150 - LA VIGNE STÉRILE
La parole de l’Éternel me fut adressée et il me dit: Fils de l’homme,
que vaut le bois de la vigne plus que les autres bois, et les sarments
plus que les branches des arbres des forêts? {#Eze 15:1,2}
Rien n’égalait la présomption et l’arrogance de la nation juive.
Lorsqu’elle péchait contre son Dieu, elle se flattait qu’en
considération soit de la haute sainteté de ses ancêtres, soit d’une
certaine sainteté qu’elle s’attribuait à elle -même, le pardon lui
était acquis à l’avance, quelque grave, d’ailleurs, que fût son péché.
Tant de fois la miséricorde infinie de Jéhovah s’était déployée en sa
faveur; tant de fois sa main puissante l’avait retirée des dangers les
plus imminents, que cette nation orgueilleuse en était venue à
s’imaginer, qu’enfant chéri de la Providence, elle ne serait jamais
rejetée.
C’est pourquoi le Seigneur, afin d’humilier sa fierté, lui fait
entendre, par l’organe du prophète Ezéchiel, qu’elle ne peut se vanter
d’aucune supériorité sur toute autre nation de la terre, et il lui
demande ironiquement ce qu’il y a en elle qui puisse la recommander à
la bienveillance divine. « Il est vrai, ô maison d’Israël, semble
dire le Très -Haut, il est vrai que je t’ai souvent appelée ma vigne;
je t’ai plantée sur un coteau, dans un lieu gras; je t’ai cultivée, je
t’ai entourée de mes soins; mais tu ne me rapportes aucun fruit:
pourquoi donc continuerais -je à t’avoir pour agréable? Si tu crois que
par toi -même tu vaux mieux que tout autre peuple, tu t’abuses
étrangement. Que vaut le bois de la vigne plus que les autres bais, et
les sarments plus que les branches des arbres des forêts?
Et ici, remarquons, mes frères, que ces paroles ne portent nullement
atteinte à la grande vérité de la souveraine et immuable élection de
Dieu; car le peuple d’Israël, vous le savez, n’était pas choisi en vue
du salut éternel, mais il était choisi dans ce sens qu’il jouissait de
privilèges particuliers: son élection, en tant que peuple, n’était
qu’une ombre et une image de cette élection personnelle et inviolable
que Christ a exercée envers les siens. De sa véritable Eglise élue,
Dieu ne retirera jamais son amour; mais quant à l’Eglise visible et
extérieure, il lui cache souvent sa face.
A son peuple particulier et qui lui appartient en propre, il donnera
toujours des gages de son affection; mais quant aux chrétiens de nom, à
ceux qui font simplement profession d’être ses disciples, il peut le
retirer … que dis -je? il leur retirera infailliblement
toute marque de sa faveur, - Mais pour en revenir à Israël, le
Seigneur, je le répète l’humilie par la parabole contenue dans ce
texte, en lui rappelant qu’il n’est en rien supérieur à aucun autre
peuple. Bien plus: il déclare qu’en soi il est une nation chétive
méprisable, indigne d’être mise de pair avec cèdre de Babylone ou avec
le chêne de Samar et que s’il ne porte point de fruit, il n’est bon
rien, il est absolument sans valeur.
Mes bien -aimés, cette parabole adressée primitivement à Israël, nous
allons essayer, avec le secours de Dieu, de nous l’appliquer à nous
mêmes. Deux grands enseignements me semblent en ressortir d’une manière
évidente. Le premier s’adresse aux vrais enfants de Dieu, et peut se
résumer en deux mots: SOYEZ HUMBLES. Le second s’adresse à tous ceux
qui font profession de piété, et peut se formuler ainsi: EXAMINEZ -VOUS
VOUS -MEMES
I
Soyez HUMBLES: tel est, avons -nous dit, le grand enseignement que
donne notre texte à ceux qui ont déjà goûté combien le Seigneur est
bon. Que vaut le bois de la vigne plus que les autres bois, et les
sarments plus que les branches des arbres des forêts?
En observant les diverses allusions faites à la vigne dans l’Ecriture,
il semble qu’une sorte de prééminence lui soit attribuée sur tout le
monde végétal; - témoin, par exemple, l’antique parabole de Jotham, où
les arbres sont représentés comme s’inclinant devant la vigne, en lui
disant: Viens et règne sur nous. {#Jug 9:8-15} Toutefois, si nous
considérons la vigne, indépendamment de sa fertilité, il est certain
que nous ne verrons rien en elle qui lui donne droit à aucune
distinction, encore moins à une royauté quelconque sur les autres
arbres. Sous les divers rapports de la grosseur, de la forme, de la
beauté, de l’utilité, le cep de vigne, en effet, leur est infiniment
inférieur. Il n’est propre à aucun usage, En prendra -t -on du bois
pour en faire quelque ouvrage, ou en prendra -t -on une cheville pour
pendre quelque chose? {#Eze 15:3}
A part sa fertilité, la vigne est donc à peu près inutile. Nous
l’admirons, il est vrai, lorsque nous la voyons tapisser de son riche
feuillage les murs de nos demeures; et, en Orient surtout, où les plus
grands soins étaient apportés à sa culture, elle atteignait le plus
haut degré de luxuriance. Mais qu’on prenne la vigne à son état de
nature, qu’on la laisse à elle -même, elle est, sans contredit, un des
arbrisseaux les moins intéressants les plus inutiles qui croissent sous
le soleil.
Or, mes bien -aimés, il en est de même l’Eglise de Dieu, et voilà
pourquoi l’humilité est pour elle un impérieux devoir. Les croyants
sont appelés la vigne du Seigneur; mais par nature, que valent -ils
plus que leurs frères Adam? Ils ne sont pas meilleurs que leurs
semblables; il est même des hommes du monde qui leur sont infiniment
supérieurs, soit par l’émanation de leurs sentiments, soit par
l’excellence de leurs qualités. Sans doute, par la grâce Dieu, les
chrétiens sont devenus des sarments fertiles; ils ont été plantés dans
un bon terroir et le Seigneur a étendu leurs rameaux sur les murailles
du sanctuaire, et maintenant ils ont obtenu du fruit à sa gloire.
Mais j’en appelle à leur propre témoignage, que seraient -ils sans la
miséricorde de leur Dieu? Que deviendraient ils sans l’influence
continue du Saint -Esprit qui seule féconde leurs âmes? Ne sont -ils
pas les derniers parmi les fils des hommes, les plus méprisables entre
ceux qui sont nés de femme? Considère ceci; ô croyant! Avant
conversion, qu’y avait -il en toi qui pût te rend agréable aux yeux de
Dieu? Que dis -je? Maintenant même, qu’y a -t -il en toi dont tu aies
put te glorifier? Ta conscience ne t’accuse -t -elle point sans cesse?
Est -il un seul jour de ta vie dans lequel tu n’offenses point le
Seigneur, et tes infidélités, tes égarements sans nombre ne te disent
-ils pas que tu es indigne d’être appelé son fils?
La faiblesse de ton intelligence, la fragilité de ton sens moral, ton
incrédulité toujours renaissante, tes chutes réitérées, en un mot, tes
misères de tous genres ne t’obligent -elles pas à reconnaître que tu es
moins que le moindre de tous les saints? Et s’il a plu à Dieu de faire
de toi quelque chose, ne dois -tu pas avouer que c’est uniquement par
un effet de sa grâce, de sa grâce libre et souveraine, que tu es ce que
tu es? - Ah! s’il y avait dans ce moment devant moi une âme qui, tout
en se considérant comme élue de Dieu, ne fût pas prête à s’associer à
ces aveux, mais se persuadât qu’elle a été choisie en considération de
quelque mérite ou de quelque bon sentiment qui lui était propre; - que
cette âme sache bien qu’elle n’a encore rien compris aux premiers
éléments de la grâce, et qu’elle est dans les ténèbres par rapport à
l’Évangile.
Tout homme qui a reçu la vérité d’une manière efficace doit être prêt à
confesser en toutes rencontres qu’il est le plus vil des pécheurs, le
rebut de toute la terre; que par nature il était perdu, souillé,
indigne, ou plutôt digne de la condamnation, digne de l’enfer; et que
s’il a été choisi dans le monde et rendu différent de ses semblables,
c’est uniquement à la grâce toute gratuite, à l’amour spontané et
immérité de son Dieu qu’il en est redevable. O chrétien, toi qui es
aujourd’hui grand par ta foi et grand par tes oeuvres, tu ne serais
grand que par tes péchés, si ce n’était la grâce de Dieu
O toi, vaillant soldat de la vérité, tu serais non moins vaillant à
combattre pour Satan, si une influence divine n’avait agi sur ton
coeur! Un trône de gloire t’est réservé dans le ciel; mais tu n’aurais
eu à attendre qu’une chaîne d’obscurité en enfer, si l’Esprit saint ne
t’eût transformé. Maintenant tu exaltes l’amour de ton Sauveur; mais
une chanson licencieuse serait peut -être sur tes lèvres, si la grâce
ne t’avait lavé dans le sang de Jésus.
Maintenant, tu es sanctifié, vivifié, justifié; mais, je te le demande,
que serais -tu en cet instant même, si la main du Très -Haut n’était
intervenue en ta faveur? Il n’est point de crime dont tu n’eusses pu te
rendre coupable; il n’est point d’excès, point de vice dans lequel tu
n’eusses pu tomber: peut -être, à cette heure, serais -tu un meurtrier,
si la grâce préventive de Dieu n’eût retenu ta main. Un jour, tu seras
rendu semblable aux anges; mais tu aurais été semblable aux démons, si
la grâce n’eût fait de toi une nouvelle créature.
C’est pourquoi, ô chrétien, ne t’élève jamais par orgueil. Souviens
-toi que tous tes vêtements te viennent d’en haut: des haillons étaient
ton seul héritage. Souviens -toi que la somptueuse demeure
l’inépuisable trésor qui t’attendent pour l’éternité Sont un don de ton
Père céleste: il fut un temps où tu ne pouvais dire que rien fût à toi,
si ce n’est tes péchés et ta misère. Maintenant la précieuse justice de
ton Sauveur te couvre, et revêtue de la robe Sans tache du Bien -Aimé,
ton âme est acceptée de Dieu; mais n’oublie pas que tu Serais encore
comme enseveli Sous des montagnes de péché, et enveloppé dans les
haillons souillés de l’iniquité, si Dieu n’avait eu pitié de ton
lamentable état. Et toi, ô mon frère, tu pourrais t’enorgueillir? Tu
pourrais ne pas marcher avec les humbles? Ah! étrange mystère,
inexplicable contradiction! Quoi? tout ce que tu as est emprunté, - et
tu oserais te glorifier! Tu ne possèdes rien qui t’appartienne en
propre, tu ne vis que d’aumônes, - et tu serais orgueilleux!
Misérable indigent, dénué de toute ressource, tu dépends entièrement de
la munificence de ton Sauveur, - et tu Serais vain! Pauvre âme fragile
et languissante, tu as une vie qui ne peut être alimentée que par les
ruisseaux vivifiants dont Jésus est la Source, - et tu serais fière!
Va, mon bien -aimé, défais -toi à tout jamais de ton orgueil; dépouille
-t’en au plus tôt; pends -le à un gibet aussi haut que celui d’Haman;
laisse -l’y tomber en poussière, et exècre Sa mémoire jusque dans
l’éternité; car, en vérité je te le dis parmi toutes les choses dignes
d’être maudites, haïes et méprisées, l’orgueil d’un chrétien occupe le
premier rang! L’enfant de Dieu a dix mille fois plus de motifs que tout
autre de marcher en humilité devant Son Dieu, et de se montrer doux,
indulgent et débonnaire envers ses semblables. Croyant, reçois donc
instruction de mon texte, et n’oublie jamais que la vigne ne vaut pas
plus que tous les autres arbres, si ce n’est à cause de la fertilité
que Dieu lui a départie.
II
Mais Si mon texte donne aux fidèles en particulier une leçon
d’humilité, il donne aussi à tous ceux qui se réclament du nom de
Christ un bien Sérieux avertissement. EXAMINEZ -VOUS VOUS -MÊMES,
semble -t -il nous dire; car ainsi qu’une vigne stérile est dénuée de
toute valeur, ainsi l’homme qui fait profession de piété sans porter
les fruits convenables à la piété, est l’être le plus inutile et le
plus méprisable qui soit ait monde.
Etudions ce grave sujet, mes chers amis. Et tandis que je parlerai,
puissent mes paroles pénétrer dans chacune des âmes ici présentes, en
Sorte que tous ensemble, ministres et laïques, anciens de l’Eglise et
simples auditeurs, nous soyons portés à Sonder nos coeurs et nos reins,
afin de reconnaître si réellement nous sommes dans la foi ou bien si
notre prétendue piété ne serait pas un vain et stérile formalisme.
En abordant notre sujet, quatre questions se présentent naturellement à
l’esprit. En premier lieu: Où trouve -t -on la vigne stérile, c’est -à
-dire le chrétien formaliste? ou, ce qui revient à peu près au même:
Comment peut -on le reconnaître? En second lieu: D’où vient qu’il soit
stérile? En troisième lieu: Quel est le cas que Dieu fait de lui? Et en
quatrième lieu: Quelle sera sa fin? Reprenons successivement chacune de
ces questions.
Et d’abord: Où trouve -t -on le chrétien formaliste? Je réponds:
Partout. Oui, mes chers amis, partout: en bas et en haut, dans les
chaires et sur les bancs, dans l’Eglise et dans le monde. Il n’est pas
d’assemblée de croyants où ne se glisse quelque faux frère. Ne nous
préoccupons donc pas des autres communions religieuses, mais disons
-nous qu’il y a des formalistes dans notre Eglise, qu’il y en a dans
cette assemblée. A quelque portion de la vigne du Seigneur que vous
apparteniez, soyez sûr qu’elle renferme dans son sein plus d’un sarment
stérile; - et qui vous dit que vous n’en êtes pas un vous -même?
Le formaliste se rencontre dans toutes les positions, dans tous les
rangs de la société. Tantôt, il est riche; il nage dans l’opulence;
Dieu lui a donné une grande part des biens de la terre, et peut -être
l’Eglise à laquelle il se rattache, oubliant que Dieu a choisi les
pauvres de ce monde, est fière de le compter parmi ses membres. Elle
l’honore d’une façon particulière; et pourtant, que reçoit -elle de
lui, en retour des hommages qu’elle lui prodigue? Rien, ou presque
rien. Ses pauvres sont encore dans le dénuement; ses ressources ne sont
pas augmentées par les trésors de l’homme riche; ou si elle reçoit un
peu de son or, du moins n’est -elle ni soutenue par ses prières ni
honorée par la sainteté de sa vie, car il marche dans la voie des
pécheurs et se plonge dans les voluptés, ne se servant de la religion
que comme d’une sorte d’uniforme sous lequel il espère cacher sa
conduite indigne.
- Mais s’il faut souvent aller chercher le formaliste parmi les riches,
il se trouve souvent aussi parmi les pauvres. Combien de personnes
appartenant à la classe indigente qui se sont jointes à telle ou telle
Eglise et qui ont reçu de la part des fidèles l’accueil le plus
cordial! On se félicitait de voir la pauvreté et la grâce se donner la
main; on se réjouissait à la pensée que la piété allait embellir la
cabane du pauvre, et faire de son humble demeure une demeure de paix.
Mais, hélas! bientôt on a découvert que ce pauvre se dégradait lui
-même en s’adonnant à des habitudes vicieuses, et déshonorait son Dieu
en se conduisant d’une manière indigne de sa profession: il était
buveur, jureur ou paresseux, en sorte que bien loin d’être un membre
utile de l’Église, il était pour elle un fardeau et un opprobre.
Tantôt, l’on trouve des formalistes dans ces hommes de grand savoir et
de haute intelligence, dans ces théologiens érudits qui mènent, pour
ainsi dire, l’avant -garde de l’armée de Dieu; dont la parole est
éloquente et persuasive, dont l’opinion fait loi, qui parlent comme des
prophètes et qu’on regarde presque comme inspirés. Ils ont sans nul
doute porté des fruits de science, de popularité ou de philanthropie;
mais leurs coeurs n’étant pas droits devant Dieu, leurs oeuvres,
excellentes en elles -mêmes, n’ont rien de commun avec la
sanctification; c’est pourquoi la fin de ces hommes ne saurait être la
vie éternelle. {#Ro 6:22} C’est en vain qu’on chercherait en eux les
fruits de l’Esprit; car ils ne sont point des sarments vivants de ce
cep divin duquel seul procède toute vie.
- Mais si d’une part il y a des formalistes parmi les sages et les
intelligents, de l’autre il y en a parmi les petits et les illettrés.
Gens modestes et sans prétentions qui parlent peu et dont personne ne
parle, ils se glissent régulièrement chaque dimanche dans la maison de
Dieu, s’assoient à leur place accoutumée, écoutent le sermon, puis s’en
vont, persuadés que par le seul fait de leur présence au culte divin,
ils ont rempli leurs devoirs religieux. En général, ils sont
silencieux, réservés, et se plaisent dans l’isolement. Paresseux et
égoïstes, ils se replient sur eux -mêmes et ne font rien pour autrui;
vigne stérile, ils occupent inutilement la terre.
Et de même qu’il y a des formalistes dans toutes les conditions
sociales, de même il y en a dans toutes les conditions spirituelles.
C’est ainsi, par exemple, qu’on peut en trouver parmi ces âmes qui sont
toujours à craindre et à douter. Comme le croyant faible et mal
affermi, ils répètent souvent:
Hélas! mon, coeur tremblant se demande sans cesse Suis -je au monde ou suis -je au Seigneur?
Ils expriment constamment la crainte de ne pas aimer Jésus. Et en
vérité, ce n’est pas sans raison qu’ils ont des craintes à cet égard;
car s’ils ne portent point de fruit, s’ils ne s’étudient point à
affermir leur vocation et leur élection, ils témoignent hautement par
là que, malgré leur simulacre de religion, ils n’ont aucune part en
Christ. - Mais, d’un autre côté, il faut souvent aller chercher le
formaliste parmi ceux qui ne doutent jamais. Aussi haut que qui que ce
soit, il dira, sans rougir et sans hésiter: « Je sais en qui j’ai
cru; je sais que je suis chrétien; que d’autres aient des doutes, c’est
possible; quant à moi, je suis certain que mes péchés ne peuvent pas
plus me condamner que ma justice ne saurait me sauver. Quoi qu’il en
soit et quoi que je fasse, je suis au Seigneur … » Ah!
pauvre âme aveuglée, Dieu veuille dissiper ta funeste illusion et te
faire reconnaître que, malgré ta confiance, tu ne vaux pas plus que
celui qui doute toujours et ne croit jamais!
Il y a tel formaliste qui, invité à prier dans une réunion fraternelle,
s’excuse toujours sous un prétexte ou sous un autre, qui néglige le
culte de famille, et probablement aussi ses dévotions particulières.
Mais par contre, il y a tel autre formaliste qui se lève avec
empressement et qui prie pendant un quart d’heure avec une abondance
remarquable. Il a beaucoup de paroles, mais point de fond; beaucoup de
feuilles, mais point de fruits; il possède le don de bien parler, mais
non celui de bien vivre; il s’exprime bien, mais agit mal; il est pieux
dans son langage, mais non dans sa conduite; il sait discourir des
choses saintes, mais il ne sait pas marcher saintement avec son Dieu et
le servir avec joie.
- Mes chers auditeurs, je ne connais pas chacun de vous
individuellement; j’ignore quels sont votre caractère, votre
réputation, vos habitudes, votre moralité; mais je sais une chose:
c’est que quelque considérés que vous soyez dans le monde, quelque
confiance que vous inspiriez à l’Eglise elle -même, vous n’êtes
nullement en droit de conclure, sans vous être préalablement examinés
avec soin, que votre piété est autre chose qu’un froid et vain
formalisme. Sachez -le bien, il est très facile de se séduire soi
-même.
Tous les, arbres stériles ne croissent pas dans le désert du monde; il
en est, hélas! un trop grand nombre qui étendent leurs rameaux sans
sève et sans vie au centre crème du jardin de Dieu. Je le répète, les
formalistes se trouvent partout: il y en a de tout genre et de tout
caractère; il y en a de tout rang et de toute condition; il y en a
parmi les grands comme parmi les petits; parmi les savants comme parmi
les ignorants; parmi les riches comme parmi les pauvres; parmi les
membres les plus timides, les moins connus d’un troupeau, comme parmi
ceux qui se mettent le plus en évidence. A chacun donc de s’examiner
soi -même!
Mais dois -je essayer de vous décrire le formaliste avec plus de
détails encore? - Voyez cet homme qui néglige la prière du cabinet et
qui ne marche point devant Dieu en public; cet homme qui rend à son
Créateur un culte hypocrite, et qui, tout en affectant le plus grand
respect pour ses devoirs religieux, use de déloyauté dans les affaires,
et de fraude dans son commerce; cet homme enfin, qui, semblable aux
Pharisiens orgueilleux dont le Seigneur disait qu’ils dévoraient les
maisons des veuves, cache habilement ses iniquités, puis va, le front
haut, se présenter devant Dieu, en s’écriant: O Dieu! je te rends
grâces de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes! Voilà un
formaliste, mes frères! voilà un sarment stérile! il fait profession de
christianisme, c’est vrai, mais il ne porte aucun fruit qui vienne à
maturité.
Voyez encore cet homme qui se fait gloire de sa moralité et de son
excellence; il se confie dans ses oeuvres et se flatte d’être sauvé par
ses mérites; il s’approche de Dieu, et lui demande son pardon; mais un
mensonge est dans sa main droite, et ses lèvres sont des lèvres
trompeuses, car il apporte avec lui sa propre justice et il ne croit
point avoir besoin de la grâce qu’il sollicite. Lui aussi est un
formaliste, lui aussi est un sarment stérile, car il n’a de la religion
que les dehors et l’apparence.
Et qu’est -il de plus qu’un formaliste, cet homme si rigide, si
inflexible sous le rapport de la doctrine, mais si relâché, si
accommodant sous le rapport de la vie? Il est très orthodoxe en
théorie, mais il l’est fort peu en pratique. Il fait grand bruit de ses
croyances, mais il les désavoue par sa conduite. Il est le premier à
chanter:
C’est pour l’éternité que le Seigneur nous aime;
mais évidemment il n’a jamais eu de part l’amour de Christ, puisque au
lieu d’aimer et servir son Maître, il continue à pécher afin que la
grâce abonde.
Mais que fais -je ici en m’efforçant de vous démasquer, ô hypocrites?
Puisse le Seigneur lui même vous démasquer en cet instant devant vos
propres consciences. Ah! que d’arbres stérile que de chrétiens purement
extérieurs, que de membres indignes de l’Eglise n’y a -t -il pas dans
cet auditoire! Oh! qu’elles sont nombreuses les âmes auxquelles
pourrait justement s’adresser la malédiction prononcée contre Méroz:
Maudissez Méroz, a dit l’ange de l’Eternel; maudissez, maudissez ses
habitants; car ils ne sont point venus au secours de l’Eternel, au
secours de l’Eternel, avec les hommes puissants! {#Jug 5:23} Combien
bien parmi vous, en effet, qui se contentent de manger le plus gras du
pays, et de boire le vin doux, {#Ne 8:10} sans porter aucun fruit à la
gloire du Seigneur?
Paresseux lssacars, vous vous tenez couchés, comme un âne gros et fort,
entre des jougs, {#Ge 49:14} sans rien faire pour votre Maître vous
traversez la vie, sans parler de Christ, sans prier pour Christ, sans
donner à Christ, sans vivre pour Christ! Vous avez la réputation d’être
vivants, mais vous êtes morts; vous vous drapez dans une profession
extérieure de piété, mais vous ignorez absolument ce que c’est que de
se consacrer à Dieu et de s’offrir tout entier à lui en sacrifice
vivant et sain. - Jugez vous -mêmes, mes frères, de ce que je dis; si,
en cet instant, vous étiez passés au crible, combien d’entre vous
sortiraient purs de cette épreuve.
N’est -il pas vrai qu’il y a dans nos Eglises un grand nombre de soi
-disant chrétiens aux prétentions élevées, qui volent haut, mais ne
font rien; qui sont empressés à parler de l’Evangile, mais lents à
vivre selon l’Evangile; qui se plaisent peut -être à entendre annoncer
la vérité, mais qui ne pratiquent pas cette vérité, en servant leur
Dieu et en honorant sa sainte cause? A de tels chrétiens, je dis
hautement: Vous êtes les êtres les plus inutiles, les plus destitués de
valeur, qui existent dans le monde. Comme la vigne, vous seriez
honorables si vous portiez du fruit; mais de même qu’un cep improductif
est méprisable, de même vous n’êtes bons à rien qu’à être jetés dehors
et brûlés au feu.
Et maintenant je passe à la seconde question D’où vient que les âmes
dont nous parlons soient stériles? La réponse est bien simple: parce
que leur piété n’a point de racines, - Oui, il n’est que trop vrai,
beaucoup de membres de nos Eglises n’ont pas la moindre racine en eux
-mêmes. Il se peut qu’ils aient de beaux dehors, et que de loin leur
aspect séduise; mais encore une fois les racines leur manquent. Ne vous
souvient -il pas de ce jeu de votre enfance, alors que vous cueilliez
quelques fleurs et que vous enfonciez leurs tiges dans la terre? Vous
appeliez ce parterre improvisé « votre jardin »; puis le
lendemain, vous couriez le visiter, mais toutes les fleurs étaient
fanées et mortes.
Ainsi en est -il de beaucoup de prétendus chrétiens: jolie fleur mise
en terre sans racine, n’ayant aucune adhérence au sol, et par
conséquent ne puisant en lui aucun suc nourricier, leur piété se
flétrit et meurt sans avoir porté aucun fruit agréable à Dieu. Tu t’es
trop hâté, ô mon frère. Tu as dit à ton pasteur: « Je désire être
reçu dans l’Eglise. » Celui -ci t’interroge, s’assure que tu
connais la vérité; tu lui affirmes solennellement que ton coeur est en
paix avec Dieu. Alors, il te baptise (On sait que le Rév. Spurgeon
appartient à l’Église baptiste, et que dans cette Eglise nul ne peut
recevoir les eaux du baptême ou participer à la cène sans avoir fait
une profession de foi individuelle. -Note du Traducteur.), te reçoit au
nombre des enfants de Dieu; mais hélas! ta vie religieuse n’avait point
de racines; aussi qu’est -il arrivé? Après un temps, elle a séché. Les
ardeurs du soleil l’ont brûlée, ou bien elle va s’étiolant de jour en
jour, sans porter aucun fruit. Et comment aurait -il pu en être
autrement puisqu’elle n’avait aucune racine? C’est à la racine, mon
frère, que tu aurais dû songer tout d’abord; puis les branches auraient
crû d’elles -mêmes; mais c’est le contraire que tu as fait: de là
provient ta stérilité.
Et ici j’éprouve le besoin de m’adresser tout particulièrement aux
jeunes gens de mon troupeau. Le dirai -je? Je tremble souvent en
pensant à eux, car je crains que dans bien des cas ils ne prennent pour
une véritable conversion ce qui n’est que le résultat de l’entraînement
ou d’une excitation passagère. Ils ont peut -être éprouvé pendant un
temps un certain travail dans leur conscience; toutefois ce travail
n’était pas assez profond, assez réel pour être divin; aussi ne saurait
-il durer. Mais alors même que toute trace de piété intérieure s’est
évanouie, malheureusement la profession extérieure reste, et ils se
font de cette profession même un oreiller de sécurité. « Nous
sommes membres de l’Église, se disent -ils; nous n’avons donc rien à
craindre. » Avertissez -les solennellement; insistez sur le
devoir de s’examiner soi -même: vos paroles ne les touchent point. Ils
sont baptisés, admis à la cène; ils ont en quelque sorte franchi le
Rubicon qui sépare le monde de l’Église; que leur faut -il de plus? Oh!
je ne saurais dire combien je tremble pour ces jeunes âmes! Sans doute,
je gémis à cause de l’endurcissement des incrédules; mais je gémis bien
plus amèrement encore à cause du fatal aveuglement de ces pauvres
coeurs abusés; car comment espérer parvenir à faire impression sur eux,
puisqu’ils se croient dans le meilleur état possible, tant qu’en
réalité ils sont dans un fiel très amer dans les liens de l’iniquité?
Mes jeunes amis, je ne voudrais décourager aucun de vous d’entrer dans
les voies de la piété; mais voici ce que je vous dis: examinez -vous
vous -mêmes avant de faire profession d’appartenir à Dieu. Je voudrais
en aucune manière empêcher ceux d’entre vous qui aiment le Seigneur
Jésus confesser franchement leur Maître et de se joindre à l’Église;
mais je vous en supplie, sondez vos coeurs et éprouvez vos reins. Que
de personnes qui se sont crues converties sans l’être réellement! Que
de milliers d’âmes qui ont ressenti une fois ou l’autre des impressions
sérieuses, éprouvé pendant plus ou moins de temps une sorte de
changement, un certain malaise intérieur, mais chez qui toutes ces
impressions se sont ensuite évanouies comme un songe.
Permettez -moi de vous citer un fait qui vient à l’appui de ce que
j’avance. Il y a peu de jour que je reçus la visite d’un excellent
homme, qui est aujourd’hui, je le crois, un véritable enfant de Dieu,
et qui venait me dire qu’il avait été récemment convaincu de péché par
le moyen ma prédication. Il me raconta en peu de mots quel avait été
son passé religieux. « Je suis dans la Nouvelle -Angleterre, me
dit -il, et baptisé dans mon enfance. J’étais encore bien jeune
lorsqu’un réveil se manifesta dans mon village natal. C’est à peine
s’il y eut un jeune garçon ou une jeune fille qui ne donnât pas des
signes de conversion; moi -même je fus vivement impressionné. Il n’y
avait point assurément dans tout le village un coeur aussi endurci que
le mien; toutefois, mon péché me trouva à la fin. Je me souviens que je
pleurais abondamment devant Dieu et le priais avec ferveur. J’allai
trouver le pasteur, je lui dis que j’étais converti; je le trompai et
fus admis dans l’Église … .. Peu de temps après, j’étais
plongé dans les vices les plus noirs et j’avais renoncé à toute
profession de piété. Après avoir fini mes études, mon inconduite devint
si criante que je fus excommunié, et jusqu’à ces derniers temps j’ai
vécu dans une complète incrédulité, sans donner une seule pensée à mes
intérêts éternels. »
Vous le voyez, mes chers amis, il est facile de se faire illusion.
Prenez donc garde, je vous en conjure. Bien des personnes s’élancent
dans la piété sans plus de réflexion que si elles s’élançaient dans un
bain; mais le plus souvent elles en ressortent aussi vite qu’elles y
sont entrées, car leur coeur appartient encore au monde.’ Peut -être
ces personnes croyaient -elles sincèrement s’être données au Seigneur,
mais l’édifice de leur foi pêchait par sa base; aussi, tôt ou tard, il
s’écroule.
Ce qui fait que nos Eglises comptent tant de membres stériles et morts,
c’est parce qu’on ne se préoccupe pas assez des premiers commencements;
on ne prend pas assez garde au point de départ; on ne tient pas assez
compte des premières lueurs de l’aube du jour; on confond trop aisément
le pâle et vacillant lumignon de ses propres espérances avec les
premières clartés du Soleil de justice; et, parce que la loi a blessé
la surface de la conscience, on se figure que la main du Seigneur a
porté le coup de mort à l’homme naturel, tandis qu’on est encore
complètement étranger à l’oeuvre bien autrement puissante, profonde et
efficace de l’Esprit de Dieu. Ne nous reposons donc pas trop sur nos
expériences, sur nos sensations, sur nos bons désirs eux -mêmes; ne
nous hâtons pas de poser en fait que nous sommes enfants de Dieu, sans
nous être assurés avec soin que nous avons droit à ce titre. Revenons
souvent en arrière, et recommençons comme tout de nouveau notre course;
allons continuellement à Christ, en lui disant comme au premier jour:
Je viens à tes pieds, les mains vides;
Tout mon espoir est en ta croix!
Car, ne l’oublions pas, mes bien -aimés: toute piété qui n’a pas eu de
bons commencements, c’est -à -dire qui a commencé ailleurs qu’au pied
de la croix de Christ, ne saurait être que stérile et vaine.
Quel est le cas que Dieu fait du formaliste telle est la troisième
question que nous nous sommes posée. Je ne demande pas, remarquez -le,
quel cas il fait de lui -même; car, en général, le formaliste a une si
haute opinion de son mérite, qu’en vérité celui -là ferait bien vite
fortune qui l’achèterait à sa véritable valeur, pour le revendre
ensuite au prix auquel il s’estime. Je ne demande pas non plus ce que
pensent du formaliste ceux qui le connaissent superficiellement. Il est
possible que l’Eglise à laquelle il vient de se rattacher le tienne en
haute estime; pasteurs et fidèles le louent à l’envi. Peut -être est
-ce un homme haut placé; on est flatté de sa seule présence dans le
lieu de culte, on s’empresse de le revêtir de la dignité d’ancien. De
ces sortes d’appréciations, je n’ai point à m’occuper; c’est
l’appréciation de Celui qui sonde les coeurs et les reins que je tiens
à constater. Or, voici ce que Dieu pense de tout homme qui fait
profession d’être pieux sans être sincère: il n’est rien au monde de
plus inutile qu’un tel homme.
Et chose remarquable! ce jugement que le Seigneur porte sur le
formaliste devient, à mesure qu’il est mieux connu, celui de tout le
monde. En voulez -vous des preuves? Interrogeons le troupeau dont il
fait partie depuis des années. « A quoi vous a servi ce
formaliste? Quel bien vous a -t -il jamais fait? membres de l’Eglise,
répondez! Vous soulage -t -il dans vos détresses? vous console -t -il
dans vos afflictions? Lorsque votre pasteur est lassé, soutient -il par
la prière ses mains défaillantes? Lorsque l’heure du combat a sonné,
marche -t -il à la tête des soldats de Christ? Quel service vous a -t
-il rendu? quel service vous rend -il encore? » Membres de
l’Eglise! je vous entends vous écrier tout d’une voix: « Arrière
de nous le formaliste! il n’est bon à rien, il n’est propre à aucun
usage. Loin de servir l’Eglise, il lui fait tort, car sa vie est en
contradiction avec ses principes. Sarment stérile, qu’on le retranche
du milieu de nous! »
Ainsi chassé de l’Eglise, où se réfugie le formaliste? Dans le monde.
Et quel accueil y reçoit -il? Ecoutons. « Enfants du monde, que
pensez -vous de cet homme? Il fait profession de piété: quel cas en
faites -vous? - Arrière de nous les gens de son espèce! nous répondent
-ils avec dédain; cet homme, n’a aucune consistance, il tourne à tous
les vents: aujourd’hui il prend les airs d’un saint; demain il se
conduira comme un des nôtres. Qu’il aille où bon lui semble! nous ne
voulons point de sa compagnie. »
Quoi? le monde comme l’Eglise repousse le malheureux! Mais sûrement sa
famille du moins lui rendra un meilleur témoignage. Demandons à son
fils: « Jeune homme, à quoi t’a servi la piété de ton père? Que
lui dois -tu? - Ce que je lui dois? répond le fils, absolument rien. Il
est vrai que mon père demande à Dieu avec une apparente ferveur de me
convertir; mais il se lève de ses genoux pour donner carrière à son
humeur irascible. Il est violent et emporté. Que de fois ne m’a -t -il
pas frappé avec colère, sans aucune provocation de ma part? Le
dimanche,: il va régulièrement au culte, et il exige que ses enfants
l’y accompagnent; mais nous savons ce qu’il fait le lundi: il s’enivre,
ou jure, ou ment, ou se met en colère … .. Il m’a fait
prendre le christianisme en aversion, il m’a rendu incrédule: voilà
tout ce que je lui dois. »
Du fils, passons à l’épouse. « Que pensez -vous de votre mari?
lui dirons -nous; il y a longtemps qu’il fait profession de piété: qu’y
avez -vous gagné? - Hélas! répond la pauvre femme, il ne me sied pas,
je le sais, de mal parler de mon mari, mais la vérité m’oblige à dire
qu’il m’a rendue la plus malheureuse des femmes. Je crois que je serais
aujourd’hui une véritable chrétienne, si je n’avais eu sous les yeux le
triste spectacle de ses inconséquences. Il m’a scandalisée, il m’a
brisé le coeur. Il a toujours été une pierre d’achoppement pour
moi … »
Mais poursuivons notre interrogatoire. Que la servante comparaisse à son tour devant nous.
« Jeune fille, que pensez -vous de votre maître? il se donne pour
un homme religieux; qu’avez -vous à dire sur son compte? - Avant de me
placer chez lui, réplique la servante, je me figurais que les chrétiens
étaient de dignes gens, avec lesquels on devait s’estimer heureux
d’avoir affaire; mais si tous les chrétiens ressemblent à mon maître,
j’avoue que je préférerais gagner moitié moins et servir un homme du
monde; voilà tout ce que je puis dire. »
Mais notre formaliste est peut -être à la tête d’un grand commerce,
d’une industrie considérable. Il jouit de la considération publique; il
passe pour un homme excellent. N’a -t -il pas fait un don généreux en
vue de la construction de telle église? Ne contribue -t -il pas
annuellement à l’entretien de telle école? Toutefois, ne nous en tenons
pas à ces vagues renseignements; questionnons ses commis, ses ouvriers.
Demandons -leur, à eux aussi, ce qu’ils pensent de leur patron. «
Ce que nous en pensons? répètent -ils ironiquement, c’est qu’il est le
plus mauvais payeur de la paroisse, et qu’il est bien dur d’être à sa
merci. - Mais sa piété? - Sa piété! C’est une indigne comédie, et rien
de plus! Autrefois, nous fréquentions le culte divin; mais nous sommes
droits, nous sommes sincères, et nous avons préféré ne plus y assister
que de nous y trouver en face d’un misérable hypocrite tel que lui.
»
Mes frères, les portraits que je trace ne sont pas fictifs, ils sont
réels et, sans aller bien loin, je pourrais, je n’en doute pas, trouver
des hommes qui ressemblent fort à ces portraits. Et maintenant je
réitère ma question: que valent de tels hommes? à quoi sont -ils bons?
S’ils disaient franchement: « Je ne suis pas chrétiens »,
ils agiraient du moins en êtres sensés et rationnels. Car, en
‘définitive, si Baal est Dieu, il est juste que Baal soit servi, et si
le monde vaut la peine qu’on l’adore, il est juste qu’on l’adore
loyalement, de tout coeur, sans faire tort à Satan d’une seule parcelle
de ce qui lui est dû.
Mais si Dieu est Dieu, si l’Éternel est l’Éternel, que dire de l’homme
qui vit dans le péché, tout en affectant de le servir et en parlant de
sa grâce? Le Seigneur le repousse loin de lui avec horreur; il le
désavoue, il le regarde comme un objet vil et indigne entre tous.
Semblable à la vigne qui ne porte point de fruit, ce soi -disant
chrétien vaut moins que rien; il occupe la terre en pure perte, car il
ne se conduit pas d’une manière digne de l’Évangile. Mes chers amis, je
ne voudrais rien avancer qui pût vous paraître exagéré ou imprudent,
mais croyez bien que je dis ceci de sang -froid et après mûres
réflexions. S’il se trouvait quelqu’un parmi vous qui fit profession de
piété, mais dont la conduite prouvât que cette profession n’est que
feinte et mensonge, je l’engage sérieusement - (et je le répète, je dis
ceci en pesant la portée de mes paroles), - je l’engage à renoncer
complètement aux formes de la religion et à se montrer tel qu’il est.
Oui, mes chers auditeurs, je vous en supplie, ayez au moins le mérite
de la franchise. Ne boitez pas des deux côtés. Ne jouez pas double jeu.
Si Dieu est Dieu, servez -le, et servez -le sans réserve, sans partage.
Si Baal est Dieu, si Satan est un bon maître, si vous désirez vivre à
son service et gagner son salaire, libre à vous; - servez -le. Mais, au
nom de votre âme, ne mêlez pas le service de Dieu et le service de
Satan! Soyez ou tout l’un ou tout l’autre: chrétien ou mondain, enfant
de lumière ou enfant de ténèbres. Renoncez à votre hypocrite formalisme
et ayez le courage de vous déclarer hautement serviteur du diable, ou
bien gardez votre profession de piété et vivez comme un serviteur de
Dieu: encore une fois, soyez ou’ tout l’un ou tout l’autre. Mes frères,
je vous exhorte, solennellement à choisir dès aujourd’hui qui vous
voulez servir. C’est en vain, sachez -le, que vous essaieriez de faire
de la conciliation en pareille matière: nul ne peut servir deux
maîtres; vous ne pouvez servir Dieu et Mammon. {Matthieu 7:24}
Et maintenant, il ne me reste plus qu’à répondre à cette question:
Quelle sera la fin de la vigne stérile? Le prophète nous dit qu’elle
sera consumée par le feu. Et en effet, quand un vieux cep ne porte plus
de fruits, que devient -il? Le vigneron l’arrache, le jette de côté
avec le bois mort et les mauvaises herbes, puis il est brûlé. Tout
autre arbre serait du moins réservé pour le feu du maître; mais le cep
est tellement méprisable qu’il est mis au rebut pour être employé à des
usages vils. L’antique et robuste chêne des forêts est brûlé, lui
aussi, il est vrai; mais ses funérailles sont dignes de sa grandeur
passée; il tombe en cendre avec honneur et il y a de l’éclat dans sa
flamme.
Mais quant à la vigne stérile, on là traite: avec mépris; on la laisse
se consumer lentement et ignominieusement, au milieu de débris de
toutes sortes; en un mot, sa fin est misérable su plus haut degré. Il
en sera de même du formaliste. Sans doute, tout homme qui n’aime pas
Dieu périra; mais celui qui prétend l’aimer sans l’aimer réellement,
périra avec une double mesure d’ignominie. Non seulement il ne sera pas
enseveli dans le sépulcre des rois, mais encore ce qui est dit d’un
ancien roi d’Israël peut lui être appliqué dans un certain sens: Il
sera enseveli de la sépulture d’un âne, il sera traîné et jeté hors des
portes de Jérusalem. {#2Ch 21:20 Jer 22:19}
Oui, la damnation d’un formaliste sera, j’en suis convaincu, le
spectacle à la fois le plus terrible, le plus ignoble, le plus
effroyable que l’enfer puisse jamais voir! Lorsque Satan, plein d’une
haine diabolique contre son Créateur, fut précipité du ciel, il y eut
du moins une sorte de grandeur dans sa chute, comme il y avait eu
quelque chose de hideusement sublime dans son péché. De même, quand un
hardi blasphémateur, quand un impie audacieux est lancé en enfer, il y
a dans leur perdition un certain caractère de grandeur et de majesté,
et cela, parce qu’ils ont eu le courage de se montrer tels qu’ils
étaient. Mais lorsqu’un homme qui s’est fait un masque de la piété sera
envoyé en son lieu, qui pourrait dire le surcroît de honte, d’opprobre,
de confusion, d’amertume incomparable qui accompagnera son supplice?
Il me semble que je vois l’incrédule avoué soulevant ses chaînes de
feu, saluer par un sifflement ironique le ministre hypocrite qui arrive
en enfer. « Aha! Aha dira -t -il, te voici donc au milieu de
nous! Tu me reprenais autrefois à cause de nues blasphèmes, à cause de
mes débauches, et maintenant te voici dans l’enfer des débauchés et des
blasphémateurs! » - « Aha! reprendra un autre damné, je te
reconnais, austère et rigide pharisien! Te souvient -il du jour où tu
me déclaras que je périrais si je demeurais incrédule; et toi, qu’as
-tu gagné, je te prie, à jouer le croyant? Va! tu es le plus vil
d’entre nous! Je suis perdu comme toi, mais du moins je n’ai pas rougi
de servir mon maître, tandis que toi, lâche hypocrite, tu n’as eu le
courage de bien servir ni Dieu ni Satan! » - Et une autre voix
hurlera du fond de l’abîme: « Ministre de l’Evangile! chante
-nous maintenant un de ces, cantiques que jadis tu avais toujours sur
les lèvres; cite -nous quelque passage de la Bible; parle -nous
d’élection, de grâce, de sainteté … » Et d’un bout à
l’autre de l’enfer retentiront des sifflements, des injures, des cris
d’indignation et de rage à l’adresse de celui qui se disait chrétien,
qui même enseignait les autres, mais dont le coeur n’était pas droit
devant Dieu!
Pour ma part, mes frères, je vous le déclare, il n’est aucune
réprobation qui me semble plus à redouter que la réprobation réservée
aux hypocrites apostats, - à ces hommes sans pudeur ni conscience qui
prétendent aimer le Seigneur, glosent sur des sujets religieux,
défendent avec chaleur le christianisme, participent à la sainte Cène,
parlent des heureux effets d’une bonne communion, se lèvent pour prier
dans les assemblées fraternelles, et expriment l’assurance qu’ils
seront exaucés à cause de leur foi, mais qui tout en se couvrant ainsi
du manteau de la religion, commettent des choses abominables; opprimant
le chétif, faisant tort à l’orphelin et pratiquant toutes sortes
d’iniquités. Oh! en vérité, j’estime que la condamnation particulière
qui fondra sur de tels hommes sera deux fois plus redoutable, deux fois
plus écrasante, que celle de toute autre classe de pécheurs.
Il me semble qu’en enfer il y aura comme un autre enfer, où les damnés
les plus coupables seront comme damnés une seconde fois; et là seront
jetés les hypocrites, tous ceux qui ont été avec nous, mais qui
n’étaient pas des nôtres, qui prétendaient appartenir à Christ, mais
qui n’étaient que de vils imposteurs! Oh! formalistes qui m’écoutez, je
vous en supplie: si vous ne voulez pas aggraver votre condamnation, si
vous ne voulez pas attiser vous -mêmes le feu qui ne s’éteint point, si
vous ne voulez pas que vos chaînes soient rendues plus pesantes, votre
rage plus hideuse, vos imprécations plus désespérées, je vous en
supplie, quittez, quittez sans délai cette profession de piété dont
vous êtes indignes. Ou bien décidez -vous pour le Seigneur; sortez de
cette enceinte contrits et humiliés, et, rentrés chez vous, ployez le
genou devant Dieu, en lui demandant de vous sonder, de vous éprouver,
de vous rendre intègres et droits devant sa face.
Prenez la ferme résolution de renoncer à ce honteux système de
duplicité et de fourberie que vous avez suivi trop longtemps. Ne vous
drapez plus dans les robes de la sainteté extérieure pour cacher les
souillures qui couvent en dessous. Soyez vrais, soyez sincères. Si, à
vos risques et périls, vous voulez continuer à vivre loin de Dieu,
soyez des pécheurs qui se donnent pour ce qu’ils sont, et non de vils
et rampants hypocrites. Que vaut le bois de la vigne plus que tous les
autres bois? Sans contredit, il vaut beaucoup moins; c’est pourquoi, si
la vigne ne porte pas de bons fruits, sa fin sera la plus terrible, la
plus infamante, la plus lamentable qui se puisse imaginer.
Mes chers auditeurs, cela ne vous émeut -il point? Cela n’ébranle -t
-il point vos consciences? Ah! vous tremblez probablement, vous qui
n’avez point sujet de trembler; mais quant à ceux que ces dures vérités
devraient transpercer jusqu’au fond de l’âme, hélas! je le crains, ils
demeurent impassibles. L’avertissement que le Seigneur vient de vous
faire entendre retentira dans le coeur des vrais enfants de Dieu, comme
le cri du prophète: {#Jer 48:31} Hurlez, hurlez, à cause de Moab! mais,
hélas! Moab lui -même ne hurlera point! vous gémirez sur Kir -Hérès,
mais Kir -Hérès ne gémira point sur elle -même! Vous pleurerez sur les
hypocrites de votre connaissance, mais, quant à eux, ils se retireront
dans leurs demeures, tranquilles et satisfaits, en se disant les uns
aux autres:
« Discours énergique aujourd’hui, mais qui ne nous concernait en
rien. » Puis, ils iront, avec une froide présomption, avec une
inconcevable assurance, prendre d’une main la coupe du péché, et de
l’autre la coupe du Seigneur; chanter un soir des chansons profanes, et
le lendemain ‘Jésus; refuge de mon âme’; se rencontrer ici avec Christ,
et là avec le diable; et, le nom de Dieu encore sur les lèvres,
applaudir à toutes les oeuvres ténébreuses de Satan! Ah! pécheurs,
pécheurs, pécheurs! prenez garde, prenez garde, je vous en conjure!
Que chacun de nous interroge son coeur, pour s’assurer si, jusqu’à
présent, il ne s’est point séduit lui -même. Et veuille le Seigneur
illuminer notre entendement, afin que nous soyons parfaitement au clair
sur cet important sujet. Disons -lui tous ensemble: O Dieu fort, sonde
-moi et considère mon coeur; éprouve -moi, et considère mes discours;
et regarde s’il y a en moi aucun mauvais dessein, et conduis -moi par
la voie du monde. {#Ps 139:23,24}
Je termine; mais auparavant il faut que je te dise aussi un mot, à toi,
mon cher auditeur, qui en cet instant même te dis avec une joie
maligne: « A la bonne heure! les faux dévots ont eu leur compte
aujourd’hui! Quant à moi, je suis hors de cause; je ne fais point
profession de piété; nul ne pourrait me traiter d’hypocrite. J’en suis
fort aise, mon ami, et je t’en félicite. Toutefois, ne va pas
t’imaginer que tu sois beaucoup plus avancé pour cela.
Supposons que deux hommes soient conduits devant la justice, et que
l’un d’eux, feignant la juste indignation de la vertu calomniée,
s’écrie: « Je suis un honnête homme, je proteste de mon
innocence! » Néanmoins, malgré ses dénégations, on acquiert la
certitude qu’il est coupable du crime dont on l’accusait, et on le
condamne. Vient le tour du second inculpé. « M. le juge, commence
-t -il, je reconnais que je suis coupable; j’ai toujours été un
scélérat et le serai toujours; je n’ai aucune prétention à la vertu.
»
Penses -tu, mon cher auditeur, que le juge fasse grâce à ce dernier, en
raison de son effronterie? Assurément non. De même, si tu dis en ton
coeur: « Je n’ai aucune prétention à la piété, donc je n’ai rien
à craindre », sache que tu t’abuses étrangement; et permets -moi
de te dire que si c’est une chose terrible que de vouloir se faire
passer pour chrétien alors qu’on ne l’est pas, c’est une chose non
moins terrible que de vivre, le sachant et le voulant, en dehors de
toute piété. A ton tour, prends donc garde de ne pas te faire illusion.
Ce qu’il nous faut à tous, sans exception, c’est un nouveau coeur et un
esprit droit; sinon, que nous soyons formalistes ou que nous ne le
soyons pas, nous périrons infailliblement.
Oh! puisse Dieu nous accorder la grâce, aux uns et aux autres, de crier
à lui et d’implorer son pardon! Puisse -t -il nous aider à nous
repentir de nos péchés et à placer notre confiance simplement et
entièrement en notre Seigneur Jésus -Christ! Alors, nous serons sauvés
dès ici -bas, et sauvés pour l’éternité.