous prouver que la justice du Très-Haut n’est point une chimère.

      Mais qu’ai-je besoin de chercher des preuves en dehors de vous, mes chers auditeurs, quand vos propres consciences reconnaissent instinctivement que Dieu doit punir le péché ? Vous pouvez, il est vrai, nier qu’il en soit ainsi et vous égayer à mes dépens, mais prenez garde ! L’homme croit souvent, à son insu, bien des choses que sa raison repousse, et la voix de la conscience est si forte qu’elle domine sa volonté même. Aussi, tandis que votre bouche répète : « Je ne puis croire que Dieu punisse le péché », j’ose affirmer que, dans les profondeurs les plus intimes de votre âme, vous SAVEZ qu’il le fera ! Il vous serait pénible, je le conçois, d’avouer vos craintes secrètes, après avoir fait sonner si haut qu’il n’existe aucun sujet de craindre ; toutefois, je vous le conseille, modérez vos dénégations ; laissez là ce ton de bravade ; car, vous le dirai-je ? Plus vous affirmez que vous ne croyez ni à l’enfer ni à la justice de Dieu, plus je suis disposé à penser que vous y croyez fort bien : vous ne vous donneriez pas tant de peine pour nier ce que vous sauriez être faux. Mais au reste, quels que soient aujourd’hui vos sentiments, je sais une chose, ô pécheurs ! Je sais qu’à l’heure de la maladie ou à l’approche du danger, nul ne demandera grâce plus haut que vous. Je sais que, lorsque vous serez couchés sur votre lit de mort, vous croirez à l’enfer. Ah ! La conscience fait de nous tous des lâches : bon gré, mal gré, que nous en convenions ou non, elle saura bien nous forcer, un jour ou l’autre, à trembler en face de cette solennelle vérité : si le méchant ne se convertit pas, Dieu aiguisera son épée !

       Et ici permettez-moi, mes amis, de vous raconter une anecdote ; elle est très frappante, et nous fait voir que ceux-là même qui en temps ordinaire semblent les plus incrédules, montrent par leur conduite, à l’heure du danger, qu’ils croient non seulement à l’existence de Dieu, mais encore à sa justice. Au milieu des forêts du Canada habitait un fidèle ministre de l’Évangile. Un soir, il sortit, comme Isaac, pour méditer dans les champs. Bientôt il se trouva sur la lisière d’un bois, où il ne tarda pas à s’enfoncer en suivant un petit sentier que d’autres avaient suivi avant lui. Absorbé dans ses réflexions, le pasteur marche, marche encore, jusqu’à ce qu’enfin il s’aperçoive que les ombres du crépuscule se sont abaissées autour de lui. Il se demande alors avec inquiétude comment il passera la nuit, et frémit déjà à la pensée de n’avoir pour abri qu’un arbre de la forêt à la cime duquel il devra monter.

       Tout à coup il voit briller une lumière à quelque distance parmi le feuillage, et espérant qu’elle provient de quelque hutte où il trouvera un asile hospitalier ; il se dirige en hâte vers le point lumineux. Enfin il l’atteint ; mais qu’on juge de sa surprise quant, au lieu de la cabane qu’il pensait trouver, il voit dans une clairière un grand nombre de personnes réunies, et sur une plateforme improvisée avec des troncs d’arbre un orateur qui harangue l’assemblée. « Ah ! pense le bon ministre, quelle heureuse rencontre ! Je suis tombé au milieu d’âmes fidèles, qui dans cette sombre forêt se sont réunies pour adorer Dieu, et quelque serviteur de Christ les entretient sans doute, à cette heure tardive, des choses qui regardent le royaume des cieux et sa justice. » Toutefois ces impressions agréables sont de courte durée ; le pasteur s’approche, et quelle n’est pas son indignation en entendant le jeune homme qui occupe l’estrade, déclamer, de la manière la plus violente, contre son Créateur, jeter au Très-Haut d’insolents défis, proférer les blasphèmes les plus audacieux contre la justice du Tout-Puissant, et affirmer, avec une effronterie révoltante, que la vie à venir n’est qu’une fable ! …  L’ensemble de cette scène offrait un aspect des plus étranges ; des torches de pin jetaient çà et là une lueur blafarde, tandis que d’épaisses ténèbres enveloppaient le reste du tableau. L’auditoire écoutait avec avidité, et quand l’orateur se rassit, des tonnerres d’applaudissements éclatèrent de toutes parts. « Les choses ne peuvent se passer ainsi, pensa le ministre, il faut que je me lève et que je parle : l’honneur de mon Dieu l’exige ». Cependant le digne homme éprouvait un certain embarras à prendre la parole devant un tel auditoire, et avant qu’il fût parvenu à vaincre sa timidité, un incident imprévu se produisit. Un homme entre deux âges, fort, robuste et à l’air respectable, se leva, et s’appuyant sur son bâton, s’adressa en ces termes aux assistants : « Mes amis, j’ai un mot à vous dire ce soir. Je n’essaierai pas de réfuter les arguments de l’orateur qui vient de parler ; je ne critiquerai pas son style ; je ne ferai aucune remarque sur des assertions que je considère pourtant comme blasphématoires : je me bornerai à vous rapporter un simple fait, laissant à chacun de vous le soin de tirer ses conclusions. Hier je me promenais au bord de la rivière qui coule ici près ; sur ses flots j’aperçus un jeune homme, seul, dans un frêle esquif. L’esquif se précipitait vers les rapides ; le jeune homme n’en était plus maître ; il ne pouvait se servir de ses avirons ni s’approcher du rivage. Je vis alors le malheureux se tordre les mains de désespoir ; bientôt il renonce à sauver sa vie, et se jetant à genoux, s’écrie avec une ardeur passionnée : « Ô Dieu ! Sauve mon âme ! Si mon corps ne peut être sauvé, du moins, oh ! Du moins sauve mon âme ! » Puis, je l’entends confesser qu’il a été un blasphémateur, un impie ; je l’entends prendre le Seigneur à témoin que si sa vie est épargnée il ne retournera plus à ses anciennes voies ; je l’entends invoquer la miséricorde du ciel pour l’amour de Jésus-Christ, et conjurer Dieu avec instances de le laver dans le sang de son Fils …  Ces bras, continua l’orateur, ces propres bras arrachèrent ce jeune homme à une mort certaine. Je plongeai dans les flots, tirai la barque jusqu’au rivage et sauvai sa vie. Ce même jeune homme est maintenant devant vous : c’est lui qui vient de vous parler et de maudire son Créateur …  Je n’ai rien de plus à ajouter. » L’orateur se rassit. — Je vous laisse à penser, mes chers auditeurs, quel frisson glacial parcourut les veines du jeune homme à l’ouïe de ce récit, et quel murmure d’indignation s’éleva contre lui du sein de l’assemblée qui naguère l’applaudissait. Chacun reconnut que s’il est facile d’insulter le Dieu Tout-Puissant sur terre ferme et quand le danger est loin, il est beaucoup moins commode de faire le fanfaron quand on est au bord de la tombe. Tant il est vrai que tôt ou tard la conscience de l’homme le convainc que Dieu entrera en compte avec lui ! Tant il est vrai que notre texte éveille un secret écho dans toute âme humaine : si le méchant ne se convertit pas, Dieu aiguisera son épée !

       Mais il me tarde d’en avoir fini avec ce terrible sujet ; et pourtant, avant de le quitter, je dois vous rappeler quelques déclarations de la Parole sainte, qui établissent, de la manière la plus positive, que la perdition éternelle est une réalité. Ah ! Pécheurs ! Vous vous plaisez à répéter que le feu de l’enfer est une fiction, et que les flammes de l’insondable abîme ne sont qu’un épouvantail inventé par des esprits fanatiques ; mais si vous avez encore le moindre respect pour la Bible, comment osez-vous, je vous le demande, repousser une vérité qu’elle enseigne à chaque page ? Mon Maître n’a-t-il pas dit, en parlant du séjour des réprouvés : là où leur ver ne meurt point et où le feu ne s’éteint point ? — « Figure de langage, métaphore ! », vous écriez-vous. Soit ; mais s’il n’est question que d’un feu métaphorique, comment expliquez-vous, je vous prie, ces autres paroles du Seigneur Jésus : craignez celui qui peut perdre l’âme et LE CORPS en les jetant dans la géhenne ? De plus, n’est-il pas écrit que le Seigneur, au dernier jour, dira à ceux qui seront à sa gauche : allez, vous maudits, au feu éternel préparé au diable et à ses anges ? Et n’est-il pas ajouté en propres termes : Ceux-ci s’en iront aux peines éternelles ? — « C’est vrai dites-vous ; mais il n’est pas philosophique de croire qu’il y ait un enfer ; cette doctrine saurait se concilier avec les données de la raison. » Et depuis quand, orgueilleux vermisseau, aveuglé par le péché, la Parole de Dieu doit-elle subir le contrôle de ta pauvre raison ? D’ailleurs, n’y eût-il pas d’enfer, je soutiens que pour être rationnel tu devrais te conduire comme s’il y en avait un ; car, ainsi que le répondit un jour fort spirituellement un humble chrétien à un incrédule : « Dans tous les cas, mieux vaut avoir deux cordes à son arc qu’une seule ; s’il n’y a point d’enfer, je serai aussi bien partagé que vous, et s’il y en a, je le serai beaucoup mieux … » Mais pourquoi j’emploie ce ton dubitatif ? L’enfer existe — cela est certain — et vous le savez tous, ô pécheurs ! Je ne pense pas qu’il y ait un seul homme né et élevé dans un pays soi-disant chrétien, dont la conscience soit assez endurcie pour rejeter absolument cette terrible vérité. Tout ce que j’ai à faire c’est donc de poser, en finissant, à chacune de vos âmes, cette question souverainement importante : « Sentez-vous que dès à présent vous êtes en état d’habiter le ciel ? Sentez-vous que Dieu a changé votre cœur et renouvelé votre nature ? En un mot, êtes-vous convertis ? Si vous êtes forcés de répondre négativement à cette question, je vous en conjure, dites-vous bien qu’à moins que vous ne vous convertissiez, tout ce que l’éternité renferme de tourments et d’angoisses deviendra inévitablement votre partage. Oh ! Mon cher auditeur, pour l’amour de ton âme, réfléchis, réfléchis à ce que je te dis ; fais-en l’application, non à ton prochain, mais à ta propre conscience ; et puisse le Dieu Tout-Puissant se servir de cette pensée pour te conduire à la repentance !

III.

Et maintenant, indiquons, en peu de mots, quel est LE GRAND MOYEN PAR LEQUEL UNE ÂME PEUT ÊTRE CONVERTIE.

       Et d’abord, je déclare, avec la plus entière conviction, que personne ne peut de soi-même se convertir, ou, ce qui est la même chose, éprouver la repentance pour son salut. Mais alors, me demanderez-vous, quel est le but de ce discours ? Prédicateur de l’Évangile, à quoi bon nous avoir parlé de la nécessité de nous repentir, si vous croyez que nous sommes incapables de le faire ? Voici ma réponse, mes chers auditeurs. Oui, pécheur, qui que tu sois, je sais que le péché est trop profondément ancré dans ton âme, pour que tu puisses jamais, de ton propre mouvement, te tourner vers Dieu. Mais écoute ! Celui qui mourut au Calvaire a été élevé à la droite de Dieu, afin de donner la repentance et la rémission des péchés (#Ac 5:31). Sens-tu en ce moment que tu es misérable et perdu ? S’il en est ainsi, demande à Christ de te donner la repentance ; car il peut la produire en toi par son Esprit, bien que tu sois impuissant à la produire toi-même. Ton cœur est-il dur comme du fer ? Il peut le façonner dans la fournaise de son amour. Ton âme est-elle comme la pierre, même comme la pierre de la meule de dessous ? Il peut la dissoudre par sa grâce, aussi aisément que la neige se fond au soleil. Si donc tu soupires après la repentance, je ne te dirai pas : « Repens-toi », car je sais que ces paroles ne seraient qu’une dérision ; mais voici le conseil que je te donnerai. Va, pauvre âme, rentre dans ta maison, et ploie le genou devant Dieu, en lui confessant tes péchés. Dis-lui que tu ne peux pas te repentir comme tu le voudrais ; dis-lui que ton cœur est dur comme le marbre ; dis-lui qu’il est froid comme la glace. Tu peux faire cela, mon frère, pour peu que Dieu t’ait donné de sentir le besoin d’un Sauveur. Puis, dans la solitude et le silence, cherche à te souvenir de tes transgressions ; et enfin, quand la conviction de péché se sera fortement emparée de toi, va méditer dans un autre Lieu … « et où cela ? », me demandes-tu. Au Calvaire, mon bien-aimé ! Oui, assieds-toi, et relis les pages divines où sont retracés l’histoire et le mystère du Dieu qui mourut par amour ; assieds-toi, et contemple par les yeux de l’esprit cet Homme glorieux dont les pieds et les mains percés laissent échapper des ruisseaux de sang. Que si cette vue (moyennant le secours de l’Esprit de Dieu), ne produit pas en toi la repentance, oh ! Alors, en vérité, je ne connais rien qui puisse le faire. « Si vous sentez que vous n’aimez pas Dieu, a dit un vieux théologien, aimez-le jusqu’à ce que vous sentiez que vous l’aimez ; si vous pensez que vous ne croyez point, croyez jusqu’à ce que vous sentiez que vous croyez. » On peut en dire autant de la repentance. Plus d’une âme gémissent de ne pouvoir se repentir, tandis que l’œuvre est déjà faite en elle. Si c’est ton cas, mon cher auditeur, je te dirai à mon tour : conserve ta repentance, jusqu’à ce que tu sentes que tu t’es vraiment repenti. Reconnais simplement tes transgressions, confesse ta culpabilité, avoue que Dieu serait juste s’il te condamnait à la perdition éternelle ; puis recueille-toi, et dis avec une humble confiance : « Ô mon Sauveur, sur ta tête sanglante, ma main se pose par la foi ! »

       Oh ! Mon Dieu, que ne donnerais-je point pour qu’en cet instant même, quelqu’un de ceux qui m’écoutent reçût la grâce de se convertir ! Oh ! Si j’avais des mondes à ma disposition, comme je les donnerais tous avec joie, si je pouvais à ce prix acheter une seule de vos âmes et l’amener à Christ ! — Jamais celui qui vous parle ne perdra le souvenir de l’heure bénie dans laquelle la grâce de Dieu daigna se lever pour la première fois sur son âme. Je me trouvais dans une humble chapelle, parmi des chrétiens obscurs et méprisés du monde. J’y étais entré, chargé de mes transgressions, écrasé sous le poids de mon indignité. Soudain, le pasteur monte les degrés de la chaire, ouvre sa Bible, et lit cette précieuse déclaration de l’Écriture : vous tous les bouts de la terre, regardez vers moi et soyez sauvés (#Esa 45:22). Puis il me semble qu’il fixe ses regards sur moi, et je l’entends qui s’écrie : « Jeune homme, regarde ! Regarde ! Regarde ! Tu es l’un des bouts de la terre, tu le sens ; tu as besoin d’un Sauveur, et tu trembles de peur qu’il ne veuille pas te sauver. Eh bien ! Il te crie ce matin encore : Regarde ! Regarde vers moi… »

       Oh ! Comme mon âme tout entière fut ébranlée par ces paroles ! « Quoi ? Pensai-je, cet homme me connaîtrait-il, et saurait-il ce qui se passe en moi ? » J’étais tenté de le croire, tellement ce qu’il disait répondait au besoin de mon cœur. Et je regardai ! Et je me dis : « Le sort en est jeté ! Advienne que pourra, je veux me confier en Christ ; à la vie et à la mort, je me donne à lui ! » Et dans ce même instant, je fus rendu capable, par la grâce divine, de tourner mes regards vers Jésus ! Et moi, qui quelques secondes auparavant, étais abattu, découragé, prêt à tomber dans le désespoir ; moi, qui aurais préféré mourir que de continuer à vivre de la vie de remords et de souffrances que je menais depuis quelque temps, je sentis tout à coup comme si un ciel venait de naître dans ma conscience ! Je rentrai chez moi tout joyeux. Mes proches, remarquant le changement de ma physionomie, me demandèrent ce qui me rendait si heureux ; je leur dis que j’avais cru en Jésus, et qu’il était écrit : il n’y a maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ (#Ro 8:1). Oh ! Si je savais qu’une œuvre semblable s’accomplisse en ce jour dans quelque âme ici présente ! …  Où es-tu, toi, le dernier des pécheurs, le plus vil des vils ? Où es-tu ? Peut-être n’étais tu pas entré dans un lieu de culte depuis plus de vingt ans, mais te voici devant Dieu, couvert des plus noirs, des plus indignes forfaits. Pécheur, écoute le message que je t’apporte : venez maintenant, dit l’Éternel, et débattons nos droits, quand vos péchés seraient comme le cramoisi, ils seront blanchis comme la neige, et quand ils seraient rouges comme le vermillon, ils deviendront blancs comme la laine (#Esa 1:18). Et cette grâce pleine et entière, ce pardon tout gratuit, il te l’accorde pour l’amour de Jésus, à cause du sang de Jésus ! Oh ! Crois donc, pauvre âme, crois au Seigneur Jésus, et tu seras sauvée ! Crois, et alors les menaces de mon texte ne te concerneront plus. Crois, car c’est ici le décret immuable du Tout-Puissant : celui qui croira et qui sera baptisé sera sauvé, mais celui qui ne croira point sera condamné !

       CONVERSION ou PERDITION ! Pécheur, choisis !