143 - LA PREMIÈRE PRIÈRE DE SAINT PAUL
Car voilà, il prie. {Actes 9:11}
Le Seigneur a bien des manières d’éteindre la persécution. Jamais il ne
souffrira que son Église soit vaincue par ses ennemis ou anéantie par
ses adversaires; et les moyens ne lui manquent pas pour détourner les
coups des méchants, ou même, au besoin, pour renverser leurs desseins
de fond en comble.
Parmi, ces moyens, il en est deux qu’il emploie d’ordinaire: il confond
le persécuteur, ou bien, dans sa miséricorde, il le convertit. Tantôt
le Dieu fort sème le trouble et la confusion dans le camp de ses
ennemis, il frappe de vertige les enchanteurs et d’impuissance les
magiciens; à celui qui ose lui faire la
guerre, il permet de courir à sa perte; puis il jette un regard de
triomphante dérision sur le misérable insensé qui avait espéré de dire
Aha {#Ps 35:21} à l’Eglise de Dieu. Mais parfois aussi il convertit le
persécuteur; d’un antagoniste déclaré, il se fait un ami; d’un fougueux
adversaire de l’Evangile, il fait un ardent soldat de la croix.
Du sein des ténèbres, il tire la lumière; de celui qui dévorait, il
fait sortir le miel; des coeurs les plus durs, il suscite des enfants à
Abraham. Tel fut le cas de Saul de Tarse. Un fanatique plus exalté ne
saurait se concevoir. Le sang du fidèle Etienne avait rejailli sur lui;
car si complaisante, si officieuse était sa cruauté, que tandis qu’on
lapidait le premier martyr, il gardait les vêtements de ses bourreaux.
Vivant à Jérusalem, élève dans la savante école de Gamaliel, Saul se
trouvait journellement en contact avec les disciples de l’Homme de
Nazareth. En rencontrait -il dans les rues, il les insultait et les
couvrait d’injures; bien plus; :il obtint contre eux des mandats
d’arrêt et les fit mettre à mort. Et maintenant, pareil à une bête
féroce qui a goûté le sang, le jeune Pharisien ne respire plus que
carnage; sa fureur est à son comble; et, pour couronner dignement son
oeuvre homicide, il part pour Damas, afin de se saisir de tous les
chrétiens, soit hommes, soit femmes, qu’il trouvera dans cette ville;
il les amènera liés à Jérusalem, et assouvira la soif sanguinaire qui
le dévore, en leur faisant subir la peine due, suivant lui, à leur
abominable hérésie. Mais, ô merveille de la puissance de Dieu! Jésus
arrête ce forcené dans sa course insensée. Juste au moment où, la lance
en arrêt, il va fondre sur Christ, Christ le rencontre, le terrasse, le
renverse, puis lui adresse, cette question: « Saul, Saul,
pourquoi me persécutes -tu? » Ensuite, ce charitable Sauveur
daigne lui ôter son coeur rebelle; il lui donne un nouveau coeur et un
esprit droit, - change complètement ses vues et ses projets, - le
conduit à Damas, - le tient prosterné à ses pieds pendant trois nuits
et trois jours, - parle à son âme, - lui fait entendre des sons
mystiques, des paroles ineffables, embrase son coeur tout entier de la
sainte flamme de l’amour; et lorsque enfin le futur Apôtre des Gentils,
sortant de sa longue extase, commence à prier, Jésus descend aussitôt
du ciel, apparaît en vision à Ananias, et lui dit: « Lève -toi,
et t’en va dans la rue appelée la Droite, et cherche dans la maison de
Judas, un nommé Saul de Tarse; CAR VOILA, IL PRIE. »
Ces dernières paroles, mes frères, sont d’abord L’ANNONCE D’UN FAIT DE
HAUTE IMPORTANCE: « Voilà, il prie! » et, en second lieu,
UN ARGUMENT présenté par le Seigneur à Ananias: « Car voilà, il
prie. » - Je me propose de considérer tour à tour mon texte sous
ces deux aspects; ensuite j’essaierai d’en faire L’APPLICATION à vos
coeurs: il est vrai, qu’à bien parler, Dieu seul peut accomplir cette
dernière tâche:; toutefois, j’ose espérer qu’il voudra bien se servir
de la prédication de ce jour, pour vous disposer à recevoir les
instructions que sa Parole va vous donner.
Je le répète, ces mots du seigneur à Ananias « Va et cherche un
nommé Saul, de Tarse, car voilà, il prie », étaient L’ANNONCE:
D’UN FAIT DE HAUTE IMPORTANCE. Et remarquez, en premier lieu, que ce
fait était connu de Dieu lui -même. Saul fut conduit par l’influence de
l’Esprit saint à désirer la grâce divine; et du moment qu’il commença à
prier, Dieu commença à écouter sa voix.
N’avez -vous point été frappés, mes chers amis; en lisant les paroles
du Seigneur à Ananias, des détails si minutieux dans lesquels il entre
relativement à Saul? Evidemment celui -ci était l’objet de son intérêt
tout particulier. Jésus connaît la rue où il loge: « Va dans la
rue appelée la Droite. » Il connaît la maison où il habite:
« Cherche dans la maison de Judas. » Il sait son nom, il
sait même de quel pays il est originaire: « Cherche un nommé
Saul, de Tarse. » Enfin, il sait qu’il est présentement en
prière: « Voilà, il prie. »
- Oh! qu’elle est réjouissante: la pensée que Dieu s’occupe ainsi avec
la plus tendre sollicitude de toute âme qui s’approche de lui! Voici un
pauvre pécheur, contrit et humilié; il se retire dans la solitude de sa
chambre, il fléchit le genou devant Dieu; l’angoisse de son coeur brisé
ne se traduit peut -être que par des larmes et des soupirs …
Mais, ô prodige! ces soupirs de contrition ont fait vibrer toutes les
harpes du paradis! ces larmes de repentir ont été recueillies par le
Seigneur et seront conservées à toujours dans l’urne lacrymatoire du
ciel!
Le plus humble suppliant, celui -là même qui n’ose formuler une
requête, est compris par le Très -Haut. Il peut n’offrir à Dieu qu’une
larme furtive, qu’une larme timide, mais qu’importe? une larme n’est
-elle pas souvent la plus éloquente des prières? Les larmes d’une
sincère pénitence sont les diamants du ciel. Les gémissements de coeurs
humiliés viennent se joindre, comme autant de notes mélodieuses, à la
sublime harmonie qui retentit nuit et jour devant le trône de Jéhovah.
Oh! mes bien -aimés, ne comprenez -vous pas tout ce qu’il y a de doux
et d’encourageant dans la pensée que Dieu prend garde aux prières des
fils des hommes! Peut -être quelques -uns de vous se sont -ils, dit
plus d’une fois:
« Sûrement, je suis un être trop insignifiant, trop coupable et
trop vil pour que Dieu daignât faire attention à moi, alors même que
j’essaierais de chercher sa face. » Mes amis, chassez loin de
vous des idées aussi impies, - aussi païennes, dirai -je. Notre Dieu
n’est pas un Dieu qui vit plongé dans un songe perpétuel, ou qui
s’enveloppe d’épaisses ténèbres en sorte qu’il ne puisse voir. Il n’est
pas comme Bahal, qui n’entend point. « Il se peut,, il est vrai,
que les batailles, le tumulte de ce monde le laissent indifférent; il
ne se soucie ni de la pompe ni du fastueux étalage des rois; il ne
prête point l’oreille aux bruyantes fanfares de la musique guerrière,
et détourne ses yeux des scènes de triomphe et de gloire humaine.
Mais partout où un coeur souffre et gémit; partout où un oeil s’élève
au ciel, voilé de pleurs; partout où des lèvres tremblantes murmurent
une prière; partout où retentit un amer soupir ou un sanglot de
componction, - là Jéhovah prend plaisir à regarder. Il s’approche; il
prête l’oreille; il inscrit les prières de l’âme pénitente dans un
registre; il les dépose, comme des fleurs sèches, dans son livre de
mémoire, et quand, au dernier jour, le livre sera ouvert, il s’en
exhalera un suave parfum. - Aie donc bon courage, pauvre pécheur qui te
repens! Fusses -tu même le plus indigne, le plus vil des criminels, le
Seigneur entend ta requête; et il dit de toi ce qu’autrefois il disait
de Saul, de Tarse: « Voilà, il prie! »
Où as -tu prié ce matin, mon frère? Est -ce dans une grange? ou dans
ton cabinet? ou à côté de ton lit? ou bien peut -être dans ce lieu de
culte? Je ne sais, mais Dieu le sait! - Et à présent encore ton oeil
humide ne s’élève -t -il pas vers le ciel? Dis, pauvre coeur troublé,
n’entends -je pas sortir de tes lèvres, en cet instant même, ce cri
d’angoisse: « O Dieu, sois apaisé envers moi qui suis pécheur?
» S’il en est ainsi, mon frère; sois -en certain, Dieu a déjà ouï
ta voix.
- Qui n’admirerait la merveilleuse célérité avec laquelle le fluide
électrique transmet les messages que l’homme lui confie? Et pourtant la
Parole de mon Dieu me fait connaître un moyen de communication qui
dépasse infiniment en vitesse l’électricité même c’est la prière:
« AVANT qu’ils crient, je les exaucerai, a dit l’Eternel, et
LORSQU’ILS PARLERONT ENCORE, je les aurai déjà entendus (Ésaïe, 55: 24).
Paul éprouva la vérité de, cette glorieuse promesse; et toi de même,
n’en doute pas, ô pécheur, tu es entendu par Celui qui est assis sur le
trône.
Mais le fait annoncé dans mon texte n’était pas seulement connu de
Dieu; il était encore, sans, nul doute, le sujet d’une grande joie dans
le ciel. « Voilà! dit Jésus, il prie! » Ne sent -on pas que
cette parole du Sauveur était un cri d’allégresse? Une seule fois nous
lisons dans l’Evangile que Jésus tressaillit de joie dans son esprit ce
fut lorsque, élevant les yeux, il dit: « Je te loue, ô père,
Seigneur du ciel et de la terre, de ce que tu as caché ces choses aux
sages et aux intelligents, et que tu les a révélées aux enfants! Oui,
mon Père, cela est ainsi parce que tu l’as trouvé bon. »
Et à présent encore, rien ne réjouit le Pasteur de nos âmes comme de
voir ses brebis entrer dans son paisible bercail; il triomphe en esprit
lorsqu’une pauvre âme égarée en franchit le seuil. Oh! sûrement un
sourire, tel qu’il n’en existe qu’en paradis, dut illuminer le visage
de Jésus, quand il put dire à Ananias: « Voilà,. j’ai gagné le
coeur de mon ennemi, j’ai sauvé mon persécuteur; dans ce moment même,
il fléchit le genou devant mon marchepied: voilà, il prie! »
Jésus avait plus de joie pour cette brebis perdue et retrouvée que pour
quatre -vingt -dix -neuf autres qui ne s’étaient point égarées. - Mais
il n’était pas le seul à se réjouir; les anges partageaient son
allégresse. Si la voix de Jésus dirigeait le chant, tous les esprits
célestes s’y joignaient d’un même coeur.
Lorsqu’un élu de Dieu naît sur la terre, incontinent les anges
entourent son berceau. Il grandit, il se développe, et le péché se
développe avec lui. Il s’engage dans les sentiers de l’iniquité; son
ange l’y suit; il s’attache à ses pas, il contemple avec tristesse ses
égarements; une larme brille dans son regard quand celui qu’il aime
offense Dieu. Mais finalement cette âme est conduite à écouter
l’Evangile. L’ange l’observe avec bonheur; il veille, il attend.
Bientôt la Parole de Dieu pénètre dans la conscience du pécheur; le
voilà qui pleure et qui enfin murmure: « Seigneur, prends pitié
de moi! » Et soudain, l’ange déploie ses ailes, il remonte en
hâte vers les cieux. « Anges frères, écoutez tous! s’écrie -t -il
avec transport; je vous apporte une bonne nouvelle: Voilà, il prie, il
prie! Alors l’armée céleste éclate en chants de louanges; il y a fête
dans le séjour de la gloire; les voûtes du ciel retentissent de cris de
triomphe, car en vérité, je vous dis qu’il y a de la joie parmi les
anges de Dieu pour un seul pécheur qui s’amende. {#Lu 15:10}
Et outre les anges, mes chers amis, il se peut qu’il y ait dans le ciel
d’autres esprits qui se réjouissent de la conversion des pécheurs. Je
veux parler des esprits des justes arrivés à la perfection, de ceux qui
nous ont aimés ici -bas et qui nous ont devancés dans l’éternel repos.
Pour ma part, je ne compte que peu de parents dans le ciel, mais j’y ai
une vénérable aïeule que je chéris tendrement et qui m’entoura de soins
et d’affection pendant une partie de mon enfance. Quand elle était sur
la terre, elle priait pour moi; et il me semble que des demeures
éternelles où elle fut soudainement introduite, elle a dû suivre, du
regard son petit -fils bien -aimé à mesure qu’il avançait dans la vie.
Lorsqu’elle l’a vu cheminant dans les voies du péché et de la folie,
assurément elle n’a pu éprouver de la douleur - car il n’y a point de
larmes dans les yeux des saints glorifiés; - ni même du regret - car un
tel sentiment est inconnu devant le trône de Dieu: toutefois, quand
vint l’heure bénie, où, par un effet de la grâce souveraine, je fus
contraint à prier; où, seul en face de Dieu, je me prosternai et luttai
avec lui, alors, oh! alors, ne passa -t -il pas sur son visage béatifié
comme un éclair, d’une joie nouvelle, et ne dut -elle pas, elle aussi,
s’écrier avec ravissement: « Voilà, il prie, il prie? » Il
lui sembla en cet instant, j’imagine, qu’elle jouissait d’une double
portion de félicité; elle crut posséder deux ciels, - un en moi et un
en elle -même.
- Et toi, mon jeune auditeur, n’as -tu pas aussi un être aimé dans la
gloire? Ta mère peut -être parcourt à cette heure les rues pavées d’or
du paradis; peut -être te regarde -t -elle à l’instant où je te parle.
Enfant, elle t’a nourri de son lait, elle t’a porté sur son sein, elle
t’a consacré à Jésus -Christ. Du ciel où elle est maintenant, elle te
contemple avec ce degré d’intense anxiété qui est compatible avec le
bonheur. Parle, jeune homme, que se passe -t -il dans ton âme,? Entends
-tu la voix de Christ, qui te dit au moyen de son Esprit: « Venez
à moi? » Verses -tu des larmes d’une vraie repentance? Oh! s’il
en est ainsi, je me représente ta mère répétant, à son tour, le coeur
débordant de béatitude: « Il prie, il prie! » Je la vois
qui s’incline une fois de plus devant le trône de Dieu, en lui disant,
avec l’accent d’une indicible reconnaissance: « Je te rends
grâces, ô toi, Etre tout bon, de ce que l’enfant que tu m’avais donné
sur la terre, est devenu ton enfant pour l’éternité! »
Mais s’il est dans le ciel des saints glorifiés qui plus que tous les
autres saluent avec joie la conversion des pécheurs, sans contredit ce
doit être ceux qui furent ici -bas de fidèles, de véritables ministres
du Seigneur. Oh! mes chers amis, vous ne pouvez savoir combien un
véritable ministre de Dieu aime vos âmes! Peut -être pensez -vous que
c’est chose facile de monter en chaire et de prononcer un sermon. Si
c’était là tout, Dieu sait qu’en effet notre tâche nous semblerait bien
aisée; mais lorsque nous vous voyons devant nous, et que nous songeons
que de nos paroles dépendent en quelque mesure votre salut ou votre
perdition éternelle; - lorsque nous réfléchissons que si nous sommes es
sentinelles infidèles, Dieu redemandera votre sang de nos mains; -
lorsque nous pensons aux centaines, aux milliers d’âmes qui nous ont
déjà entendus et auxquelles peut -être nous avons souvent parlé comme
nous n’aurions pas dû le faire; - quand, dis -je, nous nous souvenons
de ces choses, oh! bon Dieu! notre âme est saisie de frayeur, nous
frémissons et nous tremblons!
Luther avait coutume de dire qu’il pouvait affronter sans crainte ses
ennemis, mais que jamais il ne montait en chaire sans que ses genoux se
heurtassent l’un contre l’autre. Ah! mes frères, sachez -le, la
prédication de l’Evangile n’est pas un jeu d’enfant. Ce n’est point une
chose qui se puisse accomplir sans préparation ou sans anxiété: c’est
au contraire une tâche solennelle, une tâche terrible, lorsqu’on
l’envisage dans ses rapports avec l’éternité. Si vous saviez comme le
serviteur de Christ prie pour vous! Allez écouter le dimanche soir sous
la fenêtre de son cabinet; vous l’entendrez gémir amèrement, parce que
sa parole n’a pas été plus fidèle; vous l’entendrez criant à Dieu, dans
l’angoisse de son coeur: « Qui a cru à notre prédication, et à
qui le bras de l’Eternel a -t -il été révélé? »
Mes bien -aimés, quand nous voyons une âme parvenir à la connaissance
du Seigneur, nous éprouvons un sentiment que je ne saurais mieux
comparer qu’à celui d’une personne qui aurait sauvé un de ses
semblables sur le point de se noyer. Voyez ce malheureux qui se débat
contre les flots; il enfonce, il disparaît, il va périr! Mais à ce
moment, je m’élance à son secours, je le saisis d’une main ferme je
nage avec lui vers la terre, je le dépose sur le rivage. Le médecin
arrive; il l’examine, le touche, mais il secoue la tête et dit «
Je crains qu’il n’ait cessé de vivre. » Oh! alors avec quelle
anxiété je me penche sur cet homme que j’ai essayé d’arracher à la
mort! Comme mon coeur bat avec force tandis que je place mon oreille
sur sa poitrine et devant sa bouche! A la fin, je m’écrie: « Il
respire! il respire! il est sauvé! »
Quelle douceur dans cette pensée! Combien je me sens heureux. Ainsi en
est -il de tout fidèle ministre de Christ. Dès qu’il s’aperçoit qu’une
âme de son troupeau commence à prier, il se dit avec une sainte
émotion: « Elle respire, elle n’est pas morte; elle est vivante!
» Et il peut tenir ce langage en toute assurance, car une âme qui
prie réellement montre par là qu’elle n’est plus morte dans ses fautes
et dans ses péchés, mais qu’elle a été vivifiée par la puissance de
l’Esprit. Or, si le salut des pécheurs cause dès ici -bas au
prédicateur de l’Evangile une joie à nulle autre pareille, que sera
-ce, je le demande, si des tabernacles célestes il lui est donné de
voir une âme qu’il a disputée à la mort éternelle prosternée devant
Dieu? Oh! sûrement son coeur bondira au -dedans de lui; il frappera des
mains en signe de réjouissance quand il pourra s’écrier: « Voilà,
le Seigneur me donne un fils! Voilà, il prie! »
Observez encore, mes frères, que l’événement dont parle mon texte, -
sujet de joie auprès de Dieu, - était un sujet d’étonnement sur la
terre. Je me représente Ananias élevant ses mains jointes vers le ciel,
au comble de la stupéfaction. Oh! mon Seigneur, dut -il:dire, est -ce
bien possible? Saul de Tarse serait -il en prière? Il n’est pas un
homme dans le monde que je me fusse moins attendu à voir invoquer ton
nom. »
Je ne sais ce qui en est de mes collègues dans le ministère, mais quant
à moi, je l’avoue, j’éprouve fort souvent des impressions analogues à
celles que ressentit Ananias dans cette circonstance. Ainsi, par
exemple, il m’arrive quelquefois de regarder avec satisfaction tels ou
tels de mes auditeurs et de me dire: « Voilà des personnes bien
disposées; je crois que je les gagnerai; certainement une bonne oeuvre
se poursuit en elles, et bientôt je les entendrai raconter ce que le
Seigneur a fait pour leurs âmes. » Toutefois, au bout de quelque
temps, je ne vois plus ces personnes; elles disparaissent de nos
saintes assemblées, elles retournent vers le monde. Que fait alors mon
bon Maître? Au lieu de ces âmes sur lesquelles je comptais, il m’en
envoie dont je n’espérais rien; il convertit un homme perdu de moeurs,
un pécheur scandaleux peut -être, à la louange de la gloire de sa
grâce. Alors c’est à mon tour de lever mes mains en haut, disant comme
Ananias: « Seigneur, est -il bien possible? »
Je me rappelle un fait de cette nature qui s’est accompli il y a peu de
temps. Un marin d’une soixantaine d’années entra un dimanche dans une
chapelle. C’était un homme qui avait vieilli dans le vice; il était
adonné à la boisson et semblait trouver une jouissance particulière à
prononcer des imprécations et des blasphèmes. Le prédicateur avait
choisi pour texte de son discours cette portion de l’Evangile qui nous
montre Jésus pleurant sur Jérusalem. Le marin écoute, et bientôt il se
demande: « Quoi, se pourrait -il que Jésus -Christ eut pleuré sur
un misérable tel que moi? » Il se sentait si indigne qu’il
n’osait croire à tant d’amour. Cependant, à l’issue du service, il va
trouver le ministre: « - Monsieur, lui dit -il, voilà soixante
ans que je navigue sous le pavillon du diable: il est temps que je
change de patron. Je voudrais couler bas le vieux navire et m’embarquer
à bord d’un nouveau, où j’arborerai pour toujours les couleurs du
Prince Emmanuel.
Et à partir de ce moment, cet homme devint un homme de prières, marchant en toute intégrité devant Dieu!
- C’est ainsi, mes frères, que Dieu choisit souvent les derniers des
pécheurs pour en faire des monuments de sa grâce. II semble se plaire à
déjouer nos prévisions. Parfois, il passe à côté d’un diamant sans y
prendre garde, et il ramasse le caillou du chemin. De pierres de nulle
valeur, il fait naître des enfants à Abraham. Le Seigneur est plus
habile que le plus habile chimiste; car non seulement il sait raffiner
l’or, mais il transforme en or fin un vil métal. Il prend les êtres les
plus souillés, les plus méprisables, et les façonne en héritiers du
ciel. Ils sont pécheurs et il les nettoie; ils sont impurs et il les
sanctifie.
Oui, étonnante, merveilleuse, était la conversion de Saul de Tarse;
mais, à tout prendre, mes bien -aimés, votre conversion ou la mienne
sont -elles donc moins étonnantes? Si on vous eût dit, il y a quelques
années, que vous vous joindriez à une Eglise et que vous seriez comptés
au nombre des enfants de Dieu, qu’auriez -vous répondu, je vous le
demande? « Impossible! absurde! vous seriez -vous écriés; nous,
devenir méthodistes? non, jamais! Qu’avons -nous à faire de la
religion? Nous voulons continuer à penser et à agir, comme bon nous
semble. » N’est -ce pas là, mes amis, le langage que vous et moi
aurions tenu? Comment donc se fait -il que nous soyons aujourd’hui ce
que nous sommes? Lorsque nous réfléchissons à la transformation
complète qui, s’est opérée en nous, ne nous paraît -il pas que nous
rêvons? Dieu a laissé bien des membres de nos familles qui valaient
mieux que nous, et pourquoi nous a -t -il choisis? Oh! n’est -ce pas
une chose étrange, une chose inouïe? Et ne pourrions -nous pas, comme
Ananias, nous écrier, avec un geste d’étonnement: « Voilà, c’est
un miracle sur la terre! c’est un prodige dans le ciel! »
Enfin remarquez, mes chers auditeurs, que le fait exprimé par ces
simples mots: « Voilà, il prie », était sans précédent dans
la vie de saint Paul. Il est vrai que le jeune Pharisien avait eu
coutume de monter régulièrement au temple deux fois le jour, à l’heure
de la prière. L’y eussiez -vous accompagné, vous l’auriez entendu très
certainement prononcer d’éloquentes oraisons, dans le genre de celles
-ci: « O Dieu, je te rends grâces de ce que je ne suis pas comme
le reste des hommes je ne suis ni un ravisseur ni un péager; je jeûne
deux fois la semaine, je donne la dîme de tout ce que je possède. {#Lu
18:11,12} » Oh! oui, sans nul doute, vous l’auriez entendu
haranguer le Seigneur en termes pompeux et magnifiques. Néanmoins, il
est dit expressément dans mon texte,: « Voilà, il prie. »
Eh … quoi! Saul n’avait -il donc jamais prié auparavant? Non,
mes frères, jamais. Le culte qu’il avait offert à Dieu pendant toute sa
vie ne comptait pour rien: par le fait, ce n’était pas un culte.
J’ai ouï raconter qu’un vieillard auquel on avait enseigné dans son
enfance à dire à Dieu: « Seigneur, je te prie de bénir mon père
et ma mère », continua à répéter machinalement ces mêmes paroles
pendant soixante -dix années de sa vie, c’est -à -dire bien longtemps
après que ses parents furent morts. Au bout de ce temps, il plut à
Dieu, dans son infinie miséricorde, de toucher le coeur de ce
vieillard: il reconnut son inconcevable aveuglement; il comprit que
malgré son attachement routinier à certaines formes, il ne s’était
jamais sérieusement approché de Dieu: il avait récité prières sur
prières, mais jamais il n’avait prié,
- Il en était de même de Saul. Le culte qu’il avait rendu à Dieu
n’avait été qu’une dérision; ses longues prières, que vaines redites.
Mais enfin, de son cœur humilié s’échappe une sincère invocation, et
c’est alors que Jésus lui rend ce témoignage: « Voilà, il prie!
»
Voyez -vous cet homme qui essaie d’obtenir une audience de son
Créateur? Il dépose une pétition en vers latins au pied du trône du
Tout -Puissant; mais Dieu. reste impassible il s’enveloppe dans une
calme indifférence. Alors le suppliant s’y prend, d’une autre manière;
il se procure un livre, et, s’agenouillant de nouveau, il lit la plus
belle, la plus vénérable, la meilleure des prières qui ait jamais été
composée; mais le Très -Haut ne prend point garde à ce froid et creux
formalisme. A la fin, le pauvre pécheur jette le livre de côté, oublie
son latin, et s’écrie avec larmes: « O Seigneur, écoute -moi pour
l’amour de Christ! » Aussitôt Dieu répond: « Je t’écoute,
pauvre âme angoissée; j’ai entendu ta voix; voilà la grâce que tu
cherchais. »
- Mieux vaut une seule prière sentie que dix mille prières formalistes;
mieux vaut un simple élan de l’âme que les plus sublimes formules des
livres. Toute prière qui ne part que des lèvres ou de l’intelligence
est en abomination devant Dieu; celles -là seules qui jaillissent du
plus profond du coeur lui sont agréables. Ah! mes chers auditeurs, vous
le dirai -je, au risque de vous scandaliser? Je crains qu’il n’y ait
parmi vous des centaines d’âmes qui n’ont pas réellement prié une seule
fois dans leur vie … .. Et que comptez -vous faire, je vous
le demande, quand il vous faudra mourir? Pensez -vous entrer au ciel
sans prière? Funeste illusion! On l’a dit: « La prière est le mot
d’ordre du chrétien mourant »; si donc, ce mot d’ordre, vous ne
le possédez pas, vous serez bannis pour toujours de la présence de
Dieu.
II
Mais, comme je l’ai dit en commençant, si mon texte est l’annonce d’une
grande nouvelle, il est aussi UN ARGUMENT présenté par le Seigneur à
Ananias. - Et d’abord c’était un argument bien propre à rassurer
Ananias. Naturellement, la mission qui lui était confiée inspirait à
celui -ci des inquiétudes pour sa sûreté personnelle; il lui semblait
qu’en allant vers Saul, il se jetait, pour ainsi dire, dans la caverne
d’un lion. « Certainement, pensait -il, puisque je suis un
disciple de Christ, Saul de Tarse se saisira de moi et m’amènera à
Jérusalem. » Alors voici, le Seigneur lui dit: « Il prie l
» et à l’instant toute appréhension s’évanouit de son coeur.
« Cela suffit, Seigneur, dut -il répondre avec joie; si Saul
prie, je n’ai rien à craindre. »
- Et vous de même, mes chers auditeurs, soyez assurés que vous n’avez
rien à craindre d’un homme de prières. Je ne sais comment expliquer ce
fait, mais il est positif que les incrédules mêmes entourent le fidèle
chrétien d’une certaine vénération. Un maître impie aime pourtant à
avoir à son service un domestique pieux; tout en méprisant la religion
pour lui -même, il l’estime dans son serviteur, et, s’il prie, il lui
accordera une confiance particulière. Il est vrai que de nos jours,
hélas! il est des gens qui se font passer pour des hommes de prière et
dont la conduite prouve que leurs prétentions ne sont que feinte et
mensonge. Il va sans dire que je ne parle point de ceux -là: mais quant
aux âmes qui prient dans le vrai sens du mot, ne craignez pas, je le
répète, de placer en elles une confiance sans bornes.
Qui s’entretient avec Dieu en secret, se conduit droitement en public.
Qui s’approche souvent du trône de la grâce, offre toute garantie. Il
me souvient d’avoir entendu raconter un fait qui confirme ce que
j’avance d’une manière bien remarquable. Deux touristes parcouraient
ensemble les montagnes de la Suisse. A la nuit tombante, ils se
trouvèrent au milieu d’une forêt, où ils ne tardèrent pas à apercevoir
une petite hôtellerie, d’assez triste apparence. L’un des voyageurs,
incrédule déclaré, dit à son compagnon qui était chrétien: - «
L’aspect de cette maison ne me plaît pas; je crois qu’il serait
imprudent de nous y arrêter. - Entrons toujours, répliqua l’autre; nous
verrons mieux ce qui en est. » Ils y entrèrent en effet; mais
l’intérieur de la maison leur sembla non moins suspect que l’extérieur.
Leur malaise allait croissant, quant tout à coup le maître du logis
leur dit: « Messieurs, j’ai l’habitude de lire la Bible et de
prier chaque soir avec ma famille; me permettez -vous d’accomplir
aujourd’hui cet acte de dévotion en votre présence? Certainement; avec
le plus grand plaisir! » s’écrièrent les voyageurs.
Après le culte, chacun gagna sa chambre. « Je suis complètement
rassuré », dit tout bas l’incrédule à son compagnon. - Pourquoi
cela? demanda celui -ci. - Parce que notre hôte a prié. - Ah! il
paraît, repartit le chrétien, qu’après tout vous faites quelque cas de
la religion: parce qu’un homme prie, vous pouvez dormir tranquille chez
lui. » - Et bien doux fut cette nuit -là le sommeil des deux
voyageurs; car ils sentaient que dans une maison qui avait pour toit la
prière et pour murailles la piété, aucun être humain ne pouvait songer
à leur nuire.
- Vous le voyez, mes frères, il n’était pas d’argument plus propre à
apaiser les craintes d’Ananias que celui exprimé par ces simples mots:
Voilà, il prie.
Mais il y a plus. Ces paroles étaient encore un argument tout -puissant
en faveur de la sincérité de Paul. La prière particulière est, sans
contredit, la meilleure pierre de touche d’une sincère piété.
Si Jésus avait dit à Ananias: « Voilà, Saul prêche »,
Ananias aurait été en droit de répondre: « Seigneur, il peut
prêcher, tout en n’étant qu’un hypocrite. » Si Jésus avait dit:
« Voilà, il assiste à une. assemblée de l’Eglise », Ananias
aurait pu répliquer: « Seigneur, il peut s’y être glissé comme un
loup en habits de brebis. » Mais au lieu de cela, que lui dit son
Maître? « Voilà, Saul prie. » Dès lors, Ananias est
convaincu de la sincérité du nouveau converti.
- Et aujourd’hui comme alors, mes chers amis, la prière secrète, la
prière individuelle est la plus sûre garantie de la sincérité d’une
âme.
Pour ma part, lors qu’un jeune chrétien vient me consulter au sujet de
son état spirituel, et qu’il m’entretient de ce qu’il sent et de ce
qu’il fait, le plus souvent je coupe court à la conversation en lui
disant: « Agenouillez -vous et priez. » D’ordinaire il
s’excuse, mais j’insiste. Enfin, il se prosterne, il gémit, il pleure;
les paroles lui manquent, et ce n’est qu’au bout d’un certain temps
qu’il parvient à balbutier d’une voix tremblante: « Seigneur, aie
pitié de moi, qui suis le plus grand des pécheurs! » Les
impressions religieuses de mon jeune frère m’inspirera déjà plus de
confiance; mais si je pouvais l’accompagner chez lui, s’il m’était
donné de le voir prosterné dans la solitude et répandant son âme devant
Dieu, oh! c’est alors que je me sentirais sûr qu’une bonne oeuvre est
commencée en lui, - car celui -là est un vrai chrétien qui prie en
particulier.
Le fait seul que vous lisez chaque jour dans un livre de dévotion ne
prouve pas le moins du monde que vous soyez un enfant de Dieu; mais, je
le répète, si, dans le secret de votre cabinet, vous priez de tout
votre coeur, on peut dire, sans crainte de se tromper, que votre piété
est sincère. Un peu de sincère piété vaut mieux que des montagnes de
formalisme. La piété du chez soi est la meilleure piété; la prière
secrète est la meilleure prière.
De deux choses l’une: ou la prière vous fera renoncer au péché, ou le
péché vous fera renoncer à la prière. - Mais l’on peut se tromper soi
-même, tout en étant sincère; Paul ne se trompait pas; et la preuve,
c’est que le Seigneur pouvait dire de lui: « Voilà, il prie.
»
La prière du coeur, en effet, témoigne de la réalité de notre
conversion aussi bien que de notre sincérité. S’il me fallait résumer
toute la religion chrétienne en un seul, mot, je n’en choisirais pas
d’autre que celui -ci: La prière. Si l’on me demandait ce qui
constitue, à mon avis, l’essence même de la vie chrétienne, je
répondrais encore: La prière. Il faut nécessairement que l’âme ait été
convaincue de son péché avant d’avoir pu prier; il faut qu’elle ait eu
quelque espérance de pardon avant d’avoir osé s’approcher de Dieu. Par
le fait, dans la prière sont renfermées toutes les expériences, toutes
les vertus du chrétien. Dites moi seulement, mon cher auditeur, que
vous êtes un homme de prière, et je vous répondrai aussitôt: «
Dans ce cas, je n’ai aucun doute ni sur la réalité ni sur la sincérité
de votre religion. »
Une dernière remarque avant de quitter cette partie de notre sujet. Les
paroles que nous méditons étaient encore un argument qui établissait de
la manière la plus concluante l’élection de Paul. C’est ce que nous
montrent clairement les paroles qui suivent celles de mon texte:
« Cet homme est un instrument que j’ai choisi », (Ou, selon
d’autres versions, un vaisseau d’élite.)
- Je connais beaucoup de personnes pour qui la doctrine de l’élection
est un sujet de perpétuel tourment; souvent même il m’arrive de
recevoir des lettres où l’on me prend à partie, parce que je prêche
cette doctrine. Voici la seule réponse que j’aie à faire à cet égard.
L’élection est une vérité enseignée dans la Bible, si elle vous
déplaît, allez demander à mon Maître pourquoi il l’y a mise: quant à
moi, je n’y puis rien. Je ne suis qu’un serviteur, et je ne fais que
vous rapporter ce que j’ai reçu d’en haut. Si j’étais au service d’un
maître de la terre, je n’oserais altérer le message qu’il m’aurait
confié: il se trouve que je suis un ambassadeur du ciel, et malheur à
moi si je ne vous transmettais pas fidèlement le message du Seigneur!
Que si vous trouvez à redire à ce message, encore une fois, je n’y puis
rien: adressez -vous à qui de droit.
« Mais, dira quelqu’un, comment puis -je savoir si j’ai été
choisi de Dieu? Je crains de ne pas être au nombre des élus. » -
Pour te répondre, mon cher auditeur, permets -moi de te poser à mon
tour quelques questions. Pries -tu? Si l’on peut dire de toi: «
Voilà, il prie », certainement on peut aussi ajouter: «
Voilà un instrument choisi de Dieu. » - As -tu la foi? Si tu
l’as, tu es un élu. Tels sont les signes de l’élection. Si tu ne
possèdes, ni foi ni esprit de prière, tu n’as aucune raison de penser
que tu fais partie du peuple particulier de Dieu.
Mais gémis -tu de ne pas croire encore? Souhaites -tu d’aimer Christ? Y
a -t -il dans ton cœur - je ne dis pas un désir - mais la millième
partie d’un désir de t’approcher de Jésus? Et ce désir, tout faible
qu’il est, te porte -t -il à crier à Dieu avec ferveur et avec larmes?
S’il en est ainsi, ô mon frère, rassure -toi; ne crains pas de ne pas
être un élu; car de même que la prière de Paul était une marque
certaine de son élection, de même quiconque s’adresse à Dieu avec
sincérité, prouve par là qu’il a été élu avant la création du monde,
afin qu’il fût saint et irrépréhensible devant Christ, par la charité.
{#Eph 1:4}
III
Venons -en maintenant à L’APPLICATION. Je regrette, mes chers amis, de
ne pouvoir traiter convenablement un sujet aussi sérieux; toutefois, je
me console dans la pensée que mon glorieux Maître demande à chacun
selon ce qu’il a et non selon ce qu’il n’a pas. Je suis profondément
pénétré du sentiment de mon impuissance; je sais que je ne pourrai
parler à vos consciences d’une manière aussi solennelle que je devrais
le faire; quoi qu’il en soit, mon droit est auprès de l’Éternel, et mon
oeuvre est auprès de mon Dieu, et au dernier jour, il sera manifesté
que si je n’ai pas mieux rempli les devoir de mon ministère, j’ai
failli par faiblesse ou par erreur, mais non par un manque de cordiale
affection pour vos âmes.
Et d’abord je m’adresserai à mes frères dans la foi.
Ne voyez -vous pas, mes bien -aimés, leur dirai -je, qu’un esprit de
véritable et fervente dévotion est le plus sûr indice que nous sommes
de fils de Dieu? Cela étant, ne s’ensuit -il pas tout naturellement que
plus nous persévérerons dans la prière, plus nous jouirons de
l’assurance de notre salut? Peut -être quelques -uns de vous ont -ils
perdu dernièrement cette glorieuse assurance et la paix qui en découle;
ils ne savent plus s’ils sont, oui ou non, des enfants de Dieu leurs
âmes sont remplies de ténèbres. Mes frères, voulez -vous savoir où vous
avez perdu le témoignage de votre adoption? Je vais vous le dire: c’est
dans votre cabinet.
Toutes les fois qu’il y a affaiblissement de vie spirituelle chez un
chrétien, soyez sûrs que le mal a commencé là, et pas ailleurs. Je vous
parle, hélas! d’après mon expérience. Souvent je me suis éloigné de
Dieu: j’ai perdu pour un temps cette douce saveur de son amour que
j’avais goûtée autrefois; j’ai eu à m’écrier dans la tristesse de mon
âme: « Le Seigneur m’a -t -il rejeté pour toujours et ne
continuera -t -il plus à m’avoir pour agréable? » Je suis monté
dans la chaire de vérité, mais j’ai prêché sans feu et sans énergie.
J’ai ouvert la Bible, mais n’y ai point trouvé de lumière. J’ai voulu
entrer en communion avec Dieu, mais tous mes efforts ont été vains. Et
savez -vous quelle était la cause de ce déplorable état spirituel.?
J’avais prié avec mollesse et langueur. Oui, mes frères, me voici
devant vous, confessant mon péché; je reconnais que lorsque mon âme a
été en souffrance, j’avais à quelque degré négligé la prière.
O chrétiens! voulez -vous être heureux? Priez beaucoup. Voulez -vous
être victorieux du monde? Priez toujours davantage. Qui cesse de prier,
cesse de combattre. C’est la prière qui préserve de la rouille les
armes de l’enfant de Dieu. « Si les douze apôtres eux -mêmes
revenaient à la vie, disait un chrétien éminent, et que; pour jouir de
leurs entretiens, vous négligeassiez vos dévotions particulières, ils
auraient porté le plus grave préjudice à vos âmes. »
La prière est le navire qui revient au port chargé du plus riche fret;
c’est le terrain qui rapporte à celui qui le cultive la plus abondante
moisson. Mon frère, tu te plains de ne pas jouir d’une communion plus
intime avec Dieu; mais à qui la faute, je te le demande, si ce n’est à
toi, - à toi, qui le matin prends à peine le temps, avant de courir à
tes affaires temporelles, de prononcer, à la hâte, deux ou trois mots
de prière, et qui rentrant le soir fatigué de corps et d’esprit, n’as
pour ainsi dire, à consacrer à Dieu que les instants de rebut de ta
journée? - Et ce que dis aux individus, je le dis également aux
Eglises. Si aujourd’hui il y a si peu de vie dans nos troupeaux, c’est
parce qu’il n’y a pas plus de prières. Pour mon compte, j’ai la plus
triste opinion des Eglises qui ne prient pas. Si je vais le dimanche de
lieu, de culte en lieu de culte, je vois partout des auditoires
considérables mais si je vais dans la semaine aux réunions de prières,
je n’y trouve qu’une douzaine de personnes. Dieu peut -il nous bénir,
Dieu peut répandre son Esprit sur nous, tant que les choses sont en cet
état? Sans doute, il pourrait faire, mais ce ne serait pas selon
l’ordre de ses dispensations, car il dit expressément à Sion qu’elle
enfantera des fils quand elle sera en travail d’enfant {#Esa 56:8}
Mes frères, emportez dans vos cœurs cette pensée, qu’il nous faut plus,
de prières. Allez et dites à votre pasteur que son troupeau ne prie pas
assez. Engagez vos amis à prier avec vous.
Dussiez -vous même être seul, établissez une assemblée de prière; et si
on vous demande combien de personnes y assistaient, répondez sans
hésiter: « Nous étions quatre; car avec moi il y avait Dieu le
Père, Dieu le Fils et Dieu le Saint -Esprit, et nous avons joui
ensemble d’une riche et intime communion. » - Si nos Eglises ne
répandent devant Dieu comme des flots de supplications, je ne sais en
vérité ce qui adviendra d’elles. Oh! puisse le Seigneur nous réveiller
tous, et nous exciter à crier vers lui, car alors la victoire sera à
nous. Plût à Dieu, mes bien -aimés, que je pusse en cet instant même
ranimer dans vos coeurs, par ma parole, la flamme vacillante de la
lumière, en sorte, qu’en quittant ce lieu de culte, vous allassiez,
chacun de votre côté, incendier pour ainsi dire vos familles, vos
Eglises, vos alentours, jusqu’à ce qu’enfin l’Eglise de Christ tout
entière, gagnée de proche en proche par ce saint embrasement, et
s’offrant à Dieu en sacrifice vivant et saint, fît monter vers son
trône comme une fumée d’adorations et de louanges!
En résumé, mes frères, voici ce que je vous dis: Si vous priez, vous
avez dans ce fait même une preuve que vous êtes chrétiens; moins vous
priez, plus vous avez de raison de suspecter votre christianisme; et si
vous aviez eu le malheur de renoncer complètement à la prière, ce
serait un signe que votre âme a cessé de respirer, ou plutôt qu’elle
n’a jamais eu le souffle de la vie.
Mes dernières paroles sont pour les inconvertis.
Oh! pécheurs, que ne donnerais -je pas en cet instant, pour me trouver
ailleurs que dans cette chaire; car si c’est déjà une chose solennelle,
pour un prédicateur de l’Evangile, que de s’adresser aux croyants,
qu’est -ce donc que d’avoir affaire avec vous? D’un côté, nous
craignons de vous encourager par nos paroles à compter sur vos propres
forces, et de l’autre, nous tremblons à l’idée de vous laisser dormir
du fatal sommeil de l’indolence et d’une fausse sécurité. Je crois
qu’il n’est pas de fidèle ministre du Seigneur qui ne se sente parfois
embarrassé quant à la manière dont il convient de vous faire entendre
la vérité; - non pas que la nécessité de vous annoncer l’Evangile soit
pour nous un sujet de doute, mais nous voudrions pouvoir vous
l’annoncer de telle sorte que vos âmes fussent gagnées à Christ. Pour
ce qui me regarde personnellement, je puis me comparer avec vérité à
une sentinelle, qui, debout à son poste, est accablée de lassitude.
Avec quelle énergie sa volonté se débat contre l’infirmité physique qui
menace de la vaincre! Le souvenir de sa responsabilité l’excite à de
nouveaux efforts. Ce n’est pas le vouloir qui lui manque, c’est le
pouvoir. Et moi de même, sentinelle du Seigneur, je souhaite ardemment
d’être fidèle, mais en même temps le sentiment de mon incapacité pèse
lourdement sur moi. Oh! veuille le Saint -Esprit me venir en aide, et
non seulement à moi, mais à tous mes collègues dans le ministère, afin
que les uns et les autres nous nous appliquions à exalter, non point la
liberté humaine ou la justice propre, mais uniquement la grâce qui est
en Jésus!
Maintenant donc, ô pécheurs qui m’écoutez, je vous déclare hautement,
solennellement, qu’une âme qui ne prie point est une âme qui n’a point
Christ. Oui, j’en atteste le Dieu vivant, vous qui ne connaissez rien
de la prière du coeur, êtes encore sans Dieu,, sans espérance,
étrangers à la république d’Israël! Vous qui ne savez pas ce que c’est
que de gémir sur vos péchés, êtes complètement dépourvus de la piété
qui sauve! Et souffrez que je vous demande si vous avez jamais
sérieusement réfléchi à l’épouvantable état dans lequel vous vous
trouvez. Vous êtes éloignés du Seigneur; par conséquent le Seigneur est
irrité contre vous, car sa Parole nous déclare que le Dieu fort
s’irrite tous les jours contre le méchant. Oh! pécheur, lève tes yeux
en haut. Ne vois -tu pas le regard courroucé de l’Eternel qui te suit
en tous lieux? Oh! je t’en supplie, pour l’amour de toi -même, songe au
sort qui t’attend, si tu vis et meurs sans prière! Et ne te persuade
point que la misérable prière que tu comptes peut -être prononcer à ton
lit de mort te sauvera. De telles prières, je ne crains pas de dire,
sont, pour la plupart, de lugubres comédies, et rien de plus! c’est une
monnaie qui n’a pas cours dans le ciel, car elle est marquée au coin de
l’hypocrisie et faite de vil métal …
Mondains qui m’écoutez, prenez donc garde! Que ferez -vous quand la fin
viendra? Il serait à désirer pour vous que la mort fût un éternel
sommeil, - mais elle ne l’est point. L’enfer est une réalité, - réalité
plus terrible qu’on ne saurait dire! Je ne veux pas chercher à émouvoir
vos imaginations en vous décrivant les tourments des damnés: Dieu
veuille que vous ne les connaissiez jamais par expérience! Oh! qui
pourrait concevoir les souffrances de cet infortuné, qui, du milieu de
flammes dévorantes, s’écrie avec angoisse: « Que n’ai -je une
goutte d’eau pour rafraîchir ma langue! Voyez ses lèvres brûlantes, son
visage contracté par l’excès de sa douleur … Mais encore,
une fois, je ne veux point vous décrire cet horrible tableau. Qu’il me
suffise de te dire, pauvre pécheur, que l’enfer des enfers sera pour
toi la pensée de l’éternelle durée de ton supplice. Lorsque les damnés
élèvent leurs regards vers le trône de Dieu, ils voient inscrite sur ce
trône, cette irrévocable sentence.: POUR TOUJOURS! Lorsqu’ils secouent
les chaînes brûlantes de leurs tourments, ces chaînes mêmes leur
crient: POUR TOUJOURS! Lorsqu’ils poussent des hurlements de désespoir,
les échos infernaux leur répondent: POUR TOUJOURS! O lamentable pensée!
Etre en enfer, et y être pour l’éternité!
Mes frères, voulez -vous échapper aux peines éternelles, voulez -vous
être au nombre des bienheureux? sachez que la route du ciel ne se
trouve que par la prière. Invoquez le Seigneur Jésus, demandez le Saint
-Esprit, approchez -vous du trône de la grâce. Retournez; retournez; et
pourquoi mourriez -vous, ô maison d’Israël? Je suis vivant, dit
l’Eternel, que je ne prends point plaisir à la mort du pécheur, mais
plutôt qu’il se détourne de son mauvais train et qu’il vive. Le
Seigneur est miséricordieux et plein de compassion. Allons donc à lui
en disant: « Il guérira nos rébellions, il nous aimera de bon
cœur, il nous pardonnera abondamment, pour l’amour de son Fils. »
Oh! si je pouvais en ce jour gagner une seule âme, je serais satisfait.
Si j’en gagnais vingt, quelle ne serait pas ma joie! Plus j’attirerai
d’âmes à Christ, plus nombreuses seront les couronnes qui ceindront mon
front … .. Mais qu’ai -je dit? Non, Seigneur Jésus, elles ne
ceindront point mon front, car je les jetterai toutes à tes pieds, en
te disant: « Non point à moi; ô Eternel, non point à moi, mais
qu’à ton nom soit la gloire, aux siècles des siècles! »